Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-13.625, (B), FRH

Cassation

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Irrégularité de la signification préalable d'un jugement à avocat – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 décembre 2020), Mme [Z] a relevé appel, le 14 mai 2019, du jugement d'un juge aux affaires familiales rendu le 29 avril 2016 dans une instance l'opposant à M. [W].

2. Par ordonnance du 11 février 2019 [en réalité 2020], le conseiller de la mise en état a déclaré cet appel irrecevable, comme tardif.

3. Mme [Z] a déféré cette ordonnance à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Mme [Z] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel du jugement du 29 avril 2016, alors « que lorsque la représentation des parties est obligatoire, la décision doit être préalablement notifiée au représentant, faute de quoi la notification à partie est nulle ; que l'absence de notification au représentant constituant l'omission d'un acte et non un vice de forme dont un acte de procédure accompli serait entaché, la nullité de la signification faite à la partie est acquise sans qu'elle ait à justifier d'un grief résultant de cette omission ; qu'en estimant que l'absence de signification du jugement entrepris à l'avocat de Mme [Z] était soumis au régime des vices de forme, la cour d'appel a violé les articles 114 et 678 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. L'irrégularité de la signification d'un jugement à une partie résultant de l'absence de notification préalable à son avocat est un vice de forme qui n'entraîne la nullité de la signification destinée à la partie que sur justification d'un grief.

6. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

7. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond sont tenus d'analyser au moins brièvement les pièces versées aux débats ; qu'en se bornant à énoncer que les pièces du dossier établissaient que l'avocat de Mme [Z] avait eu connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal et avait communiqué le jugement à M. [W], sans identifier et analyser brièvement une quelconque pièce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Tout jugement doit être motivé.

9. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motifs propres, que les pièces du dossier établissent que l'avocat de Mme [Z] avait connaissance du jugement qui lui avait été transmis par le tribunal avant même la signification qui en a été faite à sa cliente.

10. En statuant ainsi, par le seul visa de documents qu'elle n'a pas analysés, même sommairement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

11. Mme [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors « que seules les correspondances entre avocats portant à juste titre la mention « officiel » peuvent être communiquées à des tiers ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, s'il n'était pas exact que la lettre de l'avocat de M. [W] du 17 mars 2017 était dépourvue d'une telle mention, de sorte qu'elle ne pouvait pas être produite en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 et 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 :

12. En application de ces articles, un avocat ne peut produire des pièces couvertes par le secret professionnel que sous réserve des strictes exigences de sa propre défense.

13. Pour déclarer l'appel de Mme [Z] irrecevable, l'arrêt retient, par motif adopté, que par lettre du 17 mars 2017, l'avocat de M. [W] a informé celui de Mme [Z] de ce qu'il avait eu communication du jugement du 29 avril 2016, ce qui dispensait son confrère d'avoir à le lui adresser et qu'il l'informait qu'il allait lui faire signifier.

L'arrêt en déduit que l'avocat de Mme [Z] avait le jugement en sa possession et qu'il était donc en mesure d'aviser Mme [Z] de la marche à suivre et des délais quant à un éventuel recours.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la pièce produite par l'avocat de M. [W] était couverte par le secret professionnel et si sa production répondait aux strictes exigences de sa défense dans le cadre du litige l'opposant à Mme [Z], la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Occhipinti -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 avril 2012, pourvoi n° 11-12.017, Bull. 2012, II, n° 74.

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-14.681, FRH

Annulation partielle sans renvoi

Conclusions – Conclusions d'appel – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Sanction – Caducité – Juge compétent – Conseiller de la mise en état

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 janvier 2021), le 18 juillet 2019, M. [Z] a relevé appel d'un jugement du 24 juin 2019 d'un conseil de prud'hommes rendu dans un litige l'opposant à la société EG active Lyon.

2. Cette dernière a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté ses demandes tendant à déclarer les conclusions de M. [Z] irrecevables, faute de déterminer l'objet du litige, et par voie de conséquence, à déclarer caduque la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'infirmer l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d'une partie, la caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l'appelant.

5. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

8. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

9. A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

10. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié).

11. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

12. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908, qui ne portent aucune critique des dispositions du jugement dont appel, comportent un dispositif qui ne conclut ni à l'annulation, ni à l'infirmation du jugement, et en déduit que les conclusions d'appelant remises au greffe par M. [Z] dans le délai prévu par les dispositions de l'article 907 ne déterminent pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel et qu'il convient par conséquent, par application combinée des articles 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 18 juillet 2019.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 42, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver M. [Z] d'un procès équitable au sens de l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Portée et conséquences de l'annulation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 13 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance déférée ayant dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel interjeté, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile.

3e Civ., 7 septembre 2022, n° 21-20.576, (B), FS

Cassation

Demande – Objet – Objet du litige – Méconnaissance des termes du litige – Cas – Demandeur sollicitant des dommages-intérêts – Décision prononçant une réduction du prix

Modifie l'objet du litige, la cour d'appel qui, saisie par un créancier d'une demande de dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution du contrat, réduit le prix de la prestation, objet de ce contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 4], 8 juin 2021), le 2 mai 2018, M. [H] a confié la réalisation d'une piscine à la société Loiget Laurent (la société Loiget).

2. Le procès-verbal de réception de l'installation, du 5 juillet 2018, n'a pas été signé par M. [H].

3. Se plaignant du non-paiement du solde des travaux, la société Loiget a assigné M. [H] en paiement. Celui-ci a reconventionnellement demandé la réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [H] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer une certaine somme à la société Loiget, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties qui sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en opérant une réduction du solde du prix de 250 euros quand M. [H] demandait dans ses conclusions d'appel la réparation des conséquences de l'inexécution à titre principal et, à titre subsidiaire, l'exécution forcée en nature de l'obligation, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Vu l'article 4 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

7. Pour condamner la société Loiget à payer à M. [H] une certaine somme, l'arrêt relève que la piscine réalisée est celle convenue, à l'exception de l'escalier qu'elle ne comporte pas, et que la moins-value résultant de l'absence d'escalier doit être fixée à la somme de 250 euros.

8. En statuant ainsi, alors que M. [H] demandait non la réduction du prix mais des dommages et intérêts en réparation des conséquences de l'inexécution du contrat, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de [Localité 4] ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de [Localité 4] autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Brun - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Leduc et Vigand -

Textes visés :

Article 4 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 16 juin 1987, pourvoi n° 86-12.493, Bull. 1987, IV, n° 145 (2) (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 29 octobre 2003, pourvoi n° 02-15.668, Bull. 2003, III, n° 186 (cassation) ; 2e Civ., 18 mars 2010, pourvoi n° 09-13.376, Bull. 2010, II, n° 64 (cassation partielle).

Soc., 21 septembre 2022, n° 21-14.171, (B), FS

Rejet

Fin de non-recevoir – Définition – Clause instituant un préalable obligatoire de conciliation – Domaine d'application – Cas – Procédure prud'homale – Contrat de droit commun – Action en requalification en contrat de travail avant la mise en oeuvre de la procédure de conciliation – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 28 janvier 2021), Mme [M] a conclu un contrat de chirurgien-dentiste collaborateur libéral à effet au 1er septembre 2011 avec M. [K], chirurgien-dentiste, exerçant depuis auprès de la société Cabinet de chirurgie dentaire Pasteur (la société) et a rompu ce contrat le 18 juin 2015.

2.Estimant que le contrat de collaborateur libéral devait être requalifié en contrat de travail, Mme [M] a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [M] fait grief à l'arrêt de dire ses demandes irrecevables en l'état, et que les parties pourront éventuellement le ressaisir après la décision de la commission de conciliation du conseil départemental de l'ordre des médecins-dentistes, alors :

