Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

CASSATION

1re Civ., 21 septembre 2022, n° 21-12.344, (B), FRH

Cassation partielle sans renvoi

Juridiction de renvoi – Compétence – Frais et dépens exposés devant les juges du fond

Il résulte de l'article 639 du code de procédure civile que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris sur ceux afférents à la décision cassée, le fût-elle partiellement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 10 novembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 3 octobre 2019, pourvoi n° 18-18.574), M. [I] et Mme [U] se sont mariés le 8 juin 1974 sans contrat de mariage.

2. Un jugement du 9 juin 2016 a prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'époux, ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux et fixé à 150 000 euros le montant de la prestation compensatoire due par M. [I] à Mme [U].

3. Un arrêt du 28 février 2018 a confirmé le jugement, sauf, notamment, en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, et condamné M. [I] à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous la forme d'un capital d'un montant de 250 000 euros.

4. Cette décision a été cassée, mais uniquement en ses dispositions relatives à la prestation compensatoire.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme [U] une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 200 000 euros, alors « que le montant de la prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, doit être fixé en tenant compte du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le patrimoine communautaire était constitué d'un appartement évalué à 120 000 euros, d'un local commercial évalué à 260 000 euros et du « relais Marrakech » évalué, selon l'époux, à 470 000 à 500 000 euros, et selon l'épouse à 3 834 160 euros, soit un montant global compris entre 850 000 euros et 4 214 160 euros ; que dès lors, en se bornant à énoncer, pour fixer la prestation compensatoire due à Mme [U] à la somme de 200 000 euros, qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte de la liquidation du régime matrimonial afin d'apprécier la disparité que la rupture du mariage

allait créer dans les conditions de vie respective des époux, sans rechercher comme elle y était invitée, pour fixer le montant de la prestation compensatoire, si la liquidation de l'important patrimoine commun n'était pas de nature à réduire sensiblement les besoins de Mme [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil. »

Réponse de la Cour

6. Sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale au regard de l'article 271 du code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain d'appréciation de la cour d'appel qui, après avoir retenu à bon droit que, la liquidation du régime matrimonial des époux étant par définition égalitaire, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la part de communauté devant revenir à Mme [U] pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal dans les situations respectives des époux, a pris en considération l'ensemble des éléments qui lui était soumis pour fixer le montant de la prestation compensatoire.

7. Il ne peut donc être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

8. M. [I] fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable en ses demandes tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales et devant la cour d'appel, alors « que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les frais dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que la cassation était totale ou partielle ; que dès lors en déclarant M. [I] irrecevable en sa demande tendant à ce qu'il soit de nouveau statué sur les dépens et les frais irrépétibles de premières instance et d'appel au motif inopérant que la cassation n'aurait été que partielle, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 639 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 639 du code de procédure civile :

9. Il résulte de ce texte que la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée, le fût-elle partiellement.

10. Pour déclarer irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur les dépens devant le juge aux affaires familiales

et la cour d'appel, l'arrêt retient que l'arrêt du 28 février 2018, qui a confirmé le jugement du juge aux affaires familiales, sauf en ses dispositions concernant la prestation compensatoire, la désignation du notaire et l'attribution préférentielle de l'appartement de Belfort, a, par là-même, confirmé les dispositions par lesquelles il a condamné M. [I] aux entiers dépens de première instance et qu'il pas été censuré sur ce point.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. Comme suggéré par le mémoire en défense, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. M. [I] ayant principalement succombé dans ses prétentions, tant devant le juge aux affaires familiales que devant la cour d'appel dont la décision a été partiellement cassée, il y a lieu de lui laisser la charge des dépens afférents à ces instances.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [I] tendant à ce qu'il soit à nouveau statué sur le sort des dépens des procédures devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Belfort et d'appel devant la cour d'appel de Besançon, l'arrêt rendu le 10 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Fulchiron - Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article 639 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 5 mai 1999, pourvoi n° 96-19.712, Bull. 1999, III, n° 106 (cassation partielle).

