Recueil annuel des études 2022 (B. Un débat sur l’office du juge dans un univers économique plus complexe)

Étude

  • Contentieux des clauses abusives : illustration d'un dialogue des juges
  • Les enjeux juridiques des locations de courte durée
  • Retour sur un bris de jurisprudence : la réforme de l'article 1843-4 du code civil
  • Restructuration des sociétés : quelle responsabilité pénale pour les personnes morales

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Étude

Recueil annuel des études 2022 (B. Un débat sur l’office du juge dans un univers économique plus complexe)

B. Un débat sur l’office du juge dans un univers économique plus complexe

a. Un débat de méthode

Au travers du Rapport annuel 2014 de la Cour de cassation, la chambre commerciale n’avait pas manqué d’observer, sobrement, que sa jurisprudence avait fait l’objet d’un « vif débat doctrinal » [70].

Et certes, la vigueur d’autres expressions s’ajoutant aux termes des commentaires cités en introduction de la présente étude, employées par ces « disputes doctrinales » [71] provoquées par l’arrêt du 4 décembre 2007 qualifié de « dévoiement » [72], a été relevée par la doctrine elle-même, les qualifiant de « mercuriales » [73], ou de « critiques virulentes – voire violentes » [74].

On ajoutera l’emploi de l’expression, peu flatteuse, de « pénibles convulsions jurisprudentielles » [75], qui permet néanmoins d’aborder un autre aspect de la controverse méritant l’attention.

Il est en effet intéressant de relever qu’au-delà du débat de fond, les critiques adressées à la jurisprudence de la chambre commerciale relative à ce texte furent aussi adressées à la forme et à la méthode de l’interprétation jurisprudentielle, touchant là au mode d’expression, et de conviction, de la fonction normative de la Cour de cassation, tel qu’il était alors en vigueur [76].

Fut ainsi contestée, s’agissant de l’arrêt du 4 décembre 2007 précité, la formulation elle-même de l’arrêt qui s’en tenait, on le rappelle, au visa de l’article 1843-4 du code civil et à sa reproduction stricte, sans autre explication [77].

En sens inverse, celui du 5 mai 2009, qui donnait toute liberté à l’expert pour procéder à l’évaluation, fut également critiqué en ce qu’il ajoutait, quant à lui, à la reproduction de l’article 1843-4 du code civil, la phrase selon laquelle « seul l’expert détermine les critères qu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts » [78]. C’est alors l’énoncé d’une « règle inventée de toutes pièces » qui était reproché, le syllogisme juridique mis en œuvre étant également contesté, en ce que l’affirmation de la règle ne découlerait pas, alors qu’elle est présentée comme telle, de la citation de l’article lui-même [79].

Quoi qu’il en soit de cette dernière appréciation, il ne peut qu’être constaté que les arrêts de 2007, 2009 et 2012 précités étaient motivés sans l’expression d’un « chapeau », autrement désigné comme « l’attendu de principe » [80], lequel est pourtant, selon des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, « le meilleur moyen d’exprimer son interprétation de la règle de droit, et, donc, de remplir sa fonction normative » [81].

Toutefois, s’agissant de l’arrêt du 5 mai 2009, au vu de son commentaire au Rapport annuel déjà évoqué, participant, selon un auteur, de la « révolution rédactionnelle » qu’un auteur estimait se produire à la Cour de cassation [82], la critique paraissait pouvoir être pondérée s’agissant de la connaissance des ressorts de la décision, expressément affirmés dans ce commentaire, sauf à considérer que ceux-ci ne puissent être exprimés en dehors de la décision elle-même.

C’est d’ailleurs en ce dernier sens que s’exprimait, à propos de l’interprétation de l’article 1843-4 du code civil, une partie de la doctrine [83], regrettant de devoir trouver dans le rapport du conseiller, publié, les termes de la compréhension de l’arrêt ultérieur du 4 décembre 2012 [84], étant observé qu’un arrêt du même jour [85] rappelait le pouvoir de l’expert de déterminer librement la valeur de titres sans être tenu par les clauses statutaires et selon les critères qu’il jugeait opportuns sous la limite de l’erreur grossière. Il en était déduit par le même auteur un « manque de lisibilité de la jurisprudence », visant spécialement les arrêts des 24 novembre 2009 et 4 décembre 2012, publiés, précités. Dans le même sens, et plus brutalement, il était estimé que « L’incertitude n’était pas dissipée par les commentaires […] [et que] ce n’est pas de gloses dont elle [la pratique] avait besoin, mais d’arrêts lisibles et indiscutables. » [86]

