N°11 - Novembre 2023 (Sociétés)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Autorité des marchés financiers / Concurrence / Contrat / Entreprise en difficulté / Impôts et taxes / Pratiques restrictives de concurrence / Propriété industrielle / Sociétés / Transport de marchandise / Ventes commerciales).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°11 - Novembre 2023 (Sociétés)

QUESTION NOUVELLE - La prorogation judiciaire d'une société suppose-t-elle une volonté de bonne foi et unanime des associés ?

Com. 30 août 2023, pourvoi n° 22-12.084

Il résulte de l'article 1844-6 du code civil que, quelle que soit la raison pour laquelle la consultation des associés à l'effet de décider si la société doit être prorogée n'a pas eu lieu, le président du tribunal, statuant sur requête à la demande de tout associé dans l'année suivant la date d'expiration de la société, peut constater l'intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois. Lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu'ils fixent, il suffit au président de constater que des associés représentant au moins cette majorité ont l'intention de proroger la société. Pour autoriser la société à procéder à cette consultation, le texte n'impose pas au président du tribunal de rechercher si les associés ont omis de bonne foi de proroger la société dont le terme est arrivé à échéance ni n'exige de constater l'intention unanime des associés.

La dissolution intervient de plein droit lorsque la société arrive à son terme. Néanmoins, il est possible de proroger la durée de la société par une décision collective des associés. Or, il peut arriver que les associés n'aient pas prorogé en temps utile et que la société arrive à son terme malgré eux. C'est pour répondre à cette problématique que la loi du 19 juillet 2019 dite «Soilihi», a introduit dans le droit commun des sociétés un dispositif permettant de proroger la durée de vie d'une société après expiration du terme statutaire.

Désormais, l'article 1844-6 du code civil prévoit que dans le délai d'un an après la date d'expiration de la société et à la demande des associés, le juge peut constater que les associés avaient bien l'intention de proroger la société et autoriser la consultation des associés à des fins de régularisation.

Les actes réguliers et passés entre le terme de la société et la décision de prorogation seront alors réputés avoir été accomplis par la société prorogée. La décision de prorogation emporte validation rétroactive de tous les actes réguliers passés après l'arrivée du terme et alors que la société était dissoute.

La Cour devait d’abord déterminer si la mise en œuvre de cette disposition précitée suppose que le défaut de prorogation procède d'une omission de bonne foi des associés. Le demandeur au pourvoi se prévalait à cet égard des travaux parlementaires où avait été évoquée l'idée d'un oubli de bonne foi des associés. La cour d'appel n'avait pas suivi cette thèse en relevant que ce serait ajouter une condition à la loi, et cette solution est approuvée par la chambre commerciale : il suffit, au regard du texte, de constater que la consultation n'a pas eu lieu, quelle que soit la raison pour laquelle elle n'a pas eu lieu.

La seconde question était ensuite de savoir si «l'intention des associés», qu'il appartient au président de constater, renvoie à une intention unanime de tous les associés, lorsque les statuts de la société prévoient que la décision de prorogation est prise à la majorité, simple ou qualifiée. En d'autres termes, l'approbation unanime des associés est-elle le préalable à la mise en œuvre de la prorogation postérieure ? La chambre commerciale répond par la négative. Elle approuve la cour d'appel d'avoir retenu que l'article 1844-6 du code civil «n'exige pas l'intention unanime des associés» avant de souligner que «lorsque les statuts de la société prévoient que la prorogation peut être décidée à la majorité qu'ils fixent, il suffit au président de constater que des associés représentant au moins cette majorité ont l'intention de proroger la société». L'approbation unanime des associés n'est donc pas un préalable à la mise en œuvre de la prorogation postérieure.

En s'en tenant strictement aux conditions posées par le texte adopté et en levant certains obstacles qui pourraient être mis à la procédure de régularisation, la chambre commerciale entend ainsi donner toute son efficacité à la loi dite «Soilihi» dont l'objectif est avant tout d'éviter les conséquences potentiellement considérables au plan économique d'une dissolution de plein droit due à la seule carence des associés.

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