Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

PREUVE

Soc., 6 septembre 2023, n° 22-13.783, (B), FRH

Rejet

Règles générales – Moyen de preuve – Procédés de surveillance – Dispositif du « client mystère » – Validité – Conditions – Information préalable du salarié – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er juillet 2021), M. [Y] a été engagé en qualité d'employé de restaurant libre service, le 1er novembre 2006, par la société Autogrill aéroports.

2. Contestant le bien-fondé de son licenciement, notifié le 22 août 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, en particulier celles tendant à l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 7 avril 2016 et à juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ que l'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ; que, pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré que la preuve du non-respect par le salarié des procédures d'encaissement mises en place au sein de l'entreprise était rapportée ; qu'en jugeant recevable cette preuve, dont elle constatait qu'elle avait été recueillie au moyen d'un « client-mystère », la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile, ensemble le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;

2°/ que l'employeur ne peut avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ; que, par ailleurs, le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles mises en oeuvre à son égard ; qu'en considérant, pour refuser d'écarter la preuve recueillie au moyen d'un « client-mystère », que les salariés avaient été informés de la mise en oeuvre de ce système d'investigation et de « l'objectif de ce dispositif », sans vérifier quel était précisément l'objectif déclaré aux salariés, alors que les conclusions du salarié l'y invitaient, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code de procédure civile et L. 1222-3 du code du travail, ensemble le principe de loyauté dans l'administration de la preuve. »

Réponse de la Cour

5. D'une part, il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que le salarié a soutenu devant la cour d'appel un moyen pris de la violation des articles 9 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou du principe de loyauté dans l'administration de la preuve.

6. Le moyen pris en sa première branche, nouveau et mélangé de fait et de droit, est dès lors irrecevable.

7. D'autre part, l'arrêt constate d'abord que l'employeur produit une fiche d'intervention d'une société, mandatée par lui pour effectuer des contrôles en tant que « client mystère », dont il résulte qu'aucun ticket de caisse n'a été remis après l'encaissement de la somme demandée.

8. Il retient ensuite, par une appréciation souveraine de la valeur et la portée des éléments de preuve produits, que l'employeur établit avoir préalablement informé le salarié de l'existence de ce dispositif d'investigation comme en atteste la production, d'une part, d'un compte-rendu de réunion du comité d'entreprise du 18 octobre 2016, faisant état de la visite de « clients mystères » avec mention du nombre de leurs passages, et, d'autre part, d'une note d'information des salariés sur le dispositif dit du « client mystère », qui porte la mention « pour affichage septembre 2015 » et qui explique son fonctionnement et son objectif.

9. Il en déduit enfin que, la méthode utilisée par l'employeur pour établir la matérialité des faits litigieux étant licite, celle-ci est démontrée par la production de la fiche d'intervention de la société mandatée par l'employeur de sorte que le grief formulé par ce dernier dans la lettre de licenciement est prouvé.

10. Ayant ainsi constaté que le salarié avait été, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-3 du code du travail, expressément informé, préalablement à sa mise en oeuvre, de cette méthode d'évaluation professionnelle mise en oeuvre à son égard par l'employeur, ce dont il résultait que ce dernier pouvait en utiliser les résultats au soutien d'une procédure disciplinaire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Barincou - Avocat(s) : Me Haas ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles L. 1222-3 et L. 1222-4 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur l'obligation pour l'employeur d'informer les salariés préalablement à l'utilisation d'un dispositif de contrôle de leur activité, à rapprocher : Soc., 23 novembre 2005, pourvoi n° 03-41.401, Bull. 2005, V, n° 333 (cassation), et l'arrêt cité ; Soc., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-18.036, Bull. 2011, V, n° 247 (rejet) ; Soc., 10 novembre 2021, pourvoi n° 20-12.263, Bull., (cassation), et l'arrêt cité.

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