Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

APPEL CIVIL

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-14.681, FRH

Annulation partielle sans renvoi

Appelant – Conclusions – Dispositif – Appelant n'ayant conclu ni à l'infirmation ni à l'annulation du jugement – Office du juge – Conseiller de la mise en état – compétence

Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d'une partie, la caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l'appelant.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 28 janvier 2021), le 18 juillet 2019, M. [Z] a relevé appel d'un jugement du 24 juin 2019 d'un conseil de prud'hommes rendu dans un litige l'opposant à la société EG active Lyon.

2. Cette dernière a déféré à la cour d'appel l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant rejeté ses demandes tendant à déclarer les conclusions de M. [Z] irrecevables, faute de déterminer l'objet du litige, et par voie de conséquence, à déclarer caduque la déclaration d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. M. [Z] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel, d'infirmer l'ordonnance pour le surplus et, statuant à nouveau, de déclarer caduque la déclaration d'appel, alors « qu'aucune disposition ne donne compétence au conseiller de la mise en état pour apprécier, en considération de leur contenu, si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile ; que, pour confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle avait dit le conseiller de la mise en état compétent pour statuer sur la demande de caducité de l'appel, et statuer elle-même, sur déféré, sur une demande tendant à voir prononcer la caducité de l'appel au motif que les conclusions de l'appelant ne déterminaient pas l'objet du litige, la cour d'appel a retenu que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité des conclusions à fin de prononcer la caducité de l'appel ; qu'en statuant de la sorte par un motif inopérant, dès lors que, serait-il établi qu'elles ne déterminent pas l'objet du litige, des conclusions ne sont pas irrecevables pour ce seul motif, et quand la cour d'appel, statuant au fond, est seule compétente pour déterminer l'étendue de sa saisine et apprécier si les conclusions des parties déterminent l'objet du litige au regard de l'article 954 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte et les articles 911-1 et 914 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte des articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état ou, le cas échéant, la cour d'appel statuant sur déféré, est compétent pour prononcer, à la demande d'une partie, la caducité de la déclaration d'appel fondée sur l'absence de mention de l'infirmation ou de l'annulation du jugement dans le dispositif des conclusions de l'appelant.

5. Le moyen, qui postule le contraire, ne peut être accueilli.

Mais sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

6. M. [Z] fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en toute hypothèse, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il en résulte que, dès lors que l'appelant formule des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, l'objet du litige soumis à la cour d'appel est déterminé ; que lorsque l'appelant, bien que formulant des prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions, n'y demande ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut, dans les instances introduites par une déclaration d'appel postérieure au 17 septembre 2020, que confirmer le jugement ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. [Z] formulait plusieurs prétentions au fond dans le dispositif de ses conclusions prises dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile ; qu'en retenant, néanmoins, que ces conclusions ne déterminaient pas l'objet du litige, au motif inopérant que leur dispositif ne contenait pas de demande d'annulation ou d'infirmation du jugement, et en en déduisant que l'appel aurait été caduc, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, si les conclusions de l'appelant dont le dispositif ne comporte pas de demande expresse d'infirmation ou d'annulation de la décision déférée ne déterminent pas l'objet du litige, de sorte qu'en l'absence d'autres conclusions déterminant l'objet du litige remises au greffe dans le délai prévu par l'article 908 du code de procédure civile, l'appel est caduc, l'application immédiate de cette règle de procédure, résultant d'une interprétation nouvelle des dispositions des articles 4, 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date d'un arrêt publié de la Cour de cassation, affirmant cette règle, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en faisant application de cette règle en l'espèce, la cour d'appel a donné aux dispositions précitées une portée qui n'était pas prévisible pour M. [Z] à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, cette application aboutissant donc à le priver d'un procès équitable, au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. L'objet du litige devant la cour d'appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l'obligation faite à l'appelant de conclure conformément à l'article 908 s'apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l'article 954.

