Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

TRAVAIL REGLEMENTATION, DUREE DU TRAVAIL

Soc., 22 septembre 2021, n° 19-17.046, (B) (R)

Cassation partielle

Repos et congés – Congés payés – Caisse de congés payés – Régimes particuliers – Bâtiment et travaux publics – Affiliation – Employeur – Obligations – Portée

Il appartient à l'employeur relevant d'une caisse de congés payés de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Seule l'exécution de cette obligation entraîne la substitution de l'employeur par la caisse pour le paiement de l'indemnité de congés payés.

Repos et congés – Congés payés – Caisse de congés payés – Régimes particuliers – Bâtiment et travaux publics – Affiliation – Obligations – Employeur – Accomplissement – Preuve – Charge – Détermination

Repos et congés – Congés payés – Indemnité – Paiement – Substitution à l'employeur – Substitution par la caisse de congés payés – Conditions – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 décembre 2018) M. [D] a été engagé, le 1er janvier 2006, en qualité de dépanneur plombier chauffagiste par la société FCVL Gaz (la société), qui relève de la convention collective régionale des ouvriers du bâtiment.

2. Le salarié, qui a été victime, le 25 janvier 2007, d'un accident du travail, a fait l'objet d'une décision de prise en charge de maladie professionnelle le 7 septembre 2007. A la suite d'une rechute, le 23 mars 2012, également prise en charge au titre de la maladie professionnelle, le salarié a été placé en invalidité deuxième catégorie à compter du 1er août 2013.

3. Le 3 janvier 2014, l'employeur a demandé au salarié s'il reprenait le travail afin d'organiser une visite médicale de reprise.

Le 28 mars 2014, le salarié a mis en demeure l'employeur de faire procéder à la visite de reprise prévue par l'article R. 4624-22 du code du travail. A la suite de la visite médicale du 8 avril 2014, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte temporaire à son poste de plombier chauffagiste. Ce dernier a ensuite été placé en arrêt de travail par son médecin traitant.

4. Le 28 juillet 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

5. Le 30 novembre 2015, le salarié a été déclaré inapte temporaire à toute activité dans l'entreprise, dans le cadre d'une première visite. Lors de la seconde visite, tenue le 21 décembre 2015, le médecin du travail a confirmé l'inaptitude du salarié au poste préalablement occupé.

6. Le salarié a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 20 janvier 2016.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement d'une somme à titre de rappel des congés payés non pris correspondant à la période de maladie professionnelle du 1er avril 2012 au 31 mai 2013, alors « que l'obligation de régler l'indemnité de congés payés pèse sur l'employeur ; que la constitution de caisses de congés auxquelles les employeurs intéressés s'affilient obligatoirement, dans certaines branches, constitue une simple modalité d'application des dispositions de droit commun relatives aux congés payés ; qu'aucun texte ne prévoit, dans cette hypothèse, dans laquelle une caisse se substitue à l'employeur, une disposition dérogatoire selon laquelle l'employeur serait déchargé de son obligation de régler l'indemnité de congés payés à son salarié ; qu'en jugeant au contraire que dans la mesure où l'employeur a satisfait à ses obligations à l'égard de la caisse, il est déchargé de toute obligation quant au paiement de l'indemnité, la cour d'appel a violé ensemble le principe du droit social de l'Union européenne du droit au congé annuel payé de chaque travailleur et les articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 3141-1, L. 3141-5 et L. 3141-32 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. L'employeur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci est nouveau, le salarié n'ayant pas invoqué devant les juges du fond le principe du droit social de l'Union européenne sur le droit au congé annuel payé de chaque travailleur ou encore la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'il ne se réfère à aucune constatation de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles L. 3141-12, L. 3141-14 et L. 3141-30 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail :

11. En application de l'article L. 3141-30 du code du travail, la Cour de cassation juge que lorsque l'employeur, tenu de s'affilier auprès d'une caisse de congés payés, a entièrement rempli ses obligations à son égard, cette dernière assure le service des droits à congés payés des travailleurs déclarés par l'employeur.

