Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

UNION EUROPEENNE

Soc., 8 septembre 2021, n° 19-20.538, (B)

Renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne

Cour de justice de l'Union européenne – Question préjudicielle – Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union européenne – Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Articles 33 et 36 – Effets internationaux des jugements – Reconnaissance ou exequatur – Effets – Concentration des moyens – Portée

Sont renvoyées à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :

« 1/ Les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque la loi de l'Etat membre d'origine de la décision confère à cette dernière une autorité telle que celle-ci fait obstacle à ce qu'une nouvelle action soit engagée par les mêmes parties afin qu'il soit statué sur les demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance initiale, les effets déployés par cette décision dans l'Etat membre requis s'opposent à ce qu'un juge de ce dernier Etat, dont la loi applicable ratione temporis prévoyait en droit du travail une obligation similaire de concentration des prétentions statue sur de telles demandes ?

2/ En cas de réponse négative à cette première question, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni a la même cause et le même objet qu'une action telle que celle en licenciement sans cause réelle et sérieuse en droit français, de sorte que les demandes faites par le salarié de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement devant le juge français, après que le salarié a obtenu au Royaume-Uni une décision déclarant l' « unfair dismissal » et allouant des indemnités à ce titre (compensatory award), sont irrecevables ? Y a-t-il lieu à cet égard de distinguer entre les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient avoir la même cause et le même objet que le « compensatory award », et les indemnités de licenciement et de préavis qui, en droit français, sont dues lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais ne sont pas dues en cas de licenciement fondé sur une faute grave ?

3/ De même, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ont la même cause et le même objet une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et une action en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail dès lors que ces actions se fondent sur le même rapport contractuel entre les parties ? ».

Coopération judiciaire en matière civile – Compétence judiciaire, reconnaissance et exécution des décisions – Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 – Effets de la reconnaissance – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2019), M. [I], a été engagé par la société BNP, devenue la société BNP Paribas, établie en France, le 25 août 1998, aux termes d'un contrat de droit anglais, pour exercer, à Londres, les fonctions de « Senior Dealer ».

2. Il a signé, le 2 avril 2009, avec la même société, un contrat de travail à durée indéterminée de droit français pour un détachement à Singapour.

Par avenant à son contrat de travail du 16 août 2010, avec effet au 1er septembre 2010, il a été affecté à la succursale de Londres de la société BNP Paribas.

3. Il a été licencié, par lettre du 30 septembre 2013 alors qu'il occupait à Londres l'emploi de « Head of Trading, Credit for CEEMA », pour faute grave en raison de faits survenus au cours de sa période de détachement à Singapour.

4. Saisi par le salarié le 20 décembre 2013, l'Employment Tribunal (London central) (Royaume-Uni) a, par jugement du 8 juillet 2014, accueilli sa plainte pour licenciement abusif (« complaint of unfair dismissal ») comme étant bien fondée en application de la loi de 1996 sur les droits en matière d'emploi (la loi de 1996), réduit toute indemnité compensatoire (« compensatory award ») de 75 % conformément aux principes énoncés dans l'arrêt Polkey-v-A E Dayton Services Ltd [1988] ICR 142 HL, écarté, en application de la même loi, toute réduction d'indemnité de base (« basic award ») ou compensatoire en raison du comportement du demandeur et renvoyé, sine die, les autres points, dont la question d'une majoration de l'indemnité de base pour manquement de l'employeur au code du service de conseil, de conciliation et d'arbitrage (« Advisory, Conciliation and Arbitration Service Code of Practice on Disciplinary and Grievance Procedures ») (le code ACAS), en l'absence d'accord des parties, à une audience concernant les mesures de réparation. A été également allouée au salarié une somme de 81 175 livres à titre d'indemnité compensatoire.

5. S'agissant de l'application de la loi britannique à l'affaire, l'Employment Tribunal a exposé : « J'ai mentionné une caractéristique inhabituelle du dossier, à savoir le fait que les défendeurs ont sanctionné le demandeur conformément au code du travail français. Cela a été jugé pertinent, d'après ce que l'on m'a dit, puisqu'il était employé en vertu d'un contrat de travail français. Pour ma part, cela ne soulève aucune contestation juridique.

Monsieur [P] [le conseil de la société BNP Paribas] a inéluctablement accepté que l'affaire doive être tranchée en vertu de la loi de 1996 et de la jurisprudence britannique. »

6. Le salarié a saisi, par requête du 27 novembre 2014, le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir la condamnation de la société BNP Paribas au paiement de bonus, de primes et de diverses indemnités afférentes à son licenciement sans cause réelle et sérieuse et à des préjudices spécifiques.

7. Par jugement du 17 mai 2016, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables ces demandes du fait de l'autorité de la chose jugée.