Malgré cette approche, qu’on peut qualifier de restrictive, d’une partie de la doctrine, quant aux modes d’explication de la jurisprudence que l’on a pu retrouver dans le débat relatif à l’évolution de la motivation des arrêts de la Cour de cassation [87], cette dernière réutilisa, on l’a vu, l’outil du commentaire au Rapport annuel pour accompagner le cantonnement apporté par l’arrêt du 11 mars 2014 au champ d’application de l’article 1843-4 du code civil, malgré l’inclusion, par ailleurs, d’un « chapeau » dans ce même arrêt.

Un autre reproche doctrinal, celui de « pointillisme », a été exprimé à propos de cette interprétation jurisprudentielle visant cette fois la construction progressive de la jurisprudence, alors, selon l’auteur de ce reproche, que « l’on attendrait d’être définitivement éclairés par une formule ciselée et synthétique, là où la Cour se contente trop souvent de justifier ses solutions par une reprise in extenso de l’article 1843-4, comme si ce parapet protégeait des embardées » [88].

Cette remarque critique sur la méthode de la Cour de cassation a été reprise par l’observation, neutre, de ce que « La portée de sa jurisprudence ne se dévoile qu’au fil des décisions. » [89]

Cette critique paraît plus étonnante, au regard des pouvoirs de la Cour de cassation, dont on n’ose pas rappeler qu’elle ne peut rendre d’arrêt de règlement, de sorte que la construction progressive de la jurisprudence, qu’elle se fasse à « grands ou petits pas » [90], n’intervient qu’au travers de cas particuliers.

C’est ce que ne méconnaissait pas, dans son analyse pourtant critique de la construction progressive de la jurisprudence présentée sous l’expression d’« errements du processus judiciaire », un autre auteur [91], rappelant qu’une « jurisprudence se construit arrêt après arrêt, au gré des espèces. Le temps nécessaire est aléatoire, puisqu’il dépend de la formation de pourvois. Et c’est seulement à son achèvement que les contours du nouvel édifice apparaissent dans toute leur clarté ».

Peut-on alors, puisque tel est effectivement le cas, faire grief au processus jurisprudentiel d’être soumis aux aléas de la chronologie et des questions posées par les pourvois successifs ? Peut-être cette critique manifeste-t-elle un appel à l’usage plus fréquent d’obiter dictum qui eût pu permettre à la chambre d’indiquer expressément avant 2012, et quoique la solution ait été implicite dès 2009, quel périmètre d’application elle estimait devoir donner à l’article 1843-4 du code civil s’agissant des pactes extrastatutaires sur lesquels la doctrine et les praticiens s’interrogèrent dès l’arrêt du 4 décembre 2007 précité, et partant, au domaine des « pleins pouvoirs » de détermination de la valeur des droits sociaux par le seul expert, sous l’unique réserve de l’erreur grossière. On sait toutefois l’usage limité qu’en fait la Cour de cassation [92]. Il y a là, sans doute, matière à réflexion sur l’office de la Cour.

On notera aussi que, adressée en « supplique à l’adresse de mesdames et messieurs les Hauts conseillers afin qu’ils accordent grâces aux praticiens de la tierce estimation » [93], une partie de la critique doctrinale s’inscrivait en outre, sous cette forme mesurée, dans une portée concrète, en appelant l’attention de la chambre sur des enjeux autres que de pure science du droit.

C’est qu’en effet, depuis 1978 et a fortiori depuis 1966, le contexte avait changé.

 


 [70]. Commentaire au Rapport annuel 2014 de la Cour de cassation, p. 509.

 [71]. J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 par la chambre commerciale devant la Cour de cassation », loc. cit.

 [72]. B. Dondero, « Date d’évaluation des droits sociaux en cas de retrait d’un associé “Je ne suis pas imprévisible !” dit soudain la Cour de cassation (toujours l’article 1843-4 du code civil)… », JCP 2013, éd. E, 1129.

 [73]. J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 par la chambre commerciale devant la Cour de cassation », loc. cit.

 [74]. C. Grimaldi, « Regard civiliste sur la cession ou le rachat forcé de droits sociaux », loc. cit.

 [75]. A. Constantin, « Interrogations (et inquiétudes) sur le champ d’application des dispositions de l’article 1843-4 du code civil, notamment son extension aux conventions extrastatutaires », loc. cit.

