Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

SECURITE SOCIALE

2e Civ., 22 septembre 2022, n° 21-11.277, (B), FRH

Cassation partielle

Cotisations – Majorations de retard – Majorations de retard complémentaires – Réduction – Remise – Conditions – Paiement dans le délai de 30 jours – Point de départ – Date de la notification de la mise en demeure

Il résulte des dispositions de l'article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses, que la majoration complémentaire de 0,4 % par mois ou fraction de mois de retard mentionnée à l'article R. 243-18 du même code, dans sa rédaction également applicable au litige et issue de ce décret, peut faire l'objet d'une remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure.

La date de notification de la mise en demeure constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2020), à la suite d'un contrôle de la société [3] devenue [4] (la société), l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) lui a notifié le 23 septembre 2015 une lettre d'observations portant sur divers chefs de redressement puis, le 29 décembre 2015, une mise en demeure de payer une certaine somme.

2. Invoquant notamment l'existence d'un accord tacite à la suite d'un précédent contrôle et contestant le rejet de sa demande de remise des majorations de retard, la société a saisi une juridiction chargé du contentieux de la sécurité sociale de deux recours qui ont été joints.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande d'annulation du chef de redressement n° 1 relatif aux contrats de travail forfait jours, alors :

« 1°/ que selon l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, « L'absence d'observations [lors d'un contrôle URSSAF] vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause » ; que par nature la validation tacite d'une pratique, par opposition à sa validation explicite, est non écrite et se déduit de la vérification par les inspecteurs d'une pratique sans qu'elle aboutisse à un redressement ou à une réserve de leur part ; qu'en l'espèce lors d'un précédent contrôle ayant donné lieu à une lettre d'observations du 5 juillet 2010, bien qu'ayant examiné les bulletins de salaire des cadres au forfait jours effectuant un travail d'une durée inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'URSSAF n'a pas redressé la société au titre de l'application auxdits salariés de l'abattement fixé par l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale pour les salariés à temps partiel ; que les inspecteurs de l'URSSAF n'ont émis aucune réserve sur le calcul des cotisations sociales versées au titre de ces salariés et sur l'abattement pratiqué par la société ; que pour écarter néanmoins l'existence d'une validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, l'arrêt a considéré que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » ; qu'en écartant ainsi la validation tacite par l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, bien que ces modalités de calcul n'aient donné lieu à aucun redressement ou réserve à ce titre dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 émise lors du premier contrôle et alors que les inspecteurs disposaient des pièces leur ayant permis de prendre connaissance de la pratique de la société, ce qui caractérisait une validation tacite de la pratique interdisant à l'URSSAF de redresser la société de ce même chef lors du second contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015, la cour d'appel a violé l'article R. 243-59 dernier alinéa du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige ;

2°/ qu'il est fait mention dans la lettre d'observations du 5 juillet 2010 de la consultation par les inspecteurs des livres, bulletins de paie et contrats de travail ; que la cour d'appel a néanmoins écarté la validation tacite lors de ce premier contrôle par les inspecteurs de l'URSSAF des modalités de calcul des cotisations sociales pratiquées par la société, et notamment de l'abattement de l'article L. 242-8 du code de la sécurité sociale appliqué à ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle ; qu'après avoir rappelé que les pièces analysées par les inspecteurs dans les deux lettres d'observations étaient identiques, la cour d'appel a retenu que « la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'Urssaf avait eu à cette époque les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques » ; qu'en statuant ainsi, cependant que dès lors que les inspecteurs avaient disposé et analysé lors du contrôle de 2010 des pièces, identiques à celles analysées lors du contrôle ayant abouti à la lettre d'observations du 23 septembre 2015 il s'en évinçait qu'ils avaient disposé de moyens d'investigation et de pièces identiques et avaient ainsi eu nécessairement connaissance de la pratique en cause afférente aux modalités de calcul des cotisations sociales et à l'abattement pratiqué par la société pour ses salariés cadres dont la durée légale est inférieure à la durée légale ou conventionnelle, de sorte que l'absence de redressement et de réserve sur ces points emportait leur validation tacite opposable à l'URSSAF lors du second contrôle du 23 septembre 2015, la cour d'appel a dénaturé ladite lettre d'observations du 5 juillet 2010 et méconnu le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments qui lui sont soumis. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, l'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en connaissance de cause sur la pratique litigieuse lors de contrôles antérieurs. Il appartient au cotisant qui entend se prévaloir d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement d'en rapporter la preuve.