8. Il résulte de ce dernier texte, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l'appelant remises dans le délai de l'article 908 doit comporter une prétention sollicitant expressément l'infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel.

9. A défaut, en application de l'article 908, la déclaration d'appel est caduque ou, conformément à l'article 954, alinéa 3, la cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement.

10. Ainsi, l'appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement.

En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies (2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-15-766, publié).

11. Cette obligation de mentionner expressément la demande d'infirmation ou d'annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626, publié), fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle. Son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

12. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel, l'arrêt retient que les seules conclusions d'appelant prises dans le délai prévu par l'article 908, qui ne portent aucune critique des dispositions du jugement dont appel, comportent un dispositif qui ne conclut ni à l'annulation, ni à l'infirmation du jugement, et en déduit que les conclusions d'appelant remises au greffe par M. [Z] dans le délai prévu par les dispositions de l'article 907 ne déterminent pas l'objet du litige porté devant la cour d'appel et qu'il convient par conséquent, par application combinée des articles 908, 910-1 et 954 du code de procédure civile, de constater la caducité de la déclaration d'appel formée le 18 juillet 2019.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 42, 908 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 18 juillet 2019, l'application de cette règle de procédure, qui instaure une charge procédurale nouvelle dans l'instance en cours, aboutissant à priver M. [Z] d'un procès équitable au sens de l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Portée et conséquences de l'annulation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. Il résulte de ce qui est dit au paragraphe n° 13 qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, sauf en ce qu'il confirme l'ordonnance déférée ayant dit que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la demande tendant à la caducité de l'appel interjeté, l'arrêt rendu le 28 janvier 2021 par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant débouté la société EG active Lyon de son incident d'irrecevabilité des conclusions et de caducité de la déclaration d'appel et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que l'affaire se poursuivra devant la cour d'appel de Grenoble.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles 908, 914 et 954 du code de procédure civile.

1re Civ., 7 septembre 2022, n° 21-16.646, (B), FRH

Cassation

Demande nouvelle – Définition – Demande tendant aux mêmes fins que la demande initiale (non) – Applications diverses

La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 11 février 2021), par acte sous seing privé du 9 juin 2009, la société Caisse d'épargne de Bourgogne-Franche-Comté (la banque) a consenti à la SCI Mermoz (la SCI) un prêt immobilier remboursable en deux-cent-quarante mensualités et au taux effectif global (TEG) de 4,70 % l'an.

2. Soutenant que ce taux était irrégulier en raison de l'absence de prise en compte des cotisations d'une assurance décès-invalidité à laquelle la banque avait subordonné l'octroi du prêt, la SCI a assigné celle-ci en nullité de la stipulation d'intérêts et en substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel.

En appel, elle a demandé la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer la SCI recevable, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, sauf si ces nouvelles prétentions tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, ou qu'elles en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ; qu'en déclarant la SCI recevable, quand il résulte des énonciations de l'arrêt qu'elle demandait au tribunal de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels et à la cour d'appel de dire et juger que la sanction d'un taux effectif global erroné est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, prétention nouvelle, étrangère à toute compensation, qui n'est pas née de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou la révélation d'un fait, ne tendait pas aux mêmes fins que la demande initiale et n'en était ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément, la cour d'appel a violé les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

5. La demande en annulation d'une stipulation d'intérêts avec substitution du taux légal tend aux mêmes fins que celle en déchéance du droit aux intérêts dès lors qu'elles visent à priver le prêteur de son droit à des intérêts conventionnels.

6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'il appartient à la banque, qui subordonne l'octroi d'un crédit immobilier à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entre impérativement ; qu'en reprochant à l'emprunteur de ne pas rapporter la preuve qu'à la date de l'édition de l'offre de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité-décès et en se retranchant derrière la circonstance que l'attestation d'assurance et le courrier de l'assureur adressés postérieurement à l'édition de ladite offre ne donnaient aucune précision quant au coût de l'assurance invalidité-décès, quand il incombait à l'établissement prêteur de s'enquérir de ce coût avant de déterminer le taux effectif global, la cour d'appel a violé les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

8. Il résulte de ce texte que, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels, mais que le taux effectif global d'un prêt immobilier ne comprend pas les frais liés aux garanties qui assortissent le prêt, lorsque leur montant ne peut être connu avant la conclusion du contrat.