« 1°/ qu'est inopposable la clause de conciliation préalable incluse dans un contrat devenu caduc ; que dans ses conclusions Mme [M] faisait valoir que le contrat de collaboration avait été conclu avec le Dr [K], exerçant alors à titre individuel ; que la cession de sa patientèle par le Dr [K] à la société Cabinet Pasteur au sein de laquelle il a poursuivi son activité n'a pas entraîné le transfert du contrat de collaboration, lequel est devenu caduc faute pour le Dr [K] d'exercer à titre individuel ; qu'en se bornant à énoncer que Mme [M] invoquait la caducité de la convention sans s'expliquer sur la cessation par la partie contractante de son activité à titre individuel et de ses conséquences sur la caducité du contrat et l'inopposabilité de la clause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du code civil ;

2°/ qu'une clause du contrat de collaboration libérale qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat, n'empêche pas la partie qui sollicite la requalification dudit contrat en contrat de travail de saisir directement le juge prud'homal ; que pour déclarer irrecevable la demande de Mme [M], la cour d'appel a retenu que la clause de conciliation incluse dans son contrat de chirurgien-dentiste collaborateur lui imposait de saisir au préalable le président du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes en vue d'une tentative de conciliation ; qu'en statuant ainsi quand cette clause n'empêchait pas Mme [M] de saisir directement le juge prud'homal pour voir requalifier le contrat de collaboration libérale en contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1411-1 du code du travail ;

3°/ qu'aux termes de l'article R. 4127-259, alinéa 2, du code de la santé publique « en cas de dissentiment d'ordre professionnel entre praticiens, les parties doivent se soumettre à une tentative de conciliation devant le président du conseil départemental de l'ordre » ; que ce texte n'institue pas une procédure de conciliation obligatoire avant la saisine du juge judiciaire ; qu'en se fondant sur cette disposition pour déclarer irrecevable la demande de Mme [M] en requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail devant le conseil de prud'hommes, la cour d'appel a violé l'article R. 4127-259 du code de la santé publique, ensemble l'article L. 1411-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 122 et 124 du code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées. Licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en oeuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent.

5. La cour d'appel, qui a constaté, par motifs propres et adoptés, que Mme [M] avait notifié le 18 juin 2015 la rupture du contrat de collaboration libérale conclu le 30 mai 2011, n'avait pas à procéder à une recherche relative à la caducité de ce contrat, que ses constatations rendaient inopérante.

6. Ayant relevé que ce contrat comportait une clause prévoyant que toutes les contestations sur la validité, l'interprétation, l'exécution ou la résolution de la convention devaient, avant toute action en justice, être soumises à une tentative de conciliation devant le président du Conseil départemental, conformément aux dispositions de l'article R. 4127-259 du code de la santé publique, que la société soulevait la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mise en oeuvre de cette procédure de conciliation, et que l'intéressée lui soumettait un différend né du contrat de collaboration libérale, la cour d'appel en a exactement déduit l'irrecevabilité de son action.

7. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Capitaine - Avocat général : Mme Wurtz - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 122 et 124 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur le principe qu'une clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire constitue une fin de non-recevoir, à rapprocher : 1re Civ., 1 octobre 2014, pourvoi n° 13-17.920, Bull. 2014, I, n° 157 (cassation), et l'arrêt cité. Sur l'effet d'une clause contractuelle instituant un préalable de conciliation obligatoire en matière prud'homale, à rapprocher : Soc., 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-20.004, Bull. 2012, V, n° 326 (cassation), et l'arrêt cité.

Soc., 21 septembre 2022, n° 21-12.590, (B), FS

Cassation partielle sans renvoi

Intervention – Intervention volontaire – Intervention accessoire – Conditions – Intérêt – Association sportive – Ligue nationale de rugby

Le litige portant notamment sur les effets de l'homologation des contrats de travail à durée déterminée délivrée par elle, la Ligue nationale de rugby justifie d'un intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir les prétentions du club demandeur au pourvoi.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 janvier 2021), M. [D] a été engagé à effet du 1er juillet 2006 par la société Stade Toulousain Rugby (la société) en qualité de joueur de rugby, selon un contrat de travail à durée déterminée pour les saisons 2006/2007 à 2008/2009. Un avenant de prolongation a été conclu le 22 avril 2008 pour les saisons 2009/2010 et 2010/2011. Un deuxième avenant de prolongation a été conclu le 26 janvier 2011 pour les saisons 2011/2012 à 2014/2015. Un dernier contrat est intervenu le 9 janvier 2015 pour les saisons 2015/2016 et 2016/2017.