 [76]. Soit avant les développements de la motivation dite enrichie et l’énoncé des arrêts de la Cour de cassation depuis le 1er octobre 2019, en style direct.

 [77]. Voir ainsi R. Mortier, « L’absolutisme jurisprudentiel de l’article 1843-4 du code civil », loc. cit.

 [78]. Com., 5 mai 2009, pourvoi n° 08-17.465, Bull. 2009, IV, n° 61, publié au Rapport annuel.

 [79]. R. Mortier, « Fin du suspense : le tiers estimateur de l’article 1843-4 du code civil peut s’affranchir des statuts », Dr. sociétés juin 2009, comm. 114.

 [80]. M.-N. Jobard-Bachellier, X. Bachellier et J. Buk Lament, La technique de cassation, Dalloz, 8e éd., 2013, p. 41 et s.

 [81]. Droit et pratique de la cassation en matière civile, LexisNexis, 3e éd., 2012, no 1148.

 [82]. D. Lanzara, Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l’heure actuelle, thèse, LGDJ, 2017, première partie, titre II, chapitre 2, p. 151 et s., not. no 199.

 [83]. J. Moury, « Supplique à l’adresse de mesdames et messieurs les Hauts conseillers afin qu’ils accordent grâces aux praticiens de la tierce estimation », Rev. sociétés 2013, p. 330.

 [84]. Com., 4 décembre 2012, pourvoi n° 10-16.280, Bull. 2012, IV, n° 223.

 [85]. Com., 4 décembre 2012, pourvoi n° 11-26.520.

 [86]. H. Synvet, « L’article 1843-4 du code civil comme illustration des dérèglements affectant les sources du droit des sociétés », in Mélanges en l’honneur de Patrick Serlooten, Dalloz, 2015, p. 355, spéc. p. 359, no 14.

 [87]. Il est renoncé à la citation de la production doctrinale relative à la réforme de la motivation des arrêts de la Cour de cassation particulièrement riche.

 [88]. R. Mortier, « L’article 1843-4 à tout prix ! », Dr. sociétés mars 2013, comm. 41.

 [89]. J.-M. Desaché, « Article 1843-4 du code civil : une bonne nouvelle confirmée, il y a des limites à l’extension de son champ d’application », loc. cit.

 [90]. Cf. l’ouvrage précité de D. Lanzara, Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l’heure actuelle, op. cit., première partie, titre I, chapitre 2.

 [91]. H. Synvet, « L’article 1843-4 du code civil comme illustration des dérèglements affectant les sources du droit des sociétés », in Mélanges en l’honneur de Patrick Serlooten, op. cit., spéc. p. 357 et 360, no 16.

 [92]. Cf. sur cette question : l’ouvrage précité de D. Lanzara, Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l’heure actuelle, op. cit., no 100 à 104.

 [93]. J. Moury, « Supplique à l’adresse de mesdames et messieurs les Hauts conseillers afin qu’ils accordent grâces aux praticiens de la tierce estimation », loc. cit., et aussi J.-M. Desaché demandant « qu’il soit permis à un praticien d’exhorter les Hauts magistrats à faire rentrer dans son lit l’article 1843-4 du code civil », « Article 1843-4 du code civil : une bonne nouvelle confirmée, il y a des limites à l’extension de son champ d’application », loc. cit.

b. Les éléments contextuels de la controverse : des principes juridiques classiquement antagonistes dans un univers économique plus complexe

À cet égard, le contexte économique paraissait être un autre enjeu d’interprétation des dispositions en cause et, le cas échéant, de leur nécessaire évolution.

Les termes du débat juridique s’attachaient, selon le cas, à critiquer la jurisprudence au nom du respect de la volonté des parties et de la force obligatoire des conventions, ou à l’approuver ou en tout cas à l’expliquer, au nom du caractère d’ordre public de l’article 1843-4 du code civil que les prévisions contractuelles des parties auraient pour effet de mettre, à rebours de ce caractère d’ordre public, en échec par une renonciation à se prévaloir du dispositif de protection prévu par le texte, antérieurement à la naissance de la situation permettant le « déclenchement » de ce droit.

Mais si les critiques de la jurisprudence en cause opposaient tenants de la liberté contractuelle et de la force obligatoire des contrats, à ceux faisant de l’impérativité de l’article 1843-4 et de sa ratio legis de protection de la partie supposée faible (l’associé exclu, retrayant, non agréé, cédant, ou cessionnaire) dans un antagonisme « classique » dans le droit général comme dans le droit des sociétés, le contexte économique de la multiplication de ces clauses, dans et hors le pacte social, constituait un enjeu nouveau, mais non impensé, d’interprétation du texte.

