N°8 - octobre 2022 (Concurrence)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Agent commercial / Banque / Concurrence / Contrats et obligations conventionnelles / Entreprises en difficulté (loi du 26 juillet 2005) / Impôt et taxe / Postes et télécommunications électroniques / Prescription civile / Référés / Sociétés commerciales).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°8 - octobre 2022 (Concurrence)

Autorité de la concurrence - Compétence - Analyse de la réglementation juridique afférente au secteur concerné - Limite - Appréciations scientifiques relevant d'une autorité sanitaire

Com., 1er juin 2022, pourvoi n° 19-20.999

Le soutien d’une thèse juridique erronée devant une autorité de santé en vue de retarder l’entrée sur le marché d’un médicament concurrent constitue-t-il de la part d’un laboratoire en position dominante sur le marché en cause, un abus de cette position ?

Saisie d’un pourvoi contre le rejet du recours formé contre une décision de l’Autorité de la concurrence ayant condamné un laboratoire pharmaceutique à une sanction pécuniaire pour avoir contrevenu aux articles 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union (TFUE) et L. 420-2 du code de commerce, la chambre commerciale a eu à résoudre, à cette occasion, plusieurs séries de questions nouvelles dans le domaine des abus de position dominante dits « réglementaires ».

La pratique avait consisté, pour le laboratoire condamné, à s’être, selon la décision attaquée, immiscé indûment dans la procédure nationale d'examen des demandes d'autorisation de mise sur le marché (AMM) portant sur les spécialités produites par un laboratoire concurrent, par une intervention estimée juridiquement infondée auprès de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (l'AFSSAPS), devenue depuis l'Agence nationale de sécurité du médicament, (l'ANSM), afin de convaincre cette dernière de refuser l'octroi, au niveau national, du statut de générique aux spécialités concurrentes, en dépit de l'obtention de ce statut au niveau européen.

Le laboratoire avait ainsi soutenu auprès de l’AFSSAPS la thèse selon laquelle une décision d’autorisation de mise sur le marché prise par la Commission européenne, au terme d’une procédure dite de reconnaissance mutuelle d’une spécialité ayant été mise sur le marché dans un Etat membre en qualité de générique après une procédure dite abrégée, qui a pour effet d’obliger l’autorité française à autoriser la mise sur le marché en France de la spécialité en cause, n‘entraînait pas en revanche l’obligation, pour cette autorité nationale, de qualifier ce médicament de médicament générique, au sens de la réglementation nationale. Partant, selon cette thèse, cette autorité nationale n’avait pas l’obligation d’inscrire la spécialité en cause sur le répertoire des médicaments génériques prévus à l’article L. 5121-10 du code de la santé publique, cette inscription ayant pour effet d’autoriser les pharmaciens d’officine à substituer, en cas de prescription du princeps, le médicament générique identifié sur ce répertoire.

Les questions portaient, d’abord, sur la compétence de l’Autorité pour interpréter certaines dispositions du code de la santé publique dont dépendait la caractérisation de l’abus de position dominante reproché au laboratoire, puis sur la sanction d’une méconnaissance de la procédure par les services de l’Autorité de la concurrence en matière d’information du ministre intéressé au sens de l’article L. 464-2 du code de commerce. Elles portaient ensuite sur l’interprétation des règles européennes et nationales en matière de reconnaissance de la qualité de générique à un médicament et leur articulation, puis, sur la caractérisation de l’abus, notamment en l’état de l’invocation, par les demanderesses au recours, de leur droit à la liberté d’expression, et, enfin, sur la possibilité, au regard du principe de légalité des délits et des peines, de sanctionner un comportement qualifié d’inédit.

Sur la première série de questions, il était reproché à la cour d’appel d’avoir validé un dépassement par l’Autorité de la concurrence de sa compétence, sous couvert du pouvoir de celle-ci d’interpréter les textes régissant l’activité des entreprises en cause, en l’espèce le droit du médicament, pour qualifier les pratiques qui lui sont soumises au regard du droit de la concurrence. Il était ainsi soutenu que l’appréciation du bien-fondé de l’argumentation juridique soutenue par le laboratoire auprès du directeur général de l’AFSSAPS au regard du droit du médicament ne pouvait être effectuée que par celui-ci et qu’en procédant à cette appréciation, l’Autorité s’était, au mépris de ses attributions définies par les articles L. 464-1 et L. 462-6 du code de commerce, prononcée, en réalité, sur les décisions de ce dernier qui avait fait droit à cette argumentation en différant l’inscription des spécialités en cause sur le répertoire national des médicaments génériques. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir elle-même violé le principe de la séparation des pouvoirs, dès lors que l’examen du bien-fondé de l’argumentation juridique soutenue par le laboratoire n’était pas détachable de l’appréciation du bien-fondé des décisions du directeur général de l’AFSSAPS, laquelle ne relevait que de la juridiction administrative. La jurisprudence de la Cour de justice (CJUE Hoffmann-La Roche, C-179/16, §§60 et 61) s’agissant de la répartition des compétences entre autorités de concurrence et autorités administratives spécialisées en matière de médicament, était également invoquée au soutien de l’analyse selon laquelle l’Autorité avait excédé sa compétence.

