Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 7 septembre 2023, n° 20-17.433, (B), FRH

Rejet

Caisse – Agents de contrôle – Vérifications et enquêtes administratives – Conditions d'exercice – Agrément ou assermentation – Nécessité

L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par l'article L. 114-10, alinéa 1, du code de la sécurité sociale ne s'applique aux agents qui procèdent aux vérifications portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier, notamment, des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité ou décès, que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils exercent le droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale.

L'irrégularité ou l'omission de la formalité d'agrément ou d'assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2020), à la suite d'un contrôle, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a notifié à M. [E] (l'assuré) un indu correspondant aux indemnités journalières perçues au cours de la période du 1er janvier 2013 au 30 septembre 2014, ainsi qu'une pénalité financière.

2. L'assuré a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours et de rejeter ses demandes en restitution de l'indu et en paiement de la pénalité financière, alors :

« 1°/ que devant trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge du fond ne peut statuer sur le fondement d'une circulaire ministérielle dépourvue de toute portée normative et ne pouvant en conséquence être de nature à restreindre les droits de l'organisme de sécurité sociale ; que, pour décider que l'exercice du droit de communication était irrégulier, la cour, ajoutant à la lettre de l'article L. 114-19, 1°, du code de la sécurité sociale, lequel vise sans autre précision l'ensemble des agents des organismes de sécurité sociale, s'est référée à la circulaire n° DSS/2011/323 du 21 juillet 2011 relative aux conditions d'application par les organismes de sécurité sociale du droit de communication institué aux articles L. 114-19 et suivants du code de la sécurité sociale, laquelle circulaire exige que la demande émanant d'un agent non assermenté soit visée par le directeur de l'organisme ou par un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 12 du code de procédure civile et L. 114-19, 1°, du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

2°/ que le droit de communication envisagé au 1° de l'article L.114-19 du code de la sécurité sociale peut être exercé par l'ensemble des agents des organismes de sécurité sociale, qu'ils soient ou non assermentés ; que cet article n'exige pas que la demande effectuée par un agent non assermenté soit adressée après visa du directeur de l'organisme ou d'un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet ; qu'en créant de toute pièce une telle exigence au prétexte que l'exercice du droit de communication doit s'inscrire dans une procédure offrant des garanties procédurales et en décidant en conséquence que l'exercice du droit de communication par la caisse était irrégulier par cela seul qu'il n'était pas établi que l'agent ayant sollicité l'établissement bancaire de l'assuré était assermenté ou disposait du visa du directeur de l'organisme ou d'un agent ayant reçu délégation expresse à cet effet, la cour d'appel, ajoutant à la loi, a violé l'article L. 114-19, 1°, du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

3°/ que le défaut de visa de la demande de communication émanant d'un agent non assermenté n'est pas sanctionné par la nullité de la décision prise par l'organisme en fonction des informations obtenues ; qu'en décidant le contraire, la cour, ajoutant aux normes applicables, a violé l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

4°/ que l'irrégularité affectant l'exercice du droit de communication n'entraîne la nullité de la décision prise que si elle est de nature à exercer une influence sur le sens de cette décision ou si elle a privé l'assuré d'une garantie ; qu'en affirmant que l'exercice du droit de communication dans des conditions irrégulières entraîne nécessairement la nullité de la décision prise par l'organisme aux motifs qu'elle n'a pas le pouvoir d'appliquer la jurisprudence Danthony du Conseil d'Etat, la cour d'appel a violé l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article L. 114-10, alinéa 1, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011, applicable à la date du contrôle, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire.

5. Aux termes de l'article R. 114-18, I, du code de la sécurité sociale, les agents chargés du contrôle, assermentés et agréés, des organismes locaux d'assurance maladie mentionnés à l'article L. 114-10 procèdent à toutes vérifications sur pièces et sur place portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier ou de faire bénéficier des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité, décès, de la protection complémentaire en matière de santé, de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé ou de l'aide médicale de l'Etat.

6. Selon l'article L. 243-9 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003, applicable à la date du contrôle, avant d'entrer en fonctions, les agents de l'organisme chargés du contrôle prêtent, devant le tribunal d'instance, serment de ne rien révéler des secrets de fabrication et en général des procédés et résultats d'exploitation dont ils pourraient prendre connaissance dans l'exercice de leur mission.

7. L'obligation d'agrément et d'assermentation prescrite par le premier de ces textes ne s'applique aux agents qui procèdent aux vérifications portant sur l'exactitude des déclarations, attestations et justificatifs de toute nature fournis par les assurés sociaux en vue de bénéficier, notamment, des prestations servies au titre des assurances maladie, maternité, accidents du travail, maladies professionnelles, invalidité ou décès, que lorsqu'ils mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique. Tel est le cas notamment lorsqu'ils exercent le droit de communication prévu par l'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale.

8. L'irrégularité ou l'omission de la formalité d'agrément ou d'assermentation prive les agents de leur pouvoir de contrôle, et, dès lors, entraîne la nullité de tous les actes postérieurs qui en sont la conséquence.

9. L'arrêt constate que l'agent qui a procédé au contrôle du respect des obligations prévues par l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale par l'assuré bénéficiaire d'indemnités journalières a sollicité l'établissement bancaire de ce dernier, au titre du droit de communication, aux fins d'obtenir ses relevés de comptes. Il relève que cet agent n'était pas assermenté.

10. Il en résulte que le contrôle diligenté par la caisse était irrégulier, de sorte qu'il ne pouvait fonder les demandes en remboursement de l'indu et en paiement de la pénalité financière.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision attaquée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret -

Textes visés :

Articles L. 114-10, alinéa 1er, et L. 114-19 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.808, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-15.492, Bull. (cassation) ; 2e Civ., 16 mars 2023, pourvoi n° 21-14.971, Bull. (cassation partielle).

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-22.501, (B), FRH

Cassation

Caisse – Créances – Prestations indues – Action en remboursement – Prescription – Interruption – Acte interruptif – Mise en demeure adressée au débiteur

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 16 juillet 2021), à la suite d'un contrôle ayant révélé des revenus et avantages non déclarés et donné lieu à révision de la pension de réversion servie à Mme [Z] (l'assurée), la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Midi-Pyrénées (la caisse) a notifié à l'assurée un indu au titre de la période du 1er février 2013 au 31 janvier 2015, puis deux mises en demeure des 9 octobre 2015 et 17 février 2016.

2. La caisse a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une action en recouvrement de l'indu.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal de la caisse, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à la cour d'appel de la dire irrecevable en son action en recouvrement de l'indu de pension de réversion pour la période antérieure au mois de novembre 2014, alors « que le cours de la prescription applicable à l'action en répétition du trop-perçu en matière de prestation de vieillesse est interrompu, outre par les causes prévues par le code civil, par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception valant mise en demeure, quels qu'en aient été les modes de délivrance ; qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que la caisse a réclamé à l'assurée les prestations de vieillesse indûment versées par deux mises en demeure des 9 octobre 2015 et 17 février 2016, adressées par lettres recommandées avec accusé de réception et réceptionnées respectivement les 12 octobre 2015 et 26 février 2016 ; qu'en énonçant qu'il résultait de l'article 1345 alinéa 3 du code civil qu'une mise en demeure n'interrompt pas la prescription, pour dire l'action en recouvrement partiellement prescrite, la cour d'appel a violé les articles L. 133-4-6 et L. 355-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 2241 du code civil ».