8. Sur l'appel du salarié, la cour d'appel de Paris, par arrêt du 22 mai 2019, a infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions, a constaté que le jugement rendu par l'Employment Tribunal le 8 juillet 2014 a autorité de la chose jugée en ce qu'il a dit le licenciement pour faute grave du salarié par la société BNP Paribas non fondé sur une cause réelle et sérieuse, a déclaré le salarié recevable en ses demandes formées devant elle, a condamné la société BNP Paribas à payer au salarié les sommes suivantes :

 - 540 457,96 euros à titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014,

 - 214 577,45 euros à titre des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014,

 - 539 996,67 euros à titre des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014,

 - 475 939,45 euros au titre des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012,

 - 73 379,06 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

 - 7 338 euros au titre des congés payés afférents.

 - 595 595,24 euros à titre d'indemnité de licenciement.

 - 2 081 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. La société BNP Paribas a formé un pourvoi principal et le salarié un pourvoi incident.

10. Dans son arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel a relevé les éléments suivants : « Monsieur [I] expose que, s'étant vu retirer sa licence professionnelle par le régulateur anglais FCA à la suite de son licenciement pour faute grave, il n'était plus autorisé à exercer sa profession en Angleterre et que, pour récupérer sa licence, il lui était nécessaire d'obtenir une décision judiciaire de l'Employment Tribunal de Londres déclarant son licenciement « unfair » c'est-à-dire abusif puisque cette juridiction dispose d'une compétence exclusive en matière de « unfair dismissal », procédure visant à voir constater le caractère abusif du licenciement et statuer sur la régularité de la procédure suivie par l'employeur pour licencier le salarié au regard des règles d'ordre public anglaises. Il précise qu'il a saisi l'Employment Tribunal dans le cadre de la procédure pour « unfair dismissal » pour contester le bien fondé de son licenciement au regard des dispositions du [code ACAS] et de [la loi de 1996] qui sont d'ordre public au Royaume-Uni et dont BNP Paribas a accepté l'application, ajoutant que dans l'acte de saisine du 20 décembre 2013, il a expressément réservé toutes autres demandes au titre des conséquences de la rupture en application de son contrat de travail et du droit du travail français et du paiement de ses bonus différés.

Le salarié ajoute que par jugement en date du 26 septembre 2014, le tribunal a reconnu le caractère abusif de son licenciement et n'a appliqué aucune réduction au montant maximum des indemnités allouées dans le cadre de la procédure de « unfair dismissal », soit la somme de 81 175 livres sterling (environ 96 517,05 euros), que la BNP Paribas lui a réglé cette somme sans qu'aucun recours n'ait été formé à l'encontre de la décision. Il soutient que sa saisine du conseil de prud'hommes porte sur les demandes qu'il avait explicitement exclues devant la juridiction londonienne. Il considère donc que l'autorité de chose jugée ne s'applique qu'au fait que le juge britannique a considéré qu'il n'avait commis aucune faute et que son licenciement était abusif et non fondé sur des éléments probants, ce qui l'autorise à solliciter les indemnités et rappels de salaire en application des dispositions du droit du travail français et de son contrat de travail. »

11. La cour d'appel a relevé, par ailleurs, que, pour sa part, la société BNP Paribas soutient que le juge anglais a appliqué la loi anglaise en tant que loi choisie par les parties en se référant à un accord implicite de leur part, que la décision a été exécutée et que le juge français n'a en aucune manière la possibilité de remettre en cause l'office du juge anglais et l'application de la loi anglaise faite par le juge anglais.

La société expose que la procédure dite d'« unfair dismissal » couvre tant la procédure de licenciement que les motifs de la rupture, que contrairement aux actions pour « wrongful dismissal » pour lesquelles la question est de savoir si l'employeur a violé les termes du contrat, les actions pour « unfair dismissal » visent à rechercher le caractère raisonnable de la décision de l'employeur de licencier et/ou la procédure suivie par l'employeur pour licencier.

Au surplus, l'établissement bancaire considère que, contrairement à ce que soutient le salarié, le juge anglais n'a pas considéré que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse mais a, en revanche, contesté la procédure mise en place, bien que conforme au droit français, lui reprochant de ne pas avoir respecté la procédure de droit anglais applicable, selon lui, à un licenciement conduit en Angleterre.

En conséquence, la société BNP Paribas considère que le juge britannique a définitivement tranché le litige et que le salarié n'est pas fondé à solliciter de la juridiction française qu'elle tranche le litige sur le fondement du droit français.

12. La cour d'appel a retenu qu'il n'est pas contesté par les parties que le juge britannique, dans la procédure pour « unfair dismissal », a examiné la régularité de la procédure de licenciement suivie par l'employeur mais a aussi apprécié les fautes reprochées au salarié alors que, dans sa demande devant le conseil de prud'hommes, le salarié n'a pas sollicité qu'il se prononce sur le bien fondé de son licenciement, considérant, tout comme la société BNP Paribas, que la question de son bien fondé avait été tranchée par l'Employment Tribunal, qu'il s'avère, toutefois, qu'alors que le salarié affirme que le juge britannique a jugé son licenciement non fondé, la société BNP Paribas considère, au contraire, que celui-ci a tranché le litige en considérant « que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste mais que la procédure aurait dû respecter les règles du code ACAS ».

