Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 21 septembre 2022, n° 21-14.106, (B), FS

Rejet

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Conclusion – Dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire – Application (non)

Selon l'article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

Convention de forfait – Convention de forfait sur l'année – Convention de forfait en jours sur l'année – Conclusion – Heures supplémentaires – Paiement – Demande – Possibilité (non)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 janvier 2021), M. [K] a été engagé par la société Ricoh France, le 10 juillet 2002, les relations contractuelles étant régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.

2. Licencié le 11 avril 2017, il a, le 12 mai 2017, saisi la juridiction prud'homale à l'effet de contester le bien-fondé de son licenciement et d'obtenir paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire et de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement de rappels de salaire sur heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour défaut d'information sur le droit au repos compensateur, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé, alors :

« 1°/ que les salariés liés à leur employeur par une convention de forfait en jours bénéficient du droit au repos hebdomadaire, lequel doit être donné le dimanche ; qu'il en résulte qu'une convention de forfait en jours ne peut ni prévoir ni permettre le travail dominical du salarié, de sorte que les heures de travail accomplies le dimanche sont des heures supplémentaires échappant aux règles du forfait et doivent être rémunérées selon le droit commun ; qu'en déboutant le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, incluant, selon ses propres constatations, des dimanches travaillés, au motif que « la convention de forfait en jours est exclusive de la notion de dépassements d'horaires » quand l'accomplissement d'un travail le dimanche était nécessairement constitutif d'un dépassement d'horaires par rapport à la convention de forfait en jours et devait être rémunéré selon le droit commun, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-45, L. 3121-48 et L. 3132-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige, antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;

2°/ qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l'appui de sa demande des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que constitue un élément suffisamment précis un décompte établi par le salarié récapitulant les heures de travail effectuées ; qu'en l'espèce, le salarié avait présenté des éléments de fait dont résultait l'accomplissement d'heures de travail les dimanches de juin et juillet 2015, nécessairement hors forfait, qui représentaient des heures supplémentaires ; qu'en cet état, il appartenait à la cour d'appel de former sa décision quant à la réalité des heures supplémentaires ainsi accomplies en dehors de la convention de forfait en jours convenue en vérifiant, notamment, si l'employeur justifiait de la réalité de la durée du travail du salarié ; qu'en le déboutant de sa demande au motif inopérant pris de ce qu'il n'alléguait « ni la nullité ni l'absence d'effet à son égard » de la convention de forfait en jours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours ne sont pas soumis aux dispositions relatives

à la durée légale hebdomadaire. Il en résulte qu'un salarié soumis à une convention de forfait en jours dont il ne conteste pas la validité ne peut réclamer le paiement d'heures supplémentaires.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Monge - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Article L. 3121-48 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Soc., 21 septembre 2022, n° 21-16.821, (B), FS

Cassation partielle

Emploi intermittent – Contrat de travail intermittent – Qualification donnée au contrat – Requalification en contrat de travail à temps complet – Effets – Obligation pour l'employeur de fournir un travail – Preuve – Charge – Détermination – Portée

L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition. Prive sa décision de base légale l'arrêt qui, après avoir requalifié un contrat intermittent en contrat à temps complet retient, pour le calcul de la créance de rappel de salaire dû en suite de la requalification, que compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde, sans rechercher si l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et si la salariée avait, en se déclarant indisponible ou en congés sans solde, refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à la disposition de l'employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mars 2021), Mme [L] a été engagée à compter du 4 novembre 2004 par la société Ipsos observer en qualité d'enquêteur vacataire par plusieurs contrats à durée déterminée d'usage. A compter du 1er janvier 2011, elle a été engagée par contrat à durée indéterminée intermittent.

