Recueil annuel des études 2022 (3. La gestion des litiges)

Étude

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  • Retour sur un bris de jurisprudence : la réforme de l'article 1843-4 du code civil
  • Restructuration des sociétés : quelle responsabilité pénale pour les personnes morales

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Étude

Recueil annuel des études 2022 (3. La gestion des litiges)

Le constat des manquements

Les agents assermentés du service municipal du logement, nommés par le maire, chargés de contrôler l’usage des locaux destinés à l’habitation, disposent de pouvoirs définis par les articles L. 651-6 et L. 651-7 du code de la construction et de l’habitation et L. 324-2-1, IV, du code du tourisme. Ils peuvent, notamment, s’agissant des loueurs, visiter les locaux de huit heures à dix-neuf heures, recevoir toute déclaration, se faire présenter toute pièce utile, et concernant les plateformes numériques, se faire présenter toute déclaration utile.

L’efficacité ne doit toutefois pas se faire au détriment de la légalité. En effet, il était également prévu, par l’article L. 651-6, alinéa 6, du code de la construction et de l’habitation, qu’en cas de carence de la part de l’occupant ou du gardien, l’agent assermenté pouvait, au besoin, se faire ouvrir les portes et visiter les lieux en présence du maire ou du commissaire de police, les portes devant être refermées dans les mêmes conditions. Après une question prioritaire de constitutionnalité renvoyée au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation [50], cette dernière disposition a été déclarée inconstitutionnelle [51]. Le Conseil a considéré qu’en prévoyant que les agents pouvaient procéder à une telle visite, sans l’accord de l’occupant du local ou de son gardien, et sans y avoir été préalablement autorisés par le juge, le législateur avait méconnu le principe d’inviolabilité du domicile. Cette disposition a donc été supprimée.

La saisine du juge

À l’origine, la loi ALUR donnait qualité au ministère public pour saisir le président du tribunal de grande instance du lieu de l’immeuble statuant en référé pour statuer sur les manquements constatés et appliquer les sanctions.

Ce texte [52] a été modifié par la loi no 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a substitué à la procédure de référé la saisine « en la forme des référés » et prévu que la requête devait être établie par le « maire de la commune » ou par « l’Agence nationale de l’habitat » et non plus par le procureur de la République.

Il a de nouveau été modifié [53].

La Cour de cassation a jugé que ces modifications étaient d’application immédiate [54].

La preuve de la destination du bien

Ce point est essentiel en ce qu’il détermine l’application du dispositif d’autorisation [55].

L’article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l’habitation indique que « pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve ».

La date du 1er janvier 1970 est retenue car l’objectif est de préserver l’habitat existant et de faciliter la preuve de l’usage. La loi no 68-108 du 2 février 1968 et son décret d’application no 69-1076 du 28 novembre 1969 ont imposé aux redevables de la contribution foncière sur les propriétés bâties de déclarer l’usage de leur bien sur une formule administrative communément appelée déclaration « H2 ». Le fichier immobilier de 1970 et non plus celui de 1940 est donc la référence.

Cette déclaration « H2 » constitue donc un mode de preuve privilégié de l’usage du bien mais pas exclusif [56]. Les renseignements figurant sur ce document rempli des années après le 1er janvier 1970 ne peuvent être considérés, sauf précisions, comme décrivant l’usage du bien à cette date [57] étant observé que seul le montant du loyer indiqué correspond à celui en vigueur au 1er janvier 1970.

Dans certaines circonstances, l’évolution de la situation du local postérieurement au 1er janvier 1970 peut être prise en considération :

  • pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 (article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l’habitation) ;
  • lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 (article L. 631-7, alinéa 4, du code de la construction et de l’habitation) ;
  • pour les locaux affectés à l’usage d’habitation en 2005 en vertu d’une « déclaration d’affectation temporaire » à usage d’habitation sans avoir retrouvé leur usage initial dans le délai (article 29, III, de l’ordonnance no 2005-655 du 8 juin 2005).

La Cour de cassation applique toutefois restrictivement ces exceptions. Ainsi, la preuve d’un usage d’habitation lors de l’acquisition du bien en 1980 est-elle inopérante [58]. Par un arrêt du 5 avril 2019 [59], le Conseil d’État a interprété ainsi qu’il suit l’article L. 671-7, III, du code de la construction et de l’habitation : « en l’absence d’autorisation de changement d’affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date. En revanche, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’attacher pareilles conséquences au constat, au 1er janvier 1970, de l’affectation d’un local à un autre usage que l’habitation » [60].

 


 [50]. 3e Civ., 17 janvier 2019, QPC n° 18-40.040, publié au Bulletin.

 [51]. Cons. const., 5 avril 2019, décision n° 2019-772 QPC, M. Sing Kwon C. et autre [Visite des locaux à usage d'habitation par des agents municipaux].

 [52]. Article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation.

 [53]. - par la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 qui a remplacé la formule « maire de la commune » par le terme « commune » ; - par la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 qui supprimé la mention « sur conclusions du procureur de la République, partie jointe avisée de la procédure » ; - et enfin par l’ordonnance no 2019-738 du 17 juillet 2019 qui a donné compétence au président du « tribunal judiciaire » lequel statue selon la « procédure accélérée au fond, sur assignation ».

 [54]. 3e Civ., 5 juillet 2018, QPC n° 18-40.014 ; 3e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 18-22.142, publié au Bulletin ; 3e Civ., 16 mai 2019, pourvoi n° 17-24.474, publié au Bulletin.

 [55]. Il sera précisé que le changement d’usage se distingue du changement de destination qui, visant à éviter le contournement de règles d’urbanisme, répond à une législation autonome excepté lorsque le changement d’usage fait l’objet de travaux entrant dans le champ d’application du permis de construire, la demande de permis ou la déclaration préalable vaut demande de changement d’usage (article L. 631-8 du code de la construction et de l’habitation).

 [56]. 3e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-17.800.

 [57]. 3e Civ., 18 février 2021, pourvoi n° 19-11.462, publié au Bulletin.

 [58]. 3e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.366, publié au Bulletin.

 [59]. CE, 5 avril 2019, n° 410039, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

 [60]. Voir le commentaire du professeur H. Périnet-Marquet, « Une interprétation atypique de l’article L. 631-7 menace la sécurité juridique des changements d’usage (à propos d’un arrêt du Conseil d’État du 5 avril 2019) », Construction – Urbanisme mai 2019, repère 5.

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