2e Civ., 8 septembre 2022, n° 20-23.622, (B), FRH

Cassation

Juridiction de renvoi – Cour d'appel – Procédure – Procédure avec représentation obligatoire – Déclaration de saisine – Déclaration complémentaire d'appel en jugement commun – Nature – Intervention forcée – Conséquence – Délai

Il résulte des articles 331 et 1037-1 du code de procédure civile que la demande d'intervention forcée n'est encadrée par aucun délai et qu'un tiers peut être appelé en déclaration de jugement commun plus de deux mois après la déclaration de saisine d'une cour d'appel de renvoi après cassation, dès lors qu'il est mis en cause en temps utile pour faire valoir sa défense et lui permettre, dans le délai de deux mois après la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration, d'y répondre.

Viole ces textes la cour d'appel de renvoi qui déclare tardive la déclaration complémentaire de saisine du 28 août 2020, qui constituait une intervention forcée et n'était pas soumise au délai de deux mois prévu par l'article 1037-1 du code de procédure civile.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 28 octobre 2020), rendu après cassation (2e Civ., 21 novembre 2019, pourvoi n° 18-18.165), [Y] [C], qui circulait le 18 avril 2004 sur son cyclomoteur, a été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel il est décédé. Un chien appartenant à Mme [K] avait fait irruption sur la chaussée et [Y] [C], surpris par le freinage du véhicule qui le précédait, avait perdu le contrôle de son engin et avait été projeté sur un poteau électrique. M. [D] [C] et Mme [B] [J], parents de la victime, M. [N] [C] et Mme [Z] [C], épouse [V], ses frère et soeur, cette dernière agissant en son nom personnel et en qualité d'administratrice légale de sa fille mineure [S], ont assigné Mme [K], la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles de Bretagne - Pays de la Loire, son assureur responsabilité civile (l'assureur), et la caisse primaire d'assurance maladie des Côtes-d'Armor (la caisse) en réparation de leurs préjudices.

2. La caisse a sollicité le remboursement des débours exposés pour M. [D] [C] au titre des frais médicaux du 12 décembre 2005 au 30 mars 2006 et des indemnités journalières du 13 décembre 2005 au 14 avril 2006 ainsi que l'allocation d'une indemnité forfaitaire de gestion.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables sur le fondement de l'article 16 du code de procédure civile ses conclusions à l'égard de M. [C], de dire inopérante la déclaration de saisine dirigée contre M. [C] le 28 août 2020 enrôlée sous le numéro RG 20/02726 et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de son recours au titre des prestations servies à M. [C] pour ses dépenses de santé et perte de gains professionnels, alors « qu'en cas de renvoi devant une cour d'appel, l'article 1037-1 du code de procédure civile prévoit que les conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration ; qu'en cas d'intervention forcée, l'intervenant forcé remet et notifie ses conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification de la demande d'intervention formée à son encontre ; qu'en revanche, la demande d'intervention forcée n'est encadrée par aucun délai, l'article 331 du code de procédure civile précisant seulement qu'un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement, le tiers devant être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense ; qu'il ressort de ces dispositions qu'un tiers peut être appelé en déclaration de jugement commun plus de deux mois après la déclaration de saisine d'une cour d'appel de renvoi après cassation dès lors qu'il est appelé en temps utile pour faire valoir sa défense ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la caisse était recevable à attraire M. [C], assuré social, à la procédure d'appel toujours en cours, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale (arrêt, p. 8 et 9) ; que cependant, pour confirmer le jugement en ce qu'il avait débouté la caisse de son recours au titre des prestations servies à M. [C], la cour d'appel a énoncé qu'à la date limite du 24 août 2020, M. [C] n'était pas partie à la procédure sur renvoi après cassation, les conclusions demandant l'évaluation de son préjudice ne lui ayant jamais été signifiées, de sorte qu'à son égard elles étaient irrecevables ; que la cour d'appel a considéré que la déclaration de saisine complémentaire à l'égard de M. [C], datée du 28 août 2020 était inopérante car tardive au motif que « la date limite du 24 août 2020 » pour notifier les conclusions de la caisse était expirée (arrêt, p. 9) ; qu'en statuant ainsi, tandis que la déclaration complémentaire de saisine de la cour d'appel de renvoi du 28 août 2020, c'est-à-dire la demande en intervention forcée de M. [C], n'était pas soumise au délai de deux mois prévu par l'article 1037-1 du code de procédure civile de sorte qu'elle ne pouvait être considérée comme inopérante car tardive, la cour d'appel a violé les articles 1037-1 et 331 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. Mme [K] et son assureur contestent la recevabilité du moyen comme contraire à la position adoptée par la caisse devant les juges du fond et, à tout le moins, mélangé de fait et de droit.