5. L'arrêt retient que s'il résulte de la lettre d'observations du 5 juillet 2010, portant sur la période de vérification du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009 que les mêmes documents avaient été consultés et qu'aucun redressement n'avait été réalisé sur la détermination de l'assiette plafonnée pour les salariés en forfait jours, la seule consultation au moment du contrôle opéré en 2010 des mêmes livres, bulletins de paie et contrats de travail, pièces communément présentées lors des opérations de contrôle, ne suffit pas à établir que l'URSSAF avait eu, à cette époque, les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause sur les pratiques litigieuses et, qu'en l'absence d'observations, elle avait donné son accord tacite sur ces pratiques.

6. De ces constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle et hors toute dénaturation, la cour d'appel a pu déduire que la société ne pouvait se prévaloir d'un accord tacite de l'organisme de recouvrement ayant donné lieu à redressement.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société fait grief à l'arrêt de rejeter la demande de remise des majorations de retard complémentaires, alors « que selon l'article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, en sa rédaction issue du décret 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses du 27 janvier 2016, « La majoration de 0,4 % mentionnée à l'article R. 243-18 peut faire l'objet de remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure » ; que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard (2e Civ., 18 février 2021, n° 19-24.179) ; qu'en l'espèce la société a formulé, par courrier du 27 janvier 2016, une demande de remise des majorations de retard auprès du directeur de l'URSSAF ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société s'est acquittée le 15 janvier 2016, soit dans le délai de trente jours suivant la notification de mise en demeure du 29 décembre 2015, du paiement des cotisations réclamées dans cette mise en demeure, ce qui lui ouvrait droit à remise des majorations complémentaires de retard ; qu'en retenant néanmoins, pour écarter la demande de remise de majorations de retard, que « force est de constater que le règlement le 15 janvier 2016 des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n'est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité », alors que c'est la date de notification de la mise en demeure qui constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard, ce dont il s'induisait que la société remplissait les conditions légales requises pour bénéficier de la remise des majorations complémentaires de retard, la cour d'appel a violé les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. L'URSSAF conteste la recevabilité du moyen comme nouveau, mélangé de fait et de droit.

10. Il résulte des conclusions de la société qu'elle soutenait devant la cour d'appel avoir procédé le 15 janvier 2016 au paiement de la totalité des causes de la mise en demeure du 29 décembre 2015, dans le délai imparti par les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale, pour prétendre à une remise gracieuse des majorations de retard.

11. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 :

12. Il résulte des dispositions du second de ces textes, applicable à la demande initiale de remise des majorations litigieuses, que la majoration complémentaire de 0,4 % par mois ou fraction de mois de retard mentionnée au premier peut faire l'objet d'une remise lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou dans les cas exceptionnels ou de force majeure.

13. La date de notification de la mise en demeure constitue le point de départ du délai de trente jours au cours duquel il doit être procédé au paiement des cotisations ouvrant la possibilité de remise des majorations complémentaires de retard.

14. Pour rejeter la demande de remise de majorations complémentaires, l'arrêt énonce que le règlement, le 15 janvier 2016, des cotisations exigibles au titre des années 2012 à 2014 n'est pas intervenu dans le délai de trente jours à compter de leur exigibilité.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [4] tendant à la remise des majorations complémentaires, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Halem - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 243-18 et R. 243-20 du code de la sécurité sociale issus du décret n° 2013-1107 du 3 décembre.

2e Civ., 22 septembre 2022, n° 21-11.862, (B), FS

Cassation

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Absence de réclamations à la suite de l'avertissement ou de la mise en demeure – Influence sur la validité de l'opposition (non)

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement de cotisations – Mise en demeure – Notification – Saisine de la commission de recours amiable – Absence de contestation de la décision de la commission de recours amiable – Effets – Recevabilité de l'opposition à contrainte devant le pôle social – Impossibilité de contester la régularité et le bien-fondé des causes de la contrainte

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement de cotisations – Mise en demeure – Absence de saisine de la commission de recours amiable – Effets – Recevabilité de l'opposition à contrainte

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 décembre 2020), la caisse déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Ile-de-France, aux droits de laquelle vient l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Ile-de-France (l'URSSAF), a délivré à M. [S] (le cotisant) huit mises en demeure, puis lui a signifié, le 18 janvier 2016, une contrainte pour le recouvrement des cotisations et majorations dues pour les années 2010 à 2014.

2. Le cotisant a formé opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le cotisant fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son opposition à contrainte, alors « que l'opposition à contrainte est une voie de recours autonome et n'est pas subordonnée à la saisine préalable de la commission de recours amiable ; que le cotisant est recevable à contester la contrainte devant la juridiction compétente, peu important que les mises en demeure auxquelles se réfère la contrainte n'aient pas été contestées devant la commission de recours amiable ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification.

