Numéro 9 - Septembre 2023

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2023

DROIT MARITIME

Com., 13 septembre 2023, n° 20-21.546, (B), FRH

Rejet

Navire – Saisie – Saisie conservatoire – Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 – Conditions – Créance maritime – Applications diverses – Dommages-intérêts liés à la rupture abusive d'un contrat de travail d'un membre de l'équipage

Ayant relevé que la créance invoquée à l'appui d'une demande de saisie conservatoire d'un navire correspondait à des dommages-intérêts liés à la rupture anticipée et abusive du contrat de travail d'un membre de l'équipage de ce navire, au solde de congés payés, à une prime de précarité, à l'absence de visite médicale d'embauche et à une indemnité forfaitaire de travail dissimulé, une cour d'appel en déduit exactement qu'elle présentait une nature maritime au sens de l'article 1, 1, m, de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer.

Navire – Saisie – Saisie conservatoire – Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 – Conditions – Créance maritime – Simple allégation

Il résulte des dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer que la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1, 1, de ce traité, suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte.

Navire – Saisie – Saisie conservatoire – Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 – Mainlevée – Condition – Garantie suffisante – Défaut d'accord sur l'importance de la garantie – Montant fixé par le juge

Il résulte de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer que le tribunal accorde la mainlevée de la saisie conservatoire du navire lorsqu'une garantie suffisante a été fournie et que, faute d'accord entre les parties sur l'importance de la garantie, il en fixe le montant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 2020), se prévalant d'une créance de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, solde de congés payés, prime de précarité, dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et indemnités forfaitaires pour travail dissimulé, due par la société International Service Company Shipping (la société ISCS), de droit portugais, Mme [T] a obtenu, le 24 septembre 2018, du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, statuant sur le fondement de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, l'autorisation de saisir à titre conservatoire le navire M/Y Lady Jersey appartenant la société ISCS.

2. Cette dernière a assigné Mme [T] en rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire et en mainlevée de celle-ci.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, qui est préalable

Enoncé du moyen

3. La société ISCS fait grief à l'arrêt de cantonner la créance alléguée à la somme de 28 774 euros, d'accorder la mainlevée de la saisie en contrepartie de la constitution d'une garantie bancaire arrêtée à 28 774 euros, alors « qu'au titre des créances autorisant une saisie, l'article 1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 vise les salaires de l'équipage ; qu'en décidant d'inclure dans le champ de la garantie des sommes sollicitées à des titres autres que les salaires proprement dits ou les congés payés, les juges du fond ont violé les articles 1 et 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952. »

Réponse de la Cour

4. Ayant relevé que la créance alléguée correspondait à des dommages-intérêts liés à la rupture anticipée et abusive du contrat de travail, un solde de congés payés, une prime de précarité, l'absence de visite médicale d'embauche et une indemnité forfaitaire de travail dissimulé, la cour d'appel en a exactement déduit sa nature maritime au sens de l'article 1, 1, m, de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer.

5. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société ISCS fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire en date du 24 septembre 2018 et de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 26 septembre 2018 ainsi que toutes ses autres demandes, alors « que, si l'article 1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 vise la simple allégation, il doit être compris en relation avec l'article 9 ; que selon l'article 9, la convention ne saurait créer un droit qui n'existerait d'après la loi du for ; qu'en décidant qu'il suffit au saisissant d'affirmer qu'il est titulaire d'une créance sans obligation d'en démontrer la vraisemblance ou le sérieux, quand selon la loi française du for, une saisie conservatoire de navire ne peut être pratiquée que sur la base d'une créance paraissant fondée en son principe, les juges du fond ont violé les articles 1, 2 et 9 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, ensemble l'article L. 5114-22 du code des transports. »

Réponse de la Cour

7. Il résulte des dispositions de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer que la simple allégation par le saisissant de l'existence, à son profit, de l'une des créances maritimes visées à l'article 1, 1 de ce traité suffit à fonder son droit de saisir le navire auquel cette créance se rapporte.

8. Ayant constaté que la créance alléguée était de nature maritime, la cour d'appel, dès lors que cette créance se rapportait au navire saisi, a, à bon droit, rejeté les demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire du navire et à la mainlevée de cette saisie.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La société ISCS fait grief à l'arrêt de cantonner la créance alléguée à la somme de 28 774 euros, d'accorder la mainlevée de la saisie en contrepartie de la constitution d'une garantie bancaire arrêtée à 28 774 euros, alors :

« 1°/ que si, pour obtenir la mise en place de la saisie, il suffit, à la hauteur de la saisie, d'alléguer une créance entrant dans le champ de l'article 1 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, en revanche, aux termes de l'article 5, il incombe au juge, dès lors qu'une garantie est substituée à la saisie, de se prononcer sur le caractère suffisant de la garantie et de déterminer en conséquence le montant de la garantie en considération de la vraisemblance ou du sérieux de la créance alléguée ; qu'en refusant de se prononcer sur ce point, au motif approprié du premier juge que la garantie de substitution ne peut que correspondre à la créance alléguée, les juges du fond ont violé l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ;

2°/ que, dès lors que l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 confrère au juge le pouvoir d'apprécier le caractère suffisant de la garantie, sans nullement décider que le montant de cette garantie devait correspondre à la créance alléguée, les juges du fond étaient tenus, en vertu des droits à un recours effectif et au procès équitable, de se prononcer sur le caractère vraisemblable ou sérieux de la créance invoquée ; qu'en refusant de ce faire, les juges du fond ont violé le principe du droit à un recours effectif et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 ;

3°/ que, dès lors que l'article 5 ne s'y oppose pas, les juges du fond sont évidemment tenus de cantonner le montant de la garantie au montant de la fraction de la créance qui peut être, non seulement alléguée, mais considérée comme vraisemblable ou sérieuse ; qu'en refusant de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont violé le principe de proportion, ensemble l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l'article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer que le tribunal accorde la mainlevée de la saisie conservatoire du navire lorsqu'une garantie suffisante a été fournie et que, faute d'accord entre les parties sur l'importance de la garantie, il en fixe le montant.

12. Ayant retenu que la créance alléguée était de nature maritime et, dès lors qu'elle se rapportait au navire saisi, la cour d'appel, qui n'avait pas à apprécier la contestation de la société ISCS portant sur le montant de cette créance, a, à bon droit, sans violer l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cantonné la créance alléguée à la somme de 28 774 euros et accordé la mainlevée de la saisie en contrepartie de la constitution d'une garantie bancaire arrêtée à cette somme.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Vigneau - Rapporteur : Mme Kass-Danno - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SARL Cabinet Munier-Apaire -

Textes visés :

Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer ; article 5 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer.

Rapprochement(s) :

Sur les conditions de la saisie conservatoire en application de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, à rapprocher : Com., 19 mars 1996, pourvoi n° 94-10.838, Bull. 1996, IV, n° 89 (cassation).

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