Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

ARBITRAGE

1re Civ., 28 septembre 2022, n° 20-20.260, (B), FS

Rejet

Arbitrage international – Clause compromissoire – Insertion dans un contrat – Existence et efficacité – Appréciation – Volonté commune des parties – Référence à une loi étatique – Nécessité (non) – Possibilité – Conditions

En vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique, à moins que les parties aient expressément soumis la validité et les effets de la convention d'arbitrage elle-même à une telle loi.

Justifie légalement sa décision d'apprécier l'existence et l'efficacité d'une convention d'arbitrage au regard des règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage international une cour d'appel qui retient souverainement, d'une part, que le choix du droit anglais comme loi régissant les contrats, ainsi que la stipulation selon laquelle il était interdit aux arbitres d'appliquer des règles qui contrediraient les contrats, ne suffisaient pas à établir la commune volonté des parties de soumettre l'efficacité de la convention d'arbitrage au droit anglais, par dérogation aux règles matérielles du siège de l'arbitrage expressément désigné par les contrats, d'autre part, que n'était pas rapportée la preuve de circonstances de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire.

Arbitrage international – Clause compromissoire – Insertion dans un contrat – Existence et efficacité – Appréciation – Volonté commune des parties – Référence à une loi étatique – Volonté non équivoque – Applications diverses

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2020), le 16 juillet 2001, la société libanaise Kabab-Ji a conclu avec la société koweïtienne Al-Homaizi Foodstuff Co WWL (AHFC) un contrat de franchise d'une durée de dix années pour l'exploitation de la marque de restauration « Kabab-Ji » au Koweït.

Le contrat de franchise, ainsi que les accords conclus pour chaque point de vente, prévoyaient l'application du droit anglais. Ils stipulaient une clause d'arbitrage à [Localité 3] selon le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI).

2. En 2004, la société AHFC a informé la société Kabab-Ji de la restructuration du groupe par la création d'une société holding koweïtienne, Gulf and World Restaurants & Food, devenue Kout Food Group (KFG).

3. Le 16 juillet 2011, faute de nouvel accord, les contrats sont arrivés à expiration.

4. Le 27 mars 2015, la société Kabab-Ji a introduit devant la CCI une procédure d'arbitrage à l'encontre de la société KFG.

Par une sentence rendue à Paris le 11 septembre 2017, le tribunal arbitral a étendu les contrats à la société KFG et condamné celle-ci à verser à la société Kabab-Ji les redevances de licence impayées entre 2008 et 2011, outre une indemnité au titre de la perte de chance.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société KFG fait grief à l'arrêt de rejeter son recours en annulation de la sentence, alors :

« 1°/ que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi expressément choisie par les parties pour la régir ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motifs pris notamment qu' « aucune stipulation expresse n'a été convenue entre les parties qui désignerait la loi anglaise, comme régissant la clause compromissoire » et que « KFG ne rapporte pas la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, et dont le régime est indépendant de celui des accords », après avoir pourtant constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions », et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26), les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, après avoir constaté que selon l'article 1 du Contrat de développement de franchise (CDF), signé entre Kabab-Ji et AHFC le 16 juillet 2001, intitulé « contenu du contrat », « le présent contrat comprend les paragraphes qui précèdent, les termes énoncés ci-après, les documents qui y sont mentionnés ainsi que toute(s) pièce(s), annexe(s) ou modification(s) à celui-ci ou à ses accessoires qui doit être signé ultérieurement par les parties. Il doit être interprété dans son ensemble et chacun des documents mentionnés doit être considéré comme faisant partie intégrante du présent Contrat et interprété comme un complément aux autres », que selon l'article 15 du même contrat, et de l'article 27 des CPVFs, il était prévu que le « présent Contrat sera régi par le droit anglais et interprété conformément à ces dispositions » et que selon les clauses compromissoires figurant au CDF et aux CPVFs (articles 14 et 26) les arbitres devaient appliquer « les stipulations contenues dans le Contrat » et les « principes de droit généralement reconnus dans le cadre des transactions internationales » et ne pouvaient appliquer « toute règle qui contredit la formulation stricte du Contrat », ce dont il résultait que les parties ont expressément soumis au droit anglais les conventions d'arbitrage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis des articles 1, 14 et 15 du CDF et 26 et 27 des CPVFs, en méconnaissance de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°/ en toute hypothèse, que l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage s'apprécient au regard de la loi choisie par les parties pour la régir ; qu'à défaut de stipulations manifestant une intention contraire des parties, le choix de la loi applicable au contrat est présumé valoir pour l'ensemble de ses stipulations, en ce compris la clause compromissoire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir constaté que le CDF et les CPVFs étaient expressément soumis au droit anglais et devaient être interprétés conformément à ces dispositions, sans caractériser une intention contraire des parties de soumettre l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage à une autre loi que celle applicable au contrat, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520.1° du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. En vertu d'une règle matérielle du droit de l'arbitrage international, la clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence et son existence et son efficacité s'apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l'ordre public international, d'après la commune volonté des parties, sans qu'il soit nécessaire de se référer à une loi étatique, à moins que les parties aient expressément soumis la validité et les effets de la convention d'arbitrage elle-même à une telle loi.

