Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

VENTE

3e Civ., 7 septembre 2022, n° 21-12.114, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Nullité – Action en nullité – Immeuble – Action consécutive à l'annulation de la préemption urbaine – Intérêt à agir – Acquéreur évincé

Lorsque, après s'être acquitté, en application de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, de son obligation de proposer l'acquisition du bien à l'ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l'acquéreur évincé, qui l'accepte, celui-ci n'est plus recevable à demander l'annulation de la vente conclue avec l'ancien propriétaire à compter de la date de la conclusion de la promesse de vente.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 novembre 2018), par acte du 22 juin 2010, la société Voestalpine Rotec France (la société VARF), propriétaire d'un immeuble situé sur le territoire de la commune d'[Localité 4], a consenti à la société Le Bouraq, devenue la société Sofiadis, un bail dérogatoire assorti d'une promesse unilatérale de vente au prix de 1 300 000 euros.

2. Le 13 février 2012, la commune a notifié sa décision d'exercer son droit de préemption.

3. Le 23 février 2012, dans le délai imparti par la promesse, qui avait été prorogé, la société Sofiadis a levé l'option.

4. Selon acte authentique du 14 décembre 2012, la société VARF a vendu l'immeuble à la commune.

5. Par un arrêt confirmatif du 26 juin 2015, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Paris a annulé la décision de préemption.

6. La société VARF ayant refusé la rétrocession du bien, qui lui avait été proposée conformément aux dispositions de l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, la commune l'a proposé à la société Sofiadis, avec laquelle elle a conclu, le 8 septembre 2015, une promesse de vente.

7. La société Sofiadis a assigné la société VARF et la commune pour faire annuler la vente du 14 décembre 2012 et faire déclarer parfaite la vente qu'elle avait précédemment conclue avec la société VARF.

8. La société VARF ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés, la société Voestalpine Rotec GmbH (la société Voestalpine) a été désignée en qualité de mandataire ad hoc pour la représenter.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. La société Sofiadis fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer parfaite la vente à son profit de l'immeuble par la société VARF aux conditions de la promesse du 23 février 2012, alors :

« 1°/ que l'annulation de la préemption exercée de manière illicite implique que le préempteur soit réputé ne jamais avoir été propriétaire du bien ; que ce préempteur n'a pu, en conséquence, transférer valablement le bien litigieux, puisqu'il en a jamais eu la propriété ; que, pourtant, après avoir constaté que, à la suite de l'annulation de la préemption « la commune d'[Localité 4] est réputée n'avoir jamais été propriétaire du bien », la cour d'appel a retenu que la société Sofiadis avait « acquis l'immeuble litigieux à la suite de la procédure prévue par l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme organisant le sort du bien acquis à la suite d'une décision de préemption déclarée nulle ou illégale » ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui excluent la qualité de propriétaire de la commune, tout en reconnaissant que la commune ait pu valablement transférer la propriété du bien à la société Sofiadis, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la force obligatoire du contrat s'impose tant aux parties qu'au juge, qui en est le garant ; que la cour d'appel a annulé la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la société VARF et la commune redonnant force obligatoire à l'acte initialement conclu entre la société VARF et la société Sofiadis, acheteur évincé ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que le 23 février 2012 la société Sofiadis avait demandé au vendeur la réalisation de la vente à son bénéfice ; qu'elle a pour autant refusé de prononcer le perfectionnement de la vente ; qu'en statuant ainsi, en privant l'acte de sa force obligatoire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l'article 1134 dans sa rédaction applicable à la cause, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Ayant relevé qu'à la suite de la mise en oeuvre de la procédure prévue par l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, la société Sofiadis avait, le 8 septembre 2015, conclu avec la commune une promesse de vente, la cour d'appel en a exactement déduit que cette société n'était plus fondée à réclamer l'exécution de la promesse de vente portant sur ce même immeuble, que lui avait consentie la société VARF le 22 juin 2010.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