13. La cour d'appel a décidé que, si le juge anglais a effectivement dit que le motif du licenciement était un motif potentiellement juste, il n'en n'a pas pour autant tiré la conclusion qu'en l'espèce le licenciement du salarié était bien fondé, que, contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, le juge anglais a considéré le licenciement non seulement irrégulier au regard des dispositions d'ordre public du code ACAS mais aussi, sur le fond, qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au salarié et que son licenciement n'était donc pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, qu'en conséquence, il convient de considérer qu'a autorité de la chose jugée la décision de l'Employment Tribunal en ce que ce dernier a estimé le licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

14. S'agissant des demandes financières sollicitées par le salarié sur le fondement du code du travail français et de son contrat de travail, en revanche, la cour d'appel a retenu que la société BNP Paribas n'apporte aucun élément probant remettant en cause le fait que selon les termes de sa « plainte » enregistrée le 20 décembre 2013, il a saisi l'Employment Tribunal, pour « unfair dismissal » pour voir reconnaître son licenciement abusif et solliciter une indemnité de base et compensatoire, ainsi qu'une majoration au titre du non-respect par la défenderesse du code ACAS, qu'il est explicitement mentionné dans la requête devant le tribunal anglais que le salarié n'a pas sollicité les indemnités et avantages sociaux en lien avec la rupture de son contrat de travail et qu'il engagerait de telles demandes devant une autre juridiction. Elle a ajouté que l'argument de la société BNP Paribas selon lequel le demandeur dans la « Claim Form » ayant coché la case « other payments » ne peut être retenu pour considérer que le salarié sollicitait d'autres paiements que l'indemnité pour violation des règles d'ordre public constituées par le code ACAS.

En effet, compte-tenu de sa saisine, la rubrique « other payments » était la seule adaptée à la demande.

15. La cour d'appel a retenu que, dès lors, les demandes, ayant pour finalité de réclamer le paiement des indemnités dues au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour différents préjudices subis, n'ont pas été formées devant la juridiction britannique et qu'il en résulte que les demandes ne sont pas les mêmes que celles formées devant l'Employment Tribunal, qu'au surplus, il s'avère que les demandes n'ont pas la même cause, qu'en effet, la saisine de la juridiction britannique avait pour cause l'irrégularité du licenciement compte-tenu de la violation des règles d'ordre public du code ACAS alors que les demandes portent sur les conséquences financières du licenciement non seulement abusif mais aussi non fondé, ainsi qu'il résulte de la décision du juge britannique.

16. La cour d'appel en a conclu qu'aucune autorité de chose jugée ne peut être opposée à l'encontre des demandes formées par le salarié devant le conseil de prud'hommes, qu'en conséquence, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a jugé les demandes d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formées par le salarié irrecevables du fait de l'autorité de la chose jugée.

Enoncé des moyens

17. Par son premier moyen, seconde branche, la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié recevable en ses demandes, de la condamner à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et au titre des parts DCS Plus 2011 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2012 restant dues pour 2013 et 2014, des parts DCS Plus 2013 restant dues pour 2013 et 2014, et des parts de CMIP 2009 A payables en juin 2012 et de lui ordonner de remettre un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et des bulletins de salaire conformes à l'arrêt, alors « que l'exception de chose jugée par un jugement étranger, invoquée devant le juge français, doit être appréciée au regard de l'autorité et de l'efficacité dont celui-ci jouit dans l'État membre où il a été rendu ; qu'en ne recherchant pas si l'autorité de la chose jugée attachée à la décision rendue par l'Employment Tribunal le 26 septembre 2014 faisait obstacle à ce qu'une nouvelle instance soit engagée devant un autre État membre aux fins de voir juger des demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance introduite devant le juge anglais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 du règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

18. Par son deuxième moyen, première branche, la société BNP Paribas fait grief à l'arrêt de déclarer le salarié recevable en ses demandes et de la condamner à lui payer diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de droits à congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice rendue par un État membre de l'Union Européenne fait obstacle qu'une action ayant le même objet, la même cause et faisant intervenir les mêmes parties soit introduite dans un autre État membre ; que l'action introduite par M. [I] en France ayant le même objet, à savoir l'indemnisation des conséquences de son licenciement, et la même cause, à savoir le contrat de travail du 2 avril 2009, que celles dont avait déjà été saisi le juge anglais, elles se heurtaient à la chose jugée, au sens du droit communautaire, par ce dernier dans son jugement du 26 septembre 2014 ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 33 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. »