5. Cependant, la caisse demandait devant la cour d'appel que soit déclarée recevable la déclaration complémentaire de saisine du 28 août 2020 dirigée contre M. [C].

6. Le moyen, qui n'est pas incompatible avec la thèse soutenue par la caisse devant les juges du fond, est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 331 et 1037-1 du code de procédure civile :

7. En application du premier de ces textes, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement et doit être appelé à l'instance, en temps utile, pour faire valoir sa défense.

8. En application du second, en cas de renvoi après cassation devant une cour d'appel, les conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine sont remises au greffe et notifiées dans un délai de deux mois suivant cette déclaration et les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration.

9. Il résulte de ces textes que la demande d'intervention forcée n'est encadrée par aucun délai et qu'un tiers peut être appelé en déclaration de jugement commun plus de deux mois après la déclaration de saisine d'une cour d'appel de renvoi après cassation, dès lors qu'il est mis en cause en temps utile pour faire valoir sa défense et lui permettre, dans le délai de deux mois après la notification des conclusions de l'auteur de la déclaration, d'y répondre.

10. Pour débouter la caisse de ses demandes de remboursement des prestations servies à M. [D] [C] au titre de ses dépenses de santé et perte de gains professionnels, l'arrêt, après avoir décidé que la caisse était recevable, compte tenu du caractère indivisible du litige, à appeler M. [D] [C] dans la procédure d'appel toujours en cours, énonce que l'article 1037-1 du code de procédure civile impartit à la caisse, pour conclure, un délai de deux mois, à compter de la déclaration de saisine du 21 janvier 2020, soit jusqu'au 21 mars 2020, délai prorogé au 24 août 2020 par application des dispositions des ordonnances 2020-306 du 25 mars 2020 et 2020-560 du 13 mai 2020 prises dans le cadre de la loi d'urgence sanitaire liée à la pandémie Covid 19.

11. L'arrêt ajoute qu'en cas de non-respect de ce délai, la caisse est réputée s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elle avait soumis à la cour d'appel de Rennes et que si la caisse a conclu dans le délai, le 2 mars 2020, à l'égard de M. [D] [C], de Mme [K] et de son assureur, pour demander à la cour d'évaluer les dépenses de santé actuelles et la perte de gains professionnels actuels de M. [D] [C] et imputer ses chefs de créance sur les préjudices ainsi liquidés, à cette date, comme à la date limite du 24 août 2020, M. [D] [C] n'était pas partie à la procédure sur renvoi après cassation et les conclusions demandant l'évaluation de son préjudice ne lui ont jamais été signifiées, de sorte qu'à son égard elles sont irrecevables au regard des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

12. L'arrêt précise que la déclaration de saisine complémentaire du 28 août 2020 est inopérante à l'égard de M. [D] [C], comme tardive.

