N°6 - Novembre 2021 - Janvier 2022 (Entreprises en difficulté)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des décisions rendues par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation : banque, concurrence, concurrence déloyale, entreprises en difficulté, impôts et taxes, propriété industrielle, référé, société commerciale, transports maritimes...

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°6 - Novembre 2021 - Janvier 2022 (Entreprises en difficulté)

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Liquidation judiciaire - Contrats en cours - Contrats interdépendants - Non-poursuite du contrat décidée par le liquidateur - Effet - Résiliation de plein droit

Opposabilité au tiers contre lequel est invoquée la caducité - Conditions - Notification de la décision de résiliation (non)

Com., 20 octobre 2021, pourvoi n° 19-24.796

Par cet arrêt, rendu sous l'empire des textes antérieurs à l'ordonnance du 10 février 2016, la Cour de cassation poursuit son œuvre créatrice en matière d’interdépendance contractuelle.

L’on sait qu’il résulte de la jurisprudence que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants » (v. les deux arrêts de principe : Ch. mixte, 17 mai 2013, n° 11-22.768 et n° 11-22.927, Bull. n° 1) et que l’intérêt - et donc l’enjeu - de la caractérisation d’une situation d’interdépendance contractuelle est que si l’un des contrats interdépendants est anéanti, les autres contrats sont caducs (v. l'arrêt de principe Com. 4 nov. 2014, n° 13-24.270, publié et not. Com. 12 juill. 2017, n° 15-23.552, Bull. n° 104). La Cour de cassation a notamment admis le jeu de cette caducité lorsque l'anéantissement préalable d'un contrat interdépendant résulte du prononcé ou du constat, par le juge-commissaire de la procédure collective du prestataire, de la résiliation d’un contrat de prestations de services en cours, en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, au motif que l’ordonnance rendue par ce juge est opposable aux tiers en ce qu'elle prononce ou constate cette résiliation (Com. 11 sept. 2019, n° 18-11.401, publié - Solution réaffirmée par Com. 20 janv. 2021, n° 18-11.402).

Se situant dans la droite ligne de ce précédent, l’arrêt commenté se prononce dans une hypothèse distincte, où l’anéantissement du contrat de prestations de services a pour origine la décision du liquidateur qui opte expressément pour la non-poursuite du contrat, après avoir été mis en demeure de se prononcer sur la poursuite de ce contrat en cours sur le fondement de l'article L. 641-11-1, III, 1° du code de commerce. Dans ce cas de figure, l’arrêt commenté commence par rappeler que la décision du liquidateur entraîne la résiliation de plein droit du contrat en cours à la date de réception de cette décision par le cocontractant à l’origine de la mise en demeure d’opter, si cette décision intervient dans le délai d'un mois prévu par l’article L. 641-11-1, III, 1° susvisé. Puis l’arrêt apporte la précision suivante, inédite : la résiliation décidée par le liquidateur, dans ce contexte, est opposable à celui contre lequel est invoquée la caducité du contrat interdépendant, et ce sans qu'il soit nécessaire que cette décision lui soit notifiée.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Liquidation judiciaire - Créanciers - Déclaration notariée d'insaisissabilité - Cessation d'activité de l'entrepreneur - Conséquences

Com., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-20.821

La déclaration notariée d'insaisissabilité protège-t-elle la résidence principale de l'entrepreneur individuel après la cessation de son activité indépendante ?

Cet arrêt est rendu en application de l'article L.526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015, qui a institué l'insaisissabilité de plein droit des droits de l'entrepreneur individuel sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale. La disposition appliquée en l'espèce vise la déclaration notariée d'insaisissabilité.

Selon ce texte, la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que, lorsque l'entrepreneur individuel a cessé son activité, les droits sur l'immeuble demeurent insaisissables à l'égard des créanciers auxquels la déclaration est opposable, et donc au liquidateur judiciaire, tant que subsistent des créances nées à l'occasion de son activité passée.

Il en irait différemment si l'entrepreneur avait expressément renoncé aux effets de l'insaisissabilité, ce qu'il peut décider à tout moment, avec cette précision toutefois que les effets de la renonciation ne se produiraient pas à l'égard des créanciers antérieurs à la publication de la renonciation.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Liquidation judiciaire - Ouverture - Procédure - Jonction - Conditions - Confusion des patrimoines par des faits postérieurs au jugement arrêtant le plan

Com., 8 décembre 2021, pourvoi n° 20-17.766

Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire a été étendue à d’autres personnes en raison d’une confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur, qu’un plan de continuation unique a été arrêté à l’égard de l’ensemble des intéressés, que ce plan a été résolu et chaque débiteur a été placé en liquidation judiciaire, une nouvelle extension de procédure peut-elle être prononcée entre toutes ces parties ?