12. Dans le cadre des litiges opposant le salarié à l'employeur ou la caisse, il est jugé que la caisse, qui se substitue à l'employeur, est la seule débitrice des congés payés (Soc., 6 mai 1997, n° 95-12.001, Bull. V n° 151), ce dont il résulte que la demande en paiement de l'indemnité de congés payés doit être dirigée contre la caisse et qu'en cas de manquement par l'employeur aux obligations légales lui incombant, le salarié ne peut prétendre qu'à des dommages-intérêts en raison du préjudice subi (Soc., 24 novembre 1993, n° 89-43.437 ; Soc. 28 mars 2018, n° 16-25.429).

13. En application de l'article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne la Cour de justice a considéré que l'employeur est notamment tenu, eu égard au caractère impératif du droit au congé annuel payé et afin d'assurer l'effet utile de l'article 7 de la directive 2003/88, de veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l'incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l'informant de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l'intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s'il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d'une période de report autorisée.

La charge de la preuve à cet égard incombe à l'employeur (CJUE, 6 novembre 2018, C-684/16, Max Planck Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV, points 45 et 46).

14. La Cour de justice de l'Union européenne a par ailleurs précisé que, pour assurer au salarié le bénéfice d'un repos effectif dans un souci de protection efficace de sécurité et de sa santé, la période minimale de congé annuel payé ne pouvait pas être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail (CJUE 26 juin 2001, C-173/00, BECTU, point 44 ; 18 mars 2004, Merino Gómez, C-342/01, Rec. p. I-2605, point 30 ; 16 mars 2006, C-131/04 et C-257/04, Robinson Steele, point 60).

15. Dans le cadre du régime de droit commun des congés payés, la Cour de cassation juge qu'il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (Soc. 13 juin 2012, n° 11-10.929, Bull. V, n° 187 ; 21 septembre 2017, n° 16-18.898, Bull. V, n° 159).

16. Il convient, eu égard aux exigences déduites de l'article 7 de la directive 2003/88 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 6 novembre 2018, Max Planck précité, de rapprocher les règles de preuve de l'exécution des obligations d'un employeur affilié à une caisse de congés payés de celles applicables dans le cadre du droit commun.

17. Il y a donc lieu de juger désormais, qu'il appartient à l'employeur relevant d'une caisse de congés payés, en application des articles L. 3141-12, L. 3141-14 et L. 3141-30 du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88, de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congé auprès de la caisse de congés payés, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement. Seule l'exécution de cette obligation entraîne la substitution de l'employeur par la caisse pour le paiement de l'indemnité de congés payés.

18. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une somme à titre de rappel des congés payés non pris, l'arrêt rappelle d'abord que lorsque le service des indemnités est assuré par une caisse de congés payés et que l'employeur a satisfait à ses obligations à l'égard de la caisse, ce dernier est déchargé de toute obligation quant au paiement de l'indemnité, les salariés ayant uniquement une possibilité d'action contre la caisse. Il constate ensuite que l'employeur, soumis à une obligation d'affiliation, de paiement des cotisations et de déclaration à la caisse des salariés qu'il employait, justifie de son adhésion à la caisse de congés intempéries BTP de l'Ile-de-France.

19. Concernant la situation du salarié, l'arrêt relève que, dans un courrier du 14 octobre 2015, cette caisse a déclaré que, au titre de l'année 2011, les droits du salarié étaient épuisés, au titre de l'année 2012, il lui restait trente jours ouvrables et que, au titre de l'année 2013, il n'y avait pas de droits à congés en l'absence de temps de travail ou assimilable pour l'ouverture du droit.

L'arrêt précise qu'il appartenait à l'employeur de transmettre une demande d'indemnisation des congés si le salarié n'avait pas repris le travail et n'avait pas pu faire valoir ses droits.