2. Le 19 juillet 2017, le joueur a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes au titre de la rupture de la relation de travail.

Examen de la recevabilité de l'intervention de la Ligue nationale de rugby, contestée par la défense

3. Le joueur conteste la recevabilité de l'intervention volontaire de la Ligue nationale de rugby en soutenant qu'elle pas ne justifie pas d'un intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir une partie.

4. Il résulte des articles 327 et 330 du code de procédure civile que les interventions volontaires sont admises si elles sont formées à titre accessoire à l'appui des prétentions d'une partie et si leur auteur a intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir cette partie.

5. Le litige portant notamment sur les effets de l'homologation des contrats de travail à durée déterminée délivrée par elle, la Ligue nationale de rugby justifie d'un intérêt, pour la préservation de ses droits, à soutenir les prétentions du club.

6. L'intervention est donc recevable.

Examen des moyens

Sur la demande de question préjudicielle

Enoncé du moyen

7. L'employeur demande à la Cour de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante :

« 1°/ A la lumière de l'article 165 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les spécificités attachées à la pratique du sport professionnel tirées notamment de l'incapacité physique pour les sportifs professionnels d'exercer leur métier au-delà d'un certain âge, de la nécessité de préserver l'équité sportive, l'intérêt des compétitions et de permettre aux joueurs de valoriser leur carrière, constituent-elles des « raisons objectives » au sens du a) du paragraphe 1 de la clause 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 permettant aux sportifs professionnels de conclure avec leur club des CDD successifs pour l'exercice de leur activité ?

2°/ A la lumière du préambule (2e alinéa) et des considérations générales (point 8) de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée desquels il résulte notamment que le droit de l'Union européenne n'a pas entendu interdire l'utilisation de CDD successifs lorsque le recours à de tels contrats convient à la fois aux travailleurs et à leurs employeurs, quelles conséquences les juridictions nationales doivent-elles tirer de l'existence de conventions et accords collectifs par lesquels les partenaires sociaux expriment leur souhait de voir leur activité professionnelle s'exercer dans le cadre de CDD successifs ? »

Réponse de la Cour

8. D'abord, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la notion de raisons objectives doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l'utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment, de la nature particulière des tâches pour l'accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d'un objectif légitime de politique sociale d'un Etat membre (CJUE, 26 novembre 2014, C-22/13, C-61/13 et C-448/13, Mascolo et al.).

La Cour de justice de l'Union a précisé que si un Etat-membre est en droit, lors de la mise en oeuvre de la clause 5, point 1, de l'accord-cadre, de tenir compte des besoins particuliers d'un secteur spécifique, ce droit ne saurait toutefois être entendu comme lui permettant de se dispenser de respecter, à l'égard de ce secteur, l'obligation de prévoir une mesure adéquate pour prévenir et, le cas échéant sanctionner, le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs (CJUE, 26 février 2015, C-238/14, Commission européenne c/ Grand-Duché du Luxembourg).

9. Ensuite, la Cour de cassation juge de façon constante que s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi (Soc., 23 janvier 2008, n° 06-43.040, Bull. V, n° 16 ; Soc., 17 décembre 2014, n° 13-23.176, Bull. V, n° 295 ; Soc. 4 décembre 2019, n° 18-11.989 ; Soc., 13 octobre 2021, n° 18-21.232, B).

10. La Cour de cassation juge par ailleurs que la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné (Soc., 9 octobre 2013, n° 12-17.882, Bull. V, n° 226).

11. Enfin, il résulte de la clause 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 19 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE que les Etats membres ou les partenaires sociaux peuvent maintenir ou introduire des dispositions plus favorables pour les travailleurs et que la mise en oeuvre de l'accord-cadre ne constitue pas une justification valable pour la régression du niveau général de protection des travailleurs.

