N°2 - Janvier 2021 (Procédures collectives)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°2 - Janvier 2021 (Procédures collectives)

Sauvegarde - Arrêt des poursuites individuelles - Exéquatur - Sentence arbitrale condamnant le débiteur sous sauvegarde

Com., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-18.849

Sommaire :

Si l'exequatur d'une sentence arbitrale internationale ayant condamné un débiteur à payer une somme d'argent ne saurait, sans méconnaître le principe de l'arrêt des poursuites individuelles contre ce débiteur mis en procédure de sauvegarde, avoir pour effet de conférer à la sentence la force exécutoire d'une décision de condamnation du débiteur, en revanche l'exequatur de la sentence peut être accordé, à la demande du créancier, dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaître son droit de créance lorsque celui-ci est contesté devant le juge-commissaire.

 

Commentaire :

Si l’exequatur d’une sentence arbitrale internationale ayant condamné un débiteur à payer une somme d’argent ne saurait, sans méconnaître le principe de l’arrêt des poursuites individuelles contre ce débiteur mis en procédure de sauvegarde, avoir pour effet de conférer à la sentence la force exécutoire d’une décision de condamnation du débiteur, en revanche l’exequatur de la sentence peut être accordé, à la demande du créancier, dans le but exclusif de lui permettre de faire reconnaître son droit de créance lorsque celui-ci est contesté devant le juge-commissaire.

L’exequatur d’une sentence arbitrale internationale a pour effet de permettre l’exécution forcée des dispositions de la sentence, la force exécutoire dont celle-ci est alors revêtue découlant de la reconnaissance dans l’ordre juridique interne du droit qu’elle consacre. Dès lors, la demande d’exequatur peut être un préalable à la mise en œuvre de voies d’exécution, mais peut aussi se limiter à la recherche de la simple reconnaissance du droit consacré par la sentence, notamment lorsque les voies d’exécution sont interdites ou impossibles. Cette distinction à opérer entre les effets de l’exequatur prend tout son sens lorsqu’une sentence emporte condamnation d’une partie à payer une somme d’argent et que cette partie, mise en procédure collective, bénéficie de l’interdiction des voies d’exécution. Si ce principe interdit de conférer force exécutoire à la sentence en ce qu’elle comporte une condamnation du débiteur à payer une somme d’argent, il ne fait pas obstacle, en revanche, à l’exequatur de la sentence dans le but exclusif de permettre la reconnaissance de la créance, ce qui confère à l’exequatur tout son intérêt en cas de contestation de celle-ci devant le juge-commissaire.

Voies de recours - Exercice - Tierce opposition - Jugement de report de la date de cessation des paiements - Publication au BODACC - Délai imparti pour l'exercer - Point de départ

Com., 17 juin 2020, pourvoi n° 18-25.262

Sommaire :

Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les deux premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le dernier, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code, ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.

En conséquence, une cour d'appel retient exactement que les anciens dirigeants et les créanciers d'une société en liquidation judiciaire avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société dès la date de sa publication au BODACC et que cette seule date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition.

 

Commentaire :

Un dirigeant ou un ancien dirigeant, comme un créancier, informés par la publication au BODACC d'un jugement de report de la date de cessation des paiements, qui est susceptible d'avoir une incidence sur leurs droits en application, pour les premiers, des dispositions du titre V du livre VI du code de commerce relatif aux responsabilités et sanctions et, pour le second, des articles L. 632-1 et L. 632-2 du même code , ont, dès la date de publication, un intérêt à former tierce opposition à la décision de report s'ils n'y étaient pas parties.

En conséquence, une cour d'appel retient exactement que les anciens dirigeants d'une société en liquidation judiciaire avaient intérêt à former tierce opposition au jugement de report de la date de cessation des paiements de cette société dès la date de sa publication au BODACC et que cette seule date, à l'exclusion de celle de la délivrance de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, constituait le point de départ du délai de dix jours imparti par l'article R. 661-2 du code de commerce pour former tierce opposition.

La question posée était celle du point de départ du délai de tierce opposition (de 10 jours aux termes de l’article R. 661-2 du code de commerce) des dirigeants sociaux ou anciens dirigeants assignés en responsabilité pour insuffisance d'actif contre le jugement reportant la date de la cessation des paiements : date de publication du jugement de report au BODACC (comme énoncé par le texte précité en son alinéa 2 et retenu par les juges du fond) ou date de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif comme le soutenait le pourvoi.

L'intérêt d'un dirigeant à former un recours contre un jugement reportant la cessation des paiements a déjà été affirmé par la chambre commerciale (Com., 5 octobre 2010, pourvoi n° 09-69.010, Bull. 2010, IV, n° 150). Et il faut rappeler que depuis l’arrêt Com., 4 novembre 2014, pourvoi n° 13-23.070, Bull. 2014, IV, n° 164, l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report. Il en résulte que le dirigeant poursuivi en responsabilité pour insuffisance d'actif, comme celui poursuivi en interdiction de gérer aux termes de l’article R. 653-1, alinéa 2 du code de commerce, ne peuvent plus discuter, devant le juge saisi de la demande de sanction, la date de la cessation des paiements préalablement fixée ou reportée.

En retenant comme point de départ du délai de tierce opposition la date de publication au BODACC du jugement reportant la date de la cessation des paiements, le présent arrêt s’inscrit dans le prolongement de la solution identique adoptée dans l’hypothèse d’un créancier susceptible d’être assigné au titre d’une nullité de la période suspecte (Com., 14 juin 2017, pourvoi n° 15-25.698, Bull. 2017, IV, n° 85). 

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