Rappel des textes applicables

Le droit de l'Union

19. Aux termes de l'article 33, alinéa 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, alors applicable, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

20. En vertu de l'article 36 de ce règlement, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.

21. Aux termes de l'article 27 § 1 du même règlement, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

Le droit britannique

22. La loi de 1996, s98 prévoit :

« (1) En décidant aux fins de cette Partie si le licenciement d'un salarié est justifié ou abusif l'employeur doit démontrer -(a) le motif (ou, s'il en existe plusieurs, le motif principal) du licenciement, et(b) qu'il s'agit soit d'un motif relevant de la sous-section (2) ou un autre motif de fond de sorte à justifier le licenciement d'un salarié occupant le poste que le salarié occupait.

(2) Un motif relève de la présente sous-section s'il - [...] (b) concerne le comportement du salarié.[...]

(4) Lorsque l'employeur a satisfait aux exigences de la sous-section (1), la décision de savoir si le licenciement est justifié ou abusif (au regard du motif démontré par l'employeur) - (a) dépend du fait de savoir si dans les circonstances (y compris la taille et les ressources administratives de l'entreprise de l'employeur), l'employeur a agi de façon raisonnable ou non en le traitant comme un motif valable pour licencier le salarié, et (b) sera tranchée conformément à l'équité et au bien-fondé du dossier. [...] »

23. La loi de 1996, s118, prévoit que si le tribunal accorde des indemnités pour licenciement abusif conformément aux sections 112(4) et 117(3) ces indemnités consistent en (a) une indemnité de base (calculée selon les sections 119 à 122 et 126) et en (b) une indemnité compensatoire (calculée selon les sections 123, 124, 124A et 126).

Le droit national

24. En vertu de l'article L. 1234-5, alinéa 1er, du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

25. Aux termes de l'article L. 1234-9, alinéa 1er, de ce code, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte huit mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

26. Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur.

27. L'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, disposait :

« Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.

Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. »

Motifs justifiant le renvoi préjudiciel

28. Aux termes de l'article 33, alinéa 1, du règlement n° 44/2001, alors applicable, les décisions rendues dans un État membre sont reconnues dans les autres États membres, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

29. En vertu de l'article 36 de ce règlement, en aucun cas, la décision étrangère ne peut faire l'objet d'une révision au fond.

30. Aux termes de l'article 27, § 1, du même règlement, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents, la juridiction saisie en second lieu sursoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence du tribunal premier saisi soit établie.

31. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, le principe de l'autorité de la chose jugée revêt une grande importance, tant dans l'ordre juridique de l'Union que dans les ordres juridiques nationaux.

En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu'une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (CJCE, arrêt du 16 mars 2006, Kapferer, C-234/04, point 20 ; CJUE, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Luxembourg, C-526/08, point 26 ; du 29 mars 2011, ThyssenKrupp Nirosta/Commission, C-352/09 P, point 123, et du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 86).

32. La notion de reconnaissance, au sens de l'article 33 du règlement n° 44/2001, qui induit celle d'autorité de chose jugée, est interprétée de manière autonome (CJUE, arrêt du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C-456/11, point 25).

33. D'abord, la règle de reconnaissance des décisions rendues dans un État membre, prévue à l'article 33 du règlement n° 44/2001, et l'article 36 de ce règlement font obstacle à un recours ayant le même objet et formé entre les mêmes parties qu'un recours déjà tranché par une juridiction d'un autre État membre (par analogie, CJCE, arrêt du 30 novembre 1976, De Wolf, 42/76, points 7 à 10).

L'incompatibilité d'une telle procédure avec ledit règlement résulte également de l'article 27 de ce dernier visant le cas où des demandes « ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États membres différents » et faisant obligation à la juridiction saisie en second lieu de se dessaisir en faveur du tribunal premier saisi (par analogie, CJCE, arrêt du 30 novembre 1976, De Wolf, 42/76, point 11).

34. Ensuite, la Cour de justice a indiqué que relève de « la même cause » deux litiges engagés par les parties dans différents États contractants et qui sont basés sur le même rapport contractuel (CJCE, 8 déc. 1987, Gubisch Maschinenfrabrik, aff. 144/86, point 15).

35. Enfin, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, la notion d'autorité de la chose jugée dans le droit de l'Union, d'une part, ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (CJUE, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 87) et, d'autre part, ne s'attache pas qu'au dispositif de la décision juridictionnelle en cause, mais s'étend aux motifs de celle-ci qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif et sont, de ce fait, indissociables de ce dernier (CJUE, arrêts du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C-221/10 P, point 87, ainsi que du 15 novembre 2012, Gothaer Allgemeine Versicherung e.a., C-456/11, point 40].