12. En l'état du droit antérieur à la loi n° 2015-1541du 27 novembre 2015, qui a organisé le recours à un contrat de travail à durée déterminée spécifique pour l'engagement des sportifs professionnels, la demande de renvoi préjudiciel propose une interprétation de la directive n° 1999/70/CE de nature à entraîner une régression du niveau général de protection des salariés concernés. Cette demande de question préjudicielle n'apparaît donc pas pertinente, faute d'influence sur la solution du litige.

13. Il n'y a, en conséquence, pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, ci-après annexé

14. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, qui est préalable

Enoncé du moyen

15. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée et de le condamner au paiement de diverses sommes au titre de la rupture, alors « que la décision par laquelle la Ligue nationale de rugby, personne morale de droit privé chargée de l'exécution d'une mission de service public administratif au titre de la réglementation, de la gestion des compétitions professionnelles et de l'homologation des contrats des sportifs participant aux compétitions qu'elle organise, constitue un acte administratif qui s'impose au juge judiciaire, de sorte que celui-ci ne peut requalifier en contrat à durée indéterminée la relation de travail résultant de contrats à durée déterminée successifs homologués par la Ligue nationale de rugby ; qu'en énonçant néanmoins que l'homologation des contrats de travail à durée déterminée successifs de M. [D] par la Ligue nationale de rugby ne faisait pas obstacle au contrôle du juge judiciaire sur leur conformité aux règles d'ordre public en matière de contrat à durée déterminée, la cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, ensemble les articles R. 132-12 et L. 222-2-6 du code du sport. »

Réponse de la Cour

16. Les dispositions prévues par les articles L. 1242-1 et suivants du code du travail, relatives au contrat de travail à durée déterminée, ont été édictées dans un souci de protection du salarié, qui seul peut se prévaloir de leur inobservation.

17. Selon l'article L. 222-2-6 du code du sport, le règlement de la fédération sportive ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle peut prévoir une procédure d'homologation du contrat de travail du sportif et de l'entraîneur professionnels et déterminer les modalités de l'homologation ainsi que les conséquences sportives en cas d'absence d'homologation du contrat.

18. Le contrôle des conditions de recours au contrat de travail à durée déterminée n'entre pas dans le champ des vérifications effectuées par une fédération ou une ligue professionnelle, qui, dans le cadre de sa mission de service public relative à l'organisation des compétitions, procède à l'homologation d'un contrat de travail.

19. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches

Enoncé du moyen

20. L'employeur fait le même grief, alors :

« 1° / que la nature et les caractéristiques particulières des tâches confiées au travailleur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives l'incapacité physique pour un joueur de rugby professionnel d'exercer son métier au-delà d'un certain âge sans qu'une telle circonstance caractérise une discrimination ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi et que l'argument de l'âge est contraire à l'interdiction de discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;

2°/ qu'en écartant l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par M. [D], sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions d'appel de la SASP Stade Toulousain Rugby), si l'incapacité physique d'un individu à exercer une activité de joueur de rugby tout au long de sa carrière professionnelle n'était pas susceptible d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par l'intéressé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord- cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999 ;

3°/ que la prise en compte des évolutions affectant les compétences du travailleur et les besoins de l'employeur sont susceptibles de constituer des raisons objectives de nature à justifier la conclusion de contrats à durée déterminée successifs ; que, dans le secteur d'activité du rugby professionnel, constituent de telles raisons objectives, les évolutions affectant les performances d'un joueur, celles portant sur le projet tactique de l'entraîneur ou afférentes aux objectifs sportifs et économiques fixés par la direction du club ; qu'en énonçant que la spécificité de l'activité sportive ne justifie pas en soi le caractère par nature temporaire de l'emploi, que la nécessité d'adaptation pour tenir compte des performances du salarié ne permet pas d'établir le caractère temporaire d'un emploi, que les considérations relatives aux attentes du public, des supporteurs, l'influence sur la billetterie, les choix tactiques de l'entraîneur sont étrangères à l'emploi intrinsèquement occupé par M. [D], la cour d'appel a violé les articles L. 122-1, L. 122-1-1, 3° et D. 121-2 du code du travail (devenus les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et D. 1242-1, 5° du même code), ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée annexé à la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999. »

