Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

IMPOTS ET TAXES

Com., 20 septembre 2023, n° 21-23.057, (B), FS

Rejet

Redressement et vérifications (règles communes) – Procédures de contrôle – Renseignement ou documents obtenus auprès de tiers – Information du contribuable – Obligation – Portée – Renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications

Selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.

L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration fiscale que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.

Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

Redressement et vérifications (règles communes) – Procédures de contrôle – Renseignement ou documents obtenus auprès de tiers – Information du contribuable – Obligation – Portée – Documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale – Conditions – Contribuable n'ayant pas accès aux documents

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 juillet 2021, RG n° 19/02628), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. et Mme [I] ont joint à leurs déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Verum certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe.

2. Considérant que la société Finaréa Verum n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme [I] ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification.

3. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [I] ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes et de confirmer la décision administrative de rejet du 2 novembre 2016, alors :

« 1°/ que l'administration est tenue de communiquer au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement, l'ensemble des pièces obtenues de tiers qui sont présentes au dossier de l'administration et qui ont pu être considérées pour établir la proposition de rectification ; que cette obligation de communication porte non seulement sur les pièces qui ont fondé la proposition de rectification mais aussi sur les pièces qui n'ont pas été retenues par l'administration à l'appui de son analyse, mais dont la lecture pourrait être de nature à invalider ou amoindrir la thèse de l'administration ; qu'au cas présent, les contribuables avaient expressément sollicité la production par l'administration fiscale de son entier dossier de pièces de fond, y compris les pièces obtenues lors du contrôle des sociétés holdings Finaréa ayant permis à la direction de contrôle francilienne de conclure au caractère animateur desdites holdings ; qu'en considérant qu'« aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition », la cour d'appel, qui a méconnu l'obligation de communication à charge mais également à décharge, a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ensemble le principe de loyauté, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les principes du procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'au titre des pièces à charge retenues par l'administration fiscale pour fonder sa proposition de rectification, ladite administration doit identifier et communiquer à première demande les pièces sur lesquelles elle s'appuie de manière précise et exacte, y compris les pièces qui n'ont pas été recueillies auprès de tiers mais qui sont accessibles au public, le contribuable devant pouvoir vérifier l'accessibilité effective desdits éléments, leur licéité ainsi que leur portée ; que, dans leurs conclusions d'appel, les contribuables faisaient valoir que le service s'était appuyé sur des pièces obtenues auprès de tiers « sans que la liste en ait été clairement énoncée par le service », que le service n'avait pas identifié de manière fiable et constante ces pièces, variant dans l'identification des pièces retenues (« en l'espèce, l'origine des pièces mentionnées dans la proposition de rectification s'est avérée inexacte »), qu'il n'avait pas non plus donné de « précision sur les informations légales et financières accessibles au public mobilisées par l'administration » ; qu'en ne relevant pas que, ces éléments d'information n'ayant pas été correctement identifiés par l'administration fiscale, il était tout simplement impossible de vérifier leur correcte divulgation ou accessibilité pour le contribuable, la cour d'appel a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ensemble le principe de loyauté, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les principes du procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Il en va de même de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités.

6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande.

7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition.

8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due.

9. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.

10. D'une part, après avoir énoncé que l'administration fiscale est libre d'utiliser et d'analyser les faits qu'elle estime de nature à motiver sa proposition et qu'aucune disposition ne lui impose de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition, la cour d'appel a exactement retenu qu'il ne pouvait être reproché à l'administration fiscale de ne pas avoir évoqué tous les éléments que les contribuables estimaient être « à décharge ».

11. D'autre part, dès lors que M. et Mme [I] soutenaient seulement que les documents mentionnés dans la proposition de rectification comme fondant l'imposition réclamée n'étaient pas repris dans une liste et que certains d'entre eux avaient été présentés initialement comme ayant pour origine les vérifications de comptabilité de la société Finaréa Verum et du GIE Finaréa services, puis, dans la réponse aux observations du contribuable, comme constituant en réalité des informations légales et financières accessibles au public, sans alléguer qu'ils avaient été dans l'impossibilité d'obtenir la communication ou l'accès à l'un de ces documents, c'est sans encourir le grief de la seconde branche que la cour d'appel a retenu que l'administration n'avait pas manqué à son obligation d'information et de loyauté.

12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Lion - Avocat général : M. Lecaroz - Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

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