36. Cependant, interrogée par des juridictions nationales saisies de litiges au principal afférents à l'exécution de décisions étrangères, la Cour de justice a retenu qu'une telle décision reconnue en vertu de l'article 33 du règlement n° 44/2001 doit déployer, en principe, dans l'État requis, les mêmes effets que ceux qu'elle a dans l'État d'origine (par analogie, CJCE, arrêt du 4 février 1988, Hoffmann, 145/86, point 11).

37. Le mémoire ampliatif de la société BNP Paribas fait état de la règle de l'« abuse of process » issue de la décision Henderson v. Henderson du 20 juillet 1843, de la Court of Chancery (England and Wales) (Royaume-Uni), qui imposerait aux parties, quand leur question devient l'objet d'un litige devant une juridiction compétente, de porter l'ensemble de leur affaire devant cette dernière afin que tous les aspects de cette question puissent être tranchés, sous réserve d'appel, une fois pour toutes.

38. Cette règle est ainsi décrite dans une étude réalisée par l'Institut de droit comparé Edouard Lambert de l'Université Jean Moulin (Lyon 3) et communiquée par la société BNP Paribas : « La règle de l'affaire Henderson dispose qu'une juridiction ne peut pas autoriser des parties à ouvrir une nouvelle affaire sur des questions qui auraient dû être traitées dans une procédure antérieure, sauf circonstances spéciales. Ainsi, pour un Lord of Appeal dans une décision récente, « la règle posée dans Henderson v. Henderson est bien connue maintenant. Elle impose aux parties, quand leur question devient l'objet d'un litige devant une juridiction compétente, de porter l'ensemble de leur affaire devant la juridiction afin que tous les aspects de celle-ci puissent être tranchés (sous réserve d'appel) une fois pour toute.

En l'absence de circonstances spéciales, les parties ne peuvent pas retourner devant une juridiction pour soulever de nouveaux arguments, prétentions ou défenses qu'elles auraient pu mettre en avant pour être tranchés dans la première décision. Cette règle n'est pas basée sur la doctrine de res judicata dans un sens étroit, ni sur une doctrine stricte d'issue estoppel ou de cause of action estoppel. C'est une règle d'ordre public fondée sur le caractère souhaitable, dans l'intérêt général aussi bien que dans celui des parties elles-mêmes, que le litige ne s'éternise pas et que le défendeur ne devrait pas être soumis à plusieurs affaires successives quand une aurait pu suffire. C'est l'abus contre lequel cette règle est dirigée » (Lord Bingham, Markem Corporation and another v. Zipher Ltd, Court of Appeal [2005] EWCA CIV, p. 267 ; [2005] ALL ER (D), p. 377, para. 114 et s.). Cette forme d'estoppel montre une nouvelle fois la philosophie sous-jacente à ces règles : mettre un terme au litige. Ici, la règle est plus spécifique en ce qu'elle considère comme abusive la procédure qui est intentée par une partie qui cherche à faire valoir un élément qu'elle aurait parfaitement pu faire valoir dans la procédure précédente. Comme le note Lord Bingham, ces éléments qui auraient pu être soutenus dans la première procédure sont assez larges et peuvent recouvrir aussi bien les nouveaux arguments, prétentions ou défenses (La Court of Appeal a d'ailleurs rappelé l'importance de cette solution en 1996.

Le Master of the Rolls a en effet indiqué qu'en « l'absence de circonstances spéciales, les parties ne peuvent pas retourner devant une juridiction pour soutenir des arguments, prétentions ou défenses qu'elles auraient pu mettre en avant lors de la décision de première instance » : Barrow v. Bankside Agency Limited [1996] 1 WLR, p. 257) [...] Selon le juge Auld LJ, le test qui doit être appliqué afin de savoir si l'on est en présence d'un abuse of process est celui qui cherche à déterminer « si les problèmes ou les faits soulevés dans la seconde procédure appartenaient si clairement à l'objet du précédent litige et auraient si clairement pu être soulevés dans celui-ci, qu'il serait abusif de permettre qu'ils soient soulevés dans une nouvelle procédure ». »

39. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice qu'il n'y a cependant aucune raison d'accorder à un jugement, lors de son exécution, des droits qui ne lui appartiennent pas dans l'État membre d'origine ou des effets qu'un jugement du même type rendu directement dans l'État membre requis ne produirait pas (CJUE, arrêt du 28 avril 2009, Apostolides, C-420/07, point 66).

40. Toutefois, en droit français, l'article R. 1452-6 du code du travail disposait que toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance et que cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes. Cette disposition a été abrogée, à compter du 1er août 2016, par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016.

La saisine du conseil de prud'hommes de Paris par le salarié ayant eu lieu le 27 novembre 2014, en droit français, cette règle dite de « l'unicité d'instance » était encore applicable et aurait pu être opposée au salarié si celui-ci avait saisi en premier lieu une autre juridiction française au lieu d'avoir saisi l'Employment Tribunal de Londres.

