Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE

3e Civ., 28 septembre 2023, n° 22-21.012, (B), FS

Rejet

Indemnité – Immeuble – Terrain – Terrain à bâtir – Evaluation – Servitudes et restrictions administratives au droit de construire à caractère permanent

En application de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l'évaluation des terrains à bâtir.

En conséquence, la servitude tenant à l'existence d'un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n'a pas à être prise en compte pour l'évaluation du terrain.

Indemnité – Immeuble – Terrain – Terrain à bâtir – Evaluation – Servitude à caractère provisoire – Exclusion

Désistement partiel

1. Il est donné acte à l'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique (l'EPA) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la direction régionale des finances publiques de Nouvelle-Aquitaine, prise en sa qualité de commissaire du gouvernement.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 27 avril 2022), par arrêté préfectoral du 13 janvier 2021, une parcelle appartenant à la société civile immobilière 1618 d'Artagnan (la SCI) a été déclarée cessible pour cause d'utilité publique au profit de l'EPA, chargé des opérations d'aménagement.

3. Par ordonnance du 30 mars 2021, le juge de l'expropriation a ordonné le transfert de propriété de la parcelle au bénéfice de l'EPA.

4. A défaut d'acceptation de l'offre d'indemnisation par la SCI, l'EPA a saisi le juge de l'expropriation aux fins de fixation de l'indemnité de dépossession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième à quatrième branches

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'EPA fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité de dépossession due à la SCI à une certaine somme, alors « que les possibilités de construction d'un terrain à bâtir doivent être appréciées à la date de référence ; qu'en refusant de tenir compte, dans son évaluation, du fait que la parcelle en cause était dans un secteur couvert par un périmètre d'attente de projet global qui limitait d'une manière drastique les possibilités de construction, dans la mesure où cette limitation provisoire avait été levée le 16 novembre 2017, après avoir constaté que cette limitation existait bien à la date de référence que chacun s'accordait à fixer au 26 mai 2016, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 322-2, L. 322-3, L. 322-4 et L. 322-8 du code de l'expropriation. »

Réponse de la Cour

7. Aux termes de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'évaluation des terrains à bâtir tient compte des possibilités légales et effectives de construction qui existaient à la date de référence prévue à l'article L. 322-3, de la capacité des équipements mentionnés à cet article, des servitudes affectant l'utilisation des sols et notamment des servitudes d'utilité publique, y compris les restrictions administratives au droit de construire, sauf si leur institution révèle, de la part de l'expropriant, une intention dolosive.

8. Ce texte ne précise pas si les servitudes devant être prises en compte à la date de référence doivent être permanentes.

9. Au contraire, pour l'évaluation des terrains selon leur usage effectif, l'article L. 322-2 du même code prévoit que seules les servitudes et restrictions administratives affectant de façon permanente l'utilisation ou l'exploitation des biens à la date de référence doivent être prises en compte.

10. Or, il résulte des débats parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi n° 85-729 du 18 juillet 1985, qui a modifié l'article L. 13-15 I., alinéa 1, devenu L. 322-2 précité, que le législateur a entendu aligner l'évaluation des terrains selon leur usage effectif et celle prévue pour les terrains à bâtir quant à la prise en compte des servitudes.

11. Ainsi, seules les servitudes et restrictions administratives à caractère permanent doivent être prises en compte pour l'évaluation des terrains à bâtir.

12. En conséquence, la servitude tenant à l'existence d'un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global, qui a un caractère provisoire et devient inopposable au propriétaire par le seul écoulement du temps, ne constitue pas un élément de moins-value et n'a pas à être prise en compte pour l'évaluation du terrain.

13. Ayant relevé qu'à la date de référence, fixée au 26 mai 2016, la parcelle de terrain à bâtir était classée en zone constructible UDp3 du plan local d'urbanisme et située dans un périmètre d'attente d'un projet d'aménagement global limitant les possibilités de construction, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que cette limitation provisoire n'avait pas à être prise en compte pour l'évaluation de la parcelle.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Brun - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SARL Cabinet Briard -

Textes visés :

Article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

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