N°7 - Juin 2022 (Cautionnement)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Banque / Cautionnement / Concurrence déloyale ou illicite / Contrats et obligations conventionnelles / Distribution / Entreprises en difficulté (loi du 26 juillet 2005) / Propriété industrielle / Sociétés civiles et commerciales / Transports maritimes).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°7 - Juin 2022 (Cautionnement)

Action engagée contre prestataire de services de paiement par la caution de l'utilisateur en cas d’utilisation non autorisé de ces services

Com., 9 fév. 2022, n° 17-19.441

En cas de prélèvements non autorisés sur le compte bancaire d'un utilisateur de services de paiement, la caution de cet utilisateur peut-elle échapper au délai de forclusion de treize mois prévu par le code monétaire et financier qui lui est opposé par la banque prestataire de services de paiement en invoquant la responsabilité civile de droit commun ?

Poursuivie en paiement, la caution d’un utilisateur de services de paiement (le débiteur principal) a invoqué le fait que des prélèvements non autorisés avaient été effectués sur le compte bancaire de cet utilisateur et a demandé la déduction de ces sommes de celles qui lui étaient réclamées par la banque, prestataire des services de paiements.

La cour d’appel a déclaré sa demande irrecevable, en lui opposant la forclusion prévue à l’article L. 133-24 du code monétaire et financier, au motif que l’utilisateur de services de paiement n’avait pas notifié au prestataire de services de paiement son absence d’autorisation de ces prélèvements dans le délai de treize mois prévu par ce texte.

La caution a formé contre cet arrêt un pourvoi en cassation, en invoquant la faute de la banque sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun.

Les articles en cause, L. 133-18 et L. 133-24 du code monétaire et financier, ayant été pris pour la transposition de la directive 2007/64/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, la chambre commerciale a, par un arrêt du 16 juillet 2020, saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle, sur le point de savoir si la responsabilité prévue ces textes, conduisant à assurer à l’utilisateur de services de paiement le remboursement immédiat du montant des opérations non autorisées s’il a signalé ces dernières au prestataire de services de paiement dans le délai de treize mois précité, étaient exclusifs du droit commun de la responsabilité civile.

Par un arrêt du 2 septembre 2021, la CJUE a fait une distinction entre l’utilisateur de services de paiement et sa caution.

Concernant l’utilisateur de services de paiement, débiteur principal, la CJUE considère que les articles L. 133-18 et L. 133-24 sont d’application exclusive, de sorte que si cet utilisateur n’a pas notifié au prestataire de services de paiement dans le délai de treize mois les opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées, il encourt la forclusion prévue par le second texte, et ne peut invoquer la responsabilité civile de droit commun pour y échapper.

Au contraire, ce délai n’est pas opposable à la caution de l’utilisateur de services de paiement, à laquelle la directive précitée, ni aucune règle de droit de l’Union, n’est applicable.

Dès lors, la forclusion encourue par l’utilisateur de services de paiement ne fait pas obstacle à la mise en œuvre, par la caution de cet utilisateur, de la responsabilité contractuelle de droit commun de la banque, prestataire des services de paiement.

Dans son arrêt du 9 février 2022, la chambre commerciale applique la règle posée par l’arrêt de la CJUE.

Manquement à l'obligation de mise en garde - Absence d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur

Com., 9 mars 2022, n° 20-16.277

Pour établir que le banquier dispensateur de crédit était tenu, à son égard, d'un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n'était pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur. La circonstance que la banque a octroyé le prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution d'établir l'inadaptation de ce prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

La Cour de cassation juge de manière constante que c'est à la caution qui se prévaut d'un manquement du banquier à son obligation de mise en garde de démontrer soit l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières, soit l'existence d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt.

Un précédent arrêt de la chambre commerciale (Com., 11 avril 2012, pourvoi n° 10-25.904, Bull. 2012, IV, n°76) avait pu être compris comme dispensant la caution de rapporter la preuve que la banque était tenue à son égard d'une obligation de mise en garde dès lors que la banque ne s'était pas renseignée, préalablement à l'octroi du prêt cautionné, sur la situation financière de l'emprunteur.

A la lumière de l'arrêt qui vient d'être rendu, cette lecture s'avère erronée.

Dans cet arrêt, la chambre commerciale rappelle qu'en application des principes de droit commun gouvernant la charge de la preuve, il appartient à la caution qui invoque l'existence d'un devoir de mise en garde de démontrer que les conditions de cette obligation étaient réunies, la circonstance qu'il s'agisse d'une activité en cours de démarrage étant indifférente. Elle ne réserve donc pas de traitement particulier à ce type de situations.

En l'espèce, le fait que la banque n'avait pas exigé la communication d'éléments prévisionnels avant d'octroyer le prêt pour financer une activité en cours de démarrage ne pouvait donc pas créer une présomption d'inadaptation du financement. Dès lors, conformément à sa jurisprudence relative au devoir de mise en garde, la chambre commerciale approuve la cour d'appel qui a rejeté la demande indemnitaire de la caution.

Sous-caution - Date à laquelle naissent les obligations de la sous-caution

Com., 9 fév. 2022, n° 19-21.942

A quelle date naissent les obligations de la sous-caution, contre-garantissant la caution qui a payé à la place du constructeur, dans une vente en l'état futur d'achèvement ?

Dans le secteur protégé des ventes d'immeubles en l'état futur d'achèvement, la loi impose au vendeur de fournir une garantie extrinsèque pour couvrir le risque financier pris par les acquéreurs, qui ont effectué des versements entre les mains du vendeur et qui risquent de se heurter à la défaillance de celui-ci avant que les travaux soient terminés.

Cette garantie, dite « de parfait achèvement », peut prendre la forme soit d'une ouverture de crédit par laquelle celui qui l'a consentie s'oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble, soit d'une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement de l'immeuble.

Dans ce dernier cas, si la caution se fait contre-garantir par une sous-caution, cette dernière ne garantit pas la dette du débiteur principal (le constructeur) envers le créancier (l'acquéreur), mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier (Com., 17 mai 2017, pourvoi n°15-18.460, Bull. 2017, IV, n° 73).

La dette de la caution qui a consenti une garantie de parfait achèvement, ayant pour objet de couvrir les dettes que le débiteur a contractées pendant la période de couverture de cet engagement, prend donc naissance à la date à laquelle le débiteur principal contracte ces dettes, c'est-à-dire au jour de la conclusion du contrat de vente en l'état futur d'achèvement, même si cette dette ne devient exigible que dans l'hypothèse et au moment où le constructeur cesse de remplir ses obligations envers son client.

Par l'arrêt du 9 février 2022, la chambre commerciale précise que la dette de la sous-caution prend naissance à la même date. Cette dette couvre l'intégralité des sommes que la caution a payées pour le compte du constructeur, débiteur principal, en exécution de son propre engagement, peu important la date de leur exigibilité et le fait que les paiements ont été effectués par la caution après l'expiration de la période de couverture de l'engagement de la sous-caution.

Il en résulte que lorsque la sous-caution a contracté un engagement stipulant que son obligation de couverture prendra fin à une date déterminée, elle est tenue de payer au garant de parfait achèvement les sommes que ce dernier a payées aux entrepreneurs ayant achevé l'immeuble, même si ces paiements sont intervenus après le terme de cette obligation.

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