2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le 7 janvier 2013, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à ce que la relation contractuelle soit requalifiée en contrat à durée indéterminée à temps complet et que lui soient versées des sommes afférentes à ces requalifications.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches et le second moyen, pris en ses six premières branches, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la première branche du premier moyen qui est irrecevable et sur les autres griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013, outre congés payés afférents, alors « que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en conséquence, il appartient au salarié qui prétend au paiement de rappels de salaire pour les périodes interstitielles séparant deux contrats à durée déterminée d'établir qu'il s'était tenu à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail pendant ces périodes ; qu'en l'espèce, pour faire droit à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 formée par Mme [L], la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L], les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde résultant selon elle d'un choix de la salariée, étant par ailleurs souligné que la salariée indique avoir été contrainte de déposer des demandes de jours de congés à certaines dates ; qu'en statuant par de tels motifs sans rechercher si Mme [L] rapportait la preuve qui lui incombait qu'elle s'était tenue de la société Ipsos pendant les périodes d'indisponibilité et de congés sans solde, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 1245-1 et L. 3123-14 en sa rédaction alors applicable du code du travail, ensemble des articles 1134 dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et 1315, devenu 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1245-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1245-2 du même code :

6. En application de ces textes, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat, réciproquement, la requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

7. Il en résulte que le salarié, engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s'il établit qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

8. Pour condamner l'employeur à une certaine somme au titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié les contrats à durée déterminée d'usage en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pour la période antérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde.

L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, au cours des périodes d'indisponibilité ou de congés sans solde, la salariée rapportait la preuve qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur en vue d'effectuer un travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le second moyen, pris en sa septième branche

Enoncé du moyen

10. L'employeur fait le même grief à l'arrêt, alors « que lorsqu'un salarié ne fournit pas la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; qu'en l'espèce, la société Ipsos Observer faisait valoir que les jours d'indisponibilité et les congés sans solde posés par Mme [L] ne pouvaient donner lieu au paiement d'un rappel de salaire puisque ces jours d'indisponibilité et de congés sans solde correspondaient à des périodes pendant lesquelles la salariée avait expressément manifesté sa volonté de ne pas travailler et ne se maintenait pas à la disposition de la société ; qu'en retenant néanmoins que, compte tenu de la requalification du contrat de travail à durée indéterminée en contrat de travail à temps plein, il n'y avait pas lieu de déduire du décompte établi par Mme [L] les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde sans rechercher si la salariée ne s'était pas délibérément abstenue de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail pendant ces périodes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1221-1 du code du travail et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil :

11. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.

12. Pour condamner l'employeur à une certaine somme à titre d'un rappel de salaire outre congés payés afférents, l'arrêt, après avoir requalifié le contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet pour la période postérieure au 1er janvier 2011, relève que, pour s'opposer à la demande de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, l'employeur opère une déduction des périodes d'absence de la salariée en indiquant que celle-ci s'était déclarée indisponible ou en congés sans solde.

L'arrêt retient que, compte tenu de la requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein, il n'y a pas lieu de déduire du décompte établi par la salariée les jours d'indisponibilité ou les congés sans solde.

13. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur du fait de la requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet et si la salariée avait, en se déclarant indisponible ou en congés sans solde, refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

14. La cassation prononcée sur les premier et second moyens n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter la charge des entiers dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Ipsos Observer à verser à Mme [L] la somme de 37 040,32 euros au titre d'un rappel de salaire du 1er janvier 2008 au 31 octobre 2013 outre congés payés afférents, l'arrêt rendu le 17 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Article L. 1221-1 du code du travail ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la charge de la preuve de la fourniture de travail et de la tenue à disposition du salarié, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 20-17.627, Bull., (cassation partielle).

Soc., 21 septembre 2022, n° 20-17.627, (B), FS

Cassation partielle

Emploi intermittent – Contrat de travail intermittent – Qualification donnée au contrat – Requalification en contrat de travail à temps complet – Effets – Obligation pour l'employeur de fournir un travail – Preuve – Charge – Détermination – Portée

L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.

En cas de requalification d'un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, l'employeur doit établir qu'il a satisfait à l'obligation de fournir un travail dont il est débiteur du fait de cette requalification. Il n'est pas tenu au paiement du salaire lorsqu'il démontre que le salarié a refusé d'exécuter son travail ou ne s'est pas tenu à sa disposition.