Réponse de la Cour

21. Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

22. S'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.

23. D'abord, la cour d'appel a retenu, sans encourir le grief visé par la première branche, que les justifications avancées par l'employeur et relatives à l'incapacité physique pour un joueur de rugby professionnel d'exercer son métier au-delà d'un certain âge et les évolutions affectant ses performances, avancées par l'employeur, qui sont liées à la personne même du salarié et non à l'emploi concerné, n'étaient pas de nature à établir le caractère par nature temporaire de cet emploi.

24. Ensuite, l'employeur s'étant borné à invoquer des justifications d'ordre général, tenant notamment aux évolutions du projet tactique de l'entraîneur et des objectifs sportifs et économiques fixés par la direction du club, la cour d'appel, qui a retenu que l'employeur n'établissait pas le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné, a pu décider que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée.

25. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais, sur le second moyen

Enoncé du moyen

26. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre des congés payés afférents au préavis, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, qu'il sera alloué au salarié la somme de 6 666 euros au titre des congés payés afférents au préavis et, d'autre part, qu'il lui sera alloué la somme de 7 992,92 euros à ce même titre, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

27. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

La contradiction de motifs équivaut à une absence de motif.

28. Pour condamner la société au paiement de la somme de 7 999,92 euros au titre des congés payés afférents au préavis, l'arrêt énonce qu'il devait être alloué au joueur la somme de 66 666 euros au titre du préavis, outre 6 666 euros au titre des congés payés afférents. Il retient ensuite que, s'agissant des congés payés, l'article 5.2.2 de la convention collective du rugby professionnel prévoit que la durée des congés payés est de trois jours et qu'il sera donc alloué au joueur la somme brute de 7 999,92 euros de ce chef.

29. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

30. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

31. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

32. Conformément à l'article 5.2.2 du titre II de la convention collective du rugby professionnel, qui prévoit l'acquisition de trois jours de congés payés par mois travaillé, le salarié peut prétendre à la somme brute de 7 999,82 euros au titre des congés payés afférents au préavis.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Stade Toulousain Rugby à payer à M. [D] la somme de 7 999,92 euros bruts au titre des congés payés afférents au préavis, l'arrêt rendu le 22 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : M. Desplan et Mme Rémery - Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 327 et 330 du code de procédure civile ; articles L. 1242-1 et suivants du code du travail ; article L. 222-2-6 du code du sport ; clause 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 19 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation du caractère temporaire de l'emploi en matière de contrat à durée déterminée, à rapprocher : Soc., 17 décembre 1997, pourvoi n° 93-43.364, Bull. 1997, V, n° 448 (cassation).

3e Civ., 21 septembre 2022, n° 21-17.691, (B), FS

Cassation partielle

Notification – Notification en la forme ordinaire – Lettre recommandée – Bail – Congé – Mention « pli avisé et non réclamé » – Effet

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 6 avril 2021), Mme [C] [H], locataire d'un appartement dont Mmes [F] et [O] [W] (les bailleresses) sont propriétaires indivises, a donné congé, le 17 avril 2015 pour le 31 juillet de la même année.

2. Mme [F] [W] l'a assignée, ainsi que Mme [N] [H], qui s'était portée caution solidaire des obligations de la locataire, en paiement de loyers et charges et de réparations locatives. Mme [O] [W] est intervenue à la procédure.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les bailleresses [X] à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de la locataire et de la caution, alors « que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier de justice ou de la remise en main propre et que la date de réception d'une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ; que, pour rejeter la demande de Mmes [W] en paiement d'une somme de 331,98 euros au titre du loyer d'août 2015, la cour d'appel a retenu qu'un courrier valant congé avait été rédigé le 17 avril 2015 pour une fin de bail au 31 juillet 2015 ; qu'en statuant ainsi, tout en constatant que cette lettre notifiant congé était revenue « pli avisé et non réclamé » et qu'elle n'avait donc pas été remise au bailleur, elle a violé les articles 15, I de la loi du 6 juillet 1989 et 669, alinéa 3, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 :

5. Selon ce texte, le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier de justice ou de la remise en main propre.

6. Pour rejeter la demande en paiement du loyer du mois d'août 2015, l'arrêt constate que la locataire a donné congé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 17 avril 2015 et revenue avec la mention « pli avisé et non réclamé » et retient que ce congé a été régulièrement donné pour le 31 juillet 2015.

