Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

PRESCRIPTION ACQUISITIVE

3e Civ., 21 septembre 2022, n° 21-17.409, (B), FS

Rejet

Conditions – Possession – Caractères – Caractère paisible – Constatations nécessaires – Non-respect des règles d'urbanisme – Absence d'influence – Conditions – Portée

Le non-respect de règles d'urbanisme applicables à des travaux de construction ne fait pas obstacle, en l'absence d'actes de possession illicites pour être contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, à ce que le possesseur du terrain d'assiette en acquiert la propriété par prescription.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 31 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 11 avril 2019, pourvoi n° 17-17.766), Mme [W] et M. [V], se disant propriétaires d'une parcelle cadastrée T [Cadastre 1] occupée par Mme [E] [R] épouse [K], Mme [D] [K] épouse [M] et M. [J] [K] (les consorts [K]), les ont assignés en expulsion.

2. A titre reconventionnel, les consorts [K] ont revendiqué l'acquisition de la parcelle par prescription.

Sur la demande en rectification

3. A la suite d'une simple erreur matérielle, que la Cour de cassation est en mesure de rectifier, le nom patronymique de l'intimé mentionné en page 7 de l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre, comme étant « [G] [W] », est en réalité « [G] [C] [V] ».

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Mme [W] et M. [V] font grief à l'arrêt de dire que Mme [E] [R] épouse [K] et M. [V] sont propriétaires indivis de la parcelle T n° [Cadastre 1] située au lieu-dit « [Localité 2] », et de rejeter leur demande tendant à l'expulsion des consorts [K] de cette parcelle, alors « que nul ne peut prescrire en vertu d'une possession s'établissant sur des actes illicites ou irréguliers ; qu'en retenant, pour juger que Mme [Y] [E] [R] et M. [G] [V] étaient propriétaires indivis de la parcelle T n° [Cadastre 1] et rejeter la demande en expulsion formée par Mme [U] [B] et M. [G] [V], qu'à l'égard des administrations fiscale et administrative, la construction de bâtiments sur un terrain agricole n'ayant pas fait l'objet d'un déclassement n'entache la possession d'aucune équivoque, lesdits manquement et omissions n'étant pas de nature à contredire la volonté de leur auteur de se considérer comme propriétaire exclusif, la cour d'appel a violé l'article 2261 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Le non-respect de règles d'urbanisme applicables à des travaux de construction ne fait pas obstacle, en l'absence d'actes de possession illicites pour être contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs, à ce que le possesseur du terrain d'assiette en acquiert la propriété par prescription.

7. La cour d'appel a, d'abord, souverainement retenu que les consorts [K] justifiaient d'actes de possession du terrain agricole en litige depuis 1969 par Mme [E] [R] épouse [K], qui s'était comportée en qualité de propriétaire exclusif de cette parcelle en la cultivant, avant d'y faire construire deux maisons d'habitation qu'elle a occupées avec ses enfants.

8. Elle a, ensuite, exactement énoncé que les manquements aux règles d'urbanisme dénoncés par les demandeurs n'excluaient pas l'intention du possesseur de se comporter comme propriétaire, faisant ainsi ressortir qu'ils n'entachaient pas la possession retenue d'équivoque.

9. Elle en a exactement déduit, sans retenir une possession résultant d'actes illicites, que l'absence de déclassement préalable du terrain agricole ne faisait pas obstacle à ce que le possesseur en acquiert la propriété par prescription.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

11. Mme [W] et M. [V] font le même grief à l'arrêt, alors « qu'en ce qui concerne la suspension de la prescription à l'encontre d'un indivisaire mineur, le majeur n'est relevé par le mineur qu'en matière indivisible et que l'état d'indivision d'un immeuble dépendant d'une succession crée un lien d'indivisibilité entre les cohéritiers ; qu'en retenant, pour juger que Mme [Y] [E] [R] et M. [G] [V] étaient propriétaires indivis de la parcelle T n° [Cadastre 1] et rejeter la demande en expulsion formée par Mme [U] [B] et M. [G] [V], que Mme [Y] [E] [R] ne peut se prévaloir de la prescription acquisitive de cette parcelle à l'égard de M. [G] [V], en raison de sa minorité, sans juger que la prescription acquisitive était également inopposable à Mme [U] [B], propriétaire indivise de ladite parcelle, la cour d'appel a violé l'article 2235 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. Ayant énoncé, à bon droit, d'une part, que la prescription ne court pas contre un mineur non émancipé et, d'autre part, qu'en l'absence d'indivisibilité résultant de l'état d'indivision de l'immeuble dépendant d'une succession, cette suspension ne joue qu'à l'égard du mineur et ne profite pas aux autres coïndivisaires majeurs, la cour d'appel en a exactement déduit que l'acquisition par prescription de la parcelle n'était inopposable qu'à [G] [V].

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Vu l'article 462 du code de procédure civile, réparant l'erreur matérielle affectant l'arrêt rendu le 31 mars 2021 par la cour d'appel de Basse-Terre, dit qu'à la septième page de cet arrêt, au lieu de lire : « M. [G] [W]», il convient de lire « M. [G] [C] [V] » ;

REJETTE les pourvois.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Baraké - Avocat général : Mme Morel-Coujard - Avocat(s) : SCP Leduc et Vigand ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 2261 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 13 novembre 1969, pourvoi n° 67-13.790, Bull. 1969, III, n° 729 (cassation partielle) ; 3e Civ., 15 février 1995, pourvoi n° 93-14.143, Bull. 1995, III, n° 53 (cassation), et l'arrêt cité.

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