Encourt la cassation en inversant la charge de la preuve, l'arrêt qui, après avoir requalifié un contrat de travail intermittent en contrat à temps complet retient, pour limiter le montant de la créance de rappel de salaire dû en suite de cette requalification, qu'au vu des absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur, la salariée ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant lesdites périodes, sans constater que l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur en conséquence de la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet et que la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à la disposition de l'employeur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 mars 2019), après avoir été engagée en qualité d'enquêteur par la société GFK ISL, Custom Research France suivant contrats à durée déterminée d'usage du 1er octobre 2008 au 30 juin 2010, Mme [E], épouse [M], a, à compter du 1er juillet 2010, signé un contrat à durée indéterminée de chargé d'enquête intermittent à garantie annuelle de rémunération, dit CEIGA.

2. La convention collective applicable est la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec.

3. Le 19 janvier 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de requalification du contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet, d'une demande de rappel de salaire afférent, d'une demande en résiliation judiciaire du contrat et de demandes en conséquence.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui verser une certaine somme à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents, de la débouter de sa demande de résiliation du contrat de travail et des demandes subséquentes, alors « que l'absence dans le contrat de travail intermittent de mention de la durée annuelle minimale de travail du salarié ou de la répartition des heures de travail à l'intérieur des périodes travaillées fait présumer que le contrat est à temps plein et il appartient alors à l'employeur soutenant qu'il ne l'est pas d'établir, d'une part, la durée annuelle minimale convenue et, d'autre part, que le salarié connaît les jours auxquels il doit travailler et selon quels horaires et qu'il n'est pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur ; qu'en limitant le montant des rappels de salaire alloués au titre de la requalification du contrat, aux motifs que la salariée ne démontrait pas qu'elle s'était tenue à la disposition de l'employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, ensemble les articles 1134 et 1315 dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, devenus 1103 et 1353 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, l'article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993, l'article L. 3123-33 du code du travail dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'article L. 1221-1 du même code et l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil :

5. Le contrat de travail intermittent est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée annuelle minimale de travail du salarié. Il en résulte qu'en l'absence de cette mention, le contrat est présumé à temps plein et qu'il appartient alors à l'employeur, qui soutient que le contrat n'est pas à temps plein, d'établir la durée annuelle minimale convenue et que le salarié connaissait les jours auxquels il devait travailler et selon quels horaires, et qu'il n'était pas obligé de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

6. L'employeur est tenu de fournir un travail et de payer sa rémunération au salarié qui se tient à sa disposition.

7. L'arrêt, après avoir retenu qu'en raison de l'absence de mention de la durée annuelle minimale le contrat devait être présumé à temps plein et fait ressortir que l'employeur échouait à renverser cette présomption, a requalifié le contrat en contrat à temps complet.

8. Toutefois, pour limiter le montant du rappel de salaire à une certaine somme, l'arrêt retient qu'au vu des bulletins de salaire communiqués et des absences et indisponibilités de la salariée telles qu'elles ressortent du tableau récapitulatif dressé par l'employeur et des copies d'écran du système déclaratif des disponibilités de la salariée, non contredits par la salariée qui ne démontre pas qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur pendant lesdites périodes, l'employeur sera condamné à payer à cette dernière une somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014 outre congés payés afférents.

9. En statuant ainsi, sans constater que l'employeur démontrait avoir rempli l'obligation de fournir un travail dont il était débiteur en conséquence de la requalification du contrat de travail à temps complet et que la salariée avait refusé d'exécuter son travail ou de se tenir à sa disposition, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société GFK ISL, Custom Research France à verser à Mme [E], épouse [M], la somme de 6 667 euros à titre de rappel de salaire pour la période courant de janvier 2012 à décembre 2014, outre congés payés afférents, et en ce qu'il rejette les demandes de Mme [E], épouse [M], tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, à lui faire produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à condamner la société GFK ISL, Custom Research France à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 27 mars 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ala - Avocat général : Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel -

Textes visés :

Articles L. 212-4-8 et L. 212-4-9, dans leur rédaction applicable au litige, L. 3123-33, dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et L. 1221-1 du code du travail ; article 43 de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 ; article 1315, devenu 1353, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur la charge de la preuve de la fourniture de travail et de la tenue à disposition du salarié, à rapprocher : Soc., 23 octobre 2013, pourvoi n° 12-14.237, Bull. 2013, V, n° 248 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-16.821, Bull., (cassation partielle).

