Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

REFERE

Com., 7 septembre 2022, n° 20-21.222, (B), FRH

Cassation partielle

Applications diverses – Contrats de la commande publique – Référé contractuel – Recevabilité – Recours précontractuel antérieur – Conditions – Ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché

Les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel, dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à son article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un candidat évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel tandis qu'il était, au moment de sa saisine, dans l'ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché par la société adjudicatrice, et ce quand bien même aurait-il été informé du projet de celle-ci de procéder à cette conclusion.

Applications diverses – Contrats de la commande publique – Référé contractuel – Domaine d'application – Détermination

Méconnaît les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2009- 515 du 7 mai 2009 qui exclut le recours contractuel lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, le tribunal qui fait application de ce texte à un contrat, conclu à l'issue d'un appel d'offres formalisé, qui n'était pas un contrat dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable ni un contrat soumis à publicité préalable auquel ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu en procédure accélérée au fond, (Nanterre, 6 octobre 2020), le 15 janvier 2020, la société Logirep a lancé un appel d'offres ouvert portant sur l'exécution de prestations d'entretien et de nettoyage des parties communes intérieures et extérieures, le traitement des ordures ménagères, le traitement des encombrants des immeubles de son patrimoine ainsi que le remplacement du personnel d'entretien ménager.

2. Par lettre du 9 mars 2020, elle a annoncé à la société Arc en ciel services le rejet de ses offres pour les lots n° 2 et 7.

3. Le 16 mars 2020, la société Arc en ciel services a délivré à la société Logirep une assignation en procédure accélérée au fond précontractuelle devant le président d'un tribunal judiciaire, sur le fondement des articles 1441-1 à 1441-3 du code de procédure civile, et 2 et 20 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009.

En raison des mesures d'urgence sanitaires imposées dans le cadre de la pandémie liée au Covid 19, elle a déposé cette assignation au greffe du tribunal le 15 mai 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Arc en ciel services fait grief au jugement de déclarer son recours précontractuel irrecevable comme tardif, alors :

« 1°/ qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire avant la conclusion du contrat ; que l'intérêt du demandeur à saisir le juge du référé précontractuel est suffisamment établi dès lors qu'il est établi qu'il a été écarté par le pouvoir adjudicateur dans des conditions susceptibles de l'avoir lésé ; qu'en l'espèce, tandis que la société Arc en ciel services reprochait à la société Logirep d'avoir manqué à ses obligations d'informations dans la notification qui lui avait été faite du rejet de sa candidature, le tribunal a constaté qu'il « n'était (...) pas possible [pour le pouvoir adjudicateur] d'indiquer de délai de recours alors que celui-ci expire avec la signature des contrats, dont la date n'est pas nécessairement prévisible » ; qu'en décidant que le recours en référé précontractuel de la société Arc en ciel services était irrecevable, après avoir pourtant constaté ainsi le manquement de la société Logirep à son obligation d'information sur les délais de recours et, partant, l'intérêt légitime de la société Arc en ciel services à agir en référé précontractuel, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

2°/ que, s'agissant des marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours doit être respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3, transmise par voie électronique, et la date de signature du marché par l'acheteur ; qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que, cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ; que, pour juger que ces dernières dispositions étaient inapplicables au litige, le tribunal a retenu qu'elles étaient « relatives à la prolongation du délai pour accomplir les actes prescrits à peine de caducité » et qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'une caducité « mais d'une cause objective d'impossibilité d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat » ; que, cependant, selon son propre intitulé, cette ordonnance ne s'applique pas exclusivement aux cas de caducité mais, d'une manière générale, « à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période », pour tous les actes devant être effectués « à temps » pendant cette période, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'en se déterminant dès lors de la sorte pour juger irrecevable le recours en référé précontractuel de la société Arc en ciel services, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 par refus d'application ;