9. Pour dire que le coût de l'assurance décès-invalidité n'avait pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient que la SCI ne rapporte pas la preuve qu'à la date de l'acte de prêt, la banque avait connaissance du montant de la cotisation d'assurance invalidité décès, que celle-ci produit une attestation d'assurance de prêt établie le 12 juin 2009 par l'assureur et une lettre adressée le 16 juin 2009 à la banque par l'assureur, lesquelles ne donnent aucune précision sur le montant des primes d'assurance et que le coût de cette assurance ne pouvait être indiqué avec précision antérieurement à la signature du prêt.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la banque s'était s'informée auprès du souscripteur du coût de l'assurance avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : Mme Robin-Raschel - Avocat(s) : Me Haas ; SCP Thouin-Palat et Boucard -

Textes visés :

Articles 564 et 565 du code de procédure civile.

Soc., 28 septembre 2022, n° 21-19.092, (B), FRH

Rejet

Effet suspensif – Portée – Décision tendant à l'exécution de la décision entreprise – Impossibilité

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 5 mai 2021), M. [J] a été engagé à compter du 2 décembre 2013 en qualité d'exploitant par la société Modulaire Système Service (MSS), qui appartenait à un groupe de huit sociétés dont la société Elteo, société holding.

2. Par jugement du 3 janvier 2017, dont les sociétés MSS et Elteo ont relevé appel le 9 janvier 2017, un tribunal d'instance a déclaré que ces huit sociétés formaient une unité économique et sociale (UES) au sein de laquelle devaient être organisées les élections du personnel.

3. Par jugement du 4 septembre 2017, un tribunal de commerce a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société MSS et désigné M. [R] [P] en qualité de liquidateur.

4. Convoqué le 6 septembre 2017 à un entretien préalable au licenciement, fixé au 14 septembre 2017, le salarié s'est vu notifier, le 18 septembre 2017 le motif économique de la rupture du contrat de travail et a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

5. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par un motif économique et de le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, alors :

« 1°/ que lorsque les projets de licenciement ont été décidés au niveau d'une UES, c'est à ce niveau qu'il convient se placer pour vérifier si les conditions d'effectif et de nombre de licenciements imposant la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi sont remplies ; qu'en l'espèce, le salarié soutenait expressément que la décision de licencier les salariés pour motif économique avait été prise au niveau de l'UES ; qu'il appartenait en conséquence à la juridiction judiciaire, dès lors qu'il était soutenu devant elle que les licenciements avaient été décidés au niveau de cette UES, d'apprécier l'incidence de la reconnaissance d'une UES quant à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi et à la validité des licenciements ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devaient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision, la privant de toute base légale au regard des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail ;

2°/ que le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère simplement déclaratif à la date introductive d'instance ; que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES, même frappée d'appel et non assortie de l'exécution provisoire, a autorité de chose jugée entre les parties jusqu'à réformation éventuelle devant la cour d'appel pour tout ce qui concerne les éléments établis par les premiers juges ; qu'il s'en déduit que le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale, ayant un caractère déclaratif et rétroactif, a autorité de chose jugée, même si le jugement est frappé d'appel et non assorti de l'exécution provisoire ; qu'en retenant, pour débouter le salarié, que si en principe le jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale a un caractère déclaratif à la date introductive d'instance, en l'espèce il était établi qu'au jour du licenciement du salarié par M. [P], la procédure d'appel étant toujours en cours, la décision du Tribunal d'instance n'était pas définitive, que celle-ci n'était au demeurant pas assortie de l'exécution provisoire et donc qu'elle ne s'imposait pas à M. [P] peu important que celui-ci se soit ultérieurement désisté de son appel, que le licenciement du salarié n'avait pu être décidé au niveau de l'UES dont la reconnaissance était alors privée d'effet, que c'était donc au seul niveau de la société MSS que devient s'apprécier les conditions pouvant justifier la mise en place d'un PSE, la cour d'appel a violé l'article 539 du code de procédure civile, ensemble des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. D'abord, il résulte des articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, que les conditions d'effectifs et de nombre de licenciements dont dépend l'obligation d'établir un plan de sauvegarde de l'emploi s'apprécient au niveau de l'entreprise que dirige l'employeur. Il n'en va autrement que lorsque, dans le cadre d'une unité économique et sociale (UES), la décision de licencier a été prise au niveau de l'UES.

