Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

SECURITE SOCIALE

Soc., 15 septembre 2021, n° 20-16.010, (B)

Cassation partielle

Caisse – Personnel – Convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale – Article 38, d), alinéa 4 – Paragraphe XIV du règlement intérieur annexé – Congés annuels – Bénéfice – Condition – Détermination

Caisse – Personnel – Convention collective nationale de travail du 8 février 1957 du personnel des organismes de sécurité sociale – Paragraphe XIV du règlement intérieur annexé – Congés annuels – Droit au congé – Exercice – Report – Limites – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 19 décembre 2019), Mme [O] a été engagée le 30 novembre 2006 en qualité d'infirmière de prévention par l'[Établissement 1].

2. La salariée a été en arrêt de travail du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016.

3. Soutenant avoir acquis des congés au cours de son arrêt de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une indemnité pour congé annuel et de dommages-intérêts pour discrimination indirecte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité de congés annuels, alors :

« 1° / que l'article XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, aux termes duquel le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, mais est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant, alors, établie proportionnellement au temps de travail effectif qui n'a pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel, ne saurait signifier que, dans le cas d'un arrêt-maladie d'une telle durée, un droit aux congés annuels serait tout de même ouvert au titre des douze premiers mois consécutifs, avec report du crédit des droits à congés payés ainsi acquis, mais signifie que, si l'arrêt-maladie a, en tout, durée douze mois ou plus, aucun droit à congés annuels ne saurait, alors, être acquis par le salarié ; qu'en considérant qu'il y aurait lieu d'« interpréter » cet article XIV du règlement intérieur type comme faisant naître au profit des salariés qui se trouvent dans une telle situation un droit à acquérir un crédit de congés payés au titre des douze premiers mois de leur arrêt maladie, qui serait ainsi reporté dans le temps et dont ils pourraient se prévaloir une fois de retour dans l'entreprise, la cour d'appel en a méconnu le sens clair et précis ;

2° / que, d'autre part, la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003, non-transposée en droit interne, ne peut permettre, dans un litige entre particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire ; qu'en se fondant sur « la finalité qu'assigne aux congés payés annuels [cette] directive » pour faire naître au profit de Mme [O], laquelle avait été en arrêt pour maladie non-professionnelle pendant une période supérieure à douze mois, un droit à congés payés au titre d'une partie de cette période, et ce tandis que les cas comme le sien étaient exclus du bénéfice de l'acquisition de droits à congés annuels payés par le jeu combiné des articles 38 d) et 62 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, XIV du règlement intérieur type annexé à celle-ci et L. 3141-5 du code du travail, la cour d'appel, qui a ainsi doté l'article 7 de la directive du 4 novembre 2003 d'un effet direct horizontal qu'il ne pouvait avoir, a violé celui-ci, ensemble ces autres textes de droit national, combinés, précités. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE Schultz-Hoff, 20 janvier 2009, C- 350/06, point 41 ; CJUE 24 janvier 2012, C-282/10, Dominguez, point 20).

6. La Cour de Justice de l'Union européenne juge qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (CJUE, 24 janvier 2012, affaire C-282/10, Dominguez).

Par arrêt du 6 novembre 2018 (C-569/ 16 Stadt Wuppertal c/ Bauer et C- 570/16 Willmeroth c. Brossonn), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE et l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée.

La Cour de Justice de l'Union européenne précise que cette obligation s'impose à la juridiction nationale en vertu de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

7. Selon l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

8. Selon le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective.

9. Il résulte de la combinaison des textes conventionnels que le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur annexé à la convention collective que ce texte ne s'applique pas aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie et qui entrent dans les prévisions de l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective.

10. Ayant constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection de longue durée du 27 décembre 2013 au 24 janvier 2016 et qu'elle avait bénéficié du maintien de salaire, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation des dispositions conventionnelles à la lumière de l'article 7 de la directive 2003/88/CE, sans donner un effet direct à celui-ci, a exactement décidé que cette période n'entraînait aucune réduction du droit à congé payé.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait le même grief, alors « que, en tout état de cause, des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence ; qu'en considérant, cependant, que l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail du 4 novembre 2003 exigerait le maintien d'un tel droit au report et s'opposerait à son extinction dans le temps, y compris dans le cas d'un salarié qui, comme Mme [O], aurait été en arrêt de travail ininterrompu pendant une durée de plus de deux années consécutives, la cour d'appel a violé cette disposition. »

Réponse de la Cour

13. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

14. Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation.