3°/ qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que, cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est « réputé avoir été fait à temps » s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir (11 jours en l'occurrence), dans la limite de deux mois ; que, s'agissant de la saisine du juge en référé précontractuel, l'acte « réputé avoir été fait à temps » ne peut s'entendre que d'un acte accompli avant toute conclusion de contrat ; qu'il s'ensuit que, dès lors que la société Arc en ciel services avait saisi le juge le 15 mai 2020, dans le délai fixé par l'ordonnance du 25 mars 2020, cette saisine était nécessairement réputée être intervenue « à temps » pour saisir le juge en matière précontractuelle, c'est-à-dire avant toute conclusion de contrat, de sorte que ses demandes étaient recevables ; qu'en jugeant dès lors irrecevable son recours précontractuel « comme tardif », au motif qu'il était impossible d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, ensemble les articles R. 2182-1 du code de la commande publique et 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. »

Réponse de la Cour

5. Dès lors que c'est à bon droit qu'ayant relevé que les contrats des lots n° 2 et 7, litigieux, avaient été conclus par la société Logirep le 13 mai 2020 et qu'il avait été saisi le 15 mai 2020 par la remise de l'assignation au greffe, le tribunal a retenu qu'il n'y avait plus lieu à recours précontractuel à la date de sa saisine, de sorte que celui-ci était irrecevable, il s'ensuit que les griefs du moyen sont inopérants.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Arc en ciel services fait grief au jugement de déclarer son recours contractuel irrecevable du fait de l'introduction préalable de son référé précontractuel, alors « que le recours régi par la section relative au référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article 2, relatif au référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'en l'espèce, le tribunal a néanmoins jugé que ce principe, qui vise une suspension à compter de la saisine du juge et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle, soit dans la présente hypothèse à compter du 15 mai 2020, n'était pas applicable au cas d'espèce, dès lors que les contrats litigieux ont été signés le 13 mai 2020 - avant, par conséquent, le point de départ du délai de suspension ; qu'en décidant pourtant que le recours en référé contractuel de la société Arc en ciel services était irrecevable « du fait de la saisine préalable (...) du référé précontractuel », le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11 et 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

8. Aux termes du premier de ces textes, les personnes qui ont un intérêt à conclure l'un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de l'ordonnance et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat.

La demande est portée devant la juridiction judiciaire.

9. Selon le second, le recours n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article 2 ou à l'article 5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article 4 ou à l'article 8 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours.

10. Après avoir relevé que les dispositions de l'ordonnance du 7 mai 2009, qui prévoient une suspension à compter de la saisine du juge et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle, soit en l'espèce après le 15 mai 2020, sont sans objet, dans la mesure où les contrats avaient été conclus le 13 mai 2020, le jugement retient que le recours de la société Arc en ciel services est irrecevable du fait de la saisine préalable du tribunal, même tardive, en recours précontractuel.

11. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel, dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à son article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un candidat évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel tandis qu'il était, au moment de sa saisine, dans l'ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché par la société adjudicatrice, et ce, quand bien même aurait-il été informé du projet de celle-ci de procéder à cette conclusion, le tribunal a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 11 et 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

13. Aux termes du second de ces textes, le recours contractuel ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité.

14. Pour déclarer le recours contractuel de la société Arc en ciel services irrecevable, le jugement, après avoir énoncé que l'article 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et les articles R. 2182-1 et R. 2183-3 du code de la commande publique prévoient que le recours ne peut être exercé lorsque le pouvoir adjudicateur a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, retient que la société Logirep s'est conformée à cette obligation, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle avait avisé la société Arc en ciel services de cette intention par lettre du 27 mars 2020, information que son avocat reconnaît au surplus avoir reçu aux termes de sa lettre du 6 avril 2020.

15. En statuant ainsi, alors que les contrats litigieux, conclus à l'issue d'un appel d'offres formalisé, n'étaient pas des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable ni des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus, de sorte que l'article 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 n'était pas applicable, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le recours contractuel de la société Arc en ciel services du fait de l'introduction de son recours précontractuel et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 6 octobre 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Nanterre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Michel-Amsellem - Avocat général : M. Debacq - Avocat(s) : SCP Le Griel ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Com., 21 septembre 2022, n° 20-21.416, (B), FRH

Cassation partielle

Mesures conservatoires ou de remise en état – Conditions – Exclusion – Circonstances rendant impossible le fonctionnement normal d'une société et la menaçant d'un péril imminent

Viole l'article 873, alinéa 1, du code de procédure civile, en ajoutant une condition non prévue par ce texte, la cour d'appel qui, pour la désignation d'un mandataire ad hoc, chargée de représenter une société dans le cadre d'une instance l'opposant à ses fournisseurs, exige la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de cette société et la menaçant d'un péril imminent.