20. Enfin, l'arrêt retient que la caisse de congés intempéries est seule débitrice de l'obligation de paiement de l'indemnité de congés payés et non l'employeur lequel a bien respecté ses propres obligations en sorte que le salarié, qui justifie pour sa part avoir perçu de la caisse la somme de 2 458,82 € pour l'année 2012, doit, en ce qui concerne l'année 2013, procéder aux démarches nécessaires vis-à-vis de cette caisse.

21. En se déterminant ainsi, sans constater que l'employeur justifiait avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité de bénéficier effectivement auprès de la caisse de congés payés de son droit à congé payé au titre de la période du 1er avril 2012 au 31 mai 2013 pendant laquelle il se trouvait en arrêt maladie pour cause de maladie professionnelle, en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombaient légalement, en sorte que la caisse pouvait valablement être substituée à l'employeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

22. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de dommages-intérêts pour absence d'organisation de la seconde visite médicale, alors « que l'employeur qui s'abstient de saisir comme il le doit après le premier examen médical le médecin du travail pour faire pratiquer le second des examens exigés par l'article R. 4624-31 du code du travail, commet une faute susceptible de causer au salarié un préjudice ; que lorsque le médecin déclare un salarié inapte à son poste, l'employeur doit procéder à la seconde visite, peu important que le médecin traitant délivre par la suite des arrêts de travail ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que le médecin du travail avait, à l'issue de l'examen médical organisé le 8 avril 2014, déclaré le salarié inapte temporairement à son poste, et que l'employeur n'a pas organisé de seconde visite de reprise ; qu'en excluant néanmoins toute faute de l'employeur de ce chef, au motif inopérant que le salarié avait fait l'objet d'un arrêt de travail, après la première visite de reprise, la cour d'appel, a violé l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2012-135 du 30 janvier 2012 :

23. L'employeur qui s'abstient de saisir, comme il le doit après le premier examen médical, le médecin du travail pour faire pratiquer le second des examens exigés par l'article R. 4624-31 du code du travail, commet une faute susceptible de causer au salarié un préjudice dont l'existence est appréciée souverainement par les juges du fond.

24. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts du salarié, l'arrêt relève qu'à partir du 30 mars 2012 le salarié n'a plus repris son travail et a fait l'objet le 23 juillet 2013 d'une reconnaissance d'invalidité de catégorie 2. Il ajoute que le salarié a été placé de nouveau en arrêt de travail le 8 avril 2014 et que cet arrêt de travail initial entraînait une nouvelle suspension du contrat de travail, laquelle empêchait l'employeur de provoquer la seconde visite médicale de reprise et par suite d'en tirer les conséquences.

L'arrêt énonce que, le 2 octobre 2014, l'employeur a demandé au médecin du travail de reprendre la procédure, que des arrêts de travail ont été successivement renouvelés jusqu'au 30 septembre 2015 et qu'à l'issue de deux nouveaux examens médicaux des 30 novembre 2015 et 21 décembre 2015, le salarié a été déclaré inapte à son poste.

L'arrêt en déduit que ce dernier ne démontre pas la carence fautive de son employeur.

25. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le médecin du travail avait, à l'issue de l'examen médical de reprise du 8 avril 2014, déclaré le salarié inapte à son poste, ce dont il résultait que l'employeur devait, peu important la délivrance de nouveaux arrêts de travail, saisir le médecin du travail pour faire pratiquer le second examen médical, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes du salarié en paiement d'une somme à titre de rappel des congés payés non pris et de dommages-intérêts pour absence d'organisation de la seconde visite médicale, l'arrêt rendu le 5 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Zribi et Texier ; SCP Caston -

Textes visés :

Articles L. 3141-12, L. 3141-14 et L. 3141-30 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ; article 1315, devenu 1353, du code civil ; article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

Rapprochement(s) :

Sur l'exercice effectif des droits à congé, à rapprocher : Soc., 13 juin 2012, pourvoi n° 11-10.929, Bull. 2012, V, n° 187 (cassation partielle) ; Soc., 21 septembre 2021, pourvoi n° 16-18.898, Bull., (rejet).