Pendant l’exécution du plan, chacun des débiteurs qui avait été soumis à la procédure unique est engagé par les dispositions du plan, mais une fois, redevenu “in bonis”, il retrouve la liberté de gestion de son patrimoine. Lorsque le plan unique est résolu, ce sont donc autant de liquidations judiciaires que de débiteurs soumis au plan qui sont ouvertes, procédures autonomes par rapport à la procédure de redressement étendue. Dans un premier arrêt (Cass.com. 26 janvier 2016, no14-28.826, 14-17.672, 14-28.856) la chambre commerciale avait retenu que le jugement d’extension du redressement judiciaire ne pouvait avoir autorité de la chose jugée sur une nouvelle demande d’extension après résolution du plan. Par le présent arrêt, elle précise que la jonction des procédures de liquidation peut être prononcée à la condition que soit caractérisés des faits constitutifs d’une confusion des patrimoines intervenus postérieurement au jugement arrêtant le plan dont la résolution a été prononcée.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Liquidation judiciaire - Patrimoine - Revendication - Action en revendication - Revendication à l'encontre du sous-acquéreur - Conditions - Mauvaise foi du sous-acquéreur

Com., 17 novembre 2021, pourvoi n° 20-14.420, 20-14.582

La revendication de marchandises vendues avec réserve de propriété entre les mains d’un sous-acquéreur obéit-elle aux dispositions de l’article L.624-16, alinéa 2 du code de commerce ?

En l’absence d’un lien contractuel entre eux, le vendeur de marchandises avec réserve de propriété ne peut exercer contre leur sous-acquéreur, serait-il en procédure collective, l’action en revendication ouverte, du fait de l’existence d’une clause de réserve de propriété, contre le premier acquéreur de ces marchandises, en application de l’article L. 624-16 du code de commerce.

En revanche, ce même vendeur est susceptible, en cas de revente des marchandises à un tiers, de faire valoir sa qualité de propriétaire pour exercer contre ce dernier l’action ordinaire en revendication du propriétaire contre le possesseur.

Dans un tel cas, il appartient à la juridiction, qui statue selon le droit commun, de rechercher si le sous-acquéreur des marchandises est entré en leur possession de mauvaise foi.

Il en résulte que doit être rejeté le pourvoi formé contre la décision d’une cour d’appel à laquelle il était reproché de s’être abstenue de rechercher si les marchandises se retrouvaient en nature dans le patrimoine du sous-acquéreur lorsqu’il a été mis en procédure collective, alors que ce n’est pas cette recherche qui était susceptible de fonder l’action en revendication du vendeur initial, mais celle d’un vice de la possession du sous-acquéreur.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Procédure (dispositions générales) - Organes de la procédure - Tribunal - Tribunal de commerce spécialement désigné - Compétence

Com., 17 novembre 2021, pourvoi n° 19-50.067

Tribunaux de commerce spécialisés : fin de non-recevoir ou exception d’incompétence ?

Si la loi a créé des tribunaux de commerce spécialisés pour connaître des procédures collectives intéressant les plus grandes entreprises, les autres tribunaux de commerce ne se sont pas vu retirer leur pouvoir de statuer sur ces procédures, pourvu qu’elles concernent des entreprises ne remplissant pas les conditions pour dépendre d’un tribunal spécialisé. La matière est répartie, selon des critères définis par la loi en considération de seuils, entre les tribunaux de commerce spécialisés et non spécialisés, qui disposent tous du pouvoir de statuer.

Dès lors, pour déterminer quelle juridiction doit connaître d’une procédure, il convient de ne pas raisonner en termes de pouvoir juridictionnel mais en termes de compétence. Une partie qui entend contester l’intervention de la juridiction saisie d’une demande de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire doit, à peine d’irrecevabilité, soulever, non une fin de non-recevoir, mais une exception d’incompétence, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, en application des dispositions de l’article 74 du code de procédure civile. La même exigence s’applique au ministère public.

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005). - Procédure (dispositions générales) - Voies de recours - Décisions susceptibles - Extension d'une procédure de liquidation - Tierce opposition d'un créancier invoquant des moyens propres

Applications diverses - Créancier hypothécaire - Recevabilité

Com., 20 octobre 2021, pourvoi n° 20-17.765

Un créancier, qui n'y était pas partie, peut, en application des articles L. 661-2 du code de commerce et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, former tierce opposition à un jugement statuant sur l'extension d'une procédure de liquidation judiciaire à son débiteur, à la condition que ce jugement ait été rendu en fraude de ses droits ou qu'il invoque des moyens qui lui sont propres.

Prive sa décision de base légale la cour d'appel qui déclare irrecevable la tierce opposition d'une banque, se prévalant d'une créance garantie par une hypothèque de premier rang inscrite sur l'immeuble appartenant à sa débitrice, à la décision d'extension à celle-ci de la liquidation judiciaire d'une société tierce, sans rechercher si le créancier, qui faisait valoir que le prix de vente de l'immeuble serait alors être intégralement absorbé par la créance privilégiée détenue par l'AGS sur cette dernière société, invoquait un moyen propre.

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