41. Certes, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, chambre sociale, que le principe de l'unicité d'instance ne peut être opposé devant la juridiction prud'homale française en raison d'une action introduite devant une juridiction étrangère (Soc., 8 février 2012, pourvoi n° 10-27.940, Bull. 2012, V, n° 66). Néanmoins, si le salarié avait saisi en premier lieu une juridiction prud'homale française des demandes dont il a saisi l'Employment Tribunal, les demandes d'indemnité tant légales qu'au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que ses demandes de bonus fondées sur les clauses de son contrat de travail, prétentions dont le fondement était né antérieurement à la saisine de la première juridiction, auraient été déclarées irrecevables.

42. Dans la mesure où les arrêts Hoffmann (CJCE, arrêt du 4 février 1988, 145/86) et Apostolides (CJUE, arrêt du 28 avril 2009, C-420/07) se rapportent aux effets des décisions étrangères quant à leur exécution dans l'État membre requis, un doute subsiste sur le point de savoir si de telles décisions sont susceptibles d'avoir également un effet se rattachant soit à l'ordre procédural de l'État membre d'émission soit à celui de l'État membre requis de nature à régir la recevabilité d'actions ultérieures formées devant les juridictions de ce dernier État membre par les mêmes parties, sur le fondement d'un même contrat de travail, quel que soit l'objet ou le but poursuivi par ces actions.

Le cas échéant, il conviendrait, alors, de déterminer si la circonstance qu'une obligation de concentration des demandes en matière prud'homale, telle que celle prévue à l'article R. 1452-6 du code du travail, s'apparente à une règle qui prévaut devant les juridictions de l'État membre d'origine, telle que celle posée par la décision Henderson v. Henderson, est déterminante pour apprécier les effets de la décision étrangère sur la recevabilité de telles actions devant les juridictions de l'État membre requis.

43. Dans l'hypothèse où il serait considéré que les décisions étrangères n'ont pas d'effet sur la recevabilité des actions formées entre les mêmes parties et fondées sur une même cause mais différant par leurs objets, il y aurait lieu de s'interroger sur les notions d'objet et de cause au sens des articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001. Il conviendrait, en particulier, de déterminer si toutes les demandes qui ont pour but de sanctionner pécuniairement l'inexécution d'obligations nées d'un même contrat de travail ont un même objet ou si elles doivent être distinguées selon qu'elles se rapportent soit à des obligations inhérentes à l'exécution du contrat de travail, soit à des obligations propres à la rupture de ce contrat.

44. Par ailleurs, les articles L. 1234-5, alinéa 1er, et L. 1234-9, alinéa 1er, du code du travail ouvrent droit au salarié, dont le licenciement est fondé et ne résulte pas d'une faute grave, à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité de licenciement. Ces indemnités, dans le cas où le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, s'ajoutent à l'indemnité pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse prévue à l'article L. 1235-3 du même code.

45. Cependant les indemnités compensatoires et de base octroyées par l'Employment Tribunal en vertu de la loi de 1996 sanctionnent le licenciement abusif du salarié.

46. S'il est possible que l'objet de l'indemnité prévue à l'article L. 1235-3 du code du travail soit le même que celui de ces indemnités compensatoire et de base, des doutes subsistent quant à l'identité de l'objet de ces dernières et de celui d'indemnités telles que celles prévues aux articles L. 1234-5, alinéa 1er, et L. 1234-9, alinéa 1er, dudit code.

47. Dès lors, se pose en premier lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent être interprétés en ce sens que, lorsque la loi de l'État membre d'origine de la décision confère à cette dernière une autorité telle que celle-ci fait obstacle à ce qu'une nouvelle action soit engagée par les mêmes parties afin qu'il soit statué sur les demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance initiale, les effets déployés par cette décision dans l'État membre requis s'opposent à ce qu'un juge de ce dernier État, dont la loi applicable ratione temporis prévoyait en droit du travail une obligation similaire de concentration des prétentions, statue sur de telles demandes.

48. En cas de réponse négative à cette première question, se pose en second lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu'une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni a la même cause et le même objet qu'une action telle que celle en licenciement sans cause réelle et sérieuse en droit français, de sorte que les demandes faites par le salarié de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement devant le juge français, après que le salarié a obtenu au Royaume-Uni une décision déclarant l' « unfair dismissal » et allouant des indemnités à ce titre (compensatory award), sont irrecevables. Il convient à cet égard de savoir s'il faut distinguer entre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient avoir la même cause et le même objet que le « compensatory award », et les indemnités de licenciement et de préavis qui, en droit français, sont dues lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais ne sont pas dues en cas de licenciement fondé sur une faute grave.