Soc., 15 septembre 2021, n° 20-16.010, (B)

Cassation partielle

Repos et congés – Congés payés – Durée – Détermination – Cas – Absence pour maladie – Portée

Repos et congés – Congés payés – Droit au congé – Exercice – Report – Limites – Détermination – Portée

Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation. Fait une exacte application de la loi, la cour d'appel qui a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de tout droit à report des congés payés.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 décembre 2019), Mme [O] a été engagée le 30 novembre 2006 en qualité d'infirmière de prévention par l'[Établissement 1].

2. La salariée a été en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016.

3. Soutenant avoir acquis des congés au cours de son arrêt de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour congé annuel et de dommages-intérêts pour discrimination indirecte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité de congés annuels, alors :

« 1° / que l'article XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, aux termes duquel le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, mais est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant, alors, établie proportionnellement au temps de travail effectif qui n'a pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel, ne saurait signifier que, dans le cas d'un arrêt-maladie d'une telle durée, un droit aux congés annuels serait tout de même ouvert au titre des douze premiers mois consécutifs, avec report du crédit des droits à congés payés ainsi acquis, mais signifie que, si l'arrêt-maladie a, en tout, durée douze mois ou plus, aucun droit à congés annuels ne saurait, alors, être acquis par le salarié ; qu'en considérant qu'il y aurait lieu d'« interpréter » cet article XIV du règlement intérieur type comme faisant naître au profit des salariés qui se trouvent dans une telle situation un droit à acquérir un crédit de congés payés au titre des douze premiers mois de leur arrêt maladie, qui serait ainsi reporté dans le temps et dont ils pourraient se prévaloir une fois de retour dans l'entreprise, la cour d'appel en a méconnu le sens clair et précis ;

2° / que, d'autre part, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003, non-transposée en droit interne, ne peut permettre, dans un litige entre particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire ; qu'en se fondant sur « la finalité qu'assigne aux congés payés annuels [cette] directive » pour faire naître au profit de Mme [O], laquelle avait été en arrêt pour maladie non-professionnelle pendant une période supérieure à douze mois, un droit à congés payés au titre d'une partie de cette période, et ce tandis que les cas comme le sien étaient exclus du bénéfice de l'acquisition de droits à congés annuels payés par le jeu combiné des articles 38 d) et 62 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, XIV du règlement intérieur type annexé à celle-ci et L. 3141-5 du code du travail, la cour d'appel, qui a ainsi doté l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 d'un effet direct horizontal qu'il ne pouvait avoir, a violé celui-ci, ensemble ces autres textes de droit national, combinés, précités. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C- 350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, C-282/10, Dominguez, point 20).

6. La Cour de Justice de l'Union européenne juge qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10, Dominguez).

Par arrêt du 6 novembre 2018 (C-569/ 16 Stadt Wuppertal c/ Bauer et C- 570/16 Willmeroth c. Brossonn), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée.

La Cour de Justice de l'Union européenne précise que cette obligation s'impose à la juridiction nationale en vertu de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

7. Selon l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

8. Selon le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective.

9. Il résulte de la combinaison des textes conventionnels que le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective que ce texte ne s'applique pas aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie et qui entrent dans les prévisions de l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective.

10. Ayant constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection de longue durée du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016 et qu'elle avait bénéficié du maintien de salaire, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation des dispositions conventionnelles à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, sans donner un effet direct à celui-ci, a exactement décidé que cette période n'entraînait aucune réduction du droit à congé payé.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait le même grief, alors « que, en tout état de cause, des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence ; qu'en considérant, cependant, que l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003 exigerait le maintien d'un tel droit au report et s'opposerait à son extinction dans le temps, y compris dans le cas d'un salarié qui, comme Mme [O], aurait été en arrêt de travail ininterrompu pendant une durée de plus de deux années consécutives, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

13. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

14. Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation.