La chambre commerciale a jugé qu’il ressortait de l’analyse de la cour d’appel qu’aucune appréciation d’ordre scientifique n’était requise pour procéder à l’analyse du cadre juridique en cause et que l’Autorité ne s’était pas livrée à de telles appréciations, validant l’analyse de la cour d’appel selon laquelle seules ces dernières marquent, aux termes de la jurisprudence invoquée, la limite du pouvoir d’interprétation par les autorités de concurrence de la réglementation pharmaceutique. Elle a approuvé par conséquent l’arrêt attaqué qui avait estimé que l’Autorité de la concurrence était restée dans les limites de ses attributions et ne s’était pas prononcée sur la légalité de décisions relevant de la seule juridiction administrative. C’est sous le contrôle de la cour d’appel de Paris, puis, le cas échéant, de la Cour de cassation que l’Autorité de la concurrence procède, ainsi qu’elle en a l’obligation comme le rappelle régulièrement la Cour de justice, à l’analyse du cadre juridique régissant les divers secteurs dans lesquels interviennent les pratiques qui lui sont soumises, pour qualifier ces pratiques au regard du droit de la concurrence.

Sur la deuxième série de questions, il était reproché à la cour d’appel d’avoir refusé d’annuler la procédure devant l’Autorité de la concurrence, cependant que le ministre chargé de la santé, qui avait la qualité de ministre intéressé au sens de l’article L. 464-2 du code de commerce, n’avait pas été rendu destinataire du rapport établi par les services d‘instruction de l’Autorité, au mépris de ce texte.

La cour d’appel avait, pour la première fois dans sa jurisprudence sur ce sujet, reconnu un tel manquement et il lui revenait, faute de précision dans ce texte, de définir la sanction de cette omission.

La chambre commerciale a validé l’analyse de la cour d’appel selon laquelle le défaut de notification du rapport s'analysait comme un manquement à une consultation obligatoire au sens de l'article 70 de la loi n° 211-525 du 27 mai 2011 alors applicable, puis, approuvé que faisant application des règles dégagées par l'arrêt du Conseil d'Etat du 23 décembre 2011 Danthony, req. n°335477, la cour d’appel ait recherché si l'omission de la formalité en cause avait été susceptible d'exercer une influence sur la décision prise.

La chambre a ensuite décidé que l’appréciation de la cour d’appel, selon laquelle les auditions d'agents de l'AFSSAPS et de l'ANSM, pendant l'instruction, avaient éclairé suffisamment l'Autorité sur le cadre juridique et scientifique dans lequel les pratiques en cause avaient été relevées, de sorte que l‘absence d'avis du ministre chargé de la santé n'avait pu, en l'espèce, la priver d'éléments de compréhension de ce cadre ni avoir une incidence sur son interprétation, relevait de son pouvoir souverain. Elle en a conclu que la cour d’appel avait pu en déduire que l'omission de la formalité requise n’ayant pas eu d'influence sur le sens de la décision de l'Autorité de la concurrence, l’annulation de cette décision n’était pas encourue.

La troisième série de questions portait sur le cadre normatif européen et national en matière de droit du médicament, spécialement sur les conditions d’attribution de la qualité de médicament ou de spécialité générique et sur les conséquences à tirer, en droit national, de l’attribution de la qualité de médicament générique par une décision de la Commission européenne. Le respect par la cour d’appel de l’articulation de ces différentes dispositions, notamment au regard de l’article 168, §7 du TFUE qui fixe les principes de la réparation des compétences en matière de santé entre l’Union et les Etats membres était notamment discuté.