49. De même, se pose en troisième lieu la question de savoir si les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent être interprétés en ce sens qu'ont la même cause et le même objet une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et une action en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail dès lors que ces actions se fondent sur le même rapport contractuel entre les parties.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

RENVOIE à la Cour de justice de l'Union européenne les questions suivantes :

« 1°/ Les articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale doivent-ils être interprétés en ce sens que, lorsque la loi de l'État membre d'origine de la décision confère à cette dernière une autorité telle que celle-ci fait obstacle à ce qu'une nouvelle action soit engagée par les mêmes parties afin qu'il soit statué sur les demandes qui auraient pu être formulées dès l'instance initiale, les effets déployés par cette décision dans l'État membre requis s'opposent à ce qu'un juge de ce dernier État, dont la loi applicable ratione temporis prévoyait en droit du travail une obligation similaire de concentration des prétentions statue sur de telles demandes ?

2°/ En cas de réponse négative à cette première question, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni a la même cause et le même objet qu'une action telle que celle en licenciement sans cause réelle et sérieuse en droit français, de sorte que les demandes faites par le salarié de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement devant le juge français, après que le salarié a obtenu au Royaume-Uni une décision déclarant l' « unfair dismissal » et allouant des indemnités à ce titre (compensatory award), sont irrecevables ? Y a-t-il lieu à cet égard de distinguer entre les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui pourraient avoir la même cause et le même objet que le « compensatory award », et les indemnités de licenciement et de préavis qui, en droit français, sont dues lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais ne sont pas dues en cas de licenciement fondé sur une faute grave ?

3°/ De même, les articles 33 et 36 du règlement n° 44/2001 du Conseil doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ont la même cause et le même objet une action telle que celle en « unfair dismissal » au Royaume-Uni et une action en paiement de bonus ou de primes prévues au contrat de travail dès lors que ces actions se fondent sur le même rapport contractuel entre les parties ? »

SURSOIT à statuer sur le pourvoi jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Le Masne de Chermont - Avocat général : Mme Laulom - Avocat(s) : SCP Lévis ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles 33 et 36 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000.

Soc., 15 septembre 2021, n° 20-16.010, (B)

Cassation partielle

Travail – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 – Article 7 – Repos et congés – Droit au congé annuel payé – Bénéfice – Condition – Détermination

Travail – Aménagement du temps de travail – Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 – Article 7 – Repos et congés – Droit au congé annuel payé – Exercice – Report – Limites – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 décembre 2019), Mme [O] a été engagée le 30 novembre 2006 en qualité d'infirmière de prévention par l'[Établissement 1].

2. La salariée a été en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016.

3. Soutenant avoir acquis des congés au cours de son arrêt de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour congé annuel et de dommages-intérêts pour discrimination indirecte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité de congés annuels, alors :

« 1° / que l'article XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, aux termes duquel le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, mais est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant, alors, établie proportionnellement au temps de travail effectif qui n'a pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel, ne saurait signifier que, dans le cas d'un arrêt-maladie d'une telle durée, un droit aux congés annuels serait tout de même ouvert au titre des douze premiers mois consécutifs, avec report du crédit des droits à congés payés ainsi acquis, mais signifie que, si l'arrêt-maladie a, en tout, durée douze mois ou plus, aucun droit à congés annuels ne saurait, alors, être acquis par le salarié ; qu'en considérant qu'il y aurait lieu d'« interpréter » cet article XIV du règlement intérieur type comme faisant naître au profit des salariés qui se trouvent dans une telle situation un droit à acquérir un crédit de congés payés au titre des douze premiers mois de leur arrêt maladie, qui serait ainsi reporté dans le temps et dont ils pourraient se prévaloir une fois de retour dans l'entreprise, la cour d'appel en a méconnu le sens clair et précis ;

2° / que, d'autre part, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003, non-transposée en droit interne, ne peut permettre, dans un litige entre particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire ; qu'en se fondant sur « la finalité qu'assigne aux congés payés annuels [cette] directive » pour faire naître au profit de Mme [O], laquelle avait été en arrêt pour maladie non-professionnelle pendant une période supérieure à douze mois, un droit à congés payés au titre d'une partie de cette période, et ce tandis que les cas comme le sien étaient exclus du bénéfice de l'acquisition de droits à congés annuels payés par le jeu combiné des articles 38 d) et 62 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, XIV du règlement intérieur type annexé à celle-ci et L. 3141-5 du code du travail, la cour d'appel, qui a ainsi doté l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 d'un effet direct horizontal qu'il ne pouvait avoir, a violé celui-ci, ensemble ces autres textes de droit national, combinés, précités. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C- 350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, C-282/10, Dominguez, point 20).

6. La Cour de Justice de l'Union européenne juge qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10, Dominguez).

Par arrêt du 6 novembre 2018 (C-569/ 16 Stadt Wuppertal c/ Bauer et C- 570/16 Willmeroth c. Brossonn), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée.