5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

6. La Cour de cassation interprétait ces textes en retenant que si le cotisant n'était pas recevable à contester, à l'appui de son opposition à contrainte, le bien-fondé des sommes réclamées, dès lors que la décision de la commission de recours amiable était devenue définitive (Soc., 5 juin 1997, pourvoi n° 95-17.148 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542), une contrainte pouvait faire l'objet d'une opposition devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale même si la dette de cotisation n'avait pas été antérieurement contestée (Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 ; 2e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30.595).

7. Par arrêt du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en retenant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte.

8. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Elle a suscité des critiques en ce qu'elle méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction.

En outre, elle a donné lieu à des divergences de jurisprudence des juridictions du fond.

L'ensemble de ces considérations en justifient le réexamen.

9. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte.

10. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

11. Pour déclarer irrecevable l'opposition à contrainte, l'arrêt relève que les mises en demeure adressées au cotisant avant la signification de la contrainte n'ont pas été contestées devant la commission de recours amiable de l'organisme de recouvrement, alors qu'elles mentionnaient les voies et délais de recours ouverts au cotisant devant celle-ci.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Labaune - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Revirement : 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014, Bull., (rejet). A rapprocher de : Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 (cassation) ; 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.105, Bull., (cassation partielle).

2e Civ., 22 septembre 2022, n° 21-10.105, (B), FS

Cassation partielle

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement – Recevabilité – Conditions – Détermination – Portée

Il résulte des articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, que le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

Cotisations – Recouvrement – Contrainte – Opposition – Absence de réclamation à la suite de l'avertissement ou de la mise en demeure – Influence sur la validité de l'opposition (non)

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement de cotisations – Mise en demeure – Notification – Saisine de la commission de recours amiable – Absence de contestation de la décision de la commission de recours amiable – Effets – Recevabilité de l'opposition à contrainte devant le pôle social – Impossibilité de contester la régularité et le bien-fondé des causes de la contrainte

Caisse – URSSAF – Décision – Redressement de cotisations – Mise en demeure – Absence de saisine de la commission de recours amiable – Effets – Recevabilité de l'opposition à contrainte

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 novembre 2020), à la suite d'un contrôle effectué sur les années 2011 à 2013 ayant donné lieu à une lettre d'observations, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale d'Ile-de-France (l'URSSAF), après avoir notifié à la société [2] (la société) une mise en demeure du 19 décembre 2014, lui a signifié le 27 janvier 2015 une contrainte émise le 22 janvier 2015, portant sur diverses sommes afférentes aux chefs de redressement notifiés le 30 septembre 2014.

2. La société a formé opposition à la contrainte le 4 février 2015 devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

4. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification.

5. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification.

6. La Cour de cassation interprétait ces textes en retenant que si le cotisant n'était pas recevable à contester, à l'appui de son opposition à contrainte, le bien-fondé des sommes réclamées, dès lors que la décision de la commission de recours amiable était devenue définitive (Soc., 5 juin 1997, pourvoi n° 95-17.148 ; 2e Civ., 16 juin 2016, pourvoi n° 15-20.542), une contrainte pouvait faire l'objet d'une opposition devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale même si la dette de cotisation n'avait pas été antérieurement contestée (Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 ; 2e Civ., 1er juillet 2003, pourvoi n° 02-30.595).

7. Par arrêt du 4 avril 2019 (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014), la Cour de cassation est revenue sur cette jurisprudence en retenant qu'il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, qui ne méconnaissent pas les exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, que le cotisant qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée au terme des opérations de contrôle, ni la décision de la commission de recours amiable saisie à la suite de la notification de la mise en demeure, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement qui font l'objet de la contrainte.

8. Cette interprétation est celle adoptée par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé. Elle a suscité des critiques en ce qu'elle méconnaît le droit à un recours effectif devant une juridiction.

En outre, elle a donné lieu à des divergences de jurisprudence des juridictions du fond.

L'ensemble de ces considérations en justifient le réexamen.

9. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte.

10. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.

11. Pour valider la contrainte, l'arrêt, après avoir constaté que la société n'avait pas contesté la mise en demeure, la déclare irrecevable en sa contestation de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués.

12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a confirmé le jugement ayant déclaré le recours de la société [2] recevable, l'arrêt rendu le 5 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.

Rapprochement(s) :

Revirement : 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-12.014, Bull., (rejet). A rapprocher de : Soc., 28 mars 1996, pourvoi n° 93-20.475, Bull. 1996, V, n° 130 (cassation) ; 2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-11.862, Bull., (cassation).

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