7. En statuant ainsi, tout en constatant que la lettre recommandée leur notifiant congé n'avait pas été reçue par les bailleresses, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mmes [C] et [N] [H], in solidum, à payer à Mmes [F] et [O] [W] les sommes de 411,39 euros et 360 euros et rejette toute autre demande à leur encontre, et, en conséquence, condamne Mmes [F] et [O] [W], in solidum, à payer à Mmes [C] et [N] [H] la somme de 128,61 euros, l'arrêt rendu le 6 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : Mme Gallet - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article 15, I, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 24 mai 2006, pourvoi n° 04-18.928, Bull. 2006, II, n° 135 (cassation), et les arrêts cités.

2e Civ., 8 septembre 2022, n° 21-12.736, (B), FRH

Cassation

Notification – Signification – Signification à domicile – Vérifications faites par l'huissier de justice de la réalité de l'adresse du destinataire – Caractérisation – Mention « nom sur la boîte aux lettres » – Portée

La seule mention dans l'acte de l'huissier de justice que le nom du destinataire de l'acte figure sur la boîte aux lettres n'est pas de nature à établir, en l'absence de mention d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte et, partant, ne satisfait pas aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile.

Notification – Signification – Signification à domicile – Validité – Conditions – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2021), la société Techem a assigné devant un tribunal d'instance le syndicat des copropriétaires de « la résidence Californie » (le syndicat des copropriétaires) en paiement de différentes sommes et à fin qu'il soit dit que le contrat de location de compteurs d'eau les liant restera en vigueur tant que les compteurs ne lui auront pas été restitués.

2. Le syndicat des copropriétaires a assigné en garantie la société Comptage immobilier et services ISTA (la société ISTA).

3. La société Techem a relevé appel du jugement ayant dit que les compteurs lui avaient été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, l'ayant déboutée de ses demandes et ayant dit sans objet la demande de garantie à l'encontre de la société ISTA.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Techem fait grief à l'arrêt de dire que les compteurs lui ont été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, qu'elle est mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions et de l'en débouter, et, en conséquence de la condamner aux dépens et à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à la société ISTA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce la société Techem formulait plusieurs prétentions au dispositif de ses conclusions du 15 juin 2020 et les discutait explicitement dans une partie intitulée « B.

En droit » ; qu'en refusant de répondre à ces demandes dès lors que la partie exposant les moyens n'était pas intitulée « discussion » la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violé l'article 954 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ qu'en disant que les conclusions de la société Techem « se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit » pour conclure qu'il n'existait aucune discussion des prétentions et des moyens et ainsi débouter la société Techem de l'ensemble de ses demandes quand ces moyens figuraient explicitement dans les écritures de celle-ci dans une partie intitulée « En Droit », la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

6. Le troisième alinéa de ce texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties.

8. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les conclusions de l'appelante ne comprenant aucune partie discussion au sens de l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile puisque qu'elles se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas à répondre au moindre moyen invoqué dans une partie discussion, ne peut que confirmer le jugement, sans qu'il soit utile d'examiner la question de la recevabilité des moyens nouveaux opposée par les intimés.

10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l'appelante distinguaient, dans la partie « en droit », les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l'appui des prétentions, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Corlay ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles 656 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.472, Bull. 2009, II, n° 18 (cassation) ; 2e Civ., 8 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.352, Bull. (cassation).