12. La société Voestalpine, ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande de la société Sofiadis et d'annuler la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la société VARF et la commune, alors « que dans le cas où l'ancien propriétaire a renoncé expressément ou tacitement à l'acquisition du bien dont la décision de préemption a été annulée, le titulaire du droit de préemption propose également l'acquisition à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien ; qu'il était constant en l'espèce que la société VARF avait renoncé à l'acquisition que lui avait proposée la commune après l'annulation de décision de préemption, et que la commune était restée en conséquence seule propriétaire de l'immeuble dont elle devait proposer l'acquisition à la société Sofiadis, ce qu'elle avait fait, une promesse ayant été signée entre les parties ; qu'en énonçant de façon erronée et contradictoire, pour annuler la vente conclue entre la société VARF et la commune, que celle-ci était réputée ne jamais avoir été propriétaire du bien, et que la société Sofiadis avait acquis l'immeuble litigieux à la suite de la procédure prévue par l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 213-11-1 du code de l'urbanisme :

13. Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

14. En application du second, lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption doit proposer l'acquisition du bien en priorité aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel, et, en cas de renonciation expresse ou tacite de ceux-ci à l'acquisition, à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration d'intention d'aliéner.

15. Il résulte de ces textes que, lorsque, après s'être acquitté de son obligation de proposer l'acquisition du bien à l'ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l'acquéreur évincé, qui l'accepte, celui-ci n'est plus recevable à demander l'annulation de la vente conclue avec l'ancien propriétaire à compter de la date de la conclusion de la promesse de vente.

16. Pour déclarer recevable la demande de la société Sofiadis et annuler la vente conclue entre la commune et la société VARF, l'arrêt retient que, en sa qualité d'acquéreur évincé à la suite de la décision, ultérieurement annulée, de la commune d'exercer son droit de préemption sur le bien, la société Sofiadis a intérêt à agir en annulation de la vente conclue entre la commune et la société VARF et que sa demande en annulation est donc recevable.

17. L'arrêt ajoute que la vente conclue entre la société VARF et la commune en application d'une décision administrative qui a été annulée doit être elle-même déclarée nulle et que, en conséquence de cette annulation, la commune est réputée n'avoir jamais été propriétaire du bien.

18. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Sofiadis avait conclu une promesse de vente avec la commune, ce dont il résultait qu'elle n'était plus recevable à agir en annulation de la vente conclue entre la société VARF et cette commune, demeurée propriétaire en dépit de l'annulation de la décision de préemption, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. Du seul fait qu'elle a conclu, le 8 septembre 2015, une promesse de vente avec la commune, la société Sofiadis n'est plus recevable à demander l'annulation de la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la commune et la société VARF.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare recevable la demande de la société Sofiadis et annule la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la société Voestalpine Rotec France et la commune d'[Localité 4] portant sur l'immeuble à usage industriel et de bureaux situé à [Adresse 5], l'arrêt rendu le 16 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DÉCLARE irrecevable la demande en annulation de la vente conclue le 14 décembre 2012 formée par la société Sofiadis ;

REJETTE le pourvoi incident.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Jacques - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié ; SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle -

Textes visés :

Article L. 213-11-1 du code de l'urbanisme.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 juin 2005, pourvoi n° 03-20.473, Bull. 2005, III, n° 142 (cassation), et les arrêts cités.

3e Civ., 21 septembre 2022, n° 21-21.933, (B), FS

Cassation partielle

Vendeur – Obligations – Obligation d'information – Etendue – Terrain vendu inclus dans le périmètre de l'installation classée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 5], 15 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 23 septembre 2020, pourvoi n° 19-18.031) et les productions, les 27 et 29 novembre 2012, la communauté urbaine de [Localité 5] (la CUB) a, pour la construction de l'extension de la ligne C du tramway, acquis de la société Etablissements A. Gré et Cie (le vendeur) un terrain de 1997 m², composé des parcelles cadastrées AZ [Cadastre 2], AZ [Cadastre 3] et AZ [Cadastre 4], sur lequel se trouvaient d'anciennes constructions.

2. Ayant découvert dans le sol différents métaux et produits chimiques en quantités anormales, révélateurs d'une pollution d'origine industrielle et devant être traités en tant que déchets dangereux, elle a obtenu la désignation en référé d'un expert qui a déposé son rapport le 23 novembre 2013.

