Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

PRUD'HOMMES

Soc., 27 septembre 2023, n° 21-22.937, (B), FS

Cassation partielle

Appel – Demande nouvelle – Recevabilité – Conditions – Cas – Instance en nullité d'un licenciement – Demande de réintégration et de dommages-intérêts – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 juin 2021), la société Delta route a engagé M. [X] en qualité de responsable commercial le 4 juillet 2016.

2. Le salarié a été licencié le 24 janvier 2018 pour cause réelle et sérieuse.

3. Estimant que son licenciement était intervenu pendant la période de protection prévue à l'article L. 1225-4-1 du code du travail, faisant suite à la naissance de son enfant le 10 janvier 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le pourvoi incident, qui est préalable

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est nul, et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, de rappel d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement nul, alors :

« 1°/ que l'employeur peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant, s'il justifie de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, la société Delta route offrait de démontrer en quoi elle se trouvait dans l'impossibilité de maintenir le contrat de M. [X] pour des motifs liés à des manquements professionnels objectifs, sans aucun lien avec la naissance de son enfant ; qu'elle expliquait notamment que les manquements reprochés à M. [X] n'étaient pas compatibles avec ses fonctions de responsable commercial, statut cadre, et qu'ils étaient de nature à causer un préjudice commercial à l'entreprise, raison pour laquelle celui-ci avait été dispensé de l'exécution de son préavis, quand bien même son licenciement n'était pas motivé par une faute grave ; qu'en se bornant à affirmer que la société Delta route « ne pouvait valablement licencier le salarié sans attendre l'écoulement du délai de 10 semaines en l'absence de faute grave ou d'impossibilité de maintenir le contrat de travail » sans examiner même sommairement cette offre de preuve, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.1225-4-1 du code du travail ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer l'absence d'une impossibilité de maintenir le contrat de travail de M. [X] sans examiner les moyens et explications de la société Delta route dans ses écritures d'appel, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les dix semaines suivant la naissance de son enfant. Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant.

6. La cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres et adoptés, que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement ne caractérisaient pas l'impossibilité de maintenir le contrat de travail, a, par une décision motivée, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le second moyen du pourvoi principal, réunis

Enoncé des moyens

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes de complément de sommes dans le solde de tous comptes déduites à tort, de réintégration et d'indemnité d'éviction, alors « qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; qu'est ainsi recevable en appel toute demande qui présente un lien suffisant avec la demande originaire ; que la demande de réintégration, conséquence normale de la nullité d'un licenciement réputé n'avoir jamais existé, présente par nature un lien suffisant avec la demande d'annulation du licenciement prononcée en méconnaissance des dispositions d'ordre public relatives à la parentalité ; qu'en déclarant irrecevable, car présentée pour la première fois en cause d'appel, la demande de réintégration de M. [X] formulée en conséquence d'un licenciement dont il avait invoqué en première instance la nullité, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile. »

8. Il fait également grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en sa demande de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, alors « qu'aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ; que sont ainsi recevables en appel les demandes qui présentent un lien suffisant avec la demande originaire ; que la demande de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail est la conséquence ou le complément nécessaire de la demande d'annulation du licenciement prononcé en méconnaissance de ce texte ; qu'en déclarant irrecevable, car présentée pour la première fois en cause d'appel, la demande de dommages-intérêts de M. [X] alors qu'elle complétait la demande d'annulation de son licenciement formulée en première instance, la cour d'appel a violé les articles 564 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 564 et 566 du code de procédure civile :

9. Aux termes du premier de ces textes, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le second, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

11. Pour déclarer irrecevables les demandes de réintégration et d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, l'arrêt retient qu'une demande de réintégration ne constitue nullement l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la nullité du licenciement, dès lors que le salarié dispose d'une faculté de choix lui permettant de solliciter, soit la réparation de la rupture abusive du contrat de travail, soit sa poursuite accompagnée d'une indemnité d'éviction, les deux actions ne poursuivant pas la même fin de réparation du préjudice, même si elles partagent un fondement commun dans la nullité du licenciement, et qu'en l'espèce, le salarié a choisi de ne solliciter que la réparation des conséquences de la rupture du contrat de travail en première instance.

12. En statuant ainsi, alors que le salarié dont le licenciement est nul est en droit de demander sa réintégration, ce dont il résulte que cette demande et la demande de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail sont la conséquence de la demande de nullité du licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. Le premier moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt au soutien de la décision déclarant le salarié irrecevable en sa demande de complément de sommes dans le solde de tous comptes déduites à tort, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur les moyens du pourvoi principal entraîne la cassation par voie de conséquence des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer au salarié un complément d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, un rappel d'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement nul, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

15. La cassation des chefs de dispositif déclarant le salarié irrecevable en ses demandes de réintégration, d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail n'emporte pas la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare M. [X] irrecevable en ses demandes de réintégration, d'indemnité d'éviction et de dommages-intérêts pour violation de la protection de l'article L. 1225-4-1 du code du travail, et condamne la société Delta route à payer à M. [X] les sommes de 7 344,83 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis et 734,48 euros au titre des congés payés afférents, 368,53 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement et 24 492,48 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 11 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Sommer - Rapporteur : M. Chiron - Avocat général : M. Juan - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article L. 1225-4-1 du code du travail ; article 566 du code de procédure civile.