Ordonnance – Modification ou rapport – Fait nouveau – Applications diverses – Désignation d'un mandataire ad hoc – Circonstances rendant impossible le fonctionnement normal d'une société et la menaçant d'un péril imminent – Nécessité (non)

Il résulte de l'application combinée des articles 488, alinéa 2, et 873, alinéa 1, du code de procédure civile, qu'une ordonnance de référé rejetant la demande de désignation d'un mandataire ad hoc faite sur le seul fondement de l'article 873 du code de procédure civile peut être rapportée ou modifiée s'il existe des circonstances nouvelles caractérisant l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite. Viole ces textes une cour d'appel, qui pour déclarer irrecevable une demande tendant à rapporter un arrêt de cour d'appel ayant refusé de désigner un mandataire ad hoc, exige que les circonstances nouvelles invoquées à cet effet rendent impossible le fonctionnement normal de la société ou la menacent d'un péril imminent.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 20 octobre 2020), rendu en matière de référé, la société U 10 Corp (la société U 10) est associée majoritaire de la société à responsabilité limitée U-Web ayant pour gérant et coassocié minoritaire M. [X].

2. Par un arrêt du 18 octobre 2016, rendu en matière de référé, une cour d'appel a, infirmant une ordonnance de référé du 7 juillet 2016, débouté M. [X] de sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société U 10 et voter en ses lieu et place aux assemblées générales de la société U-Web.

3. Par un acte du 7 février 2020, M. [X] a saisi, en référé, un président de tribunal de commerce, d'une part, d'une nouvelle demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société U 10 et voter en ses lieu et place aux assemblées générales de la société U-Web, d'autre part, d'une demande tendant, au cas où il serait évincé de ses fonctions de gérant, à sa désignation, ou celle de tout professionnel, en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société U-Web dans le cadre d'une instance judiciaire opposant celle-ci à ses fournisseurs, également filiales de la société U 10.

Les sociétés U 10 et U-Web lui ont notamment opposé, s'agissant de la première demande, l'absence de circonstances nouvelles, et, s'agissant de la seconde demande, l'absence de dommage imminent.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [X] fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de sa désignation et, très subsidiairement, de tout professionnel, en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société U-Web dans la procédure au fond introduite devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare et devant toute autre juridiction qui en serait la suite et/ou la conséquence et de la conduire jusqu'à son terme, alors « que la désignation d'un mandataire ad hoc par le président du tribunal de commerce n'est pas subordonnée à l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent mais uniquement à la preuve d'un dommage imminent ou d'un trouble illicite ; qu'en énonçant « qu' il est de principe que la désignation d'un mandataire ad hoc est une mesure exceptionnelle qui suppose de rapporter la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent » puis en rejetant la demande de désignation d'un mandataire ad hoc formée par M. [X] au motif que « rien ne permet d'établir que le choix, le cas échéant, du nouveau dirigeant de la société U-Web de ne pas poursuivre en appel la procédure contre la société U 10 et ses filiales en cas de rejet de ses prétentions, soit de nature à mettre en péril son existence », la cour d'appel a statué par motifs impropres et ainsi violé l'article 873 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 873, alinéa 1, du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

