Le contentieux des clauses abusives constitue une parfaite illustration du dialogue des juges. Le renvoi préjudiciel, qui en est le principal vecteur, a permis de préciser le sens de la directive 93/13 et d’assurer son application uniforme au sein de l’Union. Mais, loin de se borner à fixer les critères généraux d’interprétation de la directive, le mécanisme du renvoi préjudiciel a également façonné l’office du juge national dans le sens d’une plus grande effectivité de la protection du consommateur. Le principe de l’autonomie procédurale des États membres y a sans doute perdu en vigueur, sauf à déceler dans cette évolution l’émergence d’« [un] droit processuel européen [qui] se construit […] au service de ses règles substantielles » [49].
Dans ce mouvement de balancier que constitue le dialogue des juges en matière de clauses abusives, le juge national pourrait, ainsi que le suggère un auteur [50], davantage inspirer la réponse de la Cour de justice, comme le prévoit déjà l’article 107, § 2, du Règlement de procédure de ladite Cour. Ce texte, qui dispose que « la juridiction de renvoi […] indique, dans la mesure du possible, la réponse qu’elle propose aux questions préjudicielles », n’est toutefois applicable qu’à la procédure préjudicielle d’urgence. Son élargissement serait de nature à renforcer la coopération entre juges et à favoriser une solution concertée.
[49]. S. Bernheim-Desvaux, « Office du juge et contrôle du caractère abusif des clauses en l’absence de comparution du consommateur », Contrats, conc. consom. juillet 2020, comm. 116.
[50]. G. Marti, « L’avenir de la primauté : le dialogue des juges ? », Rev. UE 2015, p. 638.