8. Ayant souverainement retenu que le choix du droit anglais comme loi régissant les contrats, ainsi que la stipulation selon laquelle il était interdit aux arbitres d'appliquer des règles qui contrediraient les contrats, ne suffisaient pas à établir la commune volonté des parties de soumettre l'efficacité de la convention d'arbitrage au droit anglais, par dérogation aux règles matérielles du siège de l'arbitrage expressément désigné par les contrats, et que la société KFG ne rapportait la preuve d'aucune circonstance de nature à établir de manière non équivoque la volonté commune des parties de désigner le droit anglais comme régissant l'efficacité, le transfert ou l'extension de la clause compromissoire, la cour d'appel a, sans dénaturation, légalement justifié sa décision d'apprécier l'existence et l'efficacité de la convention d'arbitrage, non pas au regard du droit anglais, mais au regard des règles matérielles du droit français en matière d'arbitrage international.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Article 1520, 1°, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 30 mars 2004, pourvoi n° 01-14.311, Bull. 2004, I, n° 95 (rejet).

1re Civ., 7 septembre 2022, n° 20-22.118, (B), FS

Rejet

Arbitrage international – Sentence – Recours en annulation – Cas – Contrariété à l'ordre public international – Existence – Recherche – Obstacle – Exclusion – Attitude des parties devant l'arbitre

Le respect de l'ordre public international de fond ne peut être conditionné par l'attitude d'une partie devant l'arbitre.

Arbitrage international – Sentence – Recours en annulation – Cas – Contrariété à l'ordre public international – Existence – Recherche – Pouvoirs des juges

Si la mission d'une cour d'appel, saisie en vertu de l'article 1520 du code de procédure civile, est limitée à l'examen des vices que celui-ci énumère, aucune limitation n'est apportée à son pouvoir de rechercher en droit et en fait tous les éléments concernant les vices en question. Il s'ensuit que, saisie d'un moyen tiré de ce que la reconnaissance ou l'exécution d'une sentence heurterait l'ordre public international en ce que la transaction qu'elle homologuait avait été obtenue par corruption, une cour d'appel vérifie à bon droit la réalité de cette allégation en examinant l'ensemble des pièces produites à son soutien, peu important que celles-ci n'aient pas été précédemment soumises aux arbitres.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2020, n° RG 18/02568), le 20 janvier 2003, le Gouvernement libyen et la Société orléanaise d'électricité et de chauffage électrique (SORELEC) ont conclu un accord pour fixer le montant de la créance de celle-ci et mettre fin à leur différend concernant l'exécution d'un contrat de construction.

2. Pour obtenir paiement de sa créance, la société SORELEC a engagé une procédure d'arbitrage, sous l'égide de la Chambre de commerce international (la CCI), sur le fondement du traité bilatéral de protection des investissements entre la France et la Libye.

En cours d'instance, elle a sollicité l'homologation d'un protocole transactionnel. Une sentence partielle, rendue à [Localité 2], a accueilli cette demande, condamné la Libye à payer une certaine somme dans un certain délai et prévu qu'en cas de défaillance cet Etat serait tenu de payer un montant supérieur.

3. La sentence partielle n'ayant pas été exécutée dans le délai imparti, le tribunal arbitral a rendu une sentence finale condamnant la Libye au paiement de la somme majorée et répartissant les frais d'arbitrage.