6. Pour dire n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour représenter la société U-Web dans le cadre d'une instance judiciaire l'opposant à ses fournisseurs, l'arrêt, après avoir constaté que M. [X] forme sa demande sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile, et énoncé que la désignation d'un mandataire ad hoc est une mesure exceptionnelle qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et menaçant celle-ci d'un péril imminent, retient que si la nomination envisagée du nouveau gérant de la société U-Web est susceptible d'avoir une influence sur les choix procéduraux de cette société, s'agissant des suites de la procédure l'opposant à la société U 10, rien ne permet d'établir que le choix, le cas échéant, du nouveau dirigeant de la société U-Web de ne pas poursuivre en appel la procédure contre la société U 10 et ses filiales en cas de rejet de ses prétentions, soit de nature à mettre en péril l'existence de la société U-Web, et que la mésentente entre les associés n'emporte pas péril pour les intérêts sociaux.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel qui, ajoutant aux conditions prévues par la loi, a exigé la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de cette société et la menaçant d'un péril imminent pour désigner, en référé, un mandataire ad hoc, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. [X] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour la société U 10 avec pour mission de représenter celle-ci et de voter en ses lieu et place lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société U-Web, dans le seul intérêt de celle-ci, alors « que l'ordonnance de référé ayant rejeté la désignation d'un mandataire ad hoc sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile peut être rapportée ou modifiée dès lors qu'il existe des circonstances nouvelles de nature à caractériser un dommage imminent ou un trouble illicite ; que pour déclarer irrecevable la demande formée par M. [X] de désignation d'un mandataire ad hoc pour la société U 10 au motif qu' « il n'allège et a fortiori ne démontre, ni la survenue de circonstances nouvelles de nature à placer la société U 10 dans l'impossibilité d'exercer ses droits sociaux et de ce fait, à entraver son bon fonctionnement ou celui de la société U-Web dont elle est propriétaire à 51 %, ni l'existence d'un péril imminent, lesquelles circonstances sont seules de nature à justifier qu'il lui soit désigné un mandataire ad hoc », la cour d'appel, réduisant à tort la notion de circonstances nouvelles à ces deux hypothèses, a violé les articles 488 et 873 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 488, alinéa 2, et 873, alinéa 1, du code de procédure civile :

9. Il résulte de l'application combinée de ces textes qu'une ordonnance de référé rejetant la demande de désignation d'un mandataire ad hoc faite sur le seul fondement de l'article 873 du code de procédure civile peut être rapportée ou modifiée s'il existe des circonstances nouvelles caractérisant l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.

10. Pour déclarer irrecevable la demande de désignation d'un mandataire ad hoc chargé de représenter la société U 10 et de voter en ses lieu et place lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société U-Web, l'arrêt, après avoir constaté que la même demande avait été rejetée par arrêt du 18 octobre 2016, statuant en matière de référé, et exactement énoncé que M. [X] devait, en conséquence, justifier de circonstances nouvelles en application de l'article 488 du code de procédure civile, retient qu'il n'allègue et a fortiori ne démontre ni la survenue de circonstances nouvelles de nature à placer la société U 10 dans l'impossibilité d'exercer ses droits sociaux et, de ce fait, à entraver son bon fonctionnement ou celui de la société U-Web, dont elle est propriétaire à 51 %, ni l'existence d'un péril imminent, et que ces circonstances, qui s'apprécient à compter de la date de la première ordonnance rendue par le juge des référés le 7 juillet 2016, sont seules de nature à justifier qu'il lui soit désigné un mandataire ad hoc.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui, pour déclarer irrecevable la demande de M. [X] visant à modifier ou rapporter en référé l'arrêt du 18 octobre 2016, rendu en matière de référé, ayant refusé de désigner un mandataire ad hoc pour la société U 10, a exigé que les circonstances nouvelles invoquées à cet effet rendent impossible le fonctionnement normal de cette société ou la menacent d'un péril imminent, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à référé s'agissant de la demande de M. [X] de sa désignation et, très subsidiairement, de celle de tout professionnel, en qualité de mandataire ad hoc pour représenter la société U-Web dans la procédure au fond introduite devant le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare et devant toute autre juridiction qui en serait la suite et/ou la conséquence et de la conduire jusqu'à son terme, en ce qu'il déboute M. [X] de sa demande de consignation d'une provision ad litem en vue de la rémunération de ce mandataire ad hoc et en ce qu'il déclare irrecevable la demande de désignation d'un mandataire ad hoc pour la société U 10 Corp avec pour mission de représenter celle-ci et de voter en ses lieu et place lors des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la société U-Web, dans le seul intérêt de celle-ci, l'arrêt rendu le 20 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ducloz - Avocat(s) : SCP Bénabent ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre -

Textes visés :

Article 873, alinéa 1, du code de procédure civile ; article 488, alinéa 2, du code de procédure civile.

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