Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

SECURITE SOCIALE, CONTENTIEUX

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-25.719, (B), FS

Cassation partielle partiellement sans renvoi

Contentieux spéciaux – Cour d'appel d'Amiens spécialement désignée – Compétence matérielle – Accident du travail – Tarification – Application – Cas – Décision de retrait des coûts moyens d'une maladie professionnelle du compte employeur et de refus d'inscription de ces coûts au compte spécial

Les demandes de l'employeur aux fins de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 octobre 2021), par décision du 21 juin 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse primaire) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés de la société [4] (l'employeur).

2. Le 3 janvier 2017, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins, à titre principal, d'inopposabilité de la décision de prise en charge et, à titre subsidiaire, d'inscription des dépenses afférentes à la maladie litigieuse au compte spécial.

3. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie (la CARSAT) est intervenue volontairement à l'instance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La CARSAT fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande subsidiaire de l'employeur et d'ordonner l'inscription de la maladie professionnelle au compte spécial, alors « que l'appréciation de l'affectation des dépenses de la maladie professionnelle sur le compte spécial constitue une question relative à la tarification, laquelle relève de la seule juridiction spécialement désignée à cet effet, la CNITAAT et désormais la cour d'appel d'Amiens ; qu'en jugeant recevable la demande de l'employeur aux fins d'inscription au compte spécial des conséquences de la pathologie de M. [O], la cour d'appel a violé les articles L. 311-16 et D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, et l'article L. 142-1, 7°, du code de la sécurité sociale, dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 143-1, 4°, devenu L. 142-2, 4°, puis L. 142-1, 7°, et L. 143-4 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction alors en vigueur, l'article L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes, le premier dans ses rédactions successivement applicables au litige, que la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît des litiges relatifs aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires, et pour les accidents régis par le livre IV du code de la sécurité sociale, la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1.

6. En application du quatrième de ces textes, les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail sont chargées de déterminer annuellement pour chaque catégorie de risques le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles d'après les règles fixées par décret.

Selon le cinquième, l'ensemble des dépenses constituant la valeur du risque est pris en compte par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail dès que ces dépenses leur ont été communiquées par les caisses primaires, conformément à l'article R. 241-1 du code de la sécurité sociale, sans préjudice de l'application des décisions de justice ultérieures.

7. Selon les sixième et septième, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ne sont pas comprises dans la valeur du risque mais sont inscrites à un compte spécial.

8. Sur les compétences respectives de la juridiction du contentieux de la tarification et des juridictions du contentieux de la sécurité sociale, la Cour de cassation juge, depuis 2011, que si la contestation des décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, en matière de tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles, relève de la compétence exclusive de la juridiction du contentieux de la tarification, les litiges relatifs à l'inscription au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale en l'absence de décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, c'est-à-dire avant la notification de son taux de cotisation à l'employeur (2e Civ., 16 décembre 2011, pourvoi n° 10-26.886 ; 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-17.049, publié au Bulletin).

La Cour juge également que, même en l'absence de notification de son taux de cotisation, la contestation par l'employeur d'une décision de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail refusant d'inscrire une dépense au compte spécial relève de la compétence de la juridiction de la tarification (2e Civ., 7 mai 2009, pourvois n° 08-13.196, 08-13.197 et 08-13.198 ; Avis de la Cour de cassation, 13 mars 2020, pourvoi n° 19-70.021, publié au Bulletin).

9. Il en résulte que les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, d'une part, et la juridiction du contentieux de la tarification, d'autre part, sont amenées à connaître des mêmes litiges portant sur la tarification, ce qui crée un risque de divergences de jurisprudence et constitue une source d'insécurité juridique pour les parties.

10. Or, si la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, l'ordonnance n° 2018-358 du 16 mai 2018 et la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ont opéré le transfert du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l'incapacité et, pour partie, des commissions départementales d'aide sociale, à des tribunaux judiciaires spécialement désignés, ces textes ont, en revanche, maintenu une juridiction spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, à laquelle est attribuée une compétence exclusive pour connaître du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

11. Enfin, la Cour de cassation a récemment rappelé que le défaut d'imputabilité à l'employeur de la maladie professionnelle qui n'a pas été contractée à son service n'est pas sanctionné par l'inopposabilité de la décision de prise en charge et que, toutefois, l'employeur peut contester cette imputabilité si sa faute inexcusable est recherchée ou si les conséquences financières de la maladie sont inscrites à son compte accidents du travail et maladies professionnelles (2e Civ., 17 mars 2022, pourvoi n° 20-19.294, publié au Bulletin). Elle a, par ailleurs, reconnu à l'employeur, qui conteste l'exposition aux risques de la victime à son service, la possibilité de demander le retrait de son compte employeur des dépenses afférentes à une maladie professionnelle, indépendamment du recours aux fins d'inscription au compte spécial (2e Civ., 1er décembre 2022, pourvoi n° 21-11.252, publié au Bulletin).