La cour d’appel, après avoir constaté que les termes « médicament générique » et « spécialité générique » sont définis de façon identique à l'article 10 § 2, sous b), de la directive 2001/83 CE du 6 novembre 2001 instituant un Code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, dans sa version résultant de la directive 2004/27 la modifiant, et à l'article L. 5121-1, 5° du code de la santé publique, avait déduit de l’interprétation des textes européens et nationaux, alors applicables, qu'un médicament ne pouvait, à la fois, être qualifié de médicament générique, au sens du droit de l'Union, et se voir dénier la qualité de spécialité générique, au sens du droit national. Elle avait, par ailleurs, relevé que le droit de l'Union se bornait à prévoir la possibilité d'accorder une AMM à un médicament reconnu comme le générique d'un médicament de référence ou de reconnaître, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance mutuelle, une AMM délivrée par un Etat membre suivant la procédure abrégée édictée pour les médicaments génériques. Elle avait retenu qu’il se déduisait de la lecture combinée des articles 10 et 28 à 34 de la directive 2001/83 précitée, modifiée par la directive 2004/27, qu'une procédure de reconnaissance mutuelle d'une AMM nationale délivrée à un médicament sur la base d'un dossier abrégé ne pouvait aboutir que si la qualité de générique d'un médicament de référence était reconnue à ce médicament, puisque la procédure abrégée était réservée aux médicaments génériques par l'article 10 de la même directive.

Au cas d’espèce, la spécialité, qui était visée par les pratiques du laboratoire dominant, avait d’abord été mise sur le marché d’un Etat membre de l’Union selon la procédure abrégée, puis avait fait l’objet d’une procédure de reconnaissance mutuelle, au terme de laquelle la Commission européenne avait, dans le cadre de cette dernière, décidé d’une autorisation de mise sur le marché, décision s’imposant aux Etats visés par la procédure de reconnaissance mutuelle dont la France faisait partie. Considérant que cette décision, compte tenu du cadre légal dans lequel elle avait été prise, qualifiait nécessairement la spécialité en cause de générique au sens du droit de l’Union, peu important que le terme n’en fût pas employé dans la décision de la Commission, la cour d’appel en avait déduit que la qualité de spécialité générique au sens des articles L. 5121-1, 5° du code de la santé publique, qui définit cette notion, et L. 5121-10 du même code, qui prévoit l'inscription au répertoire des groupes génériques des spécialités génériques dont la mise sur le marché a été autorisée, ne pouvait pas leur être déniée par les autorités nationales.

La cour d’appel avait ensuite relevé que seul le droit national, en l’espèce l’article L. 5121-10, alinéa 3, du code de la santé publique, régissait les conditions d’inscription des médicaments au répertoire des médicaments génériques. Or, selon ce texte dans sa version résultant de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, « Lorsque l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a délivré une autorisation de mise sur le marché d'une spécialité générique, elle en informe le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. Le directeur général de l'agence procède à l'inscription de la spécialité générique dans le répertoire des groupes génériques au terme d'un délai de soixante jours, après avoir informé de la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché de celle-ci le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité de référence. [...] ». La cour d’appel a considéré qu’il ressortait de ce texte qu’il fallait et qu’il suffisait qu'un médicament répondît à la définition de spécialité générique figurant à l'article L. 5121-1, 5° du code de la santé publique pour pouvoir être inscrit dans le répertoire des groupes génériques. Il s’en déduisait que la décision d’autorisation de mise sur le marché de la spécialité en cause, qui était un médicament générique tant au sens de la réglementation européenne que de la réglementation nationale avait pour effet de conduire à son inscription de droit sur le répertoire des médicaments génériques.

La chambre commerciale a approuvé l’ensemble de l’analyse de la cour d’appel, en relevant que conformément au principe d'effectivité du droit de l'Union, celle-ci avait donné une interprétation des textes nationaux à la lumière de ce dernier propre à garantir la cohérence de l'ensemble des législations en cause.

La quatrième série de questions portait sur la qualification d’abus de position dominante, cependant que le laboratoire dominant invoquait son droit à la liberté d’expression l’autorisant, selon lui, à soutenir, dans son dialogue avec les autorités sanitaires, une thèse juridique même erronée.

La jurisprudence de la CJUE définit l’abus de position dominante comme une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché sur lequel, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale des produits ou services, au maintien du degré de concurrence existant sur le marché ou au développement de cette concurrence (CJCE, 13 févr. 1979, aff. 85/76, Hoffmann-La Roche, point 91, CJCE, 9 nov. 1983, aff. 322/81, Michelin. CJCE, 3 juill. 1991, aff. C-62/86, Akzo, point 69). Pèse sur les entreprises en position dominante, qui ne peut leur être reprochée en soi, une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte à une concurrence effective, qui a été rappelée dans le secteur du médicament, par la Cour de justice dans l’affaire Aztrazeneca (CJUE, 6 décembre 2012 C-457/10 P).