Sans doute l’évolution du contexte d’application de ce texte, marquée par le développement de pactes et conventions extrastatutaires, résultant d’un management entrepreneurial selon des modalités anglo-saxonnes [94] marquant même la désignation de ces clauses [95] dont l’application était en jeu, a-t-elle contribué à amplifier le débat. Ainsi, le texte issu d’une loi de 1978 réformant a priori marginalement des dispositions nées en 1966, devait-il être interprété, après les années 2000, dans un environnement bien différent de celui de son adoption, avec des enjeux pratiques et économiques tout autres que ceux ayant présidé à celle-ci. Cette situation, et « l’importance des intérêts financiers en jeu », relevée par un auteur [96], pouvaient peut-être, selon lui, exacerber l’acuité de la controverse.

À un contexte encore traditionnel d’organisation, par exemple, d’une transmission d’une entreprise, en prévision du départ à la retraite du fondateur, à son personnel et à un membre de sa famille (hypothèse de l’arrêt du 4 décembre 2007 précité), venait se substituer une perspective d’une organisation sociétale d’une autre ampleur économique et pour d’autres visées que sa transmission (hypothèse de l’arrêt du 5 mai 2009 concernant une société civile dans le secteur de la grande distribution et la fixation de la valeur des parts sociales des associés exclus, les prévisions statutaires fixant les conditions d’évaluation étant donc écartées par l’effet de la jurisprudence).

Ce contexte d’application rendait inadaptée, selon certains auteurs, la logique de protection de l’associé cédant réputé faible, sur laquelle la jurisprudence critiquée reposait, dans la continuité de la genèse du texte. La doctrine relevait, à cet égard, la difficulté d’identification de la partie faible, dans un contexte où la distinction entre associés majoritaires puissants et minoritaires réputés faibles n’apparaissait pas évidente [97]. L’« associé minoritaire, [l’]associé non professionnel ou peu au fait des affaires, [l’]associé salarié ou en situation de dépendance économique » [98] avait effectivement peu à voir avec des associés ou dirigeants parfois qualifiés, non sans une certaine connotation péjorative, de « mercenaires », pleinement conscients de leurs droits au moment de la souscription des conventions en cause. Il était aussi relevé que les anticipations ordonnées par ces clauses étaient donc, selon les auteurs [99] en pratiquant par ailleurs la rédaction, remises en cause.

On se référera aussi aux exemples concrets donnés par un auteur [100] et au rapprochement fait par celui-ci entre l’analyse de l’article 1843-4 du code civil et la problématique de l’exécution forcée du contrat de promesse refusée par la jurisprudence, cet auteur voyant dans la jurisprudence contestée un reflet de celle, également critiquée, sur le refus d’exécution forcée de la promesse de vente. Cette comparaison peut d’ailleurs se poursuivre sur le bris de cette autre jurisprudence par le nouvel article 1124, alinéa 2, du code civil [101] prévoyant l’exécution forcée d’une promesse unilatérale [102].

Par ailleurs, il était à craindre, selon certains [103], devant l’insécurité juridique qu’entraînait, selon eux, l’application de l’article 1843-4 aux pactes d’actionnaires, « que les acteurs économiques choisissent un droit étranger garantissant la sécurité juridique des transactions ». On trouvera un écho de cet argument dans l’exposé des motifs de l’ordonnance réformant ce texte, évoquant, au rang de ceux-ci, l’attractivité de notre droit.

Ces considérations contextuelles, tout aussi sérieuses et réelles qu’elles aient pu être, ne pouvaient néanmoins, être « prises en charge » par la jurisprudence de la chambre, qui ne les méconnaissait pas, ainsi que le commentaire au Rapport annuel 2014 le manifestait. Il s’agissait en effet de circonstances factuelles échappant à son contrôle et elle se trouvait en présence de dispositions légales n’opérant pas de distinction reposant sur des critères juridiques, seuls en son pouvoir et en son rôle d’éclairer, de préciser, et, le cas échéant, de cantonner. Telle fut, en tout cas, la logique de son interprétation jusqu’à l’arrêt du 11 mars 2014, lequel opéra une réduction du champ d’application jusque-là largement inclusif de l’article 1843-4 du code civil.