12. L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à décider que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.

13. Ayant relevé que l'employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une demande d'inscription des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse au compte spécial, la cour d'appel a retenu sa compétence et accueilli cette demande.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

15. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

16. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

17. Il ressort de ce qui est dit au paragraphe 12 qu'il y a lieu de déclarer la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse et de renvoyer, sur ce point, l'affaire et les parties, devant la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que la maladie déclarée le 5 janvier 2016 est d'origine professionnelle, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur le chef du dispositif relatif à la compétence de la juridiction saisie ;

DÉCLARE la cour d'appel de Bordeaux incompétente pour se prononcer sur la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse ;

DÉCLARE la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige ;

Remet, sur le point restant en litige relatif à la demande d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Dit qu'il sera procédé, par la cour d'appel de Bordeaux, dans les formes prévues à l'article 82 du code de procédure civile.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Dudit - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Rapprochement(s) :

Soc., 17 juin 1999, pourvoi n° 97-21.861, Bull. 1999, V, n° 291 (cassation sans renvoi) ; 2e Civ., 20 juin 2019, pourvoi n° 18-17.049, Bull. (cassation partielle) ; 2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-18.310, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 7 septembre 2023, n° 21-18.931, (B), FRH

Cassation partielle

Preuve – Charge de la preuve – Cotisant demandant exonération – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assiette – Exonération – Demande

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-27.756, Bull. 2018, II, n° 135), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4] et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société), selon lettre d'observations du 3 août 2011, puis mise en demeure du 21 novembre 2011, un redressement relatif, d'une part, à l'assiette de la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités, d'autre part, à l'assiette de la contribution due par les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, tissus et cellules issus du corps humain, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou de prestations de services et d'adaptation associés, inscrits aux titres I et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du même code.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de dire bien fondées les contestations de la société, alors « que la contribution des entreprises de préparation de médicaments, prévue aux articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la publique, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge du démarchage et de la prospection pour les médicaments remboursables ; que la contribution des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, prévue aux articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du même code, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes qui interviennent aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 auprès des professionnels de santé, masseurs-kinésithérapeutes ou établissements de santé, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge de la présentation, la promotion et la vente des dispositifs médicaux et prestations associées remboursables ; que la totalité des rémunérations versées à ces personnels doit donc entrer dans l'assiette de ces deux contributions, peu important qu'elles ne soient pas afférentes à l'exploitation de spécialités pharmaceutiques remboursables ou afférentes à la promotion, la présentation ou la vente de dispositifs médicaux remboursables ; qu'en jugeant que la rémunération des attachés commerciaux correspondant aux temps de délégation syndicale devait être exclue de l'assiette des ces deux contributions au prétexte que leur temps de délégation syndicale était étranger aux activités de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques ou aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux, la cour d'appel a violé les articles L. 245-1 et L 245-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-1 du même code que les charges comptabilisées au titre des frais de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation, en France, des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

5. Il résulte des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier de ces textes que les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

6. L'arrêt énonce que le temps de travail des visiteurs médicaux et attachés commerciaux consacré à la délégation syndicale et à la représentation du personnel ne peut être considéré comme afférent à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés ni à la promotion, la présentation ou la vente des dispositifs médicaux commercialisés. Il retient que ce temps est étranger aux activités de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques ou aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux, peu important que la rémunération des visiteurs ou délégués médicaux soit versée dans le cadre de leur contrat de travail et soit soumise à charges sociales.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la fraction de la rémunération des visiteurs médicaux et attachés commerciaux versée en contrepartie de l'exercice de leur activité de délégation syndicale et de représentation du personnel devait être exclue de l'assiette des contributions litigieuses.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

9. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de rapporter la preuve qu'il en remplit les conditions ; que dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF faisait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer même que les rémunérations des attachés commerciaux concernant leur temps de délégation syndicale n'entrent pas dans l'assiette des contributions litigieuses, elle entendait en contester le quantum ; qu'en effet, les montants que la société imputaient à la représentations syndicale n'étaient corroborés par aucun élément comptable, le nombre d'heures octroyées au titre de cette activité syndicale, le montant de la rémunération y afférente et l'identité des représentants syndicaux n'étant pas justifiés ; qu'en écartant ce moyen au prétexte inopérant que la lettre d'observations contestait seulement le principe des abattements mais ne contenait aucune observation quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, lorsqu'il incombait en tout état de cause à la société cotisante, qui prétendait s'exonérer, de justifier du montant des charges invoquées au titre de l'activité syndicale, peu important que l'URSSAF n'ait contesté que le principe de l'exonération, et non son quantum, dans sa lettre d'observations, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et l'article 12 du code de procédure civile ;