On rappelle qu’en l’espèce, le laboratoire dominant avait soutenu auprès de l’AFSSAPS la thèse erronée selon laquelle l’attribution, par une décision de la Commission européenne, de la qualité de médicament générique à la spécialité du laboratoire concurrent, ayant pour effet d’obliger l’autorité nationale à autoriser la mise sur le marché de ce médicament, n’avait pas pour effet de contraindre, en outre, cette autorité à reconnaître, au sens de la législation nationale, la qualité de générique à ce médicament, conduisant, aux termes de cette même législation nationale, à inscrire cette spécialité sur le répertoire des médicaments génériques.

Il ressortait des appréciations de la cour d’appel que le comportement en cause ne s'insérait pas dans un débat d'intérêt général relatif aux conséquences sanitaires de l'entrée sur le marché d'un nouveau médicament, mais dans une stratégie commerciale, déconnectée de toute considération de santé publique et dépourvue d’argument scientifique, visant à retarder le développement sur le marché de produits concurrents. La cour d’appel avait également relevé que la mise en œuvre de cette stratégie, dans les circonstances propres au contexte de l’affaire pouvait, à elle seule, produire cet effet anticoncurrentiel, peu important que seule l’autorité sanitaire eût seule le pouvoir, lié, de décider de l’inscription litigieuse. Or, l’opérateur en cause ne pouvait ignorer sur ce point l'état du droit résultant d'un arrêt du Conseil d'Etat, qui, aurait-il été unique, avait énoncé que la délivrance d’une AMM pour un médicament générique avait pour conséquence de plein droit l’inscription de celui-ci sur le répertoire des médicaments génériques.

La chambre commerciale a décidé qu’en qualifiant cette pratique d’abus, la cour d'appel n'avait pas méconnu le principe de la libre recherche scientifique et n'avait pas porté une atteinte injustifiée et disproportionnée au droit à la liberté d'expression de l’opérateur en cause au regard de la nécessité de préserver l'ordre public concurrentiel, lequel garantit le droit des entreprises à une concurrence non faussée, également protégé par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (voir, mutadis mutandis, Ashby Donald et autres c. France, n 36769/08, §§ 39-4 o 5, 10 février 2013). En effet, dans ses échanges avec l’autorité sanitaire, le laboratoire ne s’était pas limité à faire des préconisations scientifiques sur les modalités de substitution des génériques au princeps, ce qu'il était en droit de faire, afin de suggérer par exemple à l’autorité sanitaire d’accompagner l’inscription de recommandations sur ces modalités de substitution. En outre, sa démarche s’inscrivait dans un plan de retardement de l’entrée sur le marché d’un produit concurrent, dont la cour d’appel avait relevé les éléments constitutifs. Partant, et quoique différant de la pratique sanctionnée dans l’affaire Aztrazeneca précitée, dans laquelle le laboratoire incriminé avait fourni de fausses informations à l’autorité sanitaire, la chambre a validé l’analyse selon laquelle le comportement en cause devait être considéré comme entrant dans le champ des abus prohibés par les articles 102 du TFUE et L.420-2 du code de commerce.

La dernière question portait sur la possibilité, au regard du principe de la légalité des délits et des peines, de sanctionner un opérateur pour une pratique qui n’avait jamais été condamnée jusqu’alors.

La chambre criminelle a déjà jugé (Crim., 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-82.746), que le législateur, de part leur complexité et leur variété, ne peut énumérer de façon exhaustive tous les comportements susceptibles de recevoir la qualification de pratique anticoncurrentielle au sens, notamment, de l’article L. 420-2 du code de commerce. Cette analyse vaut pour les comportements prohibés par l’article 102 du TFUE, car, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne, « le principe de légalité des délits et des peines ne saurait dès lors être interprété comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale par l'interprétation judiciaire d'une affaire à l'autre, à condition que le résultat soit raisonnablement prévisible au moment où l'infraction a été commise, au vu notamment de l'interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause.» (CJUE, 22 octobre 2015, AC-Treubant/Commission, C-194/14 P, point 41). Examinant cette prévisibilité au cas particulier, la cour d’appel avait relevé que, en raison d’une décision de la Commission européenne antérieure aux faits, au surplus dans le domaine du médicament, toute entreprise en position dominante était avertie que son intervention dans le processus décisionnel d'une autorité publique pouvait, en fonction des circonstances de l'espèce, être qualifiée d'abus de position dominante et que la condamnation intervenue n'était pas fondée sur une nouvelle interprétation des dispositions servant de fondement aux poursuites. Ainsi, dès lors que la prohibition des comportements litigieux est accessible et raisonnablement prévisible pour un opérateur tel que celui en cause, le principe de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à la sanction d'une pratique anticoncurrentielle présentant un caractère inédit, comme l’avait jugé exactement, dans la présente affaire, la cour d’appel.