15. La cour d'appel, qui a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur type ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de tout droit à report, a fait l'exacte application de la finalité assignée aux congés payés par la directive 2003/88/CE.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec l'état de santé, alors « que la portée de la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement ou de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation, qui sera prononcée, du chef ayant condamné l'organisme [Établissement 1] à payer à la salariée 3.302,68 euros à titre d'indemnité de congés annuels, entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef l'ayant condamné à 1.000,00 euros de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec sa santé, les deux condamnations se rattachant par un lien de dépendance nécessaire.»

Réponse de la Cour

18. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

19. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à titre d'indemnité compensatrice de congés annuels, alors « qu'aux termes de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical ou longue maladie sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel ; qu'il résulte du paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective que la situation du salarié dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie n'est pas concernée par ce texte ; qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ; que pour limiter à la somme de 3 302,68 euros l'indemnité de congés annuels, la cour d'appel a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective était applicable en l'espèce et, partant, que la salariée, qui n'avait pas bénéficié du solde des congés qui lui étaient dus avant son arrêt maladie en décembre 2013, était fondée à se prévaloir, en outre, des congés dus au titre du dernier exercice 2015, échu dans le cadre de son arrêt de travail ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'elle avait constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection longue durée du mois de décembre 2013 au mois de janvier 2016 et que, pendant cette période, elle avait bénéficié du maintien de son salaire, ce dont elle devait déduire, d'une part, que la situation de la salariée n'était pas concernée par le paragraphe XIV du règlement intérieur et, d'autre part, qu'en application de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective, la salariée était fondée à demander la somme de 6 841,80 euros à titre d'indemnité de congés annuels pour les exercices 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015, la cour d'appel a violé, par fausse application, le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale et, par refus d'application, l'article 38 d), alinéa 4 de cette même convention collective. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur type annexé à cette convention collective :

20. Selon le premier de ces textes, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

21. Selon le second de ces textes, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective. Il est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant établie proportionnellement au temps de travail effectif n'ayant pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel.

22. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

23. Des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée. A cet égard, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'une période de report du droit au congé annuel payé de quinze mois était conforme à la finalité du congé annuel (CJUE 22 novembre 2011, C-214/10, KHS AG c/ Shulte), mais que tel n'était pas le cas d'une période de report de neuf mois (CJUE, 3 mai 2012, C-337/10, Neidel).

24. Le paragraphe XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective a pour objet de limiter à douze mois la période pendant laquelle un salarié, absent pour l'une des causes qu'il prévoit, peut acquérir des droits à congés payés et non d'organiser la perte de droits acquis qui n'auraient pas été exercés au terme d'un délai de report substantiellement supérieur à la période de référence.

25. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à un rappel d'indemnité de congé annuel, l'arrêt retient que les dispositions du paragraphe XIV du règlement intérieur peuvent s'interpréter comme ouvrant un droit aux congés annuels dans le cadre d'une interruption de moins de douze mois consécutifs, en ce compris lorsque l'arrêt maladie est d'une durée égale à celui de la salariée. Il ajoute qu'au-delà de cette période, le congé annuel est dépourvu de son effet positif pour le travailleur, au regard de sa finalité de temps de repos, pour ne garder que sa finalité de période de détente et de loisirs.

L'arrêt en déduit que la limitation aux congés annuels payés par une période de report de douze mois est conforme à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 3 302,68 euros la condamnation de l'[Établissement 1] à payer à Mme [O] une indemnité de congés annuels, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; article 38, d), alinéa 4, de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

Rapprochement(s) :

Sur l'inapplicabilité du paragraphe XIV, alinéa 4, du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie, à rapprocher : Soc., 3 novembre 2005, pourvoi n° 03-45.838, Bull. 2005, V, n° 310 (rejet). Sur les limitations au droit au report des congés payés, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-24.022, Bull. 2017, V, n° 144 (2) (rejet).