Soc., 21 septembre 2022, n° 21-13.552, (B) (R), FS

Cassation partielle

Repos et congés – Congés payés – Droit au congé – Condition d'ouverture – Exigence d'une période de travail effectif pendant la période de référence – Exclusion – Cas – Nullité du licenciement – Période d'éviction précédant la réintégration du salarié – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 janvier 2021), M. [Z] a été engagé à compter du 6 juillet 2015 par la société Impair, devenue la société Impairoussot (la société), en qualité de directeur des opérations.

2. Par lettre recommandée du 17 juillet 2016, le salarié a demandé à son employeur la mise en place des élections des délégués du personnel en l'informant de sa candidature.

3. Le 11 août 2016, il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Il a été licencié le 7 septembre 2016 pour insuffisance professionnelle et faute grave sans que l'employeur ait sollicité de l'inspecteur du travail une autorisation de licenciement.

4. Le 31 octobre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de déclarer son licenciement nul, d'ordonner sa réintégration et de condamner l'employeur à lui verser diverses sommes.

5. Il a fait valoir ses droits à la retraite le 30 juin 2019.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en paiement des heures supplémentaires accomplies, des contreparties obligatoires en repos, et de l'indemnité pour travail dissimulé et de limiter à certaines sommes les condamnations de la société au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire outre les congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'ayant constaté que le salarié avait produit des relevés quotidiens extraits de la pointeuse détaillant les heures de travail qu'il prétendait avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas reportant ses heures de travail, des notes de frais, des courriels faisant état d'un travail le week-end, des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail semaine après semaine et plusieurs attestations de collègues, tout en refusant de constater que le salarié avait présenté, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées afin de permettre à l'employeur, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, la cour d'appel a violé les articles L. 3171-2 et L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

7. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié.

La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

8. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

9. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

10. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires au motif que celle-ci n'était pas suffisamment étayée, l'arrêt retient, après avoir dit que la convention de forfait était privée d'effet et ne pouvait être opposée au salarié, que le salarié verse aux débats les relevés quotidiens des heures de travail qu'il prétend avoir effectuées entre juillet 2015 et juin 2016, des agendas, des notes de frais ainsi que les tableaux récapitulatifs de ses heures de travail, semaine après semaine, et plusieurs attestations de collègues, que cependant ces tableaux sont établis en fonction d'une amplitude théorique de travail sans que le salarié produise les éléments lui ayant permis de déterminer ses horaires de début et de fin de journée, que l'agenda retrace son activité professionnelle, au jour le jour, mais les indications horaires que le salarié a lui-même relevées sont lacunaires, très imprécises et impossibles à contrôler, que les attestations se bornent à évoquer la disponibilité et la charge importante de travail de l'intéressé sans indication de date ni éléments suffisamment précis permettant de corroborer les décomptes de son temps de travail et que l'examen des notes de frais ne permet pas davantage de reconstituer la durée de travail de l'intéressé.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre et, d'autre part, que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement des congés payés assis sur l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur, alors « qu'un salarié dont le licenciement est annulé par une décision judiciaire en raison de la violation de son statut protecteur contre le licenciement a droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de son départ à la retraite ; qu'en refusant en l'espèce au salarié, dont le licenciement a été annulé pour violation de son statut protecteur, et qui est parti à la retraite le 1er juillet 2019, le droit à des congés payés afférents à l'indemnité réparant son préjudice pour la période comprise entre son licenciement et son départ à la retraite, la cour d'appel a violé les articles L. 2411-6 et L. 3141-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. La société conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est nouveau puisque le salarié ne s'est aucunement prévalu, dans ses conclusions d'appel pourtant postérieures à l'arrêt du 25 juin 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne, de la position prise par cette juridiction qui a retenu que la période d'éviction d'un salarié entre son licenciement jugé nul et sa réintégration peut être assimilée à du temps de travail effectif permettant l'ouverture du droit aux congés payés.

14. Cependant le salarié, licencié en violation de son statut protecteur, a réclamé le paiement des congés payés afférents à l'indemnité devant lui être allouée au titre de la violation du statut protecteur.