On terminera en indiquant que le laboratoire avait également été sanctionné pour des pratiques de dénigrement entrant dans le champ de l’abus de position dominante. Les griefs formulés contre cette qualification ont été rejetés par décision non spécialement motivée, l’arrêt attaqué étant conforme à l’analyse juridique de telles pratiques déjà opérée par la chambre commerciale dans ce même secteur d’activité (Com., 18 octobre 2016, pourvoi n° 15-10.384, Bull. 2016, IV, n° 131 et Com., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-17.134, Bull. 2017, IV, n° 1).

Entente illicite - Accords verticaux - Preuve - Préjudice - Présomption de preuve (non)

Com., 28 septembre 2022, pourvoi n° 21-20.731

La nullité d’une clause anticoncurrentielle dans un contrat de distribution exclut-elle la caractérisation d’un préjudice résultant de l’application d’une telle clause? A quelles règles de preuve répond-elle ?

L’imposition d’un prix ou d’une marge par un fournisseur dans ses relations avec un distributeur peut relever de la prohibition de l’article L. 420-1 du code de commerce, dans les conditions fixées par ce texte (Com., 7 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.476). Lorsqu’elle est prévue par une clause contractuelle, cette clause est nulle de plein droit par application de l’article L. 420-3 du code de commerce, selon lequel est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du même code.

Dans l’affaire rapportée, le contrat par lequel un fabricant de fenêtres organisait la distribution de ses produits comportait une clause imposant aux distributeurs de respecter les prix conseillés et une cour d’appel a jugé que la pratique était prohibée par l’article L.420-1 du code de commerce, ce qui n’était pas contesté, et en a déduit que la clause litigieuse était nulle.

Un distributeur avait réclamé l’indemnisation du préjudice qui avait résulté, selon lui, de la mise en œuvre de cette clause, indemnisation qui lui avait été accordée.

Le pourvoi formé par le fournisseur soutenait d’abord que l’annulation de la clause était incompatible avec la constatation d’un préjudice. La chambre commerciale a décidé que ce postulat était infondé. Dès lors que, aurait-elle été déclarée nulle de plein droit en vertu des dispositions précitées, cette clause avait été mise en œuvre et le distributeur contraint à pratiquer des prix imposés, il ne pouvait être exclu qu’un préjudice en fût résulté pour ce dernier. La chambre a donc rejeté le moyen qui postulait une règle contraire.

Ce pourvoi a permis à la chambre d’apporter d’autres précisions s’agissant des conditions mises à l’indemnisation d’un préjudice né dans ces circonstances.

En effet, la chambre commerciale a, en revanche, censuré l’arrêt qui avait décidé que la pratique qualifiée d’entente entre concurrents avait nécessairement causé un trouble commercial. Elle a, sur ce point et s’agissant d’une pratique antérieure à l'entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 9 mars 2017, applicable à partir du 11 mars 2017, transposant la directive 2014/04/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 dite « dommages », dont la Cour de justice a précisé que les dispositions de l’article 17, paragraphe 2, qui introduisent une présomption réfragable de préjudice, étaient substantielles, ce qui excluait leur application rétroactive, (CJUE, 22 juin 2022, Volvo AB/DAF Trucks NV; aff.C-267/20, points 90 à 99), fait application de sa jurisprudence selon laquelle si une pratique anticoncurrentielle est constitutive d’une faute civile, l’existence d’un préjudice et le lien de causalité entre la pratique et celui-ci doivent être démontrés (Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 16-10.327, 15-22.320, Com., 13 septembre 2017, pourvoi n° 15-22.837, 15-23.070). Dans cette même réponse, la chambre commerciale a censuré l’arrêt frappé de pourvoi en ce qu’il avait qualifié à tort d’entente entre concurrents la pratique en cause, qui, relevant d’une restriction verticale, n’en était pas une, au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce.