Soc., 15 septembre 2021, n° 19-19.563, (B)

Cassation partielle

Travail à temps partiel – Décompte de la durée du travail – Durée légale – Définition – Durée légale hebdomadaire – Dépassement – Effets – Requalification en contrat de travail à temps complet – Cas – Contrat de travail à temps partiel – Durée du contrat de travail – Définition de la durée du travail – Définition sur une base mensuelle – Portée

Il résulte de la combinaison de l'article L. 3121-10 du code du travail, qui fixe la durée légale du travail effectif à trente-cinq heures par semaine civile, et de l'article L. 3123-17 du même code, selon lequel les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement, qu'un contrat de travail à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet, lorsque le salarié travaille trente-cinq heures ou plus au cours d'une semaine, quand bien même le contrat aurait fixé la durée de travail convenue sur une période mensuelle.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 mai 2019), M. [N] a été engagé à compter du 28 décembre 2013 par la société Entreprise privée de sécurité en qualité d'agent de sécurité, selon un contrat de travail à temps partiel d'une durée mensuelle de 140 heures, ramenée à 50 heures par avenant du 1er novembre 2014.

2. Les parties sont convenues d'une rupture conventionnelle du contrat de travail à effet au 26 novembre 2016.

3. Le 22 décembre 2016, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter du mois de février 2015 et au paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de requalification du contrat de travail en temps plein, de rappel de salaire et de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, alors « qu'il résulte de l'article L. 3123-17 du code du travail que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ; que dès lors que les heures effectuées par un salarié ont eu pour effet de porter la durée hebdomadaire du travail de celui-ci, employé à temps partiel, au niveau de la durée légale ou de la durée fixée conventionnellement, son contrat à temps partiel doit être requalifié en contrat de travail à temps complet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que dès lors que la durée du travail du salarié était fixée mensuellement, la réalisation d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire durant une semaine, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification du contrat de travail à temps plein ; qu'en statuant ainsi, quand elle a constaté que le salarié avait réalisé 36,75 heures sur une semaine, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 3123-17 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-10 et L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Selon le premier de ces textes, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaine civile.

6. Selon le second, le nombre d'heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel au cours d'une même semaine ou d'un même mois ou sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2 ne peut être supérieur au dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans son contrat.

Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement.

7. Pour débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient que, dès lors que la durée de travail était fixée mensuellement, la réalisation, durant une semaine, d'un horaire supérieur à la durée légale hebdomadaire, alors que l'horaire mensuel demeurait inchangé, ne saurait entraîner la requalification de ce contrat à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Il ajoute que le rejet de la demande de requalification conduit au rejet de la demande tendant au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié avait accompli 1,75 heure complémentaire au mois de février 2015 et qu'au cours de la première semaine de ce mois, le salarié avait effectué 36,75 heures de travail en sorte que l'accomplissement d'heures complémentaires avait eu pour effet de porter la durée du travail accomplie par le salarié à un niveau supérieur à la durée légale du travail, ce dont elle aurait dû déduire que le contrat de travail à temps partiel devait, à compter de ce dépassement, être requalifié en contrat de travail à temps complet, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [N] de ses demandes de requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, de rappel de salaire et congés payés afférents, de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et en ce qu'il dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les parties conserveront la charge de leurs propres dépens, l'arrêt rendu le 21 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Rouchayrole - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy ; SCP Célice, Texidor, Périer -

Textes visés :

Articles L. 3121-10 et L. 3123-17 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016.

Rapprochement(s) :

Sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet en cas de dépassement de la durée légale hebdomadaire de travail, à rapprocher : Soc., 18 décembre 2019, pourvoi n° 18-12.447, Bull. 2019, (rejet), et les arrêts cités.

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