3. L'établissement public [Localité 5] métropole (l'acquéreur), venant aux droits de la CUB, a saisi le tribunal d'une action en indemnisation contre le vendeur, sur le fondement des articles L. 125-7 et L. 514-20 du code de l'environnement et des articles 1116, 1603 et 1641 du code civil.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le dol du vendeur, alors :

« 1°/ que le dol est caractérisé par des déclarations mensongères sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes ; qu'en écartant le dol, au cas d'espèce, quand il résultait de ses constatations que les déclarations de la société établissements A. Gré et cie dans la clause de pollution insérée au contrat de vente étaient mensongères, le vendeur n'ignorant ni l'exploitation passée ou la proximité d'une installation soumise à autorisation, ni l'exercice sur les lieux vendus ou les lieux voisins d'activités entrainant des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, ni, à compter de la destruction de la maison de gardien, le dépôt ou l'enfouissement de substances pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ;

2°/ que dès lors qu'étaient invoquées les déclarations mensongères du vendeur portant sur la pollution des terrains vendus et des terrains situés à proximité, et non une réticence dolosive, la circonstance que l'acquéreur aurait pu ou dû avoir connaissance de la pollution du terrain vendu était impropre à exclure le dol ; que dès lors, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ;

3°/ qu'en retenant, pour exclure le dol, que la société Etablissements A. Gré et cie n'avait pas connaissance de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, quand il résultait de ses constatations que la destruction de la maison de gardien, antérieure à la conclusion de la vente, a révélé que des produits avaient été enfouis sur les terrains vendus et que la gérante de la société Etablissements A. Gré et cie a constaté cette pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ;

4°/ qu'en se fondant sur les circonstances, impropres à exclure la connaissance par le vendeur de la pollution du site au jour de la vente, que celui-ci a consenti à la destruction de la maison de gardien et que, postérieurement à la vente, il a transmis à l'expert les photographies des opérations de destruction révélant la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ;

5°/ qu'en se fondant, pour écarter le dol, sur la circonstance impropre que l'établissement public [Localité 5] Métropole aurait eu connaissance, au jour de la vente, de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil ;

6°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné de ce qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ;

7°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'en ont nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols en octobre 2012 et qu'elles l'auraient nécessairement informé, la cour d'appel a violé l'article 1116, devenu l'article 1137 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée, la cour d'appel a retenu, sans dénaturation des attestations, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols avant la vente.

7. Ayant constaté que, malgré cette information, l'acquéreur avait confirmé son souhait de devenir propriétaire des parcelles par la signature, les 27 et 29 novembre 2012, de l'acte notarié sans réclamer une diminution du prix, elle en a exactement déduit, abstraction faite de motifs surabondants relatifs aux déclarations du vendeur, à sa connaissance de la pollution et à la connaissance, par l'acquéreur, de la pollution d'un site voisin, que le dol n'était pas établi.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en ses première et troisième à sixième branches

Enoncé du moyen

9. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur la garantie des vices cachés, alors :

« 1°/ que constitue un vice caché donnant lieu à garantie de la part du vendeur le défaut inhérent à la chose vendue rendant celle-ci impropre à l'usage auquel on la destine ; qu'en écartant toute garantie, sur la base de la connaissance que l'acquéreur aurait eu de la pollution du terrain vendu au jour de la vente, au motif impropre celui-ci aurait eu connaissance de la pollution d'un site voisin, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;

3°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ;

4°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil ;

6°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à exclure la volonté de la société Etablissements A. Gré et cie de dissimuler le vice caché, notamment dans la période postérieure à la destruction de la maison, que cette société n'aurait pas consenti à cette destruction si elle avait souhaité dissimuler la pollution, la cour d'appel a violé l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises chargées de ceux-ci portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée.

11. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols.

12. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que l'acquéreur n'était pas fondé à invoquer la garantie du vendeur au titre du vice de pollution qui lui était connu avant la vente.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement fondées sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme, alors :

« 1°/ que le vendeur est tenu de fournir à l'acquéreur une marchandise conforme à ce que la convention a spécifié ; qu'en se fondant, pour dire que l'établissement public [Localité 5] Métropole a eu connaissance de la pollution du terrain vendu avant la vente, sur la circonstance impropre qu'il aurait eu connaissance de ce qu'un site voisin était pollué, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ;

2°/ que, dans les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, les salariés de cette société ont témoigné qu'en octobre 2012, du soufre a été découvert sur les terrains vendus et que les hommes travaillant sur le site portaient des masques ; qu'en retenant que les hommes portant des masques étaient les salariés des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux, la cour d'appel a dénaturé les attestations produites par la société Etablissements A. Gré et cie, en méconnaissance de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les écrits produits par les parties ;

3°/ qu'en s'abstenant d'indiquer sur quels éléments elle se fondait pour dire qu'au mois d'octobre 2012, des entreprises mandatées par l'établissement public [Localité 5] Métropole pour procéder à des travaux préparatoires de voiries et réseaux ont constaté la pollution des sols et qu'ils en ont nécessairement informé leur mandant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en se fondant sur la circonstance, impropre à établir que l'établissement public [Localité 5] Métropole a effectivement eu connaissance de la pollution avant la vente, que des entreprises mandatées par elle ont constaté la pollution des sols et qu'elles l'auraient nécessairement informée, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil. »

Réponse de la Cour

15. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que, dès le mois d'octobre 2012, l'acquéreur avait mené, parallèlement à la démolition, des travaux préparatoires des voies et réseaux divers et que les salariés des entreprises qu'il avait chargées de ces travaux portaient des masques pour se protéger des émanations de soufre lors du creusement des tranchées qui faisaient apparaître une terre bleutée.

16. Elle a retenu, sans dénaturer les attestations versées aux débats, par une appréciation souveraine des faits de la cause et des éléments de preuve produits, que l'acquéreur avait été informé, dès octobre 2012, par les entreprises qu'il avait chargées des travaux de voirie et réseaux divers, de la nature et de l'ampleur de la pollution des sols.

17. Elle a exactement déduit de ces seuls motifs que la signature par l'acquéreur, sans réserves, du contrat de vente intervenue les 27 et 29 novembre 2012, en connaissance de l'origine industrielle de la pollution et de sa localisation, lui interdisait de se prévaloir du défaut de conformité invoqué.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

19. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, alors « que, lorsqu'une installation classées soumise à autorisation ou enregistrement a été exploitée sur tout ou partie d'un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; que tout terrain issu de la division d'une installation ou inclus fonctionnellement dans son périmètre entre dans le domaine de l'article L.514-20 du code de l'environnement, si même il n'a pas été directement le siège de l'activité ayant donné lieu à l'exigence d'autorisation ; qu'en retenant, pour écarter l'obligation d'information de la société Etablissements A Gré et cie, qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée a été exercée sur les parcelles cédées, la cour d'appel a violé l'article L. 514-20 du code de l'environnement. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 514-20 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable en la cause :

20. Aux termes du premier alinéa de ce texte, lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur ; il l'informe également, pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation.

21. Aux termes du troisième alinéa, à défaut, l'acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente.

22. Pour écarter l'application de l'article L. 514-20 précité, la cour d'appel retient qu'il n'est pas démontré qu'une activité classée ait été exercée sur les parcelles cédées à l'acquéreur qui abritent depuis 1926 une maison à usage de logement.

23. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la parcelle constituait l'entrée de l'usine exploitée de 1893 à 1961 pour une activité de traitement des déchets d'usines à gaz de manière à en extraire le soufre noir et que l'habitation était une maison de gardien, ce dont il résultait que le terrain vendu était inclus dans le périmètre de l'installation classée soumise à autorisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de l'établissement public [Localité 5] métropole fondées sur l'article L. 514-20 du code de l'environnement, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 5] ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 5], autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Maunand - Avocat général : M. Brun - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 514-20 du code de l'environnement.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 22 novembre 2018, pourvoi n° 17-26.209, Bull., (rejet).

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