Numéro 9 - Septembre 2022

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2022

ACTION OBLIQUE

Com., 21 septembre 2022, n° 20-17.089, (B), FRH

Rejet

Conditions – Inaction du débiteur – Carence dans l'exercice de son droit à se pourvoir en cassation – Carence compromettant les droits du créancier – Nécessité

Le créancier qui ne soutient ni n'établit que l'éventuelle carence de son débiteur dans l'exercice de son droit à se pourvoir en cassation compromet ses droits, ne peut, par la voie de l'action oblique, se pourvoir en cassation pour le compte de son débiteur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 13 février 2020), le 7 janvier 2014, M. [S] a remis à l'encaissement un chèque sur son compte ouvert dans les livres de la société Banque Rhône-Alpes.

2. La société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône-Alpes (la société Crédit agricole) a rejeté ce chèque le 28 février 2014 pour défaut de qualité du signataire et non-conformité de la signature.

La société Banque Rhône-Alpes l'a en conséquence contre-passé, ce qui a conduit à ce que, compte tenu des virements, retraits et paiements effectués par M. [S] dans l'intervalle, son compte présente un solde débiteur.

3. La société Banque Rhône-Alpes ayant assigné M. [S] en paiement du solde débiteur de son compte, ce dernier a appelé en garantie la société Crédit agricole.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Banque Rhône-Alpes fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société Crédit agricole à relever et garantir M. [S] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et, statuant à nouveau, de débouter ce dernier de sa demande d'appel en garantie contre la société Crédit agricole, alors :

« 1°/ que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que pour débouter M. [S] de sa demande d'appel en garantie contre la société Crédit agricole, l'arrêt retient que le solde débiteur de son compte bancaire, d'un montant de 164 855,48 euros, n'est pas directement imputable à la contre-passation du chèque de 170 000 euros effectuée le 5 mars 2014 mais à la réalisation d'opérations bancaires par l'intéressé dans les quinze jours ayant suivi l'encaissement du chèque litigieux, celui-ci ayant procédé, après avoir déposé ledit chèque le 7 janvier 2014, à cinq virements et retraits d'espèces pour un montant total de 51 000 euros entre le 7 janvier et le 22 janvier 2014, puis à l'achat d'un catamaran le 22 janvier 2014 pour un montant de 160 000 euros ; qu'en statuant ainsi, quand le solde du compte bancaire de M. [S] serait, en dépit des opérations effectuées par ce dernier, resté créditeur sans la faute de la société Crédit agricole, de sorte que celle-ci constituait l'une des causes nécessaires du dommage, même si elle n'en était pas la cause exclusive, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2° / que, en toute hypothèse, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; que pour débouter M. [S] de sa demande d'appel en garantie contre la banque tirée, l'arrêt s'est borné à retenir que le solde débiteur de son compte bancaire, d'un montant de 164 855,48 euros, n'est pas directement imputable à la contre-passation du chèque de 170 000 euros effectuée le 5 mars 2014 mais à la réalisation d'opérations bancaires par l'intéressé dans les quinze jours ayant suivi l'encaissement du chèque litigieux, celui-ci ayant procédé, après avoir déposé ledit chèque le 7 janvier 2014, à cinq virements et retraits d'espèces pour un montant total de 51 000 euros entre le 7 janvier et le 22 janvier 2014, puis à l'achat d'un catamaran le 22 janvier 2014 pour un montant de 160 000 euros ; qu'en arguant ainsi d'opérations, dont le caractère fautif n'était pas caractérisé, effectuées par M. [S] à un moment où les sommes apparaissant au crédit de son compte permettaient de couvrir les dépenses engagées, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs impropres à caractériser l'absence de lien de causalité entre la faute de la société Crédit agricole ayant rejeté sans motifs légitime le chèque litigieux et le découvert né de la contre-passation, privant de la sorte sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, la recevabilité du moyen est examinée d'office.

6. La société Banque Rhône-Alpes n'a pas qualité pour critiquer le rejet d'une demande formée par M. [S].

7. Cette société soutient toutefois que son moyen est recevable dès lors qu'un créancier peut, par la voie de l'action oblique, exercer les droits de son débiteur.

8. Aux termes de l'article 1341-1 du code civil, lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.

9. Cependant, la société Banque Rhône-Alpes ne soutient ni n'établit que l'éventuelle carence de M. [S] dans l'exercice de son droit à se pourvoir en cassation compromet ses droits de créancier.

10. En conséquence, le moyen est irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Arrêt rendu en formation restreinte hors RNSM.

- Président : M. Mollard (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Gillis - Avocat(s) : SARL Cabinet Briard ; SCP Bouzidi et Bouhanna -

Textes visés :

Article 1341-1 du code civil.

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