Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

ASSURANCE DOMMAGES

3e Civ., 7 septembre 2022, n° 21-21.382, (B), FS

Rejet

Assurance dommages-ouvrage – Garantie – Etendue – Construction immobilière – Dommage antérieur à la réception – Mise en demeure de l'entrepreneur – Auteur – Détermination

La mise en demeure s'entendant de l'acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu'il exécute ses obligations, une cour d'appel retient, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, doit être adressée à l'entrepreneur avant la résiliation de son contrat, doit émaner du maître de l'ouvrage ou de son mandataire.

Travaux de bâtiment – Assurance obligatoire – Article L. 242-1 du code des assurances – Garantie – Garantie avant réception – Liquidation judiciaire de l'entrepreneur – Résiliation du contrat de louage d'ouvrage préalable – Mise en demeure de l'entrepreneur – Nécessité – Portée

Une cour d'appel, qui retient que le maître de l'ouvrage a, plusieurs mois avant la mise en liquidation judiciaire de l'entrepreneur, notifié à cet entrepreneur, sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat de louage d'ouvrage, en déduit exactement que les conditions d'application de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage avant réception ne sont pas réunies.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 18 juin 2021), la SCCV a confié à la société Merat Workshop, assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de la construction de logements.

3. Les lots gros oeuvre et chauffage-plomberie ont été confiés à la société Bati Ten.

4. Un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été souscrit auprès de la société AXA France IARD (la société AXA).

5. Le maître de l'ouvrage a notifié à la société Bati Ten la résiliation du marché pour manquement à ses obligations contractuelles et cette société a ensuite été mise en liquidation judiciaire.

6. Se plaignant de désordres et de trop-versés, la SCCV a assigné les sociétés Merat Workshop, MAF et AXA en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La SCCV fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande dirigée contre la société AXA au titre des travaux de reprise des désordres affectant la solidité de l'ouvrage, alors « que le contrat de maîtrise d'oeuvre conclu entre la SCCV et la société Merat Workshop stipule que le maître d'ouvrage « s'interdit de donner directement quelque ordre que ce soit aux entreprises », et que le maître d'oeuvre a notamment pour mission « l'établissement et l'envoi des courriers de toutes natures nécessités par [sa] mission afin d'assurer une qualité parfaite et le respect de son planning » et « le contrôle de l'avancement des travaux et des situations d'entreprise » ; qu'en affirmant néanmoins qu'aucun mandat n'avait été donné par la SCCV à la société Merat Workshop pour mettre en demeure les entreprises défaillantes de remédier aux manquements constatés, la cour d'appel a dénaturé le contrat susvisé, en violation de l'article 1134 devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a retenu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, du contrat de maîtrise d'oeuvre, que son ambigüité rendait nécessaire, que si ce contrat autorisait le maître d'oeuvre à adresser tous courriers utiles aux entreprises pour l'exécution de sa mission de direction des travaux, il ne contenait aucun mandat exprès à l'effet d'adresser aux entreprises défaillantes une mise en demeure avant résiliation du contrat.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

11. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que si l'article L. 242-1 du code des assurances dispose que la garantie dommage-ouvrages prend effet lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, il n'exige pas pour autant que l'entrepreneur ait été mis en demeure par le maître d'ouvrage personnellement, la mise en demeure notifiée par le maître d'oeuvre chargé de suivre les travaux produisant les mêmes effets ; qu'en décidant que la garantie ne pouvait être due au seul motif qu'il n'était pas justifié d'une mise en demeure émanant du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé. »

Réponse de la Cour

12. La mise en demeure s'entendant de l'acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu'il exécute ses obligations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que la mise en demeure qui, en application de l'article L. 242-1 du code des assurances, devait être adressée à l'entrepreneur avant la résiliation de son contrat, devait émaner du maître de l'ouvrage ou de son mandataire.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

14. La SCCV fait le même grief à l'arrêt, alors « que la formalité de la mise en demeure n'est pas requise lorsqu'elle est inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage ; qu'en jugeant que la société AXA, assureur dommages-ouvrage, ne devait pas sa garantie à défaut de mise en demeure adressée par la SCCV à la société Bati Ten avant la résiliation des marchés de travaux signifiée par courrier du 26 janvier 2010, après avoir relevé que l'entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire par jugement du 25 mai 2010, ce dont il résultait que le contrat avait été régulièrement résilié à cette date et que la mise en demeure n'était pas requise, la cour d'appel a violé l'article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

15. En application de l'article L. 242-1 du code des assurances, la garantie de l'assureur dommages-ouvrages n'est due, pour les dommages apparus avant la réception de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs sur le fondement de l'article 1792 du code civil, que si, après une mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations.

16. Le maître de l'ouvrage ne peut se dispenser de cette formalité que quand elle s'avère impossible ou inutile, notamment en cas de cessation de l'activité de l'entreprise ou de liquidation judiciaire emportant résiliation du contrat de louage d'ouvrage.

17. La cour d'appel, qui a retenu que la SCCV avait, plusieurs mois avant la mise en liquidation judiciaire de l'entrepreneur, notifié à la société Bati Ten, sans mise en demeure préalable, la résiliation du contrat de louage d'ouvrage, en a exactement déduit que les conditions d'application de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage avant réception n'étaient pas réunies.

18. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : Mme Teiller - Rapporteur : M. Zedda - Avocat général : Mme Vassallo (premier avocat général) - Avocat(s) : SCP Gaschignard ; SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article L. 242-1 du code des assurances.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 23 mai 2000, pourvoi n° 97-22.547, Bull. 2000, I, n° 150 (cassation partielle). 1re Civ., 3 mars 1998, pourvoi n° 95-10.293, Bull. 1998, I, n° 83 (cassation partielle).

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.