N°11 - Novembre 2023 (Pratiques restrictives de concurrence)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Une sélection commentée des arrêts rendus par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation (Autorité des marchés financiers / Concurrence / Contrat / Entreprise en difficulté / Impôts et taxes / Pratiques restrictives de concurrence / Propriété industrielle / Sociétés / Transport de marchandise / Ventes commerciales).

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Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°11 - Novembre 2023 (Pratiques restrictives de concurrence)

REVIREMENT - Compétence ou pouvoir juridictionnel pour statuer sur le droit des pratiques restrictives ? - La chambre commerciale opte pour la sécurité juridique de la compétence

Com, 18 octobre 2023, pourvoi n° 21-15.378

La règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

La règle découlant de l'application combinée des articles L. 442-6, III, devenu L. 442-4, III, et  D. 442-3, devenu D. 442-2 du code de commerce, désignant les seules juridictions indiquées par ce dernier texte pour connaître de l'application des dispositions du I et du II de l'article L. 442-6 précité, devenues l'article L. 442-1, institue une règle de compétence d'attribution exclusive et non une fin de non-recevoir.

Par cet arrêt, la chambre commerciale a opéré un important revirement de jurisprudence concernant la spécialisation des juridictions désignées pour connaître des litiges réclamant l'application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence.

On rappellera qu'en vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'espèce (celle antérieure à celle issue du décret n°2021-211 du 24 février 2021), pour l'application de l'article L. 442-6 (dans sa rédaction antérieure à  celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019) le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes sont les juridictions de première instance de Marseille, Bordeaux, Tourcoing, Fort-de-France, Lyon, Nancy, Paris et Rennes, et seule la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des appels formés contre les décisions rendues par ces juridictions.

Il convient encore de préciser que les textes, applicables à la date de l'acte introductif d'instance de l'espèce, à savoir les articles L. 442-6 I, L. 442-6 III, D.442-3 et D. 442-4 du code de commerce, ont été ultérieurement renumérotés respectivement aux articles L. 442-1, L. 442-4, III (ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019), D. 442-2 et D. 442-3 (décret n°2021-211 du 24 février 2021).

La chambre commerciale jugeait, depuis 2013, que les juridictions non désignées par l'article D. 442-3 du code de commerce étaient dépourvues du pouvoir de juger les demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 dudit code et que la contestation née de l'absence de pouvoir du juge devant lequel était formée la demande, ou du juge qui avait statué, constituait une fin de non-recevoir et non une exception d'incompétence.

En application des articles 122 et suivants du code de procédure civile, lorsque le tribunal saisi d'une demande fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce, précité, n'était pas une juridiction désignée, celui-ci n'ayant pas le pouvoir de statuer, la demande devait être déclarée irrecevable. Cette analyse avait des effets procéduraux importants, en particulier dans la mesure où la saisine d'une juridiction incompétente n'interrompt pas les délais de prescription.

Cette analyse pouvait, en outre, dans les cas d'une demande principale fondée sur le droit commun, présentée devant une juridiction non désignée, conduire à imposer au justiciable souhaitant invoquer de manière reconventionnelle les dispositions de l'article L. 442-6, précité, d'engager une action parallèle pour faire juger ses moyens de défense, sans que le juge saisi de la demande principale ne soit obligé de surseoir à statuer.

Or, la jurisprudence majoritaire de la Cour de cassation juge que les règles désignant certaines juridictions pour connaître des demandes qui auraient pu relever des pouvoirs d'autres juridictions de même nature et de même degré constituent des règles de compétence.

L'arrêt commenté, par une motivation enrichie, explique les considérations qui ont conduit à ce revirement. Tout d'abord, la complexité de la construction jurisprudentielle issue de sa décision de principe (Com., 24 septembre 2013, pourvoi n° 12-21.089, Bull. 2013, IV, n° 138), qui ne correspondait pas à la terminologie des articles D. 442-3 et D. 442-4 du code de commerce, lesquels se réfèrent à la compétence de ces juridictions et non à leur pouvoir juridictionnel. Mais aussi, le constat que cette jurisprudence aboutissait à des solutions confuses et génératrices, pour les parties, d'une insécurité juridique quant à la détermination de la juridiction ou de la cour d'appel pouvant connaître de leurs actions, de leurs prétentions ou de leur recours. Enfin, cette solution entrait en contradiction avec l'article 33 du code de procédure civile, dont il résulte que la désignation d'une juridiction en raison de la matière par les règles relatives à l'organisation judiciaire et par des dispositions particulières relève de la compétence d'attribution.

Il précise aussi les conséquences en cas de litiges complexes. Ainsi, lorsqu'un défendeur à une action fondée sur le droit commun présente une demande reconventionnelle en invoquant les dispositions de l'article L. 442-6 précité, la juridiction saisie, si elle n'est pas une juridiction désignée à  l'article D. 442-3 précité, doit, si son incompétence est soulevée, selon les circonstances et l'interdépendance des demandes, soit se déclarer incompétente au profit de la juridiction désignée par ce texte et surseoir à statuer dans l'attente que cette juridiction spécialisée ait statué sur la demande, soit renvoyer l'affaire pour le tout devant cette juridiction spécialisée.

Cette nouvelle jurisprudence ayant pour effet d'ouvrir davantage l'accès au juge, la chambre commerciale n'a pas jugé utile de moduler son application dans le temps.

L'arrêt comporte un autre intérêt en ce que la Cour, après avoir prononcé cette cassation, a statué au fond dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Dans cette démarche, elle a d'abord jugé en rappelant les références de sa jurisprudence sur cette question (Com., 15 janvier 2020, pourvoi n° 18-10.512 ; Com., 26 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.782) que les dispositions de l'article L. 442-6, I du code de commerce ne s'appliquent pas aux activités de location financière, qui relèvent du code monétaire et financier,  puis, tirant les conséquences de cette analyse, elle a statué sur la compétence.

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