15. La cour d'appel, qui a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur type ne pouvait avoir pour effet de priver le salarié de tout droit à report, a fait l'exacte application de la finalité assignée aux congés payés par la directive 2003/88/CE.

16. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

17. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec l'état de santé, alors « que la portée de la cassation s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement ou de l'arrêt cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation, qui sera prononcée, du chef ayant condamné l'organisme [Établissement 1] à payer à la salariée 3.302,68 euros à titre d'indemnité de congés annuels, entraînera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef l'ayant condamné à 1.000,00 euros de dommages-intérêts pour discrimination en lien avec sa santé, les deux condamnations se rattachant par un lien de dépendance nécessaire.»

Réponse de la Cour

18. Le rejet du premier moyen prive de portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence.

Mais sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

19. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à titre d'indemnité compensatrice de congés annuels, alors « qu'aux termes de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical ou longue maladie sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel ; qu'il résulte du paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective que la situation du salarié dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie n'est pas concernée par ce texte ; qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ; que pour limiter à la somme de 3 302,68 euros l'indemnité de congés annuels, la cour d'appel a retenu que le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective était applicable en l'espèce et, partant, que la salariée, qui n'avait pas bénéficié du solde des congés qui lui étaient dus avant son arrêt maladie en décembre 2013, était fondée à se prévaloir, en outre, des congés dus au titre du dernier exercice 2015, échu dans le cadre de son arrêt de travail ; qu'en statuant ainsi, alors pourtant qu'elle avait constaté que la salariée avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie reconnue en affection longue durée du mois de décembre 2013 au mois de janvier 2016 et que, pendant cette période, elle avait bénéficié du maintien de son salaire, ce dont elle devait déduire, d'une part, que la situation de la salariée n'était pas concernée par le paragraphe XIV du règlement intérieur et, d'autre part, qu'en application de l'article 38 d), alinéa 4, de la convention collective, la salariée était fondée à demander la somme de 6 841,80 euros à titre d'indemnité de congés annuels pour les exercices 2012-2013, 2013-2014 et 2014-2015, la cour d'appel a violé, par fausse application, le paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale et, par refus d'application, l'article 38 d), alinéa 4 de cette même convention collective. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 38 d) alinéa 4 de la convention collective nationale des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 et le paragraphe XIV alinéa 4 du règlement intérieur type annexé à cette convention collective :

20. Selon le premier de ces textes, les absences provoquées par la fréquentation obligatoire des cours professionnels, les périodes de réserve obligatoire, les jours d'absence pour maladie constatée par certificat médical, cure thermale autorisée, accident du travail, maternité à plein traitement, longue maladie, les permissions exceptionnelles de courte durée accordées au cours de l'année et les congés prévus à l'article 12 sont, lorsqu'ils comportent le maintien du salaire, assimilés à un temps de travail et ne peuvent, par conséquent, entraîner la réduction du congé annuel.

21. Selon le second de ces textes, le droit aux congés annuels n'est pas ouvert dans une année déterminée par les absences pour maladie ou longue maladie, ayant motivé une interruption de travail égale ou supérieure à douze mois consécutifs, par les absences pour service militaire obligatoire, par les congés sans solde prévus aux articles 410, 44 et 46 de la convention collective. Il est ouvert à nouveau à la date de la reprise du travail, la durée du congé étant établie proportionnellement au temps de travail effectif n'ayant pas encore donné lieu à l'attribution d'un congé annuel.

22. Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à une maladie, à un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de la reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 3141-26 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable.

23. Des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée. A cet égard, la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'une période de report du droit au congé annuel payé de quinze mois était conforme à la finalité du congé annuel (CJUE 22 novembre 2011, C-214/10, KHS AG c/ Shulte), mais que tel n'était pas le cas d'une période de report de neuf mois (CJUE, 3 mai 2012, C-337/10, Neidel).