Soc., 6 septembre 2023, n° 21-25.001, (B), FRH

Rejet

Chose jugée – Portée – Décision définitive – Décision d'incompétence – Décision renvoyant les parties à mieux se pourvoir en raison du caractère international du litige

Compétence – Décision sur la compétence – Décision d'incompétence – Décision renvoyant les parties à mieux se pourvoir en raison du caractère international du litige – Chose jugée – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 29 octobre 2021) et les pièces de la procédure, M. [U] a été engagé en qualité de marketing manager à compter du 1er janvier 1995 par la société de droit français SGS Thomson Microelectronics st, devenue en 1998 la société Stmicroelectronics (la société française), dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er janvier 1995, le lieu de travail mentionné dans le contrat de travail étant [Localité 6], situé dans la banlieue française de [Localité 4].

2. Suivant un contrat, qualifié d'avenant, conclu le 1er juillet 1999 entre le salarié et la société de droit néerlandais Stmicroelectronics N.V (la société néerlandaise), société actionnaire de la société française, le lieu de travail du salarié a été transféré au siège opérationnel et exécutif de la société néerlandaise, à [Localité 5], lieu situé en Suisse également dans la banlieue de [Localité 4]. Cet acte prévoyait que la relation de travail restait régie par le droit français et par le contrat de travail initial et que le salarié continuerait de bénéficier du maintien du système de retraite français et des congés payés prévus par le droit français.

3. Par lettre du 8 février 2008, la société néerlandaise a pris acte du départ à la retraite du salarié et de la date de la fin des relations contractuelles fixée au 31 mai 2008.

4. Par requête du 4 septembre 2008, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'Oyonnax de deux procédures distinctes, l'une étant dirigée contre la société française et l'autre contre la société néerlandaise.

5. Dans l'instance l'opposant à la société néerlandaise, le salarié a sollicité la requalification de sa mise en retraite en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que différentes indemnités au titre de la rupture et pour préjudice moral.

6. Par un arrêt du 23 juin 2011, la cour d'appel de Lyon a dit que le conseil des prud'hommes d'Oyonnax était incompétent pour connaître du litige opposant les parties et désigné la juridiction compétente du canton de [Localité 4] à cet effet.

7. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté (Soc., 19 juin 2013, pourvoi n° 11-23.491).

8. Dans l'instance l'opposant à la société française, le salarié a, par acte du 7 mars 2017, fait attraire la société néerlandaise en intervention forcée et sollicité, en invoquant le maintien du lien d'emploi avec la société française, le prononcé à la date de la décision de la résiliation judiciaire du contrat de travail le liant à cette dernière, la condamnation solidaire des sociétés française et néerlandaise au paiement de rappels des salaires échus à la date de cette résiliation et d'indemnités de rupture, ainsi qu'au paiement de diverses sommes en indemnisation de divers préjudices résultant d'un dol quant à la non application du droit français en Suisse.

9. Concomitamment aux deux instances pendantes devant les juridictions françaises, le salarié a saisi, le 30 septembre 2008, le tribunal des prud'hommes du canton de [Localité 4] de demandes de condamnation de la société néerlandaise au paiement de rappels de bonus, d'une indemnité pour licenciement abusif et vexatoire, d'une indemnité et d'un rappel de perte d'avantages pour violation des conventions collectives, ainsi que de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires.

10. Par un jugement du 17 février 2015, cette juridiction a dit que la relation de travail litigieuse et le contrat de travail conclu le 1er juillet 1999 avec la société néerlandaise étaient soumis au droit suisse, condamné cette dernière à verser au salarié des rappels de bonus et d'heures supplémentaires, soit une somme totale de 228 928,25 francs suisses, et débouté les parties de leurs autres demandes.

11. Par un arrêt du 28 décembre 2015, la chambre des prud'hommes de la cour de justice du canton de [Localité 4] a confirmé ce jugement sauf en ce qu'il a condamné la société néerlandaise à verser la somme de 228 928,25 francs suisses et, statuant à nouveau sur ce point, a condamné cette société à verser au salarié une somme de 62 384,25 francs suisses correspondant aux seuls rappels de bonus.

12. Saisi du recours formé par le salarié qui contestait le rejet de sa demande en paiement d'heures supplémentaires au titre de trajets professionnels, le Tribunal fédéral a, par un arrêt du 11 juillet 2016, annulé et cassé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la chambre des prud'hommes de la cour de justice du canton de [Localité 4].

