Recueil annuel des études 2022 (2. Les enjeux de la location de courte durée au regard du droit de la copropriété)

Étude

  • Contentieux des clauses abusives : illustration d'un dialogue des juges
  • Les enjeux juridiques des locations de courte durée
  • Retour sur un bris de jurisprudence : la réforme de l'article 1843-4 du code civil
  • Restructuration des sociétés : quelle responsabilité pénale pour les personnes morales

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Étude

Recueil annuel des études 2022 (2. Les enjeux de la location de courte durée au regard du droit de la copropriété)

La pratique de la location de courte durée transforme la vie de l’immeuble et peut générer des nuisances.

Certes, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 19 de la loi ALUR qui permettait à l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble de décider à la majorité des voix de tous les copropriétaires de soumettre à son accord « toute demande d’autorisation de changement d’usage d’un local destiné à l’habitation […] par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » au motif que ces dispositions méconnaissaient les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789 relatives aux conditions d’exercice du droit de propriété [30].

Cependant, les syndicats des copropriétaires ne sont pas dépourvus d’outils juridiques pour agir en responsabilité contre les bailleurs.

En effet, les clauses du règlement de copropriété peuvent interdire ou restreindre la pratique d’une activité de location meublée. Leur validité doit, néanmoins, s’apprécier au regard de la destination de l’immeuble (loi no 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, article 8 [31]). Cette destination, qui ne fait l’objet d’aucune définition légale ou réglementaire, est souverainement appréciée par les juges du fond.

En 2011, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel d’avoir déclaré non écrite la clause d’un règlement de copropriété qui soumettait la location meublée de courte durée à l’autorisation discrétionnaire de l’assemblée générale, après avoir relevé que le règlement de copropriété autorisait expressément l’exercice d’une profession libérale qui entraînait des inconvénients similaires à ceux dénoncés par le syndicat pour l’activité litigieuse, avoir constaté que la restriction aux droits des copropriétaires n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble et souverainement retenu que l’activité de location n’avait provoqué aucune nuisance [32].

La doctrine a contesté la pertinence de l’assimilation des inconvénients générés, d’une part, par les locations de courte durée, d’autre part, par le passage de la clientèle des professions libérales. Ainsi le professeur Hugues Périnet-Marquet écrit-il en 2017 [33] que « Sauf exception, aujourd’hui rarissime, les professions libérales ne reçoivent pas leurs clients la nuit. Les va-et-vient dans l’immeuble sont donc cantonnés à la sphère diurne. De plus, généralement, les clients des avocats ou des médecins ne sont pas réputés pour dégrader massivement les parties communes ou porter atteinte à leur tranquillité. […]. En revanche, les locations de courte durée sont, par définition, répétitives et génèrent un va-et-vient dans l’immeuble aussi bien diurne que nocturne avec valises et autres bagages. Les habitants très temporaires de l’appartement le louant, le plus souvent, pour leurs loisirs peuvent être enclins à l’utiliser de manière festive ou à tout le moins bruyante. »

Ce même auteur souligne que, depuis quelques années, les décisions des juridictions du fond, notamment parisiennes, sont plus strictes et admettent que « les locations de courte durée sont incompatibles avec l’esprit de la clause d’habitation bourgeoise d’un règlement de copropriété, que cette habitation bourgeoise soit stricte ou non ».

Par ailleurs, par principe, les syndicats de copropriétaires peuvent agir en responsabilité contre un copropriétaire sur le fondement de la théorie prétorienne du trouble anormal du voisinage [34]. Pourraient-ils agir sur ce fondement pour obtenir l’indemnisation d’un trouble anormal généré par une pratique de locations de courte durée au sein de la copropriété ? Certaines juridictions du fond l’ont admis [35].

Enfin, selon plusieurs auteurs, les syndicats de copropriétaires peuvent agir sur le fondement de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation. Ils citent un arrêt de la troisième chambre civile, antérieur à la loi ALUR, du 15 janvier 2003 [36] qui a jugé que « les dispositions d’ordre public de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation peuvent être invoquées par toute personne qui y a intérêt ». Dans cette affaire, le syndicat des copropriétaires, invoquant la violation de l’article L. 631-7 précité, recherchait la nullité d’un bail consenti par un copropriétaire à une locataire qui exerçait son activité professionnelle dans les lieux.

 


 [30]. Cons. const., 20 mars 2014, décision n° 2014-691 DC, Loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

 [31]. Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.

 [32]. 3e Civ., 8 juin 2011, pourvoi n° 10-15.891, Bull. 2011, III, n° 97.

 [33]. H. Périnet-Marquet, « Les meublés touristiques dans les immeubles en copropriété. Évolutions jurisprudentielles récentes », JCP 2017, éd. N, 1216.

 [34]. 3e Civ., 11 mai 2017, pourvoi n° 16-14.339, Bull. 2017, III, n° 58.

 [35]. Cour d’appel de Paris, 21 mai 2014, no 12/17679.

 [36].  3e Civ., 15 janvier 2003, pourvoi n° 01-03.076, Bull. 2003, III, n° 8.

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