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L'assurée conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est nouveau.

5. Cependant le moyen n'est pas nouveau, la caisse ayant fait valoir devant la cour d'appel que la prescription avait été interrompue par l'envoi des mises en demeure.

6. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 133-4-6 et L. 355-3 du code de la sécurité sociale :

7. Aux termes du second de ces textes, toute demande de remboursement de trop-perçu en matière de prestations de vieillesse et d'invalidité est prescrite par un délai de deux ans à compter du paiement desdites prestations dans les mains du bénéficiaire, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.

8. Il résulte du premier que la prescription est interrompue par une des causes prévues par le code civil et que l'interruption de la prescription peut, en outre, résulter de l'envoi, à l'adresse du destinataire, d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception, quels qu'en aient été les modes de délivrance.

9. Pour dire la caisse irrecevable en son action en recouvrement de l'indu portant sur la période antérieure au mois de novembre 2014, l'arrêt relève que l'action de la caisse en paiement de l'indu porte sur la période du 1er février 2013 au 30 janvier 2015. Il retient qu'il résulte de l'article 2241 du code civil qu'une demande en justice interrompt le délai de prescription et de l'article 1345, alinéa 3, du code civil qu'une mise en demeure n'interrompt pas la prescription, de sorte que seule la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 29 novembre 2016 constituant un acte interruptif de la prescription biennale, la prescription était acquise pour les arrérages de pension de réversion indûment versés avant le mois de novembre 2014.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la caisse avait adressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, deux mises en demeure à l'assurée qui les avait reçues les 12 octobre 2015 et 26 février 2016, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen du pourvoi incident de l'assurée, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

11. L'assurée fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en sa demande indemnitaire, alors « que les parties peuvent soumettre à la cour d'appel des nouvelles prétentions pour opposer compensation ; que dans ses conclusions, l'assurée sollicitait la condamnation de la caisse à lui payer une somme de 6 000 euros de dommages et intérêts, ainsi que la compensation de cette somme avec celle réclamée par la caisse ; qu'en déclarant cette demande irrecevable comme nouvelle, la cour d'appel a violé l'article 564 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 564 du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou la survenance ou la révélation d'un fait.

13. Pour déclarer irrecevable la demande indemnitaire en raison d'une faute imputée à la caisse dans la mise en œuvre de son action en recouvrement d'indu de pension de réversion, l'arrêt retient que formulée pour la première fois en cause d'appel par l'assurée, elle constitue une demande nouvelle en cause d'appel.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie par l'assurée d'une demande de compensation de la somme allouée à titre de dommages-intérêts avec celle réclamée par l'assurée, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Cassignard - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles L. 133-4-6 et L. 355-3 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Soc., 6 janvier 2000, pourvoi n° 97-15.528, Bull. 2000, V, n° 11 (cassation).

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-21.633, (B), FRH

Rejet

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Opérations de contrôle – Régularité – Conditions – Détermination

Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le document que les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant à l'issue du contrôle mentionne notamment les documents consultés.

Il résulte de ces mêmes dispositions que les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d'un salarié de l'employeur qui n'a pas reçu délégation à cet effet.

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Opérations de contrôle – Documents consultés – Mention

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Opérations de contrôle – Objet – Contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale – Application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale – Pouvoirs d'investigation de l'agent chargé du contrôle – Etendue

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 juin 2021), la société [5], aux droits de laquelle vient la société [6] (la société), a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF de Midi-Pyrénées (l'URSSAF) portant sur les années 2011 à 2013, qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 7 novembre 2014, puis d'une mise en demeure du 24 décembre 2014.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le chef de redressement n° 9 (annulation de la réduction Fillon-détermination du coefficient), alors :

« 1°/ qu'est régulière la lettre d'observations qui énonce les documents sur lesquels le redressement est fondé, peu important qu'ils ne figurent pas formellement dans la liste des documents consultés et qu'il n'en soit question que dans le corps même de ladite lettre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que « dans la lettre d'observations, l'inspecteur du recouvrement indique que le redressement effectué s'agissant du poste numéroté 9, a été opéré au vu « des états justificatifs de l'entreprise ? transmis par courriel du 16 avril », et des fiches individuelles et bulletins de paye des salariés » ; que la lettre d'observations a donc porté à l'attention de l'employeur le courriel du 16 avril 2014 sur lequel l'URSSAF a fondé son redressement portant sur la réduction Fillon ; qu'en considérant que le fait que ce courriel ne figurait pas dans la liste des documents consultés emportait l'annulation du chef de redressement opéré par l'URSSAF, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

2°/ que l'URSSAF peut demander au salarié d'une entreprise contrôlée, qui n'est pas un tiers par rapport à l'employeur, les documents nécessaires au bon déroulement de son contrôle, sans avoir à s'assurer de l'existence d'un mandat en ce sens du chef d'entreprise ; qu'il est constant que dans le cadre de son contrôle, l'URSSAF s'est adressée au salarié comptable de la société [5] pour lui demander de lui transmettre des données manquantes ; qu'en reprochant à l'URSSAF de ne pas justifier de ce que ce salarié avait reçu mandat de l'employeur pour répondre à ses demandes, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

3°/ qu'en toute hypothèse, l'autorisation donnée par l'employeur à son salarié de communiquer les documents sollicités par l'URSSAF peut résulter de l'absence d'opposition à ladite communication ; qu'en l'espèce, il résulte d'un échange de courriers électroniques entre la salariée comptable et l'employeur que ce dernier ne s'est à aucun moment opposé à ce que le service de comptabilité fournisse par mail le tableau Excel demandé par l'URSSAF ; qu'il s'est uniquement inquiété du temps qu'avait demandé à la salariée comptable la réunion des informations sollicitées ; qu'en considérant qu'il n'était pas établi que la salariée comptable avait reçu mandat de l'employeur pour répondre aux demandes de l'URSSAF, sans s'expliquer sur l'échange de mail précité attestant précisément de l'existence d'un tel mandat, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le document que les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant à l'issue du contrôle mentionne notamment les documents consultés.

5. Il résulte de ces mêmes dispositions que les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d'un salarié de l'employeur qui n'a pas reçu délégation à cet effet.

6. L'arrêt constate que l'inspectrice chargée du recouvrement a directement demandé à une salariée du service de la comptabilité de la société de lui fournir par courriel, un tableau portant sur l'application par celle-ci de la réduction sur les bas salaires pour certains employés en 2011, 2012 et 2013, données au vu desquelles le redressement litigieux a été opéré, sans qu'il soit établi que cette salariée avait reçu autorisation de l'employeur de répondre à cette demande. Il relève encore que ce tableau ne figure pas dans la liste des documents consultés par l'inspecteur du recouvrement mentionnés dans la lettre d'observations.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à un moyen que ces constatations rendaient inopérant, a exactement déduit que les opérations de contrôle étaient irrégulières et que le redressement portant sur le chef n° 9 devait être annulé.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler les chefs de redressement n° 5 (prévoyance complémentaire - non respect du caractère collectif) et n° 6 (retraite supplémentaire - non respect du caractère obligatoire - article 82), alors :