15. Le moyen, qui est de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail et l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :

16. Il résulte des articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail que le licenciement d'un salarié protégé, sans autorisation administrative de licenciement ou malgré refus d'autorisation de licenciement, ouvre droit à ce dernier à une indemnité pour violation du statut protecteur.

17. Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 25 novembre 1997, pourvoi n° 94-43.651, Bull. 1997, V, n° 405), la sanction de la méconnaissance par l'employeur du statut protecteur d'un représentant du personnel, illégalement licencié et qui ne demande pas sa réintégration, est la rémunération que le salarié aurait perçue jusqu'à la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi par le salarié protégé pendant cette période. Cette indemnité est due quand bien même le salarié a retrouvé un emploi durant la période en cause.

18. De même, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur est une indemnité forfaitaire, de sorte que le salarié qui ne demande pas sa réintégration ne peut prétendre au paiement des congés payés afférents (Soc., 30 juin 2016, pourvoi n° 15-12.984 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-15.874 ; Soc., 21 novembre 2018, pourvoi n° 17-11.653).

19. Par ailleurs, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 25 juin 2020 (CJUE, 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, aff. C- 762/18 et Iccrea Banca, aff. C-37-19), a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié, puis réintégré dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de son licenciement par une décision judiciaire, n'a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre la date du licenciement et la date de sa réintégration dans son emploi, au motif que, pendant cette période, ce travailleur n'a pas accompli un travail effectif au service de l'employeur.

20. La Cour de justice a précisé dans cette décision que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le droit au congé annuel, consacré à l'article 7 de la directive 2003/88, a une double finalité, à savoir permettre au travailleur de se reposer par rapport à l'exécution des tâches lui incombant selon son contrat de travail, d'une part, et disposer d'une période de détente et de loisirs, d'autre part (arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15, EU :C :2016 :576, point 34 et jurisprudence citée) (point 57).

21. Cette finalité, qui distingue le droit au congé annuel payé d'autres types de congés poursuivant des finalités différentes, est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence.

En effet, l'objectif de permettre au travailleur de se reposer suppose que ce travailleur ait exercé une activité justifiant, pour assurer la protection de sa sécurité et de sa santé visée par la directive 2003/88, le bénéfice d'une période de repos, de détente et de loisirs. Partant, les droits au congé annuel payé doivent en principe être déterminés en fonction des périodes de travail effectif accomplies en vertu du contrat de travail (arrêt du 4 octobre 2018, Dicu, C-12/17, EU :C :2018 :799, point 28 et jurisprudence citée) (point 58).

22. Dès lors, la période comprise entre la date du licenciement illégal et la date de la réintégration du travailleur dans son emploi, conformément au droit national, à la suite de l'annulation de ce licenciement par une décision judiciaire, doit être assimilée à une période de travail effectif aux fins de la détermination des droits au congé annuel payé (point 69).

23. Enfin, la Cour de justice a précisé, que, dans l'hypothèse où le travailleur concerné a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de sa réintégration dans son premier emploi, ce travailleur ne saurait prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi (points 79 et 88).

24. Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation (Soc., 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-14.932, publié), pour percevoir sa pension de retraite, le salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur. Il en résulte que le salarié dont le contrat a été rompu par l'employeur et qui a fait valoir ses droits à la retraite ne peut ultérieurement solliciter sa réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Dans ce cas, le salarié qui a fait valoir ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration, a droit au titre de la violation du statut protecteur à la rémunération qu'il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu'à celle de son départ à la retraite (Soc., 13 février 2019, pourvoi n° 16-25.764 publié).

25. A cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation nationale, telle que celle en cause au principal, qui prive du droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite et qui n'a pas été en mesure d'épuiser ses droits avant la fin de cette relation de travail (CJUE, 20 juillet 2016, Maschek, aff. C-341/15).