Ce second aspect de l’arrêt présente un intérêt pour l’avenir. En effet, la jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions de l'ordonnance du 9 mars 2017 précitée, qui faisait application des règles classiques de la responsabilité civile exigeant la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux, concernait toute pratique anticoncurrentielle et, s’agissant de celles prohibées par les articles 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et de l’article L.420-1 du code de commerce, quelle que soit la nature de « l’entente » en cause, horizontale ou verticale. Dans le nouveau régime qui facilite la preuve du préjudice grâce à l’instauration d’une présomption, le champ d’application de celle-ci est limité, puisque, selon les termes de l’article L. 481-7 du code de commerce, issu de la transposition de l’article 17 alinéa 2 de la directive 2014/04/UE précitée, « Il est présumé jusqu'à preuve contraire qu'une entente entre concurrents cause un préjudice. »

Par ailleurs, l’arrêt a également été cassé en ce qu’il avait accordé des dommages-intérêts à une société tierce au contrat dans lequel figurait la clause litigieuse, sans établir en quoi cette société avait pu subir un préjudice du fait de la nullité d'une clause y figurant.

Transparence et pratiques restrictives - Barème de prix et conditions de vente - Conditions générales de vente - Obligation de communication - Portée - Obligation de vendre (non)

Com., 28 septembre 2022, pourvoi n° 19-19.768

Le fournisseur qui entre en négociation peut-il librement choisir les conditions générales de vente qu’il communique, lorsqu’il a établi des documents pour plusieurs catégories d’acheteurs ?

L'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits à l'origine du litige, prévoit, notamment, que tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur est tenu de communiquer ses conditions générales de vente à tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Il précise aussi, d'une part, que ces conditions de vente constituent le socle de la négociation commerciale, d'autre part, que les conditions générales de vente peuvent être différenciées selon les catégories d'acheteurs de produits ou de demandeurs de prestation de services. Il ajoute, enfin, que dans ce dernier cas, l'obligation de communication porte sur les conditions générales de vente applicables aux acheteurs de produits ou aux demandeurs de prestation de services d'une même catégorie.

En cas de carence du fournisseur dans la communication des conditions générales de vente, le législateur avait prévu des sanctions au titre des pratiques restrictives de concurrence énoncées par l'article L. 442-6 I, 9° du code de commerce, dans sa version applicable entre le 6 août 2008 et le 24 avril 2019.

Le litige de l'espèce concernait un désaccord entre, d'un côté, un fournisseur, intermédiaire de laboratoires pharmaceutiques, dont le modèle de distribution comportait trois catégories d'acheteurs : les grossistes, les groupements de pharmacies et les pharmacies d'officines, et, de l'autre, une structure de regroupement à l'achat (SRA) de pharmacies, organisme particulier prévu par l'article D. 5125-24-1 du code de la santé publique. La SRA prétendait bénéficier des conditions de vente prévues pour les pharmacies d'officines, car elle était un intermédiaire transparent entre ses adhérentes et le vendeur, tandis que celui-ci soutenait que la SRA était assimilable à un grossiste.

La cour d'appel après avoir déterminé que les SRA relevaient, dans le modèle de distribution du fournisseur, non de la catégorie des grossistes, mais de celle des officines, avait considéré que celui-ci, qui avait communiqué toutes ses conditions de vente et accepté d'entrer en négociations commerciales, mais sur la base des conditions applicables aux grossistes, avait engagé sa responsabilité en refusant de négocier sur la base de celles applicables aux pharmacies d'officines.

Cette analyse est validée par la chambre commerciale, qui précise que lorsque le fournisseur accepte d'entrer en voie de négociation, il doit appliquer, dans la négociation commerciale, les conditions de vente qui correspondent à la situation du demandeur.

Cet arrêt comble un silence de la loi. En effet, le législateur qui avait énoncé une liste de fautes constitutives de pratiques restrictives engageant la responsabilité de leur auteur et érigé en faute le fait de ne pas communiquer ses conditions de vente, n'avait prévu aucune sanction pour le fait de ne pas les appliquer.

Par ailleurs, les possibilités désormais offertes aux fournisseurs, d'une part, de refuser de vendre (loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, dite loi Galland), d'autre part, de discriminer entre les clients (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, pour la modernisation de l'économie) limitent la portée de l'obligation d'appliquer les conditions de ventes.

Toutefois, ce cadre posé, le législateur n'en a pas moins disposé que la communication de ces conditions de vente devait se faire « dans les conditions de l'article L. 441-6 », celui-là même qui précisait, dans sa rédaction alors applicable, que les conditions de vente constituent le socle de la négociation commerciale. Par ailleurs, de façon plus générale, à quoi servirait-il d'apporter une telle précision, si le fournisseur pouvait, ensuite, ne pas appliquer ces conditions de vente dans le cadre de la négociation ?

Ainsi, la négociation commerciale doit débuter sur le socle des conditions générales de vente ou des conditions catégorielles si elles existent et si, sur cette base, le fournisseur peut conclure des accords plus favorables à certains de ces clients, il ne peut accorder moins, sauf accord de l'autre partie et sans lui imposer un déséquilibre significatif. Enfin, il peut toujours, refuser de vendre, si les conditions dans lesquelles cette vente devrait se faire ne lui conviennent pas.

