Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

TRANSPORTS ROUTIERS

Soc., 27 septembre 2023, n° 21-19.383, (B), FS

Cassation partielle

Transport public urbain de voyageurs – Profession – Sécurité sociale – Cotisations – Assiette – Abattement pour frais professionnels – Déduction forfaitaire spécifique – Champ d'application – Etendue – Cas – Chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2021), M. [G] a été engagé en qualité de conducteur receveur par la société Transports du Val-d'Oise (la société), par un contrat de travail du 22 octobre 1990.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986.

2. Le 14 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de contester la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels appliquée par l'employeur pour déterminer l'assiette de calcul de ses cotisations de sécurité sociale et d'obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices en découlant pour lui.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié ne peut valablement se voir opposer le principe de l'unicité de l'instance, alors « qu'il résulte de ce principe, applicable aux instances prud'homales engagées avant le 1er août 2016, qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en l'espèce, pour retenir que les demandes du salarié liées à l'abattement forfaitaire de 20 % appliqué sur les salaires étaient nées postérieurement à la date de la dernière audience qui s'était tenue le 17 octobre 2013 devant la cour d'appel de Versailles, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'« il apparaît des bulletins de paie versés aux débats par le salarié que l'application de l'abattement n'a pas été porté à la connaissance des salariés par l'employeur dès lors que cet abattement ne figurait pas distinctement sur ceux-ci » ; qu'en statuant ainsi quand, dès lors que l'assiette mentionnée sur les bulletins de paie du salarié pour le calcul des cotisations de sécurité sociale avait toujours correspondu au salaire brut déduit de 20 %, cela suffisait à ce que le fondement des demandes qui critiquaient cet abattement soit né et ait été révélé antérieurement au 17 octobre 2013, peu important qu'il n'ait pas été mentionné distinctement sur les bulletins de paie que cet abattement de 20 % était appliqué au titre des frais professionnels, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, une instance peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont recevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né ou s'est révélé après la clôture des débats de l'instance antérieure.

5. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui, constatant que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels ne figurait pas distinctement sur les bulletins de paie établis jusqu'au 17 octobre 2013, date de clôture des débats devant la cour d'appel saisie des précédentes demandes, a retenu que l'application de cet abattement n'avait pas été portée à la connaissance du salarié à cette date, en a exactement déduit que l'employeur ne pouvait pas lui opposer la règle de l'unicité de l'instance au titre d'une nouvelle instance portant sur des prétentions dont le fondement avait été révélé au salarié après l'achèvement de la précédente instance.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les conditions de mise en place de l'abattement pour frais professionnels au sein de la société ont été respectées et de le débouter de ses demandes en réparation, alors « que la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n'est ouverte qu'à l'égard des professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts ; que figurent au nombre de ces professions celles de « chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars services réguliers ou occasionnels » ; qu'en considérant que l'employeur avait pu appliquer au salarié un abattement pour frais professionnels dès lors que celui-ci exerçait un emploi de « chauffeurs de lignes régulières », sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'emploi de conducteur d'autobus - et non de car - exercé par ce salarié figurait au nombre des professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, et l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 :

8. Il résulte de ces textes que la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n'est ouverte qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dont le tableau prévoit celle des chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels.

9. Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l'activité professionnelle du salarié, non à l'activité générale de l'entreprise qui l'emploie.

10. Pour dire que les conditions de mise en place de l'abattement pour frais professionnels au sein de la société ont été respectées et débouter le salarié de ses prétentions, l'arrêt relève que la société assure l'exploitation d'une ligne de transport de voyageurs qui figure au plan de transports du département sur la liste des « services réguliers ». Il retient que, par suite, les receveurs convoyeurs affectés à cette ligne entrent dans la catégorie prévue par la disposition de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts. Il ajoute que le salarié appartient à l'une des professions visées puisqu'il est chauffeur de lignes régulières.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que le salarié exerce la profession de chauffeur et receveur convoyeur de cars à services réguliers ou occasionnels mentionnée à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. [G] ne peut se voir opposer le principe de l'unicité de l'instance et en ce qu'il le déclare irrecevable en ses demandes d'indemnisation pour la période antérieure au mois de décembre 2008, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Lecaplain-Morel - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005 ; article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des personnels relevant du champ d'application de la déduction forfaitaire spécifique, à rapprocher : Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-12.578, Bull., (2) (cassation partielle).

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