« 1°/ que les contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance ne sont exclues de l'assiette des cotisations que si elles revêtent un caractère collectif, c'est-à-dire si elles bénéficient à une « catégorie objective de salariés » ; que les « mandataires sociaux » ne constituent pas en tant que tels une catégorie objective de salariés ; qu'en l'espèce, les contrats de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire n'ont été souscrits qu'au seul bénéfice d'un mandataire social non titulaire d'un contrat de travail ; qu'il ne pouvait bénéficier de l'exonération accordée aux seuls cadres dirigeants dont il ne relevait pas ; qu'en affirmant que les contributions de l'employeur au financement de ces contrats devaient être exonérées, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

2°/ que les contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance ne sont exclues de l'assiette des cotisations que si elles revêtent un caractère collectif, c'est-à-dire si elles bénéficient à une « catégorie objective de salariés » ; que les « mandataires sociaux » ne constituent pas en tant que tels une catégorie objective de salariés ; qu'ils ne peuvent bénéficier d'un système de garanties ouvrant droit à exonération que si ces garanties bénéficient à d'autres salariés de la catégorie à laquelle ils appartiennent ; qu'en l'espèce, les contrats de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire ont été souscrits par l'employeur au bénéfice du collège des « cadres dirigeants », mais ne profitaient effectivement qu'à Mme [T] en sa qualité de mandataire social de la société ; que, dès lors, les contributions de l'employeur au financement de ces contrats ne pouvaient être exonérées de cotisations sociales ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ;

3°/ que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que dans ses conclusions, l'Urssaf avait souligné que l'exonération n'avait pas lieu d'être accordée, le rattachement de Mme [T] aux contrats liant l'entreprise à l'organisme assureur n'ayant pas été prévu par une instance délibérante (conseil d'administration ou conseil de surveillance) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Selon l'article L. 242-1, alinéa 6, du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions successivement applicables à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance, lorsqu'elles revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une catégorie objective des salariés.

11. L'arrêt relève que Mme [T] a la qualité de cadre dirigeante de la société contrôlée et qu'elle bénéficie d'un régime de prévoyance complémentaire souscrit par la société au bénéfice des cadres dirigeants ainsi que d'un dispositif de retraite supplémentaire. Il énonce que les cadres dirigeants définis à l'article L. 3111-2 du code du travail constituent une catégorie objective de salariés au sens des articles L. 242-1 et D. 242-1 du code de la sécurité sociale et qu'aucun texte n'oblige à ouvrir le système de garanties complémentaires à la catégorie plus large des cadres afin d'y rattacher les mandataires sociaux. Il retient que la circonstance que seul un mandataire social appartient à cette catégorie ne remet pas en cause le caractère collectif du système de garantie, l'exonération prévue par l'article L. 242-1, alinéa 6, n'étant pas limitée aux contributions versées au profit de plusieurs salariés bénéficiaires des garanties souscrites et ajoute qu'il importe peu que les personnes concernées ne bénéficient pas de l'assurance-chômage et ne soient pas liées à l'entreprise par un contrat de travail.

12. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à une allégation dépourvue d'incidence sur la solution du litige, a déduit à bon droit que les contrats de retraite et de prévoyance complémentaires souscrits par la société bénéficiaient à une catégorie objective de salariés, de sorte qu'elle pouvait déduire le montant de la contribution afférente à ces contrats de l'assiette de ses cotisations de sécurité sociale et que les chefs de redressement n° 5 et 6 devaient être annulés.

13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Waquet, Farge et Hazan -

Textes visés :

Article R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 20 mars 2008, pourvoi n° 07-12.797, Bull. 2008, II, n° 76 (rejet) ; 2e Civ., 9 mai 2018, pourvoi n° 17-17.352 (cassation partielle) ; 2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.335, Bull. (cassation).

2e Civ., 7 septembre 2023, n° 21-20.524, (B), FRH

Cassation partielle

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Procédure – Validation – Condition – Observations de l'inspecteur du recouvrement – Mise en demeure délivrée après les observations – Notification au cotisant – Obligation

Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige, l'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.

C'est donc à bon droit qu'une cour d'appel rejette la demande en nullité de la procédure de contrôle dès lors que la mise en recouvrement du redressement a été engagée, par la notification au cotisant de la mise en demeure, après que l'inspecteur du recouvrement lui a adressé sa réponse, peu important que le procès-verbal de contrôle, destiné seulement à informer l'organisme chargé de la mise en recouvrement, ait été établi avant l'envoi de cette réponse.

Cotisations – Recouvrement – Action en recouvrement – Procédure – Observations de l'inspecteur du recouvrement – Mise en demeure délivrée après les observations – Notification au cotisant – Obligation

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 mai 2021), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 et 2008, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France a notifié à la société Astrazeneca (la société), selon lettre d'observations du 6 juillet 2011, puis mise en demeure du 27 octobre 2011, un redressement relatif, notamment, à la contribution sur le chiffre d'affaires des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques et à la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité du contrôle, alors « que la clôture du contrôle des cotisations ou contributions est matérialisée par l'établissement d'un procès-verbal de contrôle établi à cette fin par les organismes chargés du recouvrement des cotisations ou contributions ; que la clôture du contrôle ne peut intervenir avant l'expiration du délai ouvert à la personne contrôlée pour faire connaître ses observations et sans que les contrôleurs aient pris position sur les observations adressées par la personne contrôlée ; que la cour d'appel a constaté que le procès-verbal de contrôle était daté du 14 septembre 2011 et que la lettre d'observations faisant suite au contrôle avait été adressée le 19 septembre 2011 à la société ; qu'en se fondant sur la circonstance inopérante que le procès-verbal de contrôle ne figurait pas au nombre des pièces qu'il est obligatoire d'adresser à l'entité contrôlée et qu'il avait été répondu aux observations initiales, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ».

Réponse de la Cour

5. Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007, applicable au litige, l'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.

6. L'arrêt énonce que le procès-verbal de contrôle ne figure pas au nombre des pièces qu'il est obligatoire d'adresser à l'entité contrôlée. Il constate qu'à la suite de l'envoi de la lettre d'observations le 6 juillet 2011 et de la réponse du cotisant le 5 août 2011, l'inspecteur du recouvrement a établi le procès-verbal de contrôle le 14 septembre 2011 et a adressé sa réponse au cotisant le 19 septembre 2011, avant que soit notifiée à ce dernier une mise en demeure le 27 octobre 2011. Il en déduit que la réponse de l'agent de contrôle a été adressée à la société cotisante avant la mise en recouvrement du redressement par la notification de la mise en demeure, de sorte que la chronologie de la procédure de contrôle, telle que définie par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, a été respectée.

7. De ces constatations, dont il résulte que la mise en recouvrement du redressement a été engagée après que l'inspecteur du recouvrement a adressé sa réponse à la société cotisante, la cour d'appel a exactement déduit que la nullité de la procédure de contrôle n'était pas encourue, la circonstance que le procès-verbal de contrôle, destiné seulement à informer l'organisme chargé de la mise en recouvrement, ait été établi avant l'envoi de cette réponse n'ayant pas d'incidence sur la régularité des opérations de contrôle.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses contestations relatives au bien fondé du redressement, alors « que les moyens nouveaux sont recevables en appel ; que la prétention tendant à la restitution en principal et au titre des majorations, d'un rappel de droits consécutif à un contrôle de l'URSSAF, peut reposer tant sur des moyens propres à la régularité de la procédure de contrôle et de redressement que sur des moyens relatifs au bien-fondé du redressement, qui tendent aux mêmes fins, à savoir la décharge des sommes versées à la suite du redressement notifié par l'URSSAF ; qu'en disant irrecevables en cause d'appel les contestations de la société relatives au bien-fondé du redressement, la cour d'appel a violé les articles 563, 564 et 565 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu l'article 563 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

11. Pour déclarer irrecevables les contestations de la société relatives au bien fondé du redressement, l'arrêt retient que, devant les premiers juges, la société n'avait contesté que la régularité de la procédure de contrôle et que sa demande en restitution des sommes payées à l'URSSAF ne constituait pas une prétention, mais une conséquence de sa demande en nullité de la procédure.

12. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que la société avait présenté en première instance des prétentions tendant à l'annulation de la mise en demeure et à la restitution de l'intégralité des sommes réglées au titre du montant du redressement et des majorations de retard, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes en restitution, déclare irrecevables en cause d'appel les contestations de la société Astrazeneca relatives au bien fondé du redressement opéré par l'URSSAF d'Ile-de-France, objet de la lettre d'observations datée du 6 juillet 2011, l'arrêt rendu le 20 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-546 du 11 avril 2007.

Soc., 27 septembre 2023, n° 21-19.383, (B), FS

Cassation partielle

Cotisations – Assiette – Abattement pour frais professionnels – Déduction forfaitaire spécifique – Champ d'application – Etendue – Cas – Chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels – Portée

Il résulte de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, et de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, que seules relèvent du champ d'application de la déduction forfaitaire spécifique les professions énumérées au second de ces textes, dont le tableau prévoit celle des chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels.

Ne donne pas de base légale à sa décision, la cour d'appel qui, pour rejeter la demande indemnitaire du salarié soutenant que la déduction forfaitaire spécifique ne devait pas lui être appliquée, ne caractérise pas que celui-ci exerce cette profession.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 12 mai 2021), M. [G] a été engagé en qualité de conducteur receveur par la société Transports du Val-d'Oise (la société), par un contrat de travail du 22 octobre 1990.

La relation de travail est soumise à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986.

2. Le 14 décembre 2015, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin de contester la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels appliquée par l'employeur pour déterminer l'assiette de calcul de ses cotisations de sécurité sociale et d'obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices en découlant pour lui.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié ne peut valablement se voir opposer le principe de l'unicité de l'instance, alors « qu'il résulte de ce principe, applicable aux instances prud'homales engagées avant le 1er août 2016, qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après la clôture des débats de l'instance antérieure ; qu'en l'espèce, pour retenir que les demandes du salarié liées à l'abattement forfaitaire de 20 % appliqué sur les salaires étaient nées postérieurement à la date de la dernière audience qui s'était tenue le 17 octobre 2013 devant la cour d'appel de Versailles, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'« il apparaît des bulletins de paie versés aux débats par le salarié que l'application de l'abattement n'a pas été porté à la connaissance des salariés par l'employeur dès lors que cet abattement ne figurait pas distinctement sur ceux-ci » ; qu'en statuant ainsi quand, dès lors que l'assiette mentionnée sur les bulletins de paie du salarié pour le calcul des cotisations de sécurité sociale avait toujours correspondu au salaire brut déduit de 20 %, cela suffisait à ce que le fondement des demandes qui critiquaient cet abattement soit né et ait été révélé antérieurement au 17 octobre 2013, peu important qu'il n'ait pas été mentionné distinctement sur les bulletins de paie que cet abattement de 20 % était appliqué au titre des frais professionnels, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. »

Réponse de la Cour

4. En application de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, une instance peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont recevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né ou s'est révélé après la clôture des débats de l'instance antérieure.

5. Appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel qui, constatant que la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels ne figurait pas distinctement sur les bulletins de paie établis jusqu'au 17 octobre 2013, date de clôture des débats devant la cour d'appel saisie des précédentes demandes, a retenu que l'application de cet abattement n'avait pas été portée à la connaissance du salarié à cette date, en a exactement déduit que l'employeur ne pouvait pas lui opposer la règle de l'unicité de l'instance au titre d'une nouvelle instance portant sur des prétentions dont le fondement avait été révélé au salarié après l'achèvement de la précédente instance.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal du salarié, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que les conditions de mise en place de l'abattement pour frais professionnels au sein de la société ont été respectées et de le débouter de ses demandes en réparation, alors « que la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n'est ouverte qu'à l'égard des professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts ; que figurent au nombre de ces professions celles de « chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars services réguliers ou occasionnels » ; qu'en considérant que l'employeur avait pu appliquer au salarié un abattement pour frais professionnels dès lors que celui-ci exerçait un emploi de « chauffeurs de lignes régulières », sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'emploi de conducteur d'autobus - et non de car - exercé par ce salarié figurait au nombre des professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005, et l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000 :

8. Il résulte de ces textes que la possibilité de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels n'est ouverte qu'aux professions énumérées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dont le tableau prévoit celle des chauffeurs et receveurs convoyeurs de cars à services réguliers ou occasionnels.

9. Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l'activité professionnelle du salarié, non à l'activité générale de l'entreprise qui l'emploie.

10. Pour dire que les conditions de mise en place de l'abattement pour frais professionnels au sein de la société ont été respectées et débouter le salarié de ses prétentions, l'arrêt relève que la société assure l'exploitation d'une ligne de transport de voyageurs qui figure au plan de transports du département sur la liste des « services réguliers ». Il retient que, par suite, les receveurs convoyeurs affectés à cette ligne entrent dans la catégorie prévue par la disposition de l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts. Il ajoute que le salarié appartient à l'une des professions visées puisqu'il est chauffeur de lignes régulières.

11. En se déterminant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser que le salarié exerce la profession de chauffeur et receveur convoyeur de cars à services réguliers ou occasionnels mentionnée à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. [G] ne peut se voir opposer le principe de l'unicité de l'instance et en ce qu'il le déclare irrecevable en ses demandes d'indemnisation pour la période antérieure au mois de décembre 2008, l'arrêt rendu le 12 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : Mme Lecaplain-Morel - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2005 ; article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000.

Rapprochement(s) :

Sur la détermination des personnels relevant du champ d'application de la déduction forfaitaire spécifique, à rapprocher : Soc., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-12.578, Bull., (2) (cassation partielle).

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-20.685, (B), FS

Rejet

Cotisations – Assiette – Bons de souscription d'actions – Conditions – Acquisition en contrepartie ou à l'occasion du travail et à des conditions préférentielles

Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions génèrent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales.

Le caractère préférentiel des conditions d'attribution des bons de souscription d'actions résulte tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d'émission et de cessibilité des bons, les conditions financières de la souscription n'en constituant qu'un simple indice.

Le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage s'entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d'actions, de sorte que l'avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l'économie réalisée par le bénéficiaire.

