N°3 - Mars 2021 (Assurance-vie)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°3 - Mars 2021 (Assurance-vie)

Assurance-vie en unités de comptes - Préjudice

Com., 10 mars 2021, pourvoi n° 19-16.302, publié

Cet arrêt précise les modalités d'évaluation du préjudice subi par un investisseur ayant versé des fonds sur un support d'investissement d'un contrat d'assurance vie sans être suffisamment informé, par son assureur ou son courtier, du risque de pertes que présentait ce support.

La chambre commerciale réaffirme, d'abord, la solution adoptée dans l'arrêt Com., 22 fév. 2017, n° 15-18.371 rendu dans la même affaire, selon laquelle la perte dont l'investisseur peut demander réparation n'est pas réalisée du seul fait de l'arbitrage effectué pour procéder au désinvestissement du support en cause. En d'autres termes, la moins-value constatée sur ce support lors du désinvestissement ne constitue pas, à cette date, un préjudice indemnisable.

En l'espèce, des investisseurs faisaient valoir qu'ils avaient subi des pertes du fait des contre-performances enregistrées, en 2007 et 2008, par le fonds Indosuez alpha long terme sur lequel ils avaient investi dans le cadre de plusieurs contrats d'assurance vie. La chambre commerciale confirme que ces pertes s'étaient réalisées, non lors des arbitrages par lesquels les sommes placées sur ce fonds avaient été réinvesties sur d'autres supports mais lors du rachat, ultérieur, des contrats d'assurance vie.

Cela étant, et c'est le principal apport de l'arrêt, si ces pertes ne se sont réalisées qu'au moment du rachat de chaque contrat d'assurance vie, ce n'est pas la valeur de rachat de l'entier contrat qu'il convient de prendre en compte pour évaluer le préjudice « plein » que l'investisseur a perdu une chance d'éviter mais la moins-value constatée, au moment du désinvestissement, sur le seul support dont le caractère risqué a été insuffisamment présenté à l'investisseur. En effet, seule cette moins-value, et non l'évolution des autres supports du contrat d'assurance vie, est en lien causal avec le manquement reproché à l'assureur ou au courtier.

Ensuite, pour indemniser l'entier préjudice de l'investisseur, mais seulement ce préjudice, il convient de moduler cette moins-value, [à la hausse ou, le cas échéant, à la baisse], selon les circonstances de l'espèce, en considération du rendement que, dûment informé, l'investisseur aurait pu obtenir du placement des sommes qu'il a investies sur le support en cause, depuis la date de cet investissement et jusqu'à la date de rachat du contrat.

En définitive, la cour d'appel est donc approuvée, en premier lieu, pour avoir retenu que la perte d'une chance, pour les investisseurs, d'éviter les moins-values constatées sur les unités de compte investies dans le fonds Indosuez alpha long terme ne pouvait être compensée par les performances des ré-investissements effectués sur d'autres supports et, en second lieu, pour avoir alloué aux investisseurs en réparation de leur préjudice une somme correspondant à la moins-value enregistrée entre les décisions d'investissement et de désinvestissement sur le fonds en cause, augmentée du rendement qu'aurait produit un placement moins risqué, le tout affecté du coefficient de probabilité que, dûment informés, les investisseurs aient renoncé à cet investissement.

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