Transparence et pratiques restrictives - Imposition d'un prix minimal ou d'une marge commerciale minimale - Exclusion - Cas - Inclusion de chaînes de télévision en clair dans un bouquet payant

Com., 28 septembre 2022, pourvoi n° 20-22.447

Le refus d'un éditeur privé de chaînes de télévision de mettre son signal à disposition d'un distributeur de services de télévision, dans des conditions permettant à ce dernier de les diffuser gratuitement, est-il constitutif d'une pratique restrictive de concurrence, d'une pratique anticoncurrentielle ou d'une pratique contraire aux principes fixés par l'article 3-1 et 96-1 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ?

Le litige s'inscrivait, au plan général, dans le cadre de la transformation des modes d'usage de la télévision favorisée par des évolutions technologiques, telle qu'elle a été exposée, notamment, par un avis n°19-1-04 du 21 février 2019 de l'Autorité de la concurrence et par un avis n°2019-08 du 2 octobre 2019 du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Au plan particulier, il opposait un éditeur privé de chaînes en clair à un opérateur d'une plate-forme de distribution d'un bouquet de chaînes par l'internet ouvert (sans passer par un fournisseur d'accès). Le second reprochait au premier de subordonner la distribution de ses chaînes à leur inclusion dans un bouquet de chaînes payantes par les abonnés, ne permettant plus au distributeur de diffuser les chaînes de cet éditeur dans une offre gratuite, cependant que le modèle économique du distributeur était composé d'une offre en partie gratuite et en partie payante.

Plusieurs questions étaient posées par ce pourvoi.

D'abord, celle de savoir si la pratique reprochée à l'éditeur était constitutive d'une pratique de prix imposés prohibée par l'article L. 442-5 du code de commerce, devenu l'article L.442-6 du même code depuis l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019, ou d'une restriction verticale par imposition de prix entrant dans le champ d'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de l'article L.420-1 du code de commerce. Constitutive également d'une infraction pénale, la pratique de prix imposés, au sens du premier des textes précités, est envisagée par la jurisprudence de la Chambre criminelle comme par celle de la Chambre commerciale comme une pratique qui altère la liberté commerciale de fixer un prix de revente minimum, en intervenant sur tous les modes de fixation du prix, directement ou indirectement (voir par exemple, Crim, 10 avril 1995, pourvoi n°94-82.535, et Com, 13 février 2001, pourvoi n°98-16.397). En outre, elle peut relever d'une pratique anticoncurrentielle au sens des seconds textes précités, lorsqu'elle est mise en œuvre, notamment sous couvert de prix conseillés, dans un réseau de distribution (Com, 7 octobre 2014, pourvoi n°13-19.476), sous réserve de satisfaire aux autres conditions légales permettant cette qualification. Ainsi, la pratique doit-elle, notamment, relever d’une entente, d'une pratique concertée ou d'un accord au sens de ces textes, les conditions de qualification d'une telle entente, pratique ou accord se distinguant d'une pratique unilatérale (voir, pour un exemple portant sur cette distinction, hors du champ de la pratique de prix imposés, Com.26 janvier 2022, pourvoi n°19-24.464 et Com, 16 février 2022, pourvoi n°20-11.754).

Ensuite, celle d'apprécier si cette pratique pouvait relever de l'article L.442-6, I, 2 du code de commerce alors en vigueur, avant sa modification par l'ordonnance précitée, relatif au déséquilibre significatif, même en présence d'un droit voisin du droit d'auteur, résultant de l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dont un éditeur de services de communication audiovisuelle est titulaire. On sait que selon le premier de ces textes, engage la responsabilité de son auteur, et l'oblige à le réparer le fait pour un opérateur économique de soumettre ou tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Ce déséquilibre s'apprécie au regard de l'équilibre général du contrat, et requiert une appréciation in concreto des clauses litigieuses, en prenant en compte l'ensemble des droits et obligations des parties tel qu'il ressort du contrat dans sa globalité (Com.29 septembre 2015, pourvoi n°13-25.043). Il est possible pour le juge de sanctionner une clause créant un déséquilibre même lorsque cette clause est relative à la détermination du prix (Com., 3 mars 2015, pourvoi n° 13-27.525, Bull. N°42 ; Com., 25 janvier 2017, pourvoi n°15-23.547, Bull. 2017, IV, N°13), ainsi que l'a confirmé le Conseil constitutionnel (décision QPC 2018-749 du 30 novembre 2018). C'est à celui qui invoque un déséquilibre significatif d'en rapporter la preuve (Com, 3 mars 2015, pourvoi n°13-27.525, Bull. 2015, IV, N°42). La question de l'articulation du droit voisin prévu à l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle avec un autre corps de règles a, quant à elle, été examinée par la première chambre civile (1ère Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n°16-13.092), qui a déterminé la portée de cet article en matière de contrefaçon, en contemplation de l'article 34-2 de la loi n°86-106 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Dans le litige qui lui était soumis, cette Chambre a décidé qu'un éditeur public de chaînes de télévision bénéficiait du droit exclusif d'autoriser la mise à disposition du public en ligne de ses programmes, de sorte que la reprise des programmes de cet éditeur par une société utilisant un procédé technique lié à l'internet, était, dès lors qu'elle n'avait pas été autorisée, constitutive de contrefaçon.