3° / que les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s'appuient ; qu'en affirmant péremptoirement que les chefs de redressements annulés portaient « sur la quote-part de la rémunération des attachés commerciaux correspondant à l'exercice de leur activité de représentation » sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de rapporter la preuve qu'il en remplit les conditions ; que dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF faisait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer même que les rémunérations des attachés commerciaux concernant l'activité de matériovigilance n'entrent pas dans l'assiette de la contribution litigieuse, elle entendait en contester le quantum ; qu'en effet, les montants que la société imputaient à la matériovigilance n'étaient corroborés par aucun élément comptable et qu'elle s'était bornée à procéder à un abattement estimatif de 3 % ; qu'en écartant ce moyen au prétexte inopérant que la lettre d'observations contestait seulement le principe des abattements mais ne contenait aucune observation quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, lorsqu'il incombait en tout état de cause à la société, qui prétendait s'exonérer, de justifier du montant des charges invoquées au titre de la matériovigilance, peu important que l'URSSAF n'ait contesté que le principe de l'exonération, et non son quantum, dans sa lettre d'observations, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et l'article 12 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s'appuient ; qu'en affirmant péremptoirement que « les sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations correspondent à la fraction des rémunérations versées par la société à ses délégués médicaux en contrepartie de leur activité de matériovigilance » de sorte qu'elles n'entraient pas dans l'assiette de la contribution, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Si, en application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, il incombe à la société qui prétend s'exonérer de justifier du montant des charges invoquées au titre, d'une part, de l'activité de délégation syndicale et de représentation du personnel de ses salariés et, d'autre part, de la matériovigilance, la reconnaissance du bien fondé de l'exclusion de l'assiette des contributions des dépenses résultant de ces activités entraîne la nullité de l'intégralité du redressement opéré à ces titres dès lors que l'inspecteur du recouvrement n'a refusé cette exclusion qu'en raison de la nature des dépenses litigieuses, sans formuler d'observations sur le quantum appliqué par la société.

11. Ayant constaté que l'inspecteur du recouvrement n'avait formulé aucune objection quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, seul le principe des abattements faisant l'objet d'observations, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la reconnaissance du bien fondé de cette exclusion entraînait la nullité des chefs de redressement portant sur ces sommes.

12. Le moyen, inopérant en ses troisième et cinquième branches, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

Mais sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

13. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 6°/ que la contribution des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, prévue aux articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes qui interviennent aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 auprès des professionnels de santé, masseurs-kinésithérapeutes ou établissements de santé, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge de la présentation, la promotion et la vente des dispositifs médicaux et prestations associées remboursables ; que la totalité des rémunérations versées à ces personnels doit donc entrer dans l'assiette de la contribution, peu important qu'elles ne soient pas afférentes à la promotion, la présentation ou la vente de dispositifs médicaux remboursables ; qu'en jugeant que la rémunération des visiteurs médicaux correspondant aux activités de formation et de gestion des stocks de prothèses dans les hôpitaux devait être exclue de l'assiette de cette contribution au prétexte que ces activités étaient étrangères aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux remboursables, la cour d'appel a violé les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

7°/ que la formation prodiguée par les visiteurs médicaux au personnel médical en vue d'une bonne utilisation des dispositifs médicaux entre dans le cadre de leurs activités commerciales de promotion, de présentation et de ventes des dispositifs médicaux en ce qu'elle concourt à assurer l'efficacité et la sécurité des produits vendus et à promouvoir leur utilisation ; que de même, la gestion par les visiteurs médicaux des stocks de prothèses au sein des hôpitaux, qui a pour but de garantir la fiabilité et la disponibilité de ce matériel, d'optimiser leurs capacités de stockage, de garantir l'approvisionnement et la sécurité desdits produits (date de péremption, fiabilité, qualité, stérilité, conformité) entre aussi dans le cadre de leurs activités commerciales en ce qu'elle concourt à assurer l'efficacité et la sécurité de ces produits et vise à promouvoir leurs rachats en cas de baisse des stocks ; qu'en jugeant que ces activités étaient étrangères à ces activités commerciales de sorte qu'elles n'entraient pas dans l'assiette de la contribution, la cour d'appel a violé les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

14. Il résulte des textes susvisés qu'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier les rémunérations de toutes natures des personnes qui interviennent en France aux fins de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

15. L'activité de formation technique à l'utilisation des dispositifs médicaux et celle de gestion des stocks de dispositifs médicaux alloués en dépôt au sein des établissements de santé ne sont pas étrangères à ces activités commerciales.