13. Par un arrêt du 21 novembre 2016, la chambre des prud'hommes de la cour de justice du canton de [Localité 4] a condamné la société néerlandaise à payer à son employé la somme de 62 384,25 francs suisses et a renvoyé la cause au tribunal des prud'hommes pour instruction et nouvelle décision concernant la question des heures supplémentaires.

14. Par jugement du 18 juillet 2018, le tribunal des prud'hommes du canton de [Localité 4] a condamné la société néerlandaise à payer au salarié la somme brute de 114 267,35 francs suisses en compensation des heures supplémentaires effectuées lors de ses voyages. Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la chambre des prud'hommes de la cour de justice du canton de [Localité 4] du 27 mai 2019, qui n'a pas fait l'objet de recours devant le Tribunal fédéral.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

15. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

16. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes à l'encontre de la société néerlandaise, alors :

« 1°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Lyon par arrêt du 23 juin 2011 statuant sur contredit, a dit que le conseil de prud'hommes d'Oyonnax était incompétent pour connaître du litige opposant M. [U] et la société STMicroelectronics N.V et a désigné la juridiction compétente du canton de [Localité 4] à cet effet ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de M. [U] à l'encontre de la société STMicroelectronics N.V dans le présent litige en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 23 juin 2011, quand cette décision n'avait autorité de la chose jugée qu'à l'égard du seul litige que connaissait le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

2°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce le conseil de prud'hommes d'Oyonnax, déclaré incompétent par l'arrêt du 23 juin 2011, avait été saisi par M. [U] d'une demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse de la rupture intervenue par son départ à la retraite au 31 mai 2008 et d'une demande de rappel de salaire, dirigées à l'encontre de la société STMicroelectronics N.V, alors que dans le présent litige, la cour d'appel était saisie de demandes subsidiaires de condamnation solidaire de la société STMicroelectronics N.V avec la société STMicroelectronics à payer d'une part, des indemnités liées à la rupture judiciaire du contrat de travail du 5 décembre 1994 au titre de pertes de chance par dol, et d'autre part, des dommages et intérêts en raison du dol lié à la non-application du droit français en Suisse et de nombreuses pertes de chances que les deux société lui avaient fait subir ; qu'en opposant néanmoins l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 23 juin 2011, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile ;

3°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en l'espèce, selon le dispositif du jugement du 18 juillet 2018, le tribunal des prud'hommes du canton de [Localité 4] a condamné en principal la société STMicroelectronics N.V à verser à M. [U] la somme brute de fr. 114 267,35 en rémunération des heures supplémentaires accomplies durant 55 voyages professionnels ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de M. [U] formées à l'encontre de la société STMicroelectronics N.V en raison de l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 18 juillet 2018, alors pourtant que cette décision n'avait autorité de la chose jugée qu'à l'égard de ce qu'elle avait tranché dans le dispositif sans lien avec les demandes dont elle était saisie, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile.

4°/ que l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de M. [U] formées à l'encontre de la société STMicroelectronics N.V au motif que les juridictions helvétiques ont tranché la question de la qualification du contrat conclu le 1er juillet 1999 et exclu l'existence d'un détachement transfrontalier de sorte que M. [U] ne peut à nouveau solliciter à l'encontre de cette société le bénéfice de cette qualification ou celle de prêt de main d'oeuvre illicite et revendiquer l'existence d'un contrat de travail unique avec la société STMicroelectronics, avec les conséquences indemnitaires sollicitées, sans indiquer les chefs de dispositif des décisions étrangères duquel elle déduisait une telle autorité de la chose jugée, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil et l'article 480 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. Il résulte de l'article 1351, devenu 1355, du code civil que la décision qui, dans son dispositif, statuant en raison du caractère international du litige sur la compétence en matière de contrats individuels de travail, déclare la juridiction française incompétente et renvoie les parties à se mieux pourvoir est revêtue de l'autorité de la chose jugée de ce chef.

18. Ayant relevé, que statuant, en raison du caractère international du litige, sur la compétence pour connaître du contrat de travail du salarié avec la société néerlandaise, l'arrêt du 23 juin 2011 déclarait le conseil de prud'hommes d'Oyonnax incompétent pour connaître du litige et désignait les juridictions compétentes du canton de [Localité 4] à cet effet, la cour d'appel a exactement retenu que l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt faisait obstacle à ce que le salarié sollicite devant elle une somme quelconque au titre de l'exécution ou de la rupture de ce contrat de travail, y compris sur le fondement du dol.

19. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches en ce qu'elles visent des textes inapplicables dans la mesure où la Convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale signée à Lugano le 30 octobre 2007 s'applique à la reconnaissance en France des décisions suisses, n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat(s) : SCP Boullez ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Article 1355 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'autorité de la chose jugée du jugement statuant sur la compétence internationale en matière de contrat de travail, à rapprocher : Soc., 15 décembre 1993, pourvoi n° 90-40.284, Bulletin 1993, V, n° 313 (cassation sans renvoi).

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