Enfin, celle de déterminer si la pratique en cause n'était pas contraire aux principes fixés par l'article 3-1 et 96-1 de la loi du 30 septembre 1986 précitée, dans sa version applicable au litige, excluant, pour le premier, toute discrimination dans les relations entre éditeurs et distributeurs de services, quel que soit le réseau de communications électroniques utilisé par ces derniers, et posant, pour le second, le principe de la gratuité de diffusion par voie hertzienne en mode numérique des services nationaux de télévision. Si le Conseil d'Etat a déjà jugé qu'aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par satellite ne pèse sur un éditeur privé de service gratuit (5ème et 4ème sous-sections réunies, 07 décembre 2011, N°321349, publié au recueil Lebon), la question soumise à la chambre commerciale, relative aux conditions de cette mise à disposition, se distinguait toutefois de celle ainsi tranchée.

A la première question, la chambre commerciale a répondu que dès lors qu'il n'était pas justifié de ce que le niveau de prix de l'offre payante conçue par le distributeur, dans laquelle l'éditeur exigeait l'inclusion de ses chaînes en clair, devait être fixé à un niveau minimal déterminé par cet éditeur, la pratique en cause ne pouvait pas être assimilée à l'imposition d'un prix minima ou d'une marge commerciale minimale prohibée par l'article L. 442-5 du code de commerce. En effet, l'exigence de l'éditeur se limitait à l'inclusion de ses chaînes dans un bouquet payant, sans qu'il soit établi qu'il fût intervenu plus avant sur le prix effectif de ce bouquet ou sur le niveau de marge procuré par ce prix. En outre, dès lors que la cour d'appel avait justement exclu que la pratique en cause ait empêché la libre fixation de ses prix par le distributeur, cette analyse suffisait, en l'état de l'argumentation du distributeur qui soutenait seulement que le fait de lui imposer un prix minimal pour la diffusion des chaînes en cause était également constitutif d'une pratique anticoncurrentielle, pour exclure cette autre qualification.

A la deuxième question, la chambre commerciale a répondu qu'un éditeur privé de chaînes gratuites, dès lors qu'il dispose d'un droit voisin conféré par l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, était en droit de définir les conditions économiques de distribution de ses chaînes, sans exclure que puisse être caractérisé un abus de ce droit constitutif, le cas échéant, d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce. Dès lors que ce déséquilibre ne pouvait pas résulter du seul usage, par l'éditeur, de son droit de s'auto-distribuer parallèlement à une offre de distribution payante, ni de la circonstance que l'exigence de l'éditeur aurait porté atteinte au modèle économique du distributeur, la preuve de cette pratique n'était, en l'espèce, pas rapportée.

A la troisième question, la chambre commerciale a répondu que les articles de la loi du 30 septembre 2006 invoqués en l'espèce ne prévoyaient aucune obligation légale, à la charge d'un éditeur privé de chaînes en clair, de mise à disposition de son signal à un distributeur par tout autre moyen que la voie hertzienne, que ce soit par satellite ou, comme en l'espèce, par l'internet. Elle en a déduit que l'offre de mise à disposition de chaînes de la TNT en clair, à la condition de leur inclusion dans un bouquet payant n'était pas, en elle-même, attentatoire aux textes invoqués. En outre, dès lors que la cour d'appel avait estimé que cette condition n'avait pas été mise en œuvre de façon discriminatoire, l'action du distributeur était vouée à l'échec.

Ainsi, la chambre commerciale a-t-elle approuvé la cour d'appel d'avoir décidé que, quel que soit le fondement juridique qui lui était opposé dans ce litige, la pratique litigieuse n'était pas fautive.

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