N°2 - Janvier 2021 (Marchés financiers)

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

Lettre de la chambre commerciale, financière et économique

N°2 - Janvier 2021 (Marchés financiers)

Visites domiciliaires - Enquêteurs de l’AMF - Documents et supports saisissables - Saisies de données électroniques - Occupant des lieux

Com., 14 octobre 2020, n° 18-15.840

Com., 14 octobre 2020, n° 18-17.174

Sommaire :

Il résulte des articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que seuls sont saisissables les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite domiciliaire, ce passage serait-il attendu.

 

Commentaire :

Dans le cadre d’une enquête ouverte par l’Autorité des marchés financiers (AMF), portant sur un manquement d’initié, un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé les enquêteurs de l’AMF à procéder à une visite au siège social d’une société et à saisir toutes pièces ou documents utiles à la manifestation de la vérité, quelqu’en soit la nature et le support.

L’ordonnance, qui prévoyait que la visite se déroulerait le jour où devait se tenir un conseil d’administration de la société, autorisait en particulier la saisie des téléphones portables et ordinateurs personnels de plusieurs représentants d’une société tierce, dont la présence à ce conseil d’administration était attendue.

La chambre a donc eu l’occasion de répondre à une question, inédite, portant sur la possibilité d’autoriser la saisie de données électroniques détenues par des personnes dont la présence, dans les locaux visités, n’est que ponctuelle.

Selon l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but et si elle fait l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif.

La saisie de données électroniques appartenant à un tiers à la société visitée est-elle prévue par l’article L. 621-12 du code monétaire et financier, qui constitue le cadre légal des visites domiciliaires effectuées par les enquêteurs de l’AMF ?

Ce texte n’exige pas expressément que les documents dont la saisie est autorisée appartiennent à l’occupant des lieux visités.

Cependant, la chambre a considéré que cette mesure d’investigation, qui est strictement encadrée en ce qu’elle porte atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile, ne peut concerner que les documents détenus par l’occupant des lieux, ce que confirment les dispositions qui prévoient que l'occupant des lieux ou son représentant peut seul, avec les enquêteurs de l'Autorité et l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, prendre connaissance des pièces avant leur saisie, signer le procès-verbal et l'inventaire et se voir restituer les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité. Elle en a donc déduit que seuls sont saisissables les documents et supports d’information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux.

Elle a ensuite exclu que la simple présence d'une personne au moment de la visite puisse lui conférer la qualité d'occupant des lieux, qu’elle définit comme étant la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée, à l'exclusion des personnes de passage au moment de la visite, ce passage serait-il attendu.

Cette définition se rapproche de celle que retient la doctrine de l’administration fiscale s’agissant des visites domiciliaires prévues par l’article L. 16 B du livre des procédures fiscales, selon laquelle l’occupant des lieux est la personne qui occupe les locaux quel que soit son titre (propriétaire, locataire, occupant à titre gratuit), cette liste n’englobant pas les personnes simplement présentes dans les locaux visités.

On notera que les enquêteurs de l’AMF, dûment autorisés, ont toujours la possibilité de saisir des documents détenus par des personnes physiques résidant à l’étranger, de passage sur le territoire français, dans le cadre d’une visite des locaux qu’elles occupent, même temporairement, lors de leur venue en France, comme cela était d’ailleurs prévu dans l’ordonnance litigieuse, qui autorisait également la visite des lieux de résidence temporaire en France des intéressés.

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