N°3 - Mars 2021 (Société commerciale)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°3 - Mars 2021 (Société commerciale)

Comptes sociaux - Publicité des comptes - Dépôt au greffe - Omission - Effets - Action en justice - Actions fondées sur des dispositions de droit spécial - Caractère exclusif (non)

Com., 3 mars 2021, pourvoi n° 19-10.086

A l’occasion d’un litige relatif à la rupture de relations commerciales, un distributeur a souhaité connaître l’ensemble des informations comptables et financière le concernant auprès de son fournisseur et a demandé en référé que ce fournisseur soit condamné sous astreinte à déposer au greffe, ce qu’il n’avait pas fait, ses comptes annuels, rapports de gestion, rapport des commissaires aux comptes, propositions d’affectation des bénéfices soumises aux différentes assemblées et les résolutions d’affectation votées, au titre de plusieurs exercices passés.

Le premier juge a déclaré irrecevable cette demande en considérant qu’elle aurait dû être dirigée contre le dirigeant de la société, en application de l’article L 123-5-1 du code de commerce, et non contre la société elle-même.

Réformant cette décision, la cour d’appel a considéré que les mécanismes particuliers prévus par les articles L. 123-5-1 et R. 210-18 du code de commerce n’étaient pas exclusifs de celui fondé sur les dispositions du droit commun prévues par l’article L. 232-23 qui fait obligation à toute société par action – et non à ses dirigeants – de déposer ses comptes annuels au greffe.

La cour d’appel a par ailleurs considéré que le demandeur justifiait d’un intérêt à agir, compte tenu de l’existence de relations commerciales anciennes et de leur rupture récente, dans des conditions controversées.

Rappelons que l’obligation, pour les SARL et les sociétés par actions, de publier leurs comptes sociaux, trouve son origine dans la loi du 24 juillet 1966 et dans différentes directives européennes, dont la première directive n° 68/151/CEE, remplacée par la directive 2009/101/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, qui reprend cette exigence.

Ce dépôt des comptes sociaux, en ce qu’il permet leur publication, vise à permettre à ceux qui contractent avec une société à risque limité d’en apprécier la solvabilité.

Initialement, le non-respect de cette obligation n’était sanctionné que par une amende pénale ; le décret n° 97-236 du 23 mars 1967 prévoyait en outre la possibilité de faire désigner en référé un mandataire chargé d’accomplir cette formalité (article 283 du décret du 23 mars 1967, devenu l’article R. 210-18 du code de commerce).

La menace d’une amende pénale ne s’est pas avérée suffisamment dissuasive ; quant à la désignation d’un mandataire, elle a peu été mise en œuvre, en raison de sa lourdeur et de son coût.

Certains plaideurs ont alors eu recours à la procédure de référé pour obtenir la condamnation de la personne morale à procéder au dépôt de ses comptes annuels et ont obtenu gain de cause.

Dans ce contexte, le législateur est intervenu pour instituer un dispositif confiant à tout intéressé ainsi qu’au ministère public le droit de demander en référé, au besoin sous astreinte, le dépôt des comptes.

La particularité de ce dispositif, issu de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques – dite NRE – et figurant à l’article L. 123-5-1 du code de commerce, est qu’il est dirigé contre les dirigeants de la personne morale légalement tenue de déposer ses comptes.

La question, inédite, qui était soumise à la Cour de cassation était donc celle de savoir si le dispositif spécifique résultant de l’article L. 123-5-1 était exclusif ou non de la possibilité pour tout intéressé de demander en référé la condamnation de la société – et non plus de ses dirigeants – à procéder à ce dépôt, en application des règles de droit commun.

Rejetant le pourvoi, la chambre commerciale a approuvé la cour d’appel d’avoir considéré que le dispositif spécial visant les dirigeants n’était pas exclusif du droit pour toute personne justifiant d’un intérêt à agir de demander en référé que la société elle-même soit enjointe de procéder à ce dépôt.

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