N°2 - Janvier 2021 (Transport terrestre)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°2 - Janvier 2021 (Transport terrestre)

Lettre de voiture - Action directe du voiturier contre l’expéditeur et le destinataire - Absence de responsabilité du voiturier à l’égard de l’expéditeur

Com., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18-25.768

Sommaire :

Aux termes de l’article L. 132-8 du code de commerce, la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations contre l'expéditeur et le destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Ces dispositions excluent toute action de l'expéditeur ou du destinataire en responsabilité du transporteur pour avoir poursuivi des relations avec son donneur d'ordre en dépit des difficultés de paiement rencontrées ou sans les avoir informés de celles-ci.

 

Commentaire :

L’article L.132-8 du code de commerce dispose :

« La lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ou entre l'expéditeur, le destinataire, le commissionnaire et le voiturier. Le voiturier a ainsi une action directe en paiement de ses prestations à l'encontre de l'expéditeur et du destinataire, lesquels sont garants du paiement du prix du transport. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Cette disposition d’ordre public, introduite par la loi du 6 février 1998, dite « loi Gayssot », a ajouté une nouvelle partie au contrat de transport, le destinataire, et mis à la charge de ce dernier, ainsi que de l’expéditeur, l’obligation de garantir le paiement du prix du transport au transporteur, sans, pour autant, préciser les conditions et le régime de l’action de ce dernier. Par conséquent, les demandes en paiement des transporteurs ont donné lieu à de nombreuses contestations, dont certaines étaient tirées de la connaissance, par le transporteur, des difficultés de trésorerie de la partie tenue contractuellement au paiement du prix du transport.

Cette circonstance a d’abord été invoquée pour faire échec à l’action du transporteur. Mais la chambre commerciale a refusé de priver le transporteur du bénéfice de l’article L.133-8 du code de commerce en jugeant que « la circonstance que le transporteur ait connu les difficultés de trésorerie de son donneur d'ordre ne lui interdit pas d'exercer l'action directe » (Com., 7 avril 2009, pourvoi n° 08-12.919).

Plus récemment, c’est en se plaçant sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle que le destinataire reprochait au transporteur d'avoir commis une faute de négligence consistant dans le fait d'avoir poursuivi pendant neuf mois sa relation commerciale avec l'expéditeur sans être payé. La chambre commerciale a approuvé la cour d'appel d'avoir rejeté l'action en responsabilité, au motif « que le paiement du prix du transport réclamé par le voiturier au destinataire sur le fondement de l'article L. 132-8 du code de commerce, qui n'est que l'exécution d'une obligation légale de garantie, ne peut constituer un préjudice indemnisable » (Com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 17-17.425).

Dans la présente affaire, le transporteur a vu sa responsabilité civile contractuelle engagée pour n’avoir pas avisé l’expéditeur, contre lequel il a exercé l’action en garantie, des difficultés de trésorerie du destinataire. La cour d’appel avait fait droit à la demande d’indemnisation du préjudice allégué par l’expéditeur en retenant « qu'il devait être reproché au transporteur, alors qu'il connaissait les difficultés avérées de paiement du destinataire dès le 23 décembre 2011, de ne pas avoir averti l'expéditeur et d'avoir, au contraire, au détriment de ce dernier, choisi d'exercer la garantie conférée par le contrat de transport le 14 mars 2012, et ce avant même d'avoir mis en demeure le destinataire le 11 avril suivant. » Ce faisant, les juges du fond avaient admis non seulement que le préjudice invoqué par l’expéditeur était indemnisable mais aussi que le transporteur était tenu d’une obligation d’information sur les difficultés financières rencontrées par son donneur d’ordre. Ce raisonnement est censuré par l’arrêt rapporté qui marque une évolution par rapport à l’arrêt du 4 juillet 2018 en ce qu’il ne se fonde pas sur le caractère non indemnisable du préjudice allégué mais retient que l’article L.133-8 du code de commerce exclut toute action de l'expéditeur ou du destinataire en responsabilité du transporteur pour avoir poursuivi des relations avec son donneur d'ordre en dépit des difficultés de paiement rencontrées ou sans les avoir informés de celles-ci.

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