Cotisations – Assiette – Avantages – Evaluation – Date – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2021), la société [2] (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) portant sur les années 2013 à 2015, qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 2 novembre 2016, retenant divers chefs de redressement, puis d'une mise en demeure du 22 décembre 2016.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1°/ que les bons de souscription d'actions (BSA) sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'étant acquis moyennant un investissement financier de la part de leur détenteur et disposant d'une valorisation qui varie en fonction de la valeur des actions auxquelles ils se rattachent, ils sont susceptibles de générer des profits comme des pertes ; que l'acquisition onéreuse de BSA constitue par nature un investissement financier et non un élément de rémunération assujetti à cotisations de sécurité sociale ; qu'elle ne constitue un avantage assujetti à cotisations sociales que lorsque les bons sont proposés aux dirigeants et salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail et sont acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, ces deux exigences étant cumulatives ; que pour déduire que les BSA avaient été souscrits par les dirigeants et cadres de la société « en contrepartie ou à l'occasion du travail », la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions des articles 2-1 à 2-4 du contrat d'émission des BSA prévoyant l'émission exclusive des bons pour sept mandataires et salariés de la société « en raison de leur fonctions de dirigeant » et non au profit de tiers, sur la possibilité pour l'employeur d'en solliciter le remboursement en cas de départ, sur le fait que la souscription a été effective pour ces-derniers à une date où ils étaient dans les effectifs de la société, sur le caractère incessible des bons, sur leur absence de justification pour un motif ou une contrepartie d'un service-rendu autre que professionnel et sur le fait que « la plus-value d'acquisition [...] n'a été rendue possible que par l'existence d'un contrat de travail ou d'un mandat social lors de la souscription des bons » ; que de tels motifs sont cependant impropres pour déduire une corrélation entre la souscription des BSA et la relation de travail des sept personnes souscriptrices, dès lors qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que ces dernières avaient pu, pour certaines, conserver et exercer leur BSA au cour de périodes durant lesquelles elles avaient quitté les effectifs de la société, ce dont il s'induit que la souscription des bons était détachable de la relation de travail et n'était pas en corrélation avec celle-ci ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que les BSA ont été souscrits « en contrepartie ou à l'occasion du travail » et que « les droits attachés à la souscription des BSA étaient bien corrélés à l'existence d'une relation de travail et par suite la possibilité d'acquérir puis d'exercer les bons de souscription d'actions litigieux constitue un avantage », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ;

2°/ que l'acquisition onéreuse de bons de souscription d'actions (BSA) par des salariés ou mandataires sociaux constitue un investissement financier exclu par nature de l'assiette des cotisations sociales, à moins qu'elle n'intervienne en contrepartie ou à l'occasion du travail et à des conditions préférentielles ; que seule caractérise de telles conditions préférentielles la souscription des BSA à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette souscription ; que la société a fait valoir dans ses conclusions que la souscription de BSA par sept de ses dirigeants et cadres salariés ne constituait pas un avantage salarial dès lors qu'elle n'était pas intervenue à des conditions tarifaires préférentielles au regard du prix de souscription des BSA ; que pour valider le redressement l'arrêt a néanmoins retenu que « les bons de souscription d'actions proposés par le conseil d'administration de la société aux sept dirigeants et cadres salariés de la société en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, constituent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales de la société », que l'investissement des dirigeants avait engendré une « économie de coût réalisé sur l'opération d'investissement » et qu'au jour de l'exercice des actions « l'aléa et le risque liés à la souscription ne s'étaient pas réalisés » ; qu'en statuant ainsi sans caractériser en quoi les BSA avaient été effectivement acquis par les dirigeants et salariés de la société à des conditions tarifaires préférentielles, et sans notamment constater qu'ils aient été souscrits à des prix inférieurs à la valeur du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ;

3°/ à titre subsidiaire, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage salarial est la mise à disposition effective de cet avantage à son bénéficiaire ; qu'en cas de requalification de la souscription de BSA en avantage salarial, c'est à la date où les personnes qui les ont souscrits en ont la libre disposition que naît le fait générateur de l'avantage retenu et que doit être fixée sa valeur ; que la société a fait valoir subsidiairement dans ses conclusions d'appel qu'à supposer que ses dirigeants et cadres ayant souscrit des BSA aient bénéficié d'un avantage, ce dernier devait être évalué à la date de libre disposition des bons, c'est à dire à la date du 7 septembre 2013, date à laquelle ces BSA sont devenus exerçables en vertu du contrat d'émission de bons ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que « l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition » et que « les bénéficiaires pouvaient avoir la libre disposition des bons du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017 » ; qu'en validant néanmoins les modalités d'évaluation de l'avantage retenues par l'URSSAF et en décidant ainsi, en dépit de ses propres constatations, que l'avantage salarial retenu devait être évalué, non à la date du 7 septembre 2013 à laquelle les dirigeants et cadres souscripteurs ont eu la libre disposition des bons, mais aux dates ultérieures d'exercice respectif des BSA par chacun des dirigeants et salariés souscripteurs (du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

4°/ à titre subsidiaire, qu'en cas de requalification de la souscription de BSA en avantage salarial, l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition ; que la date de libre disposition des BSA constitue un point fixe et non une période s'étirant dans le temps, de sorte que l'avantage doit être évalué au premier jour à compter duquel les souscripteurs des bons ont été libres de les exercer ; qu'en décidant néanmoins que « le contrat d'émission des bons de souscription d'actions prévoit en son article 4-2 « période d'exercice » que les bons de souscription d'actions étaient exerçables du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017.

Au regard de cette disposition, il ne peut être retenu comme le soutient la société que l'avantage doit être évalué à la date du 7 septembre 2013, en tenant compte de la valeur des bons à cette dernière date, puisque les bénéficiaires pouvaient avoir la libre disposition des bons du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017 », déterminant ainsi la date d'évaluation de l'avantage retenu, non au premier jour de la libre disposition des bons par ses souscripteurs (le 7 septembre 2013), mais selon une période s'étirant dans le temps à compter de ce jour et en prenant en compte les dates ultérieures d'exercice respectif des bons par chacun des salariés ou mandataires souscripteurs, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ;

5°/ à titre subsidiaire, qu'en cas de requalification en salaire, c'est la souscription de BSA à des conditions pécuniaires préférentielles par rapport à leur valeur réelle qui est de nature à révéler l'existence d'un avantage ; qu'un tel avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, à concurrence de la différence entre le prix acquitté lors de la souscription et la valeur réelle du bon à cette date ; que sont en revanche sans incidence, pour l'évaluation de cet avantage, les gains ou pertes réalisés ultérieurement par les détenteurs des bons lors de leur exercice ; que la société a ainsi fait valoir, qu'en admettant que la souscription des bons soit requalifiée en avantage, sa valeur correspondait à la différence entre le prix acquitté pour l'achat des BSA par ses salariés et la valeur de ces bons au jour où ils en ont eu la libre disposition (le 7 septembre 2013) ; qu'en validant au contraire « l'évaluation de l'avantage selon la méthode adoptée par l'URSSAF précisée dans la lettre d'observations », c'est à dire en fonction de « la différence entre : d'une part la valeur de l'action au moment de son acquisition par le salarié, à savoir à la date où il a exercé ses BSA (la valeur de l'action retenue correspond à celle du dernier cours connu au jour de l'acquisition de l'action), et d'autre part le montant cumulé du prix d'acquisition du bon (prix de souscription) et du prix d'acquisition de l'action par le salarié (prix d'exercice) », et en se fondant ainsi pour fixer l'assiette du redressement de cotisations sociales, non sur la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, mais sur le montant des éventuelles plus-values réalisées lors de l'exercice respectif des bons, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions génèrent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales.

5. Le caractère préférentiel des conditions d'attribution des bons de souscription d'actions résulte tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d'émission et de cessibilité des bons, les conditions financières de la souscription n'en constituant qu'un simple indice.

6. La Cour de cassation a jugé qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage est la mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire, soit la date à laquelle il a eu la libre disposition des bons de souscription, et que l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à cette date (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 17-24.470, publié au Bulletin).