24. Le paragraphe XIV du règlement intérieur type annexé à la convention collective a pour objet de limiter à douze mois la période pendant laquelle un salarié, absent pour l'une des causes qu'il prévoit, peut acquérir des droits à congés payés et non d'organiser la perte de droits acquis qui n'auraient pas été exercés au terme d'un délai de report substantiellement supérieur à la période de référence.

25. Pour limiter à une certaine somme la condamnation de l'employeur à un rappel d'indemnité de congé annuel, l'arrêt retient que les dispositions du paragraphe XIV du règlement intérieur peuvent s'interpréter comme ouvrant un droit aux congés annuels dans le cadre d'une interruption de moins de douze mois consécutifs, en ce compris lorsque l'arrêt maladie est d'une durée égale à celui de la salariée. Il ajoute qu'au-delà de cette période, le congé annuel est dépourvu de son effet positif pour le travailleur, au regard de sa finalité de temps de repos, pour ne garder que sa finalité de période de détente et de loisirs.

L'arrêt en déduit que la limitation aux congés annuels payés par une période de report de douze mois est conforme à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen.

26. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 3 302,68 euros la condamnation de l'[Établissement 1] à payer à Mme [O] une indemnité de congés annuels, l'arrêt rendu le 19 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : M. Flores - Avocat général : Mme Roques - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SCP Rousseau et Tapie -

Textes visés :

Article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; article 38, d), alinéa 4, de la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 ; directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ; paragraphe XIV du règlement intérieur annexé à la convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.

Rapprochement(s) :

Sur l'inapplicabilité du paragraphe XIV, alinéa 4, du règlement intérieur annexé à la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957 aux salariés dont la rémunération a été maintenue pendant la maladie, à rapprocher : Soc., 3 novembre 2005, pourvoi n° 03-45.838, Bull. 2005, V, n° 310 (rejet). Sur les limitations au droit au report des congés payés, à rapprocher : Soc., 21 septembre 2017, pourvoi n° 16-24.022, Bull. 2017, V, n° 144 (2) (rejet).

2e Civ., 23 septembre 2021, n° 20-16.756, (B)

Cassation

Cotisations – Exonération – Exonération relative aux sommes portées par une entreprise à la réserve spéciale de participation des salariés aux résultats de l'entreprise – Accord de participation – Articles L. 3345-2 et L. 3345-3 du code du travail – Application dans le temps – Cas – Avenant postérieur à la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006

Selon l'article L. 3345-2, alinéa 1, du code du travail, l'autorité administrative dispose d'un délai de quatre mois à compter du dépôt d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation ou d'un règlement d'épargne salariale pour demander, après consultation de l'organisme en charge du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont relève l'entreprise, le retrait ou la modification des dispositions contraires aux dispositions légales.

Selon l'article L. 3345-3 du même code, en l'absence de demande de l'autorité administrative pendant le délai de quatre mois, aucune contestation ultérieure de la conformité des termes de l'accord ou du règlement aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales attachées aux avantages accordés aux salariés au titre des exercices en cours ou antérieurs à la contestation.

Sauf si la modification de l'accord initial n'est que de forme, ces dispositions, telles qu'issues de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, sont applicables à l'avenant qui, conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de celle-ci, modifie un accord de participation qui lui est antérieur.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 6 février 2020), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 janvier 2017, pourvoi n° 16-11.312), à la suite d'un contrôle de la société Airbus DS Géo (la société) portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de [Localité 1] (l'URSSAF) a notamment réintégré dans l'assiette des cotisations des sommes versées en exécution d'un accord de participation.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au chef de redressement portant sur la réserve de participation et les modalités de répartition pour les années 2009 à 2011, alors « qu'il résulte des articles L. 3345-2 et L. 3345-3 du code du travail que l'autorité administrative dispose d'un délai de quatre mois à compter du dépôt d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation ou d'un règlement d'un plan d'épargne salariale pour demander, après consultation de l'organisme en charge du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont relève l'entreprise, le retrait ou la modification des dispositions contraires aux dispositions légales ; que sur le fondement de cette demande, l'accord ou le règlement peut être dénoncé à l'initiative d'une des parties en vue de la renégociation d'un accord conforme aux dispositions légales et qu'en l'absence de demande de l'autorité administrative pendant le délai de quatre mois, aucune contestation ultérieure de la conformité des termes de l'accord ou du règlement aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales attachées aux avantages accordés aux salariés au titre des exercices en cours ou antérieurs à la contestation ; qu'en refusant à l'entreprise redressée le bénéfice de la sécurisation aux avenants des 27 juin 2006 et 29 juin 2010 à l'accord de participation du 14 mai 1992 aux motifs erronés que la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 ayant introduit ce dispositif dans le code du travail ne s'appliquerait pas aux accords en cours d'exécution, la cour d'appel a violé les articles L. 3345-2 et L. 3345-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

