N°7 - Juin 2022 (Sociétés civiles et commerciales)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Banque / Cautionnement / Concurrence déloyale ou illicite / Contrats et obligations conventionnelles / Distribution / Entreprises en difficulté (loi du 26 juillet 2005) / Propriété industrielle / Sociétés civiles et commerciales / Transports maritimes).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°7 - Juin 2022 (Sociétés civiles et commerciales)

SOCIETE PAR ACTIONS SIMPLIFIEE. - Condition de la révocation du directeur général en l’absence de stipulations statutaires

Com., 9 mars 2022, n° 19-25.795

La révocation du directeur général d'une société par actions simplifiée est-elle, dans le silence des statuts, soumise à l'exigence d'un juste motif ?

La souplesse et la plasticité de la société par actions simplifiée (SAS) quant à l'organisation de sa direction est l'une de ses caractéristiques marquantes. Ainsi, la loi (article L. 227-6 du code de commerce), qui envisage la possibilité de désigner une ou plusieurs personnes portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, ne précise rien de leur statut, qui est librement organisé par le pacte social. En outre, l'article L. 227-1 du code de commerce, selon lequel, en règle générale et sous réserve de leur compatibilité, les règles de la société anonyme s'appliquent aux SAS, exclut expressément l'application à ces dernières des articles consacrés aux directeurs généraux de SA.

Se pose dès lors la question de savoir quelles règles, dans le silence des statuts, doivent s'appliquer aux conditions et modalités de révocation de ces dirigeants.

Dans l'affaire examinée par la chambre commerciale, financière et économique le 9 mars 2022, les statuts n'étaient pas totalement silencieux, puisqu'ils stipulaient que « les dirigeants sont révocables à tout moment par l'associé unique ou, en cas de pluralité d'associés, par l'assemblée générale ordinaire des associés sur proposition du président. »

Toutefois ils ne précisaient pas si une telle révocation était ou non soumise à l'exigence d'un juste motif de révocation, comme elle l'est pour le directeur général d'une SA ou le gérant d'une SARL.

La Cour de cassation ne s'était pas encore expressément prononcée sur cette question, qu'elle n'avait envisagée qu'à propos de la révocation du président d'une SAS, et de manière incidente (Com., 8 avril 2014, pourvoi n° 13-11.650).

C'est chose faite avec l'arrêt commenté, qui approuve une cour d'appel de décider, après avoir procédé à l'analyse des statuts et constaté que ceux-ci ne prévoyaient pas l'existence d'un juste motif de révocation, qu'un tel motif n'était pas nécessaire.

Ceci revient à dire que la règle supplétive dont le juge doit faire application en la matière est celle d'une révocation ad nutum, n'ouvrant pas droit à réparation lorsqu'elle intervient sans juste motif.

Ce faisant, la chambre a écarté la thèse selon laquelle il existerait, à propos de la révocation des gérants et directeurs généraux de sociétés commerciales, un droit commun en faveur de l'exigence d'un juste motif de révocation. En réalité, chaque forme sociale obéit à ses propres règles à cet égard, et la SAS, en dépit de l'emprunt de beaucoup de règles à la SA, se distingue tout particulièrement par son autonomie compte tenu de la grande liberté laissée aux rédacteurs de statuts.

SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE : Qualité d’associés de l’usufruitier de parts sociales - Prérogatives

Com., 1er décembre 2021, pourvoi n°20-15.614 (avis)

3ème Civ., 16 février 2022, pourvoi n°20-15-164

L’usufruitier de parts sociales a-t-il la qualité d’associé ? Dans la négative, quelles prérogatives peuvent-elles lui être reconnues ?

Retenant que des usufruitiers de parts d’une société civile immobilière n’avaient pas la qualité d’associés et qu’ils n'avaient pas soutenu que la question qu’ils entendaient voir soumettre à l'assemblée générale avait une incidence directe sur leur droit de jouissance des parts sociales, la troisième chambre civile a approuvé une cour d'appel d’avoir jugé que leur demande de désignation d'un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable.

Cette décision a été rendue après avis de la chambre commerciale, à qui il était demandé si un usufruitier de parts sociales avait la qualité d’associé et s’il était recevable à demander au gérant de provoquer une délibération sur sa révocation et la nomination de cogérants.

La reconnaissance ou non de la qualité d’associé à l’usufruitier de droits sociaux divise depuis longtemps la doctrine et n’a pas été réglée par le législateur en 2019 à l’occasion de la modification de l’article 1844, alinéa 3, du code civil, celui-ci ayant simplement entendu clarifier la répartition et l'exercice du droit de participer et de voter aux assemblées générales entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.

Pour sa part, la Cour de cassation avait reconnu la qualité d'associé au nu-propriétaire mais elle ne s’était jamais prononcée clairement et expressément s’agissant de l’usufruitier. C’est désormais chose faite : selon la chambre commerciale et la troisième chambre civile, l’usufruitier de parts sociales n’a pas la qualité d'associé.

La réponse apportée à la première question ne règle pas toutes les difficultés, bien au contraire : en l’absence de reconnaissance de la qualité d’associé à l’usufruitier, la question reste de savoir quelles prérogatives peuvent lui être reconnues, dans le silence des statuts.

Dans le cas d’espèce, les usufruitiers revendiquaient le droit, prévu par l’article 39 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, de demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée puis, si le gérant s’y opposait ou gardait le silence, de demander au président du tribunal la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

Le critère le plus simple à mettre en œuvre aurait été de faire coïncider le droit de l’usufruitier de provoquer une délibération avec l'étendue de son droit de vote, autrement dit de lui reconnaître le droit de provoquer une délibération relative à l'affectation des bénéfices, en application de l'article 1844, alinéa 3, du code civil, ou, dans les sociétés anonymes, le droit de provoquer toute délibération relevant de la compétence de l’assemblée générale ordinaire, en application de l’article L. 225-110, alinéa 1, du code de commerce, voire de manière plus générale de lui reconnaître le droit de provoquer une délibération dès lors qu'il a, de par la loi ou les statuts, le droit de voter sur cette délibération.

Mais la chambre commerciale et la troisième chambre civile ont préféré retenir, conformément à la définition de l’usufruit donnée par l’article 578 du code civil et à la répartition des droits entre le nu-propriétaire et l’usufruitier qui en résulte, que l’usufruitier de parts sociales peut provoquer une délibération des associés, en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978, si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence sur son droit de jouissance des parts sociales, précisant que cette incidence doit être directe.

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