26. La Cour de justice a précisé, dans les motifs de sa décision, que l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, tel qu'interprété par la Cour, ne pose aucune condition à l'ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d'une part, que la relation de travail a pris fin et, d'autre part, que le travailleur n'a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin (arrêt du 12 juin 2014, Bollacke, C-118/13, EU :C :2014 :1755, point 23). Il s'ensuit, conformément à l'article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88, qu'un travailleur, qui n'a pas été en mesure de prendre tous ses droits à congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris. N'est pas pertinent, à cet égard, le motif pour lequel la relation de travail a pris fin. Dès lors, la circonstance qu'un travailleur mette, de son propre chef, fin à sa relation de travail, n'a aucune incidence sur son droit de percevoir, le cas échéant, une indemnité financière pour les droits au congé annuel payé qu'il n'a pas pu épuiser avant la fin de sa relation de travail (points 27 à 29).

27. Il en résulte que, lorsque le salarié protégé, dont le licenciement est nul en l'absence d'autorisation administrative de licenciement et qui a demandé sa réintégration, a fait valoir, ultérieurement, ses droits à la retraite, rendant ainsi impossible sa réintégration dans l'entreprise, l'indemnité due au titre de la violation du statut protecteur ouvre droit au paiement, au titre des congés payés afférents, à une indemnité compensatrice de congés payés. Dans l'hypothèse où le salarié a occupé un autre emploi au cours de la période comprise entre la date du licenciement illégal et celle de son départ à la retraite, il ne saurait toutefois prétendre, à l'égard de son premier employeur, aux droits au congé annuel correspondant à la période pendant laquelle il a occupé un autre emploi.

28. Après avoir fixé l'indemnité pour violation du statut protecteur due au salarié au montant de la rémunération dont ce dernier a été privé entre son éviction de l'entreprise et son départ à la retraite le 30 juin 2019, l'arrêt retient que cette indemnité n'ouvre pas droit à congés payés.

29. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

30. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande du salarié en paiement des heures supplémentaires entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt rejetant les demandes du salarié au titre des contreparties obligatoires en repos et au titre de l'indemnité pour travail dissimulé, ainsi que des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société à payer au salarié les sommes de 4 129,58 euros à titre de rappel de salaire durant la période de mise à pied à titre conservatoire, de 412,95 euros correspondant aux congés payés afférents et de 160 577,12 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et ordonnant à la société de remettre au salarié un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. [Z] au titre du préjudice moral, en ce qu'il dit que la convention de forfait en jours n'est pas opposable à M. [Z] et dit que son licenciement est nul ainsi qu'en ce qu'il condamne la société Impairoussot à payer à M. [Z] au titre de la prime d'objectifs les sommes de 4 333 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 et 433,30 euros correspondant aux congés payés et 7 333 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2016 et 733,30 euros correspondant aux congés payés, et en ce qu'il condamne la société Impairoussot à payer à M. [Z] la somme de 3 000 euros pour la procédure suivie en première instance et en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande au même titre de la société Impairoussot et condamne celle-ci aux dépens, l'arrêt rendu le 20 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia -

Textes visés :

Articles L. 2411-1, L. 2411-2 et L. 2411-6 du code du travail ; article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Rapprochement(s) :

CJUE, arrêt du 25 juin 2020, Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria, C- 762/18 ; CJUE, arrêt du 25 juin 2020, Iccrea Banca, C-37-19 ; CJUE, arrêt du 20 juillet 2016, Maschek, C-341/15.

Soc., 21 septembre 2022, n° 20-10.701, (B), FS

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Heures complémentaires – Conclusion d'un avenant de complément d'heures – Effets – Durée du travail prévue par le contrat de travail – Limites – Dépassement de la durée légale ou conventionnelle – Portée

Aux termes de l'article L. 3123-25, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat. Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 3123-17, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %.

Selon l'article L. 3123-17, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Il résulte de la combinaison de ces textes que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2019), Mme [H] [E] [T] a été engagée par la société TEP propreté associés, en qualité d'agent de service, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel à compter du 1er septembre 2012. A la suite du transfert de son contrat de travail, le 13 juin 2013, elle a été engagée en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. A compter du 4 juin 2014, son contrat de travail a été transféré à la société Master Net.

2. Le 22 décembre 2014, les parties ont signé un avenant portant la durée mensuelle du travail à 152 heures pour la période du 1er janvier au 6 novembre 2015.

Le contrat de travail a ensuite été transféré à la société l'Océan.

