N°3 - Mars 2021 (Procédures collectives)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°3 - Mars 2021 (Procédures collectives)

Liquidation judiciaire - Vérification et admission des créances - Décision irrévocable d'admission d'une créance - Autorité de la chose jugée - Portée

Com., 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-13.539

Cet arrêt précise la marche à suivre pour l'associé d'une société civile en liquidation judiciaire qui entend contester une créance admise au passif de la liquidation sur le fondement d'une décision antérieure, devenue irrévocable, ayant condamné la société au paiement de cette créance.

Dans une telle hypothèse, c'est une double autorité de la chose jugée que l'associé doit combattre : celle attachée à la décision initiale condamnant la société au paiement et celle attachée à la décision du juge-commissaire admettant la créance.

L'associé ne peut dès lors se contenter de former tierce opposition à la décision initiale de condamnation. Il doit, concomitamment, présenter contre l'état des créances, en tant qu'intéressé au sens de l'article R. 624-8 du code de commerce, la réclamation prévue par ce texte, dans le délai imposé par celui-ci, soit le délai d'un mois à compter de la publication de cet état des créances au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, le juge-commissaire étant alors tenu de surseoir à statuer dans l'attente de la décision sur la tierce opposition.

En l'espèce, les associés d'une société civile immobilière en liquidation judiciaire avaient formé tierce opposition à une décision condamnant cette société à payer une certaine somme à une banque, dont la créance avait été admise sur le fondement de cette condamnation. Ces associés étaient cependant sans intérêt à exercer un tel recours, faute d'avoir présenté contre l'état des créances la réclamation prévue par l'article R. 624-8 du code de commerce.

Redressement judiciaire - Vérification et admission des créances - Admission - Créances fiscales - Absence de réclamation contentieuse adressée à l'administration fiscale

Com., 3 février 2021, pourvoi n° 19-20.683

Cet arrêt est l’occasion pour la chambre commerciale de rappeler un principe qui n’est pas nouveau, mais mal connu en pratique : s’agissant des créances fiscales, le débat sur la contestation de ces dernières est sans objet dès lors que celles-ci ne peuvent être contestées qu’après émission du titre exécutoire dans le délai précisé à l’article L.622-24 du code de commerce. Avant, l’admission est provisionnelle et si le titre n’est pas émis dans le délai, l’administration fiscale est forclose. Si le titre est émis, il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales, que le contribuable doit adresser une réclamation à l’administration fiscale dans les formes et délais de l’article 190 du livre précité. Cette exclusivité du mode de contestation avait expressément été édictée à l’article 106 de la loi du 25 janvier 1985, texte abrogé par la loi n° 94-475 du 10 mars 1994, qui n’a pas été repris par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005. Toutefois la jurisprudence en a réitéré le principe (notamment Cass. com., 15 nov. 2005, n° 04-17.328 : RJF 3/2006, n° 323 - Cass. com., 3 févr. 2015, n° 13-25.256 - Cass.com. 13 septembre 2017, n° 16-13.691). Il en résulte que le juge-commissaire n’est pas compétent pour statuer sur la contestation, et que l’absence de réponse par l’administration fiscale au mandataire dans le délai légal de trente jours est sans intérêt.

Devant le juge-commissaire, soit ce dernier constate que le débiteur-contribuable n’a pas fait de réclamation, ce qui était le cas en l’espèce, et il doit admettre la créance à titre définitif. Soit il se contente de constater qu'une réclamation ou une instance est en cours (Com., 18 janvier 2005, pourvoi n° 02-20.931, Bull., 2005, IV, n° 9 - Com., 10 mai 2005, pourvoi n° 03-19.888). En l’espèce, la contestation de la créance fiscale avait suivi la procédure ordinaire de la contestation de créance en application du livre VI du code de commerce. La chambre commerciale a donc relevé d’office le moyen de pur droit tiré de la procédure de contestation des créances fiscales.

L’admission d’une créance privilégiée ne dispense pas le créancier de renouveler la sûreté si la loi l’exige.

Sanctions - Défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal - Simple négligence du dirigeant

Com., 3 février 2021, pourvoi n° 19-20.004

La loi du 9 décembre 2016 est venue modifier les contours de la faute de gestion, en ajoutant au premier alinéa de l’article L. 651-2 du code de commerce que : « Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée ».

Cette modification législative a mis un terme à la jurisprudence antérieure (Com., 31 mai 2011, Bull. n° 87) qui retenait une acception large de cette faute, en considérant, comme en droit commun de la responsabilité civile, que n’importe quelle faute de gestion, même légère, d’imprudence ou de négligence, permettait d’engager la responsabilité du dirigeant.

Dans le cas du défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, l’hypothèse de la simple négligence du dirigeant ne saurait être réduite à celle de son ignorance de cet état sauf à priver la loi nouvelle de toute portée. C’est le sens de la décision retenu par cet arrêt.