5. Ayant constaté que l'avenant n° 2 du 27 juin 2006 à l'accord de participation du 14 mai 1992 était antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci n'était pas applicable aux sommes versées aux salariés au titre de l'année 2009.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen

7. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours relatif au chef de redressement portant sur la réserve de participation et les modalités de répartition pour les années 2010 à 2011, alors « qu'il résulte des articles L. 3345-2 et L. 3345-3 du code du travail que l'autorité administrative dispose d'un délai de quatre mois à compter du dépôt d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation ou d'un règlement d'un plan d'épargne salariale pour demander, après consultation de l'organisme en charge du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont relève l'entreprise, le retrait ou la modification des dispositions contraires aux dispositions légales ; que sur le fondement de cette demande, l'accord ou le règlement peut être dénoncé à l'initiative d'une des parties en vue de la renégociation d'un accord conforme aux dispositions légales et qu'en l'absence de demande de l'autorité administrative pendant le délai de quatre mois, aucune contestation ultérieure de la conformité des termes de l'accord ou du règlement aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales attachées aux avantages accordés aux salariés au titre des exercices en cours ou antérieurs à la contestation ; qu'en refusant à l'entreprise redressée le bénéfice de la sécurisation à l'avenant du 29 juin 2010 à l'accord de participation du 14 mai 1992 aux motifs que la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 ayant introduit ce dispositif dans le code du travail ne s'appliquerait pas aux accords en cours d'exécution, ce dont il résultait qu'en tout cas cet avenant en bénéficiait, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3345-2, alinéa 1, et L. 3345-3 du code du travail, tels qu'issus de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 :

8. Selon le premier de ces textes, l'autorité administrative dispose d'un délai de quatre mois à compter du dépôt d'un accord d'intéressement, d'un accord de participation ou d'un règlement d'épargne salariale pour demander, après consultation de l'organisme en charge du recouvrement des cotisations de sécurité sociale dont relève l'entreprise, le retrait ou la modification des dispositions contraires aux dispositions légales.

9. Selon le second, en l'absence de demande de l'autorité administrative pendant le délai de quatre mois, aucune contestation ultérieure de la conformité des termes de l'accord ou du règlement aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales attachées aux avantages accordés aux salariés au titre des exercices en cours ou antérieurs à la contestation.

10. Sauf si la modification de l'accord initial n'est que de forme, ces dispositions sont applicables à l'avenant qui, conclu postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi susvisée, modifie un accord de participation qui lui est antérieur.

11. Pour rejeter le recours, l'arrêt retient que la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 ne prévoyant pas son application aux accords en cours d'exécution, les contrats de participation demeurent soumis à la loi en vigueur lors de leur conclusion, ainsi que leurs avenants qui se rattachent aux contrats qu'ils visent à modifier, nonobstant leur substitution de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'ils modifient. Il en déduit que l'avenant du 29 juin 2010 se rattachant à l'accord de participation du 14 mai 1992 qui est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006, le dispositif de sécurisation issu de cette loi ne lui est pas applicable.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'avenant du 29 juin 2010, applicable aux sommes versées aux salariés au titre des années 2010 et 2011, apportait une modification, autre que de forme, à l'accord de participation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt (n° RG : 18/05863) rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Taillandier-Thomas - Avocat général : M. de Monteynard - Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 3345-2 et L. 3345-3 du code du travail.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 janvier 2017, pourvoi n° 16-11.312, Bull. 2017, II, n° 16 (cassation).

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