8. Ensuite, aux termes de l'article 539 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement.

Le recours exercé dans le délai est également suspensif. Il en résulte qu'une décision frappée d'appel ne peut servir de base à une demande en justice tendant à la réalisation des effets qu'elle comporte.

9. La cour d'appel, qui a constaté que le jugement ayant reconnu l'existence de l'UES non assorti de l'exécution provisoire faisait l'objet d'un appel formé par les sociétés, dont la société MSS, toujours pendant lors de l'engagement de la procédure de licenciement, en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que c'était au seul niveau de la société employeur que devaient s'apprécier les conditions de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Prache - Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez ; SARL Le Prado - Gilbert -

Textes visés :

Articles L. 1233-61 et L. 1233-58 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ; article 539 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur l'appréciation des conditions de mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au niveau de l'entreprise, à rapprocher : Soc., 16 novembre 2010, pourvoi n° 09-69.485, Bull. 2010, V, n° 258 (rejet), et l'arrêt cité.

2e Civ., 8 septembre 2022, n° 21-12.736, (B), FRH

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Conclusions – Forme – Conditions – Mention formelle des moyens au sein d'une partie « discussion » – Nécessité

Les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions, de manière à ce que ces prétentions et moyens apparaissent clairement et de façon lisible dans le corps des conclusions sans nécessairement figurer sous un paragraphe intitulé « discussion ».

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 19 janvier 2021), la société Techem a assigné devant un tribunal d'instance le syndicat des copropriétaires de « la résidence Californie » (le syndicat des copropriétaires) en paiement de différentes sommes et à fin qu'il soit dit que le contrat de location de compteurs d'eau les liant restera en vigueur tant que les compteurs ne lui auront pas été restitués.

2. Le syndicat des copropriétaires a assigné en garantie la société Comptage immobilier et services ISTA (la société ISTA).

3. La société Techem a relevé appel du jugement ayant dit que les compteurs lui avaient été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, l'ayant déboutée de ses demandes et ayant dit sans objet la demande de garantie à l'encontre de la société ISTA.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Techem fait grief à l'arrêt de dire que les compteurs lui ont été restitués le 26 septembre 2016 par la société ISTA, qu'elle est mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions et de l'en débouter, et, en conséquence de la condamner aux dépens et à payer certaines sommes au syndicat des copropriétaires et à la société ISTA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que la cour doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; qu'en l'espèce la société Techem formulait plusieurs prétentions au dispositif de ses conclusions du 15 juin 2020 et les discutait explicitement dans une partie intitulée « B.

En droit » ; qu'en refusant de répondre à ces demandes dès lors que la partie exposant les moyens n'était pas intitulée « discussion » la cour d'appel a excédé ses pouvoirs, violé l'article 954 du code de procédure civile ensemble l'article 4 du code civil et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ qu'en disant que les conclusions de la société Techem « se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit » pour conclure qu'il n'existait aucune discussion des prétentions et des moyens et ainsi débouter la société Techem de l'ensemble de ses demandes quand ces moyens figuraient explicitement dans les écritures de celle-ci dans une partie intitulée « En Droit », la cour d'appel a dénaturé lesdites conclusions en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

6. Le troisième alinéa de ce texte dispose que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de ces prétentions, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer une clarté et une lisibilité des écritures des parties.

8. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions.

9. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que les conclusions de l'appelante ne comprenant aucune partie discussion au sens de l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile puisque qu'elles se limitent à présenter l'objet de la demande décliné d'abord en fait puis en droit, de sorte que la cour d'appel, qui n'a pas à répondre au moindre moyen invoqué dans une partie discussion, ne peut que confirmer le jugement, sans qu'il soit utile d'examiner la question de la recevabilité des moyens nouveaux opposée par les intimés.

10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de l'appelante distinguaient, dans la partie « en droit », les prétentions ainsi que les moyens soutenus en appel à l'appui des prétentions, la cour d'appel, qui a ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SARL Corlay ; SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre ; SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet -

Textes visés :

Articles 656 et 954 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 15 janvier 2009, pourvoi n° 07-20.472, Bull. 2009, II, n° 18 (cassation) ; 2e Civ., 8 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.352, Bull. (cassation).

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-16.220, (B), FRH

Cassation

Procédure avec représentation obligatoire – Procédures fondées sur l'article 905 du code de procédure civile – Fixation à bref délai – Effets – Appelant – Conclusions – Dépôt – Délai – Sanction – Caducité – Exclusion de l'erreur manifeste

Il résulte de la combinaison des articles 905-2 et 911 du code de procédure civile, que l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe et que ces conclusions doivent être notifiées dans le délai de leur remise au greffe ou, aux parties qui n'ont pas constitué avocat, au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu ce même article.

N'est pas de nature entraîner la caducité de la déclaration d'appel, en application des dispositions précitées, l'erreur manifeste qui, en considération de l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d'appel et du contenu des premières conclusions d'appel, affecte uniquement la première page des conclusions.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 mars 2021), la société Les Maisons Batibal a interjeté appel, le 18 septembre 2020, de l'ordonnance de référé ayant rejeté sa demande tendant à voir déclarer communes et opposables à la Société d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), en qualité d'assureur de la société ID construction, les opérations d'expertise en cours sur les malfaçons affectant un immeuble.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. La société les Maisons Batibal fait grief à l'arrêt de déclarer caduc son appel, alors « que l'erreur matérielle, révélée par l'objet du litige et les prétentions des parties, sur la qualité de l'intimé, affectant la première page des conclusions d'appelant, n'est pas de nature à entraîner la caducité de l'acte d'appel ; qu'en ayant constaté la caducité de l'acte d'appel, dès lors que si la société Les Maisons Batibal avait bien mentionné, dans l'acte d'appel, la qualité de la SMABTP d'assureur de la société ID construction, l'exposante avait ensuite, dans ses premières conclusions d'appelant déposées dans le délai légal, mentionné, en première page, que la SMABTP avait la qualité d'assureur de la société Vendôme Ravalement, ce qui ne constituait pourtant, au regard de l'objet du litige et des prétentions des parties, qu'une simple erreur matérielle, la cour d'appel a violé les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 905-2 et 911 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

3. Selon le premier de ces textes, l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

4. Il résulte du second que sous la sanction prévue à l'article 905-2, ces conclusions sont notifiées dans le délai de leur remise au greffe ou, aux parties qui n'ont pas constitué avocat, au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai prévu à ce même article.

5. Pour déclarer caduc l'appel formé par la société Les Maisons Batibal, l'arrêt relève qu'un avis de fixation de l'affaire à bref délai lui a été adressé le 7 octobre 2020, qu'elle a établi des conclusions, en tête desquelles il est mentionné qu'elles ont été signifiées le 4 novembre 2020 à la « SMABTP Assureur de la SARL Vendôme Ravalement », qu'elle a signifié, le 6 novembre 2020, de nouvelles conclusions portant le même intitulé et qu'à l'expiration du délai d'un mois suivant l'avis de fixation à bref délai, l'appel était donc caduc à l'encontre de la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction.