4. La Libye a formé un recours en annulation de la sentence partielle.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société SORELEC fait grief à l'arrêt d'annuler la sentence partielle rendue à [Localité 2] le 20 décembre 2017 et de la condamner à verser une indemnité de 150.000 euros à l'Etat de Libye en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que les parties doivent agir avec loyauté dans la conduite de la procédure arbitrale ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que « le respect de la conception française de l'ordre public international implique que le juge étatique chargé du contrôle puisse apprécier le moyen tiré de la contrariété à l'ordre public international alors même qu'il n'a pas été invoqué devant les arbitres et que ceux-ci ne l'ont pas mis dans le débat » et que la circonstance « que le grief tenant à une activité de corruption est nouveau, alors qu'il aurait été possible à l'Etat de Libye d'en saisir le tribunal arbitral, ne prive pas le juge de l'annulation d'examiner si la sentence partielle qui homologue le protocole n'a pas eu pour effet de couvrir une telle activité, sans laquelle il n'aurait pas été conclu », sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si en s'absentant de se prévaloir d'allégations de corruption qu'ils pouvaient invoquer, d'abord entre la date de communication du protocole transactionnel au tribunal arbitral, le 22 août 2016, et la date de la sentence partielle du 20 décembre 2017, et ensuite après le dépôt de son recours en annulation contre la sentence partielle et avant que les arbitres ne statuent par sentence finale le 10 avril 2018, l'État de Libye n'avait pas ainsi agi avec déloyauté au cours de la procédure arbitrale, se privant dès lors de la possibilité de fonder son recours en annulation sur de telles allégations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1464, alinéa 3, 1506.3° et 1520.5° du code de procédure civile »

Réponse de la Cour

7. Le respect de l'ordre public international de fond ne peut être conditionné par l'attitude d'une partie devant l'arbitre.

8. La cour d'appel, devant laquelle il était allégué que l'exécution de la sentence avait pour effet de permettre à la société SORELEC de retirer les bénéfices d'un protocole transactionnel obtenu par corruption, n'était pas tenue de procéder à la recherche inopérante selon laquelle l'Etat libyen aurait fait preuve de déloyauté en n'invoquant pas ce grief devant les arbitres, de sorte qu'elle a légalement justifié sa décision de ce chef.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

9. La société SORELEC fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que le juge de l'annulation est le juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français, et non le juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motifs pris que M. [S] reconnaissait, à la date du 7 septembre 2015, que « même si le département du contentieux relevait de son ministère, et même si une transaction était approuvée par une décision prise en conseil des ministres ou autorisée par le premier ministre, il était nécessaire d'obtenir préalablement l'autorisation du département du contentieux pour qu'un représentant de l'Etat de Libye, quel qu'il soit, puisse régulièrement approuver une transaction », que « l'article 6 de la loi de 1971 qui institue le département du contentieux, prévoit que celui-ci donne à la partie administrative son avis motivé et que cette dernière ne peut contrevenir à cet avis qu'en vertu d'une décision du ministre compétent », qu'il « résulte que ce texte s'il permet au ministre compétent le cas échéant, somme le soutient SORELEC, de ne pas suivre l'avis du département du contentieux, ne l'autorise pas en revanche à ne pas solliciter son avis préalable », que « M. [S] n'a pas sollicité cet avis avant de signer le protocole » et que « l'attitude de M. [S] qui a signé le Protocole fin mars 2016, sans avoir sollicité l'avis du département du contentieux qu'il savait obligatoire et qu'il n'a communiqué que le 12 avril 2016, ce qu'il a appelé un « projet de protocole transactionnel préparé en vue de régler le différend opposant la société française SORELEC à l'Etat libyen », en dissimulant qu'il avait déjà signé le Protocole constituait un indice grave et précis d'une collusion entre SORELEC et le ministre de la justice qui a signé cet accord dans l'exercice de ses fonctions officielles, susceptible d'en tirer un avantage personnel » après avoir pourtant constaté que dans sa sentence partielle du 20 décembre 2017, le tribunal arbitral a notamment retenu, en application du principe de l'estoppel et de la théorie de l'apparence, que la société SORELEC pouvait légitiment croire en l'apparente légitimité du ministre de la justice du gouvernement provisoire émanant du Parlement et que devant le tribunal arbitral, l'avocat représentant l'Etat de Libye et la procédure arbitrale a soutenu que le protocole n'était pas homologué en droit interne libyen par le Département des litiges, ce dont il résultait que le tribunal arbitral avait statué sur la question de l'avis préalable du Département du contentieux, la cour d'appel, qui a ainsi procédé à une nouvelle instruction au fond de l'affaire déjà soumise au tribunal arbitral, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile ;