13. En statuant ainsi, alors que la déclaration complémentaire de saisine de la cour d'appel de renvoi du 28 août 2020, qui constituait une demande en intervention forcée de M. [C], n'était pas soumise au délai de deux mois prévu par l'article 1037-1 du code de procédure civile, la cour d'appel, qui ne pouvait la considérer comme tardive, a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

14. La caisse fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'omission, par la caisse de sécurité sociale, d'appeler en déclaration de jugement commun la victime ou ses ayants droit ne peut qu'avoir pour seule conséquence d'ouvrir la possibilité, pour le ministère public, les caisses de sécurité sociale ou le tiers responsable, lorsqu'ils y ont intérêt, de demander la nullité du jugement sur le fond pendant un délai de deux ans ; qu'une telle omission n'a en revanche aucune incidence sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel ; qu'en jugeant cependant, pour débouter la caisse de ses demandes, que « contrairement à ce que soutient la caisse, la sanction de l'absence de M. [C] ne se trouve pas exclusivement dans la possibilité pour Mme [K] et son assureur de demander la nullité de l'arrêt sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ce qui selon cette thèse, reviendrait d'ailleurs à demander à la cour dans le présent litige de rendre en toute connaissance de cause un arrêt annulable sur leur simple demande sous la seule condition de la justification de leur intérêt, l'absence de M. [C] à la procédure place la cour dans l'impossibilité de statuer régulièrement sur l'évaluation de son préjudice, et en conséquence sur le bien-fondé des prétentions de la caisse auxquelles il ne pourrait être fait droit que dans les limites de l'indemnisation de ce préjudice » (arrêt, p. 9 et 10), la cour d'appel a violé l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et les articles 638 et 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 4 du code de procédure civile :

15. En application du premier de ces textes, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement. À défaut du respect de l'une de ces obligations, la nullité du jugement sur le fond peut être demandée pendant deux ans, à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif, soit à la requête du ministère public, soit à la demande des caisses de sécurité sociale intéressées ou du tiers responsable, lorsque ces derniers y auront intérêt.

16. Pour débouter la caisse de ses demandes de remboursement des prestations servies à M. [D] [C] au titre de ses dépenses de santé et perte de gains professionnels, l'arrêt énonce que l'absence de ce dernier à la procédure place la cour dans l'impossibilité de statuer régulièrement sur l'évaluation de son préjudice et, en conséquence, sur le bien-fondé des prétentions de la caisse auxquelles il ne pourrait être fait droit que dans les limites de l'indemnisation de ce préjudice, que la sanction de l'absence de M. [D] [C] ne se trouve pas exclusivement dans la possibilité pour Mme [K] et son assureur de demander la nullité de l'arrêt sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ce qui reviendrait à demander à la cour de rendre en toute connaissance de cause un arrêt annulable sur leur simple demande, sous la seule condition de la justification de leur intérêt.

17. En statuant ainsi, alors que l'omission par la caisse de sécurité sociale d'appeler en déclaration de jugement commun la victime ou ses ayants droit n'avait aucune incidence sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel, qui était tenue de statuer sur les prétentions de la caisse, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Rovinski - Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert ; SCP Didier et Pinet -

Textes visés :

Articles 331 et 1037-1 du code de procédure civile.

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 20-22.558, (B), FS

Rejet

Juridiction de renvoi – Saisine – Déclaration de saisine – Dépôt au greffe de la juridiction – Greffe de la juridiction – Notification aux parties de la déclaration de saisine – Cas – Procédure à jour fixe – Effets – Réitérations des formalités propres à la procédure – Nécessité (non)

Il résulte des articles 631 et 1032 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, qui est saisie par une déclaration au greffe. Selon l'article 1036 du même code, le greffier de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat. En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée.

Par conséquent, lorsque l'arrêt d'appel cassé a été rendu selon la procédure à jour fixe, les formalités relatives à cette procédure n'ont pas à être réitérées, l'instruction étant reprise devant la cour d'appel de renvoi en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2020) et les productions, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la société HSBC France, dénommée désormais HSBC continental Europe (la banque) à l'encontre d'[R] [B], décédé le [Date décès 5] 2019, et de Mme [F] [A], veuve [B], l'arrêt ayant statué sur l'appel d'un jugement rendu au terme d'une audience d'orientation a été cassé avec renvoi par arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 31 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.508).

2. La banque a saisi la cour d'appel de renvoi par déclaration du 1er avril 2019 et déposé une requête à fin d'assignation à jour fixe, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du premier président de cette juridiction.