En outre, il était possible de considérer, face aux difficultés d’interprétation du texte, dont même la doctrine critique admettait l’existence comme il l’a été rappelé, que seul le législateur pouvait, par l’expression d’un texte clair et précis sur les deux questions ayant fait débat, déterminer une norme correspondant aux nécessités économiques telles qu’appréciées par lui, qui en a seul la légitimité. N’est-il pas alors vain d’observer que « les tribunaux sont mal équipés pour faire les choix qu’implique la relecture d’une disposition telle que l’article 1843-4 du code civil » et que « Leur information économique […] est pauvre » ; ou que « L’expérience personnelle de la vie des affaires manque chez le juge professionnel pour suppléer cette carence fondamentale » ? [104]La question paraît moins, en effet, d’une « évolution éclairée de la règle de droit » dont « Les conditions [n’auraient pas été] réunies » [105],pour les raisons sus-évoquées dont on pourrait débattre de l’exactitude et de la pertinence, que des objectifs de cette évolution, laquelle, compte tenu des préoccupations économiques à trancher, paraissaient relever du législateur. Si la jurisprudence est un moyen d’adapter l’interprétation des textes à un nouveau contexte économique ou social, l’intervention du législateur paraît nécessaire lorsque le texte à interpréter est un outil de « pilotage » de l’action des opérateurs économiques dans un sens répondant à des orientations de politique économique dont la définition relève des seuls pouvoirs exécutif et législatif.

 


 [94]. Relevées, on l’a vu, par C. Champaud et D. Danet.

 [95]. Voir ainsi les clauses de « tag along » et « drag along » s’agissant de cessions conjointes envisagées par les associés dans des pactes extrastatutaires, les clauses de « goog or bad leaver » pour la sortie des dirigeants entrés lors d’opération de « Leverage Buying Offer » (LBO) dans les sociétés, signataires, à leur arrivée ou leur recrutement, de promesses de vente aux conditions prédéterminées, dans le cadre de « managing package », sans compter les clauses de « goodwill » ou de « badwill », valorisant ou dévalorisant le prix en fonction d’événements déterminés, les clauses « buy or sell », de « call » ou de « put », etc. ; voir sur ce sujet J.-M. Desaché, « Article 1843-4 du code civil : une bonne nouvelle confirmée, il y a des limites à l’extension de son champ d’application », loc. cit.

 [96]. J. Moury, « Réflexions sur l’article 1843-4 du code civil après l’arrêt rendu le 5 mai 2009 par la chambre commerciale de la Cour de cassation », loc. cit., auxquelles font écho également les commentaires de C. Champaud et D. Danet précités ; « Cession de droits sociaux préemptés. Défaut d’accord des parties sur le prix. Fixation à dire d’expert. Application de l’article 1843-4 du code civil. Faculté du juge de fixer des règles d’évaluation applicable à l’expertise (non) », loc. cit.

 [97]. Cf. à cet égard les observations de H. Le Nabasque à propos de l’arrêt de la chambre commerciale du 24 novembre 2009, pourvoi n° 08-21.369, « Retour (d’humeur) sur l’article 1843-4 du code civil », Rev. sociétés 2011, p. 149.

 [98]. Ainsi énumérés par A. Constantin dans son commentaire sous Com., 4 décembre 2012, pourvoi n° 10-16.280, « Interrogations (et inquiétudes) sur le champ d’application des dispositions de l’article 1843-4 du code civil, notamment son extension aux conventions extrastatutaires », loc. cit.

 [99]. Qui l’indiquaient en toute transparence, cf. les articles précités.

 [100]. J.-M. Desaché, « Article 1843-4 du code civil : une bonne nouvelle confirmée, il y a des limites à l’extension de son champ d’application », loc. cit.

 [101]. Issu de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

 [102]. Voir 3e Civ., 23 juin 2021, pourvoi n° 20-17.554, publié au Bulletin, dans lequel la troisième chambre civile opère un revirement sur la jurisprudence Consorts Cruz en anticipant l’application du nouvel article 1124 du code civil.

 [103]. R. Dammann et F. Thillaye, « Application controversée de l’article 1843-4 du code civil aux pactes extrastatutaires », RLD Aff. mars 2013, no 80.

 [104]. H. Synvet, « L’article 1843-4 du code civil comme illustration des dérèglements affectant les sources du droit des sociétés », in Mélanges en l’honneur de Patrick Serlooten, op. cit., spéc. p. 360, no 17.

 [105]. H. Synvet, ibid.

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