2°/ que le juge de l'annulation est le juge de la sentence pour admettre ou refuser son insertion dans l'ordre juridique français, et non le juge de l'affaire pour laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, de sorte qu'il ne peut procéder à une nouvelle instruction au fond de l'affaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait en se fondant sur une lettre de M. [S] du 7 septembre 2015, adressée au ministre de la justice, sur un courrier du ministre de la justice du 12 avril 2016 transmettant au président du département des contentieux le projet de protocole transactionnel, et sur une sentence arbitrale [D] rendue le 24 mai 2019, pièces qui n'ont pas été produites devant le tribunal arbitral, la cour d'appel, qui a ainsi révisé la sentence arbitrale, a violé l'article 1520.5° du code de procédure civile »

Réponse de la Cour

10. L'article 1520 du code de procédure civile dispose :

« Le recours en annulation n'est ouvert que si :

1° Le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou

2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou

3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou

4° Le principe de la contradiction n'a pas été respecté ; ou

5° La reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international. »

11. Si la mission de la cour d'appel, saisie en vertu de ce texte, est limitée à l'examen des vices que celui-ci énumère, aucune limitation n'est apportée à son pouvoir de rechercher en droit et en fait tous les éléments concernant les vices en question.

12. Saisie d'un moyen tiré de ce que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence heurterait l'ordre public international en ce que la transaction qu'elle homologuait avait été obtenue par corruption, la cour d'appel a vérifié à bon droit la réalité de cette allégation en examinant l'ensemble des pièces produites à son soutien, peu important que celles-ci n'aient pas été précédemment soumises aux arbitres.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Ortscheidt ; SARL Cabinet Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Articles 1464, alinéa 3, 1506, 3°, et 1520, 5°, du code de procédure civile ; article 1520 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 6 janvier 1987, pourvoi n° 84-17.274, Bull. 1987, I, n° 2 (rejet).

1re Civ., 28 septembre 2022, n° 21-21.738, (B), FS

Rejet

Convention d'arbitrage – Inapplicabilité manifeste – Caractérisation – Défaut – Cas – Impécuniosité

Dès lors que les demandeurs à une instance, parties à des contrats de franchise et d'approvisionnement contenant des clauses compromissoires, ne soutenaient pas qu'une tentative préalable d'engagement d'une procédure arbitrale avait échoué faute de remède apporté à leurs difficultés financières, ne méconnaît pas le droit d'accès au juge une cour d'appel qui se déclare incompétente pour connaître du litige en retenant, à bon droit, que l'impécuniosité n'est pas, en soi, de nature à caractériser l'inapplicabilité manifeste de ces clauses au sens de l'article 1448 du code de procédure civile.

Clause compromissoire – Mise en oeuvre – Défaut – Cas – Impécuniosité – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2021), la société CPP Le Mans Distribution (CPP), constituée entre M. [B], gérant, et la société Selima, filiale du groupe Carrefour, a conclu un contrat de franchise avec la société Prodim, devenue la société Carrefour Proximité France (CPF), et un contrat d'approvisionnement avec la société CSF France (CSF).

2. Ces deux contrats, ainsi que le pacte d'associés, la convention de « pack informatique », la convention « SVP social » et le contrat de fidélisation, contenaient une clause compromissoire.

3. Soutenant être victimes de pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence de la part des sociétés CPF, CSF et Selima, la société CPP et son gérant les ont assignées devant un tribunal de commerce.