3. La banque a fait signifier, par acte du 19 avril 2019, la déclaration de saisine, la requête à jour fixe et l'assignation devant la cour d'appel à Mme [F] [B], à la SCP Mady-Gillet-Briand, à la trésorerie de Saint-Georges-lès-Baillargeaux et à [R] [B] avec la mention « l'acte étant délivré à l'adresse du défunt pour ses héritiers et ayants droit », puis a appelé en intervention forcée, par actes du 25 septembre 2019, Mmes [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] en leur qualité d'héritières du de cujus.

Examen des moyens

Sur le deuxième et le troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Mmes [F], [U], [V], [O], [C] et [Y] [B] font grief à l'arrêt de déclarer recevable la déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux, alors « qu'une assignation délivrée au nom de personnes décédées est frappée d'une irrégularité de fond que ne peut couvrir la reprise de l'instance par les héritiers ; qu'en l'espèce la banque HSBC a fait signifier sa déclaration de saisine, la requête à jour fixe et l'assignation devant la cour d'appel de Bordeaux à Madame [B], à la SCP Mady-Gillet-Briand, à la trésorerie de Saint-Georges lès Baillargeaux et à Monsieur [R] [B] alors que celui était décédé ; que la cour d'appel a alors constaté que « la déclaration de saisine du 1er avril 2019 est entachée de nullité pour inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure » ; qu'en décidant néanmoins que la procédure était régularisée par l'assignation postérieure des héritiers de M. [R] [B], la cour d'appel a violé les articles 16 et 121 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles 631 et 1032 du code de procédure civile qu'en cas de renvoi après cassation, l'instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, qui est saisie par une déclaration au greffe.

Selon l'article 1036 du même code, le greffier de la juridiction de renvoi adresse aussitôt, par lettre simple, à chacune des parties à l'instance de cassation, copie de la déclaration avec, s'il y a lieu, l'indication de l'obligation de constituer avocat.

En cas de non-comparution, les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée.

7. Par conséquent, lorsque l'arrêt d'appel cassé a été rendu selon la procédure à jour fixe, les formalités relatives à cette procédure n'ont pas à être réitérées, l'instruction étant reprise devant la cour d'appel de renvoi en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.

8. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve, dès lors que l'assignation alléguée d'irrégularité ne constituait pas un acte de procédure requis, légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Cardini - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Corlay ; SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre -

Textes visés :

Articles 631, 1032 et 1306 du code de procédure civile.

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 20-19.291, (B), FRH

Cassation

Juridiction de renvoi – Saisine – Déclaration de saisine – Mentions obligatoires – Chefs critiqués – Absence – Effets – Etendue de la saisine de la juridiction de renvoi – Indifférence

La portée de la cassation étant, selon les articles 624 et 625 du code de procédure civile, déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, l'obligation prévue à l'article 1033 de ce code, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l'acte d'appel, ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi.

Méconnaît les dispositions de ces textes la cour d'appel qui, pour dire qu'elle n'était pas saisie en l'absence d'effet dévolutif, retient que la déclaration de saisine sur renvoi après cassation ne contient aucune critique des chefs du jugement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 février 2020), statuant sur renvoi après cassation (Com., 7 mai 2019, pourvoi n° 17-31.733), la société Football club Lorient Bretagne Sud (le FC Lorient) a conclu avec la société Macron SPA (la société Macron) un contrat pour lui conférer la qualité d'équipementier officiel et lui concéder une licence exclusive de son logo sur un certain nombre d'articles, pendant trois saisons.

2. Se prévalant du non-respect par le FC Lorient de ses obligations et invoquant une violation de l'exclusivité dont elle était titulaire, la société Macron l'a assigné en paiement de la pénalité convenue et de dommages-intérêts au titre d'un manque à gagner.

3. Par un jugement du 22 avril 2015, un tribunal de grande instance a dit que le FC Lorient a respecté les termes du contrat et débouté la société Macron de ses demandes.