Sauvegarde - Plan de sauvegarde - Exécution du plan - Résolution pour inexécution - Nouvelle procédure - Créancier admis au passif de la première procédure - Renouvellement de l'inscription de warrants après l'expiration du délai de cinq ans - Dispense

Com., 17 février 2021, pourvoi n° 19-20.738

La chambre commerciale affirme pour la première fois que l’interdiction pour certaines catégories de personnes (en l’espèce les parents du dirigeant de la société débitrice) d’acquérir les biens dans le cadre de la réalisation d’actif s’applique à toutes les modalités de cession, y compris la vente aux enchères. Si ce mode de cession protège sans doute le gage des créanciers, l’articulation des textes conduit nécessairement à cette solution : l’article L.642-20 du code de commerce, applicable aux réalisations d’actifs, qui renvoie aux interdictions de l’article L.642-3 édicté pour les offres de cession de l’entreprise, précise que ces interdictions concernent les cessions d’actifs réalisées en application des articles L.642-18 et L.642-19. Or le premier de ces textes prévoit trois modalités de cession des immeubles, dont la vente aux enchères publiques. Ce texte spécial l’emporte sur les articles L.322-7 et R. 322-39 du code des procédures civiles d'exécution qui ne prévoient pas une telle exclusion pour les ventes aux enchères. L’alinéa 1er de l’article L.642-20 précité, in fine, offre aux parents du dirigeant la possibilité de solliciter du ministère public qu’il dépose une requête auprès du juge-commissaire aux fins de les autoriser, par dérogation, à se porter acquéreurs et donc en l’espèce surenchérisseurs.

Instances en cours - Pouvoirs du juge du fond non soumis aux restrictions applicables au juge commissaire

Com., 10 mars 2021, pourvoi n°19-22.395

Cet arrêt vient préciser la portée de la jurisprudence selon laquelle la décision du juge-commissaire qui déclare irrecevable la demande de fixation d'une créance au passif équivaut à une décision de rejet entraînant l'extinction de cette créance (Com. 4 mai 2017, n° 15-24.854, Bull. n° 65 ; Com. 22 janvier 2020, n° 18-19.526, publié), sans remettre en cause cette solution. L'arrêt précise ainsi que cette jurisprudence n'est pas applicable au juge du fond statuant dans une instance en cours. En effet, ce juge, qui statue sur le fondement de l'article L. 622-22 du code commerce, se prononce avec la plénitude de ses pouvoirs juridictionnels, sans être soumis aux restrictions résultant de l'article L. 624-2 de ce code, applicable au seul juge-commissaire.

Responsabilité pour insuffisance d'actif - Action directe contre l'assureur

Com, 10 mars 2021, pourvoi n° 19-12.825, 19-17.066

Rendu dans une hypothèse où la société en liquidation judiciaire avait contracté une assurance responsabilité civile au profit de ses dirigeants sociaux, qui couvrait la responsabilité pour insuffisance d’actif (du moins l’assureur ne l’avait-il pas contesté), cet arrêt, à la portée pratique importante, admet qu’en application de l’article L.124-3 du code des assurances, le liquidateur, représentant la collectivité des créanciers, victime des fautes du dirigeant, peut exercer l’action directe contre l’assureur en cas de responsabilité du dirigeant fondée sur l’article L.651-2 du code de commerce. Il ajoute que rien n’interdit d’assigner dans une même instance le dirigeant et l’assureur, sur des fondements différents. Restait la question de la compétence du tribunal de la procédure collective pour connaître de l’action directe, laquelle n’entre pas dans les actions visées à l’article R.662-3 du code de commerce, mais l’incompétence du tribunal n’ayant de toute façon pas été soulevée, il n’appartenait pas à la cour d’appel de la relever d’office.

Déclaration de créance - Effet interruptif de prescription - Prolongation de l’effet interruptif jusqu’à la clôture de la procédure de liquidation

Com, 24 mars 2021, pourvoi n°19-23.413, publié

L'arrêt apporte une précision concernant le régime de la prescription applicable au créancier auquel la déclaration notariée d'insaisissabilité (DNI) de son débiteur est inopposable, en vertu de l'article L. 526-1, alinéa 1, du code de commerce, dans sa rédaction ici applicable. Lorsqu’un tel créancier a déclaré sa créance à la procédure collective du débiteur, sa déclaration de créance produit un effet interruptif de prescription, mais seulement jusqu'à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission (Com. 12 juillet 2016, n° 15-17.321, Bull. n° 109). En l'espèce, la situation présentait une singularité : le créancier auquel une DNI était inopposable avait déclaré sa créance au passif de son débiteur, mais, la dispense de vérification du passif ayant été décidée dans le cadre de la liquidation judiciaire (v. l'article L. 641, alinéa 2, du code de commerce), la clôture de la procédure collective est intervenue sans qu'il ait été statué sur la demande d'admission de la créance. Dans cette hypothèse particulière, l'arrêt commenté juge que l'effet interruptif de prescription qui s'attache à la déclaration de créance se prolonge jusqu'à la date de clôture de la procédure collective. En effet, si la décision d'admission n'existe pas - cette circonstance étant indépendante de la volonté du créancier -, aucun événement autre que la clôture de la procédure collective n'est susceptible de faire reprendre son cours à la prescription.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.