4. Les sociétés CPF, CSF et Selima ont soulevé l'incompétence des juridictions étatiques en invoquant les clauses compromissoires des contrats de franchises et d'approvisionnement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. La société CPP et M. [B] font grief à l'arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Rennes incompétent, de les renvoyer à mieux se pourvoir en application des clauses compromissoires stipulées aux contrats de franchise et d'approvisionnement et de rejeter leurs demandes, alors :

« 1°/ que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en application de cet article, l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'espèce, la cour d'appel retenait l'impécuniosité de la société CPP et de M. [B] en jugeant que « engager plus de 100 000 euros de frais d'arbitrage est impossible et conduirait la société CPP à une situation de cessation des paiements » ; qu'en jugeant pourtant que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec à l'application du principe compétence-compétence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, ce faisant, violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du droit à l'accès au juge ;

2°/ que l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à tout justiciable un accès effectif au juge, sans condition de ressources ; qu'en refusant de tenir compte de l'état d'impécuniosité du franchisé aux motifs que l'impécuniosité d'une partie n'est pas de nature à faire échec au principe compétence-compétence en jugeant « qu'il revient aux acteurs de l'arbitrage d'écarter tout risque de déni de justice face à un plaideur aux moyens financiers limités », la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques et a violé l'article 1448 du code de procédure civile, l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, le principe du droit à l'accès au juge, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°/ que l'état d'impécuniosité avéré d'une partie à un contrat contenant une clause compromissoire suffit à caractériser l'inapplicabilité manifeste de cette clause ; qu'en l'état de conventions connexes et indivisibles, qui contiennent chacune une clause compromissoire propre, prive du droit d'accès au juge le schéma contractuel, qui, dans les faits, empêche les parties de saisir l'arbitre de l'ensemble des contrats imbriqués en interdisant à ce dernier de se prononcer sur un contrat ne contenant pas la clause compromissoire fondant leur saisine ; qu'en l'espèce, les franchisés, sans être utilement contestés faisaient « valoir à cet égard que la relation contractuelle s'inscrit dans un ensemble indivisible et commun constitué d'abord par des statuts à objet social exclusif imposés aux franchisés, puis par des contrats de franchise et d'approvisionnement ainsi que par les contrats dit « accessoires » qui en découlent, le groupe Carrefour empêchant les juridictions saisies d'appréhender les litiges dans leur intégralité » ; que l'arrêt ne contredit pas utilement que sept contrats lient les parties en l'espèce et que tous contiennent une clause d'arbitrage à l'exception des statuts en jugeant que « ils ajoutent que les statuts à objet social exclusif et les contrats de franchise et d'approvisionnement CPF et CSF sont des contrats d'adhésion imposés uniformément à tous les franchisés sans possibilité de négociation. » ; qu'en l'espèce le système mis en place par le groupe Carrefour, contenait autant de clauses compromissoires que de contrats tous imbriqués (franchise, contrat d'approvisionnement etc.), de sorte que ces contrats ne pouvaient être examinés ensemble, abstraction faite de l'indivisibilité qui les caractérisait, ce qui conduit le franchisé à engager autant de procédures d'arbitrage qu'il existe de contrats contenant une clause compromissoire ; que ce schéma contractuel est pensé pour priver le franchisé de l'accès à un juge en raison des coûts importants qu'il engendre ; qu'en jugeant que, nonobstant ces éléments, le coût généré par de telles procédures hors frais d'avocats et au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'était pas de nature à conférer un caractère manifestement inapplicable à une clause qui devait pourtant être considérée comme abusive et conduisant à un déni de justice, la cour d'appel a violé l'article 1448 du code civil ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le principe du droit à l'accès au juge. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 1448 du code de procédure civile, lorsqu'un litige relevant d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction de l'Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi et si la convention d'arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.

7. Dès lors qu'il n'était pas soutenu qu'une tentative préalable d'engagement d'une procédure arbitrale avait échoué, faute de remède apporté aux difficultés financières alléguées par M. [B] et la société CPP, la cour d'appel a retenu à bon droit, sans méconnaître le droit d'accès au juge, que l'invocation par les demandeurs de leur impécuniosité n'était pas, en soi, de nature à caractériser l'inapplicabilité manifeste des clauses compromissoires.

8. Le moyen, qui critique un motif surabondant invoqué par la deuxième branche, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : Me Soltner ; SARL Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 1448 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 13 juillet 2016, pourvoi n° 15-19.389, Bull. 2016, I, n° 159 (rejet).

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