4. Par un arrêt du 7 novembre 2017, une cour d'appel a infirmé partiellement ce jugement.

5. Par un arrêt du 7 mai 2019, la Cour de cassation a cassé et annulé, « mais seulement en ce qu'il condamne la société Football club Lorient Bretagne Sud à payer à la société Macron les sommes de 200 000 euros à titre de clause pénale et de 21 000 euros à titre de dommages-intérêts, statue sur l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sur les dépens, l'arrêt rendu le 7 novembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes » et a renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

6. Par déclaration du 4 juillet 2019, la société Macron a saisi la cour d'appel de renvoi.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société Macron fait grief à l'arrêt de dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif, alors « que la cour d'appel de renvoi est investie par l'arrêt de cassation de la connaissance du litige tel qu'il avait été déféré par l'acte d'appel à la cour d'appel dont l'arrêt a été censuré ; que la déclaration de saisine de la cour de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, est étrangère à la saisine de la cour de renvoi ; qu'en décidant le contraire pour retenir que faute pour la déclaration de saisine de viser les chefs du jugement critiqués, la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif, la cour d'appel de Rennes, statuant en tant que juridiction de renvoi, a violé les articles 624, 625, 638, 901 et 1033 du code de procédure civile ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 624, 625, 901 et 1033 du code de procédure civile :

8. La portée de la cassation étant, selon les deux premiers de ces textes, déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce, l'obligation prévue au dernier de ceux-ci, de faire figurer dans la déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation, qui n'est pas une déclaration d'appel, les chefs de dispositif critiqués de la décision entreprise tels que mentionnés dans l'acte d'appel, ne peut avoir pour effet de limiter l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi.

9. Pour dire que la cour d'appel n'était pas saisie en l'absence d'effet dévolutif, l'arrêt énonce que l'obligation prévue par l'article 901, 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.

10. Il ajoute que la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 4 juillet 2019 ne contient aucune critique des chefs du jugement, aucune déclaration d'appel rectificative n'ayant été régularisée dans le délai imparti pour conclure au fond, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande.

11. En statuant ainsi, alors qu'elle était saisie du litige lui étant dévolu par la déclaration d'appel et le dispositif de l'arrêt de cassation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : Me Brouchot ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Articles 624, 625 et 1033 du code de procédure civile.

1re Civ., 7 septembre 2022, n° 21-16.254, (B), FRH

Cassation

Moyen – Méconnaissance des termes du litige – Chose demandée – Protection des consommateurs – Contrat de prestation de service – Absence de contestation du débiteur

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Agens, 8 avril 2021), rendu en dernier ressort, le 7 novembre 2019, à l'occasion d'un démarchage, M. [W], exerçant comme auto-entrepreneur une activité de nettoyage automobile, a signé un bon de commande établi par la société Memo.Com (la société) et portant sur la parution d'une publicité dans un annuaire.

2. En l'absence de règlement par celui-ci, la société l'a assigné en paiement de la somme principale de 1 264,03 euros.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de constater la nullité du contrat et de rejeter ses demandes, alors « qu'il ressort des commémoratifs du jugement que M. [W] acceptait d'honorer la facture dont le paiement était sollicité par la société Memo.Com pour l'année 2020, moyennant des délais de paiement, auxquels la société Memo.com ne s'opposait pas ; qu'en rejetant toutefois l'ensemble des demandes de la société Memo.Com, le tribunal judiciaire a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

5. Pour rejeter les demandes de la société, après avoir relevé que le bon de commande ne comportait aucune référence à l'article L. 221-5 du code de la consommation et n'était pas accompagné d'un formulaire de rétractation, le tribunal a prononcé d'office la nullité du contrat sur le fondement de l'article L. 242-1 du même code.

6. En statuant ainsi, après avoir relevé que M. [W], qui proposait à l'audience un paiement échelonné de sa dette, ne contestait pas celle-ci dans son principe, le tribunal, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 avril 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'Agen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire d'Agen autrement composé.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 4 du code de procédure civile.

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