3. Le 21 avril 2016, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein à compter du 1er janvier 2015 et de demandes en paiement de diverses sommes.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le rappel de salaire qui lui a été alloué au titre des congés sans solde à une certaine somme outre les congés payés afférents, alors « qu'en retenant qu'elle demandait un rappel de salaire pour les périodes du 18 octobre au 3 novembre 2014, du 20 décembre 2014 au 5 janvier 2015 et du 11 avril au 27 avril 2015, quand elle sollicitait, en outre, un rappel de salaire pour la période du 7 au 23 février 2015, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions d'appel, violant l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert d'un grief de dénaturation des conclusions, le moyen dénonce en réalité une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation.

6. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La salariée fait grief à l'arrêt de constater la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures à son contrat de travail à temps partiel, de dire n'y avoir lieu à requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein, de la débouter de cette demande et de ses demandes d'indemnité compensant la perte de salaire du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016, outre les congés payés afférents, et de majoration des heures complémentaires, outre les congés payés afférents, alors « que la conclusion d'un avenant au contrat de travail sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail en sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 prévoyant l'accomplissement d'heures complémentaires par un salarié à temps partiel ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail à un niveau égal ou supérieur à la durée légale du travail ; qu'en la déboutant de sa demande en requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet, quand elle constatait que la salariée avait travaillé, en application de l'avenant du 22 décembre 2014, au-delà de la durée légale du travail du 1er janvier au 6 novembre 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 3123-17 du code du travail en sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3123-25, alinéa 1, du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 3123-17, alinéa 2, du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

8. Aux termes du premier de ces textes, une convention ou un accord de branche étendu peut prévoir la possibilité, par avenant au contrat de travail, d'augmenter temporairement la durée du travail prévue par le contrat.

Par dérogation au dernier alinéa de l'article L. 3123-17, les heures complémentaires accomplies au-delà de la durée déterminée par l'avenant donnent lieu à une majoration de salaire qui ne peut être inférieure à 25 %.

9. Selon le second de ces textes, les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que la conclusion d'un avenant de complément d'heures à un contrat de travail à temps partiel, sur le fondement de l'article L. 3123-25 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, ne peut avoir pour effet de porter la durée du travail convenue à un niveau égal à la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

11. Pour constater la validité de l'avenant du 22 décembre 2014 ayant pour objet de déterminer les conditions d'un complément d'heures au contrat de travail à temps partiel de la salariée, débouter cette dernière de ses demandes en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, en paiement d'une indemnité compensant la perte de salaire du 1er janvier au 31 décembre 2016 outre les congés payés afférents et en paiement de majorations des heures complémentaires outre les congés payés afférents, l'arrêt relève qu'il ressort de l'avenant signé par la salariée et l'employeur, le 22 décembre 2014, que les parties sont convenues d'augmenter la durée du travail de la salariée de 86,67 heures à 152 heures par mois pendant une période limitée, soit du 1er janvier 2015 au 6 novembre 2015. Il retient que, compte tenu de cet avenant, dont les termes sont conformes aux dispositions des articles L. 3123-25 du code du travail et 6.2.5.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, il ne peut être considéré que le contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat à temps plein du fait de l'augmentation de la durée du travail de la salariée, sur la période contractuellement prévue du 1er janvier au 6 novembre 2015, au-delà de la durée de 86,67 heures issue du contrat de travail du 3 juin 2013.

12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avenant de complément d'heures conclu entre les parties le 22 décembre 2014 avait pour effet de porter la durée du travail prévue par le contrat de la salariée, employée à temps partiel, au niveau de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Master Net à payer à Mme [H] [E] [T] la somme 175,50 euros, outre 17,55 euros de congés payés afférents, au titre des absences non rémunérées des 29, 30 et 31 décembre 2014, l'arrêt rendu le 16 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Lecaplain-Morel - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles L. 3123-25, alinéa 1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 et L. 3123-17, alinéa 2, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur le principe que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, à rapprocher : Soc., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-20.627, Bull. 2014, V, n° 308 (cassation partielle), et l'arrêt cité ; Soc., 15 septembre 2021, pourvoi n° 19-19.563, Bull., (cassation partielle).

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