N°3 - Mars 2021 (Cautionnement)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°3 - Mars 2021 (Cautionnement)

Cautionnement - Disproportion - Fraude paulienne - Recevabilité de l'action paulienne du créancier

Com., 24 mars 2021; pourvoi n°19-20.033

Si le créancier qui exerce l’action paulienne sur le fondement de l’article 1341-2, anciennement 1167, du code civil, doit invoquer une créance certaine au moins en son principe à la date de l’acte argué de fraude et au moment où le juge statue sur son action, il est néanmoins recevable à exercer celle-ci lorsque l’absence de certitude de sa créance est imputée aux agissements frauduleux qui fondent l’action paulienne.

Les faits de l’espèce sont inédits. Une banque bénéficiaire d’un cautionnement s’est vu débouter de l’action paulienne qu’elle avait formée contre les cautions aux fins de voir constater l’inopposabilité à son égard d’une donation-partage consentie par ces dernières à leurs enfants, au motif que le cautionnement ayant, dans une autre instance, été jugé manifestement disproportionné aux biens et revenus des cautions sur le fondement de l’article 341-4, devenu les articles L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, elle ne disposait plus d’une créance certaine au moment où le juge saisi de la fraude paulienne statuait, peu important l’appel de la banque sur la disproportion.  

L’arrêt rejetant les demandes de la banque est cassé. Il est de jurisprudence constante qu'il suffit, pour l'exercice de l'action paulienne, que le créancier justifie d'une créance certaine en son principe au moment de l'acte argué de fraude, et que l'obligation de la caution naît le jour de son engagement, de sorte que le créancier qui exerce une action paulienne contre un acte de la caution a un principe certain de créance dès cette date. Au-delà de cette solution classique, l’apport de l’arrêt de la chambre commerciale est double.

D’une part, l’arrêt se prononce sur le fait que, même au moment où le juge statue, le créancier est admis à se prévaloir d’un principe certain de créance -et ne doit donc pas justifier d’une créance certaine-.

En effet, l’action paulienne se rapprochant davantage d’une mesure conservatoire que d’une mesure exécutoire, une créance certaine en son principe lorsque le juge statue suffit.

D’autre part, si les cautionnements litigieux avaient été jugés disproportionnés lors de leur conclusion, pour autant la banque pouvait encore s’en prévaloir en établissant que le patrimoine des cautions, au moment où celles-ci étaient appelées, leur permettait de faire face à leur obligation. La cour d’appel saisie de la fraude paulienne ne pouvait, dès lors, la débouter, sans rechercher, comme la banque l’y invitait, si, en l’absence des actes que celle-ci arguait de fraude paulienne, le patrimoine des cautions ne leur aurait pas permis de faire face à leur obligation au moment où elles ont été appelées, ce qui, le cas échéant, doit permettre de lui reconnaître un principe certain de créance, en dépit de la disproportion des engagements des cautions au moment de leur souscription. La cour d’appel aurait aussi pu surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge du cautionnement, saisi de l’appel de la banque.  

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