2e Civ., 8 septembre 2022, n° 21-12.352, n° 21-16.183, (B), FRH

Cassation

Notification – Signification – Signification à domicile – Vérifications faites par l'huissier de justice de la réalité de l'adresse du destinataire – Caractérisation – Mention « nom sur la boîte aux lettres » – Portée

La seule mention dans l'acte de l'huissier de justice que le nom du destinataire de l'acte figure sur la boîte aux lettres n'est pas de nature à établir, en l'absence de mention d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte et, partant, ne satisfait pas aux exigences de l'article 656 du code de procédure civile.

Notification – Signification – Signification à domicile – Validité – Conditions – Détermination

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 21-12.352 et 21-16.183 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 janvier 2021) et les productions, M. et Mme [P] ont conclu deux prêts immobiliers garantis par le cautionnement de la société Crédit logement.

3. Par acte d'huissier de justice du 4 avril 2016, délivré selon les modalités des articles 656 et 658 du code de procédure civile, la société Crédit logement a assigné Mme [P] en paiement de différentes sommes.

4. Mme [P], non comparante ni représentée en première instance, a relevé appel du jugement ayant accueilli les demandes de la société Crédit logement.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance et du jugement, alors « que la signification à domicile est irrégulière si la seule diligence accomplie par l'huissier instrumentaire, mentionnée à l'acte, pour s'assurer de la réalité du domicile, est celle de la vérification du fait que le nom d'épouse de la destinataire de l'acte figurait sur la boîte aux lettres ; qu'en ayant jugé que l'huissier instrumentaire s'était suffisamment assuré de la réalité du domicile de Mme [U], dès lors que le nom de famille de son mari figurait sur la boîte aux lettres, la cour d'appel a violé les articles 655 et 656 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 656 et 658 du code de procédure civile :

6. Il résulte du premier de ces textes que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile.

La seule mention, dans l'acte de l'huissier de justice, que le nom du destinataire de l'acte figure sur la boîte aux lettres, n'est pas de nature à établir, en l'absence de mention d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire de l'acte.

7. Pour rejeter la demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance et du jugement formée par Mme [P], l'arrêt retient que l'acte a été délivré au seul domicile connu du créancier sans que Mme [P] signale un changement d'adresse, les divers courriers recommandés adressés à la débitrice par la banque puis par la caution étant de surcroît revenus avec la mention « pli avisé non réclamé », ce qui corroborait que cette adresse était toujours valable, et que dans ces circonstances, et alors que les prêts avaient été consentis aux deux époux [P] demeurant à la même adresse, que ceux-ci n'étaient ni divorcés, ni même judiciairement autorisés à résider séparément, et que le créancier n'avait jamais été avisé de leur prétendue séparation de fait, l'huissier de justice a régulièrement délivré l'assignation conformément aux dispositions de l'article 656 du code de procédure civile en se rendant à cette adresse et en vérifiant que le nom de Mme [P] figurait bien sur la boîte aux lettres, peu important que son prénom n'y fût pas précisé.

8. En statuant ainsi, sans constater que l'acte de l'huissier de justice comportait d'autres mentions que celle relative au nom figurant sur la boîte aux lettres, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [P] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance et du jugement et de la condamner à payer à la société Crédit logement la somme de 109 921,04 euros en principal, outre 1 963,71 euros au titre des intérêts légaux arrêtés au 28 juin 2020, et les intérêts au taux légal sur le principal de 109 921,04 euros à compter du 29 juin 2020, alors « que la cassation à intervenir sur un chef d'arrêt entraînera l'annulation par voie de conséquence des chefs d'arrêt qui lui sont liés ; que la cassation à intervenir sur le premier moyen ayant rejeté la demande d'annulation, présentée par l'exposante, de l'assignation introductive d'instance et du jugement subséquent, entraînera l'annulation par voie de conséquence sur le second, par application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

10. Aux termes de ce texte, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

11. La cassation du chef de l'arrêt rejetant la demande d'annulation de l'assignation introductive d'instance et du jugement entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des chefs critiqués de l'arrêt ayant condamné Mme [P] à régler diverses sommes à la société Crédit logement, ainsi que le chef non critiqué autorisant la capitalisation des intérêts, qui est dans leur dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Article 656 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.472, Bull. 2009, II, n° 18 (cassation).

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