N°8 - octobre 2022 (Postes et télécommunications électroniques)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / Banque / Concurrence / Contrats et obligations conventionnelles / Entreprises en difficulté (loi du 26 juillet 2005) / Impôt et taxe / Postes et télécommunications électroniques / Prescription civile / Référés / Sociétés commerciales).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°8 - octobre 2022 (Postes et télécommunications électroniques)

Communications électroniques - Nouvelle-Calédonie - Office public de télécommunications de la Nouvelle-Calédonie - Monopole - Etendue - Détermination - Fournitures de service de capacités de connectivité internationale

Concurrence - Autorité de la concurrence - Nouvelle-Calédonie - Procédure - Saisine - Recevabilité - Cas

Com., 22 juin 2022, pourvoi n° 20-22.438

Les articles 211-3 et 221-2 du code des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie (le CPTNC) confèrent-ils à l’Office des postes et des télécommunications de Nouvelle-Calédonie (l’OFT-NC) un monopole de droit sur le câble sous-marin international reliant la Nouvelle-Calédonie à d’autres pays?

De la réponse à cette question dépendait celle de savoir si l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie était compétente pour connaître d’une demande de mesures conservatoires dirigée contre l’OFT-NC, auquel était reproché un abus de position dominante.

Cette autorité avait, en effet, jugé qu’il existait un marché de gros des services de capacités de connectivité internationale, comprenant les services de transmission de communications électroniques extérieures à la Nouvelle-Calédonie principalement par câble sous-marin, et sur lequel l'OPT-NC était le principal opérateur, intervenant en tant qu'offreur et en tant que propriétaire de toutes les infrastructures de télécommunications internationales, dont un câble sous-marin. Elle avait également retenu que ce marché était ouvert à la concurrence, en ce que les dispositions du CPTNC ne conféraient pas expressément à l'OPT-NC des droits exclusifs pour la fourniture de services de capacités de connectivité internationale à haut débit par câble sous-marin. Elle en avait déduit qu’elle était compétente pour apprécier la conformité aux règles de la concurrence des décisions en cause prises par l'OPT-NC, en ce qu’elles étaient détachables de sa mission de service public. Elle avait prononcé des mesures conservatoires en l’état des pratiques reprochées à l’OPT-NC par la société requérante.

La cour d’appel de Paris, saisie d’un recours contre cette décision, l’a annulée et a déclaré irrecevables les demandes formées par la société requérante, considérant que l’OPT-NC était titulaire d’un monopole de droit sur l’exploitation des réseaux et services des télécommunications ouverts au public qui relèvent du service public des télécommunications en Nouvelle-Calédonie, que ce monopole s’étendait aux supports matériels de transmission parmi lesquels figurent les câbles sous-marins, et que, dès lors, l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie n’était pas compétente pour statuer sur la saisine en cause.

Dans son pourvoi, la demanderesse faisait valoir que les articles 211-3 et 221-2 du CPTNC ne conféraient aucun monopole de droit à l'OPT-NC s'agissant des activités qui relèvent du service public des télécommunications, et, en tout état de cause, que conformément à l'article 221-2 de ce code, ce monopole ne couvrait pas le marché des services de fourniture de connectivité internationale par câble sous-marin. Elle se prévalait de la lecture nécessairement restrictive à laquelle les textes en cause devaient donner lieu, en l’état de l’atteinte portée à la liberté du commerce et de l’industrie par toute autre interprétation.

La chambre commerciale n’a pas suivi cette thèse.

Elle a déjà jugé que les textes conférant un monopole légal doivent être interprétés strictement, en considération du principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Voir ainsi Com., 25 février 2003, pourvoi n° 00-21.615, Bulletin civil 2003, IV, n° 31, et Com., 25 février 2003, pourvoi n° 01-11.545.

Le principe d’une limitation du champ du monopole aux actes pour lesquels il est prévu a été également été affirmé par la chambre criminelle dans un arrêt du 29 juin 2021, publié (Crim., 29 juin 2021, pourvoi n° 20-83.292), relatif au monopole des masseurs-kinésithérapeutes, cette chambre jugeant que la loi avait clairement redéfini le champ d'intervention exclusif des masseurs-kinésithérapeutes, le limitant s'agissant des massages, à ceux à visée thérapeutique.

Dans l’affaire en cause, la cour d’appel avait d’abord estimé que, depuis le transfert de compétence dans le domaine des télécommunications résultant de l'article 22, 7°) de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le CPTNC, institué par délibération du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, constituait le seul texte pertinent pour trancher le litige. Elle avait ensuite relevé que l'article 211-3, 1°) de ce code affirme que le service public de télécommunications relève de la compétence exclusive de la Nouvelle-Calédonie et qu'il est assuré par l'OPT-NC. Elle avait retenu que ce texte désigne uniquement cet office pour assurer ce service ainsi que l'accès aux réseaux et services des télécommunications ouverts au public. Elle avait également analysé la portée de ce 1°) en contemplation du 2°) de ce même article, lequel renvoie, pour les activités de télécommunications qui ne dépendent pas de ce service public, aux règles du titre III de ce code qui prévoit, à l'article 231-1, que certaines de ces activités sont simplement soumises à autorisation du gouvernement, tandis que d'autres, énumérées à l'article 231-3, sont exercées librement, sans intervention de la part de l'OPT-NC. L’arrêt avait également procédé à la lecture combinée des 1°) et 2°) de l'article 211-3 et des articles 231-1 et 231-3 du CPTNC, pour en déduire que ces dispositions confèrent à l'OPT-NC, seul, l'exercice et l'exploitation des activités relevant du service public des télécommunications et n'autorisent l'intervention d'autres opérateurs que pour les activités ne relevant pas de ce service et énumérées au titre III. Enfin, la cour d’appel avait également relevé que le libellé de l'article 221-1 qui prévoit que « [l]e service public des télécommunications est assuré par l'office des postes et télécommunications dans le respect des principes d'égalité, de continuité, de neutralité et d'adaptabilité », n’envisageait pas d'autre opérateur que l’OFT-NC susceptible d'assumer cette charge.

La chambre commerciale a approuvé cette analyse conduisant à retenir que l'OPT-NC disposait d'un monopole de droit sur l'exploitation des réseaux et services des télécommunications ouverts au public qui relèvent du service public des télécommunications en Nouvelle-Calédonie et que, par conséquent, il disposait de droits exclusifs sur ces réseaux et services.

S’agissant de l’étendue de ce monopole fixée par l’article 221-2 du CPTNC, la chambre a également approuvé l’interprétation faite par l’arrêt attaqué de la notion de supports matériels de transmission de signaux qui y figure. La cour d’appel avait, à cet égard, retenu que ces termes désignaient une catégorie de support dont font partie les câbles sous-marins.

Ainsi, la lecture stricte des textes opérée par la cour d’appel, qui se distingue d’une interprétation restrictive restreignant contra legem le champ du monopole institué par ces textes, a-t-elle été validée par la chambre commerciale, conformément à sa jurisprudence antérieure.

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