La Cour de Justice de l'Union européenne précise que cette obligation s'impose à la juridiction nationale en vertu de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

7. Selon l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

8. Selon le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective.

9. Il résulte de la combinaison des textes conventionnels que le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective que ce texte ne s'applique pas aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie et qui entrent dans les prévisions de l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective.

10. Ayant constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection de longue durée du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016 et qu'elle avait bénéficié du maintien de salaire, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation des dispositions conventionnelles à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, sans donner un effet direct à celui-ci, a exactement décidé que cette période n'entraînait aucune réduction du droit à congé payé.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait le même grief, alors « que, en tout état de cause, des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence ; qu'en considérant, cependant, que l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003 exigerait le maintien d'un tel droit au report et s'opposerait à son extinction dans le temps, y compris dans le cas d'un salarié qui, comme Mme [O], aurait été en arrêt de travail ininterrompu pendant une durée de plus de deux années consécutives, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

13. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

14. Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation.

15. La cour d'appel, qui a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur type ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de tout droit à report, a fait l'exacte application de la finalité assignée aux congés payés par la directive 2003/88/CE.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec l'état de santé, alors « que la portée de la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement ou de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation, qui sera prononcée, du chef ayant condamné l'organisme [Établissement 1] à payer à la salariée 3.302,68 euros à titre d'indemnité de congés annuels, entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef l'ayant condamné à 1.000,00 euros de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec sa santé, les deux condamnations se rattachant par un lien de dépendance nécessaire.»

Réponse de la Cour

18. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

19. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à titre d'indemnité compensatrice de congés annuels, alors « qu'aux termes de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical ou longue maladie sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel ; qu'il résulte du paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective que la situation du salarié dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie n'est pas concernée par ce texte ; qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ; que pour limiter à la somme de 3 302,68 euros l'indemnité de congés annuels, la cour d'appel a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective était applicable en l'espèce et, partant, que la salariée, qui n'avait pas bénéficié du solde des congés qui lui étaient dus avant son arrêt maladie en décembre 2013, était fondée à se prévaloir, en outre, des congés dus au titre du dernier exercice 2015, échu dans le cadre de son arrêt de travail ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'elle avait constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection longue durée du mois de décembre 2013 au mois de janvier 2016 et que, pendant cette période, elle avait bénéficié du maintien de son salaire, ce dont elle devait déduire, d'une part, que la situation de la salariée n'était pas concernée par le paragraphe XIV du règlement intérieur et, d'autre part, qu'en application de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective, la salariée était fondée à demander la somme de 6 841,80 euros à titre d'indemnité de congés annuels pour les exercices 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015, la cour d'appel a violé, par fausse application, le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale et, par refus d'application, l'article 38 d), alinéa 4 de cette même convention collective. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur type annexé à cette convention collective :

20. Selon le premier de ces textes, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

21. Selon le second de ces textes, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective. Il est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant établie proportionnellement au temps de travail effectif n'ayant pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel.

22. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

23. Des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée. A cet égard, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'une période de report du droit au congé annuel payé de quinze mois était conforme à la finalité du congé annuel (CJUE 22 novembre 2011, C-214/10, KHS AG c/ Shulte), mais que tel n'était pas le cas d'une période de report de neuf mois (CJUE, 3 mai 2012, C-337/10, Neidel).

24. Le paragraphe XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective a pour objet de limiter à douze mois la période pendant laquelle un salarié, absent pour l'une des causes qu'il prévoit, peut acquérir des droits à congés payés et non d'organiser la perte de droits acquis qui n'auraient pas été exercés au terme d'un délai de report substantiellement supérieur à la période de référence.

25. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à un rappel d'indemnité de congé annuel, l'arrêt retient que les dispositions du paragraphe XIV du règlement intérieur peuvent s'interpréter comme ouvrant un droit aux congés annuels dans le cadre d'une interruption de moins de douze mois consécutifs, en ce compris lorsque l'arrêt maladie est d'une durée égale à celui de la salariée. Il ajoute qu'au-delà de cette période, le congé annuel est dépourvu de son effet positif pour le travailleur, au regard de sa finalité de temps de repos, pour ne garder que sa finalité de période de détente et de loisirs.

L'arrêt en déduit que la limitation aux congés annuels payés par une période de report de douze mois est conforme à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 3 302,68 euros la condamnation de l'[Établissement 1] à payer à Mme [O] une indemnité de congés annuels, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; article 38, d), alinéa 4, de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

Rapprochement(s) :

Sur l'inapplicabilité du paragraphe XIV, alinéa 4, du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie, à rapprocher : Soc., 3 novembre 2005, pourvoi n° 03-45.838, Bull. 2005, V, n° 310 (rejet). Sur les limitations au droit au report des congés payés, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-24.022, Bull. 2017, V, n° 144 (2) (rejet).

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