La fraction des rémunérations versées aux délégués commerciaux en contrepartie de ces activités doit être intégrée dans l'assiette de la contribution, dès lors qu'elles participent à la présentation et la promotion des produits et prestations, et qu'elles permettent de délivrer aux utilisateurs une information technique sur ces produits et prestations.

16. Pour annuler les chefs de redressement portant sur la réintégration de la fraction des rémunérations versées aux salariés en contrepartie de leur activité de formation des utilisateurs et de gestion des stocks de prothèses dans les hôpitaux, l'arrêt retient que ces sommes n'entrent pas dans l'assiette de la contribution, peu important que l'article L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas d'abattement spécifique et que l'assiette définie par ce texte supporte un abattement forfaitaire de 50 000 euros.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien fondée la contestation par la société [3] du redressement portant sur les abattements au titre des activités de formation et de gestion des stocks, l'arrêt rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 165-1, L. 245-1, L. 245-2, L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.234, Bull. 2017, II, n° 224 (rejet).

2e Civ., 7 septembre 2023, n° 21-20.524, (B), FRH

Cassation partielle

Preuve – Procès-verbaux des contrôleurs de la sécurité sociale – Opération de contrôle – Régularité – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France a notifié à la société Astrazeneca (la société), selon lettre d'observations du 6 juillet 2011, puis mise en demeure du 27 octobre 2011, un redressement relatif, notamment, à la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques et à la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du contrôle, alors « que la clôture du contrôle des cotisations ou contributions est matérialisée par l'établissement d'un procès-verbal de contrôle établi à cette fin par les organismes chargés du recouvrement des cotisations ou contributions ; que la clôture du contrôle ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert à la personne contrôlée pour faire connaître ses observations et sans que les contrôleurs aient pris position sur les observations adressées par la personne contrôlée ; que la cour d'appel a constaté que le procès-verbal de contrôle était daté du 14 septembre 2011 et que la lettre d'observations faisant suite au contrôle avait été adressée le 19 septembre 2011 à la société ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le procès-verbal de contrôle ne figurait pas au nombre des pièces qu'il est obligatoire d'adresser à l'entité contrôlée et qu'il avait été répondu aux observations initiales, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ».

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige, l'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.

6. L'arrêt énonce que le procès-verbal de contrôle ne figure pas au nombre des pièces qu'il est obligatoire d'adresser à l'entité contrôlée. Il constate qu'à la suite de l'envoi de la lettre d'observations le 6 juillet 2011 et de la réponse du cotisant le 5 août 2011, l'inspecteur du recouvrement a établi le procès-verbal de contrôle le 14 septembre 2011 et a adressé sa réponse au cotisant le 19 septembre 2011, avant que soit notifiée à ce dernier une mise en demeure le 27 octobre 2011. Il en déduit que la réponse de l'agent de contrôle a été adressée à la société cotisante avant la mise en recouvrement du redressement par la notification de la mise en demeure, de sorte que la chronologie de la procédure de contrôle, telle que définie par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, a été respectée.

7. De ces constatations, dont il résulte que la mise en recouvrement du redressement a été engagée après que l'inspecteur du recouvrement a adressé sa réponse à la société cotisante, la cour d'appel a exactement déduit que la nullité de la procédure de contrôle n'était pas encourue, la circonstance que le procès-verbal de contrôle, destiné seulement à informer l'organisme chargé de la mise en recouvrement, ait été établi avant l'envoi de cette réponse n'ayant pas d'incidence sur la régularité des opérations de contrôle.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses contestations relatives au bien fondé du redressement, alors « que les moyens nouveaux sont recevables en appel ; que la prétention tendant à la restitution en principal et au titre des majorations, d'un rappel de droits consécutif à un contrôle de l'URSSAF, peut reposer tant sur des moyens propres à la régularité de la procédure de contrôle et de redressement que sur des moyens relatifs au bien-fondé du redressement, qui tendent aux mêmes fins, à savoir la décharge des sommes versées à la suite du redressement notifié par l'URSSAF ; qu'en disant irrecevables en cause d'appel les contestations de la société relatives au bien-fondé du redressement, la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 563 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

11. Pour déclarer irrecevables les contestations de la société relatives au bien fondé du redressement, l'arrêt retient que, devant les premiers juges, la société n'avait contesté que la régularité de la procédure de contrôle et que sa demande en restitution des sommes payées à l'URSSAF ne constituait pas une prétention, mais une conséquence de sa demande en nullité de la procédure.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société avait présenté en première instance des prétentions tendant à l'annulation de la mise en demeure et à la restitution de l'intégralité des sommes réglées au titre du montant du redressement et des majorations de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en restitution, déclare irrecevables en cause d'appel les contestations de la société Astrazeneca relatives au bien fondé du redressement opéré par l'URSSAF d'Ile-de-France, objet de la lettre d'observations datée du 6 juillet 2011, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007.

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