7. Cette solution présente une difficulté s'agissant, d'une part, de la détermination de la date de libre disposition des bons de souscription dont l'exercice ou la cession s'opère non à une date fixe mais sur une période et, d'autre part, de la méthode d'évaluation des bons.

8. Elle conduit, en outre, à soumettre à cotisations un avantage théorique et non pas l'avantage réel correspondant au gain réalisé par le bénéficiaire, lors de la cession des bons de souscription, ou à l'économie faite lors de leur réalisation par l'acquisition d'actions.

9. Ces considérations amènent la Cour de cassation à juger désormais que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage s'entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d'actions, de sorte que l'avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l'économie réalisée par le bénéficiaire.

10. L'arrêt relève qu'il résulte du contrat d'émission des bons de souscription d'actions que leur émission, décidée par le conseil d'administration de la société par délibération du 7 septembre 2009, l'a été au bénéfice exclusif de sept dirigeants, mandataires sociaux ou salariés de la société, pendant la période de souscription ouverte du 7 septembre au 31 décembre 2009 inclus, et que les bons de souscription d'actions n'étaient pas cessibles.

11. Il retient que les droits attachés à la souscription des bons étaient corrélés à l'existence d'une relation de travail, en sorte que la possibilité d'exercice des bons de souscription d'actions litigieux constitue un avantage qui doit entrer dans l'assiette des cotisations sociales, peu important que deux des dirigeants n'aient plus été au service de la société à la date à laquelle ils les ont exercés.

12. L'arrêt ajoute, pour déterminer la valeur de l'avantage, qu'il convient de prendre en compte la plus-value calculée pour chaque bénéficiaire à la date d'exercice effectif de ses bons de souscription d'actions, laquelle correspond à la différence entre, d'une part, la valeur de l'action à la date de son acquisition et, d'autre part, le prix d'acquisition du bon et celui de l'action.

13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les bons de souscription d'actions proposés par le conseil d'administration de la société à ses sept dirigeants, en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, généraient un avantage qui entrait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, dont elle a exactement déterminé le montant pour chaque bénéficiaire à la date d'exercice.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 17-24.470, Bull. (cassation).

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-24.048, (B), FRH

Rejet

Cotisations – Assiette – Contribution au financement d'un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies – Déductibilité – Sommes versées par la caisse de congés payés du bâtiment

Il résulte de l'application combinée des articles L. 242-1, alinéa 1er, et D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que les rémunérations qu'ils visent, pour la détermination du plafond d'exonération des contributions patronales, sont celles qui sont versées par l'employeur, à l'exclusion de celles versées par un tiers.

C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a dit que les sommes versées par la caisse de congés payés du bâtiment étaient exclues de l'assiette de rémunération servant au calcul des limites d'exonération de cotisations sociales de la contribution patronale au financement d'un régime de retraite supplémentaire.

Cotisations – Exonération – Exonération de la part patronale des cotisations – Contribution au financement d'un régime de retraite supplémentaire – Assiette – Exclusion – Sommes versées par la caisse de congés payés du bâtiment

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 septembre 2021), la société [4], aux droits de laquelle vient la société [3] (la société), a fait l'objet d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014, ayant donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) du 16 septembre 2015, puis à une mise en demeure du 30 novembre 2015.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que sont exclues de l'assiette des cotisations sociales les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite versées au bénéfice de leurs salariés, pour une fraction n'excédant pas notamment 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; que les indemnités de congés payés, qui constituent une rémunération soumise à cotisations sociales, versées directement par une caisse de congés payés à laquelle l'employeur adhère obligatoirement et qui sont financées par l'employeur doivent être inclues dans l'assiette de calcul de cette limite d'exonération ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur issue de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012, et D. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 7 janvier 2012 au 30 septembre 2018 ».

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail.

5. Aux termes de ce même texte, sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés.

6. Aux termes de son article D. 242-1, I, dans sa rédaction applicable au litige, les contributions des employeurs au financement d'opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont exclues de l'assiette des cotisations de sécurité sociale propre à chaque assuré, pour une fraction n'excédant pas la plus élevée des deux valeurs suivantes :

a) 5 % du montant du plafond de la sécurité sociale ;

b) 5 % de la rémunération soumise à cotisations de sécurité sociale en application de l'article L. 242-1, déduction faite de la part des contributions des employeurs destinées au financement de prestations complémentaires de retraite et de prévoyance soumise à cotisations de sécurité sociale, la rémunération ainsi calculée étant retenue jusqu'à concurrence de cinq fois le montant du plafond de la sécurité sociale.

7. Il résulte de l'application combinée de ces textes que les rémunérations qu'ils visent, pour la détermination du plafond d'exonération des contributions patronales, sont celles qui sont versées par l'employeur, à l'exclusion de celles versées par un tiers.

8. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a dit que les sommes versées par la caisse de congés payés du bâtiment étaient exclues de l'assiette de rémunération servant au calcul des limites d'exonération de cotisations sociales de la contribution patronale au financement d'un régime de retraite supplémentaire.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 242-1, alinéa 1er, et D. 242-1, I, du code de la sécurité sociale.

2e Civ., 28 septembre 2023, n° 21-22.020, (B), FRH

Cassation

Cotisations – Exonération – Bénéfice – Aide à domicile – Exclusion – Cas

La mise en oeuvre, d'une part, de mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire et, d'autre part, de mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial, mentionnées à l'article L. 312-1, 14° et 15°, du code de l'action sociale et des familles, ne revêt pas le caractère de tâches d'aide à domicile au sens du I de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de sorte que la rémunération de ceux qui y procèdent n'ouvre pas droit, pour l'employeur, à l'exonération prévue par le III du même texte.

Cotisations – Exonération – Exonération de la part patronale des cotisations – Exclusion – Cas

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er juillet 2021), l'association [3] (l'association) a sollicité de l'URSSAF du Limousin (l'URSSAF), le remboursement d'une certaine somme au titre de l'exonération des charges patronales prévue par l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, au bénéfice de son service d'accompagnement à la gestion financière, pour la période de décembre 2011 à septembre 2014.

2. L'URSSAF ayant rejeté cette demande, l'association a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'accueillir ce recours, alors « que seules peuvent bénéficier de l'exonération des cotisations patronales prévue à l'article L. 241-10, III du code de la sécurité sociale les rémunérations versées aux aides à domicile qui exécutent des missions d'aide à domicile, c'est-à-dire des activités de services à la personne à domicile prévues à l'article D. 7231-1 du code du travail ; que les structures qui, comme l'association, mettent en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire, n'exécutent pas des activités d'assistance administrative à domicile au sens de l'article D. 7231-1 du code du travail et n'ont pas une mission d'aide à domicile, peu important qu'elles contribuent à la gestion financière et administrative de personnes protégées ; que les rémunérations versées aux salariés de ces services ne peuvent donc bénéficier de l'exonération précitée ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 241-10, III du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 applicable au litige, ensemble l'article D. 7231-1 du code du travail, les articles L. 471-1 à L. 471-4 du code l'action sociale et des familles et les articles 425, 433 et 440 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 241-10, III, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses :

4. Selon ce texte, sont exonérées de cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales, les rémunérations versées aux aides à domicile employées, dans les conditions qu'il fixe, par les organismes habilités au titre de l'aide sociale ou ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale.