6. En statuant ainsi, alors que l'erreur manifeste, affectant uniquement la première page des conclusions, en considération de l'objet du litige, tel que déterminé par les prétentions des parties devant les juges du fond, de la déclaration d'appel qui mentionne en qualité d'intimé la SMABTP en qualité d'assureur d'ID construction et du contenu des premières conclusions d'appel déposées qui fait bien référence à la qualité d'assureur de la société ID construction, n'était pas de nature à entraîner la caducité de la déclaration d'appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Bohnert - Avocat général : M. Gaillardot - Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché ; SCP L. Poulet-Odent -

Textes visés :

Articles 905-2 et 911 du code de procédure civile.

2e Civ., 29 septembre 2022, n° 21-23.456, (B), FS

Cassation sans renvoi

Procédure sans représentation obligatoire – Acte d'appel – Mentions nécessaires – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée

En matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 1er juillet 2021) et les productions, Mme [H] a, par déclaration du 25 janvier 2021 établie et transmise par un avocat, interjeté appel du jugement d'un juge des enfants ayant renouvelé jusqu'au 31 janvier 2022 la mesure éducative de sa fille avec placement au domicile du père.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. Mme [H] fait grief à l'arrêt de constater que la cour d'appel de Besançon n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par elle, alors « qu'il résulte des dispositions des articles 562 et 933 du code de procédure civile et des stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'en matière de procédure d'appel sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel, qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; qu'en énonçant, par conséquent, pour constater qu'elle n'était saisie d'aucune demande en l'absence d'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [W] [H], que l'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués, que la déclaration d'appel formée par le conseil de Mme [W] [H] le 25 janvier 2021 ne précisait pas les chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier qu'elle entendait critiquer et qu'il s'en déduisait, par application combinée des articles 542, 562, 901 et 933 du code de procédure civile, que ne lui était déféré aucun des chefs du jugement rendu le 13 janvier 2021 par le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lons-le-Saunier et qu'elle n'était pas saisie des prétentions présentées à l'audience par Mme [W] [H], quand l'appel interjeté à l'encontre d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative est soumis à la procédure d'appel sans représentation obligatoire et quand l'appel interjeté par Mme [W] [H] tendait à la réformation d'un jugement rendu en matière d'assistance éducative, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 562, 933 et 1192 du code de procédure civile et les stipulations de l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 562 et 933 du code de procédure civile :

4. Selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.

5. Si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er, du code de procédure civile, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié) et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit.

La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, publié).

6. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, y compris lorsque les parties ont choisi d'être assistées ou représentées par un avocat, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

7. Il doit en être de même lorsque la déclaration d'appel, qui omet de mentionner les chefs de dispositif critiqués, ne précise pas si l'appel tend à l'annulation ou à la réformation du jugement.

8. Pour dire que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande, l'arrêt retient que la déclaration d'appel faite par l'avocat de Mme [H], qui ne précise pas les chefs du jugement qu'elle entend critiquer, n'a pas eu d'effet dévolutif.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 6, 7 et 8, que la déclaration d'appel de Mme [H] doit s'entendre comme ayant déféré à la cour d'appel l'ensemble des chefs du jugement. Il résulte du jugement du 13 janvier 2021 que la mesure éducative avec placement au domicile du père a été renouvelée jusqu'au 31 janvier 2022 et est donc expirée à ce jour.

L'appel est en conséquence devenu sans objet.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que la mesure d'assistance éducative a expiré le 31 janvier 2022 ;

DIT que l'appel est devenu sans objet ;

Laisse les dépens exposés en première instance, en appel et devant la Cour de cassation à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande.

Arrêt rendu en formation de section.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Delbano - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Yves et Blaise Capron ; SCP Foussard et Froger ; SCP Gadiou et Chevallier -

Rapprochement(s) :

2e Civ., 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, Bull. (rejet).

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