5. La mise en œuvre, d'une part, de mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire et, d'autre part, de mesures judiciaires d'aide à la gestion du budget familial, mentionnées à l'article L. 312-1, 14° et 15°, du code de l'action sociale et des familles, ne revêt pas le caractère de tâches d'aide à domicile au sens du I de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de sorte que la rémunération de ceux qui y procèdent n'ouvre pas droit, pour l'employeur, à l'exonération prévue par le III du même texte.

6. Pour dire que l'association peut bénéficier de l'exonération litigieuse, l'arrêt constate que celle-ci a reçu l'autorisation visée à l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles pour la création d'un service de mandataires judiciaires à la protection des majeurs et d'un service délégué aux prestations familiales en vue d'exercer des mesures d'aide à la gestion du budget familial. Il en déduit que l'association est habilitée au titre de l'aide sociale. Il ajoute qu'elle gère un service de protection des majeurs ayant pour vocation de contribuer à la gestion financière et administrative en proposant un accompagnement adapté et un soutien aux personnes reconnues fragiles ou en perte d'autonomie qui occupent leur propre logement, les bénéficiaires étant soit des personnes en perte d'autonomie ou en situation de handicap et des personnes âgées de plus de 70 ans, dépendantes ou non.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : Mme Tuffreau - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article L. 312-1, 14° et 15°, du code de l'action sociale et des familles ; article L. 241-10 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 26 mai 2016, pourvoi n° 15-16.193, Bull. 2016, II, n° 141 (rejet).

2e Civ., 7 septembre 2023, n° 21-18.931, (B), FRH

Cassation partielle

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assiette – Exclusion – Cas – Activité de délégation syndicale ou représentation du personnel

Il résulte des articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, d'une part, L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du même code, d'autre part, dans leur rédaction applicable au litige, que l'activité de délégation syndicale et de représentation du personnel est étrangère aux activités commerciales prévues par ces textes, les salariés n'accomplissant aucune activité de prospection, de promotion, d'information, de présentation ou de vente des spécialités pharmaceutiques ou des dispositifs médicaux au cours du temps passé en délégation.

Fait une exacte application de ces textes la cour d'appel qui annule le redressement résultant de la réintégration dans l'assiette des contributions sur les dépenses de promotion des spécialités pharmaceutiques et des dispositifs médicaux de la fraction de la rémunération versée par la société à ses délégués médicaux et attachés commerciaux, correspondant à leur activité de délégation syndicale et de représentation du personnel.

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assiette – Détermination – Portée

Cotisations – Assiette – Exclusion – Cas – Activité de délégation syndicale ou représentation du personnel

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Exonération – Procédure

Si, en application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, il incombe à la société qui prétend s'exonérer de justifier du montant des charges invoquées au titre, d'une part, de l'activité de délégation syndicale et de représentation du personnel de ses salariés et, d'autre part, de la matériovigilance, la reconnaissance du bien-fondé de l'exclusion de l'assiette des contributions prévues par les articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, d'une part, L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du même code, d'autre part, des dépenses résultant de ces activités entraîne la nullité de l'intégralité du redressement opéré à ces titres dès lors que l'inspecteur du recouvrement n'a refusé cette exclusion qu'en raison de la nature des dépenses litigieuses, sans formuler d'observations sur le quantum appliqué par la société.

Caisse – Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) – Contrôle – Observations – Absence – Effet – Annulation de la procédure de redressement

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assujettissement – Cas – Activités commerciales

Il résulte des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, qu'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier de ces textes les rémunérations de toutes natures des personnes qui interviennent en France aux fins de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1. L'activité de formation technique à l'utilisation des dispositifs médicaux et celle de gestion des stocks de dispositifs médicaux alloués en dépôt au sein des établissements de santé ne sont pas étrangères à ces activités commerciales. Viole ces textes la cour d'appel qui décide que la fraction des rémunérations versées aux délégués commerciaux en contrepartie de ces activités ne doit pas être intégrée dans l'assiette de cette contribution, alors qu'elles participent à la présentation et la promotion des produits et prestations, et qu'elles permettent de délivrer aux utilisateurs une information technique sur ces produits et prestations.

Financement – Ressources autres que les cotisations – Contribution à la charge des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux – Assiette – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mai 2021), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 21 juin 2018, pourvoi n° 17-27.756, Bull. 2018, II, n° 135), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 4] et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société), selon lettre d'observations du 3 août 2011, puis mise en demeure du 21 novembre 2011, un redressement relatif, d'une part, à l'assiette de la contribution due par les entreprises assurant, en France, l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement ou inscrites sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités, d'autre part, à l'assiette de la contribution due par les fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux à usage individuel, tissus et cellules issus du corps humain, de produits de santé autres que les médicaments mentionnés à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale ou de prestations de services et d'adaptation associés, inscrits aux titres I et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du même code.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt de dire bien fondées les contestations de la société, alors « que la contribution des entreprises de préparation de médicaments, prévue aux articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5122-11 du code de la publique, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge du démarchage et de la prospection pour les médicaments remboursables ; que la contribution des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, prévue aux articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du même code, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes qui interviennent aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 auprès des professionnels de santé, masseurs-kinésithérapeutes ou établissements de santé, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge de la présentation, la promotion et la vente des dispositifs médicaux et prestations associées remboursables ; que la totalité des rémunérations versées à ces personnels doit donc entrer dans l'assiette de ces deux contributions, peu important qu'elles ne soient pas afférentes à l'exploitation de spécialités pharmaceutiques remboursables ou afférentes à la promotion, la présentation ou la vente de dispositifs médicaux remboursables ; qu'en jugeant que la rémunération des attachés commerciaux correspondant aux temps de délégation syndicale devait être exclue de l'assiette des ces deux contributions au prétexte que leur temps de délégation syndicale était étranger aux activités de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques ou aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux, la cour d'appel a violé les articles L. 245-1 et L 245-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par l'article L. 245-1 du même code que les charges comptabilisées au titre des frais de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation, en France, des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés à l'usage des collectivités.

5. Il résulte des articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que n'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier de ces textes que les rémunérations afférentes à la promotion, la présentation ou la vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1.

6. L'arrêt énonce que le temps de travail des visiteurs médicaux et attachés commerciaux consacré à la délégation syndicale et à la représentation du personnel ne peut être considéré comme afférent à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agréés ni à la promotion, la présentation ou la vente des dispositifs médicaux commercialisés. Il retient que ce temps est étranger aux activités de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation des spécialités pharmaceutiques ou aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux, peu important que la rémunération des visiteurs ou délégués médicaux soit versée dans le cadre de leur contrat de travail et soit soumise à charges sociales.

7. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que la fraction de la rémunération des visiteurs médicaux et attachés commerciaux versée en contrepartie de l'exercice de leur activité de délégation syndicale et de représentation du personnel devait être exclue de l'assiette des contributions litigieuses.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches

Enoncé du moyen

9. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de rapporter la preuve qu'il en remplit les conditions ; que dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF faisait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer même que les rémunérations des attachés commerciaux concernant leur temps de délégation syndicale n'entrent pas dans l'assiette des contributions litigieuses, elle entendait en contester le quantum ; qu'en effet, les montants que la société imputaient à la représentations syndicale n'étaient corroborés par aucun élément comptable, le nombre d'heures octroyées au titre de cette activité syndicale, le montant de la rémunération y afférente et l'identité des représentants syndicaux n'étant pas justifiés ; qu'en écartant ce moyen au prétexte inopérant que la lettre d'observations contestait seulement le principe des abattements mais ne contenait aucune observation quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, lorsqu'il incombait en tout état de cause à la société cotisante, qui prétendait s'exonérer, de justifier du montant des charges invoquées au titre de l'activité syndicale, peu important que l'URSSAF n'ait contesté que le principe de l'exonération, et non son quantum, dans sa lettre d'observations, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 245-1 et L. 245-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et l'article 12 du code de procédure civile ;

3° / que les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s'appuient ; qu'en affirmant péremptoirement que les chefs de redressements annulés portaient « sur la quote-part de la rémunération des attachés commerciaux correspondant à l'exercice de leur activité de représentation » sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'il appartient au cotisant qui réclame le bénéfice d'une exonération de rapporter la preuve qu'il en remplit les conditions ; que dans ses conclusions d'appel, l'URSSAF faisait valoir, à titre subsidiaire, qu'à supposer même que les rémunérations des attachés commerciaux concernant l'activité de matériovigilance n'entrent pas dans l'assiette de la contribution litigieuse, elle entendait en contester le quantum ; qu'en effet, les montants que la société imputaient à la matériovigilance n'étaient corroborés par aucun élément comptable et qu'elle s'était bornée à procéder à un abattement estimatif de 3 % ; qu'en écartant ce moyen au prétexte inopérant que la lettre d'observations contestait seulement le principe des abattements mais ne contenait aucune observation quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, lorsqu'il incombait en tout état de cause à la société, qui prétendait s'exonérer, de justifier du montant des charges invoquées au titre de la matériovigilance, peu important que l'URSSAF n'ait contesté que le principe de l'exonération, et non son quantum, dans sa lettre d'observations, la cour d'appel a violé l'article 1315, devenu 1353, du code civil, ensemble les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007, et l'article 12 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges du fond ne peuvent procéder par voie de simple affirmation sans préciser les éléments de preuve sur lesquels ils s'appuient ; qu'en affirmant péremptoirement que « les sommes réintégrées dans l'assiette des cotisations correspondent à la fraction des rémunérations versées par la société à ses délégués médicaux en contrepartie de leur activité de matériovigilance » de sorte qu'elles n'entraient pas dans l'assiette de la contribution, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. Si, en application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, il incombe à la société qui prétend s'exonérer de justifier du montant des charges invoquées au titre, d'une part, de l'activité de délégation syndicale et de représentation du personnel de ses salariés et, d'autre part, de la matériovigilance, la reconnaissance du bien fondé de l'exclusion de l'assiette des contributions des dépenses résultant de ces activités entraîne la nullité de l'intégralité du redressement opéré à ces titres dès lors que l'inspecteur du recouvrement n'a refusé cette exclusion qu'en raison de la nature des dépenses litigieuses, sans formuler d'observations sur le quantum appliqué par la société.

11. Ayant constaté que l'inspecteur du recouvrement n'avait formulé aucune objection quant au quantum des sommes exclues par la société de l'assiette des contributions, seul le principe des abattements faisant l'objet d'observations, la cour d'appel a décidé, à bon droit, que la reconnaissance du bien fondé de cette exclusion entraînait la nullité des chefs de redressement portant sur ces sommes.

12. Le moyen, inopérant en ses troisième et cinquième branches, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

Mais sur le moyen, pris en ses sixième et septième branches

Enoncé du moyen

13. L'URSSAF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 6°/ que la contribution des fabricants ou distributeurs de dispositifs médicaux, prévue aux articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, a pour assiette les « rémunérations de toutes natures » des personnes qui interviennent aux fins de présenter, promouvoir ou vendre les produits et prestations mentionnés à l'article L. 245-5-1 auprès des professionnels de santé, masseurs-kinésithérapeutes ou établissements de santé, c'est-à-dire l'ensemble des sommes acquittées par l'industrie pharmaceutique auprès des personnels en charge de la présentation, la promotion et la vente des dispositifs médicaux et prestations associées remboursables ; que la totalité des rémunérations versées à ces personnels doit donc entrer dans l'assiette de la contribution, peu important qu'elles ne soient pas afférentes à la promotion, la présentation ou la vente de dispositifs médicaux remboursables ; qu'en jugeant que la rémunération des visiteurs médicaux correspondant aux activités de formation et de gestion des stocks de prothèses dans les hôpitaux devait être exclue de l'assiette de cette contribution au prétexte que ces activités étaient étrangères aux activités commerciales de promotion, présentation ou vente des dispositifs médicaux remboursables, la cour d'appel a violé les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 ;

7°/ que la formation prodiguée par les visiteurs médicaux au personnel médical en vue d'une bonne utilisation des dispositifs médicaux entre dans le cadre de leurs activités commerciales de promotion, de présentation et de ventes des dispositifs médicaux en ce qu'elle concourt à assurer l'efficacité et la sécurité des produits vendus et à promouvoir leur utilisation ; que de même, la gestion par les visiteurs médicaux des stocks de prothèses au sein des hôpitaux, qui a pour but de garantir la fiabilité et la disponibilité de ce matériel, d'optimiser leurs capacités de stockage, de garantir l'approvisionnement et la sécurité desdits produits (date de péremption, fiabilité, qualité, stérilité, conformité) entre aussi dans le cadre de leurs activités commerciales en ce qu'elle concourt à assurer l'efficacité et la sécurité de ces produits et vise à promouvoir leurs rachats en cas de baisse des stocks ; qu'en jugeant que ces activités étaient étrangères à ces activités commerciales de sorte qu'elles n'entraient pas dans l'assiette de la contribution, la cour d'appel a violé les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa version issue de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

14. Il résulte des textes susvisés qu'entrent dans l'assiette de la contribution instituée par le premier les rémunérations de toutes natures des personnes qui interviennent en France aux fins de promotion, de présentation ou de vente des produits et prestations inscrits aux titres Ier et III de la liste prévue à l'article L. 165-1 du code de la sécurité sociale.

15. L'activité de formation technique à l'utilisation des dispositifs médicaux et celle de gestion des stocks de dispositifs médicaux alloués en dépôt au sein des établissements de santé ne sont pas étrangères à ces activités commerciales.

La fraction des rémunérations versées aux délégués commerciaux en contrepartie de ces activités doit être intégrée dans l'assiette de la contribution, dès lors qu'elles participent à la présentation et la promotion des produits et prestations, et qu'elles permettent de délivrer aux utilisateurs une information technique sur ces produits et prestations.

16. Pour annuler les chefs de redressement portant sur la réintégration de la fraction des rémunérations versées aux salariés en contrepartie de leur activité de formation des utilisateurs et de gestion des stocks de prothèses dans les hôpitaux, l'arrêt retient que ces sommes n'entrent pas dans l'assiette de la contribution, peu important que l'article L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale ne prévoit pas d'abattement spécifique et que l'assiette définie par ce texte supporte un abattement forfaitaire de 50 000 euros.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit bien fondée la contestation par la société [3] du redressement portant sur les abattements au titre des activités de formation et de gestion des stocks, l'arrêt rendu le 7 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 165-1, L. 245-1, L. 245-2, L. 245-5-1 et L. 245-5-2 du code de la sécurité sociale ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 novembre 2017, pourvoi n° 16-25.234, Bull. 2017, II, n° 224 (rejet).

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