Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

REPRESENTATION DES SALARIES

Soc., 22 septembre 2021, n° 20-16.859, (B)

Rejet

Comité social et économique – Membres – Membre suppléant – Remplacement du titulaire – Cas – Remplacement du salarié dont l'élection est annulée – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 16 juin 2020), lors du premier tour de scrutin organisé le 13 novembre 2019 en vue de la mise en place du comité social et économique de l'établissement de[Localité 1] de la société Moy Park France (la société), M. [D] a été élu membre titulaire pour le 2e collège « agents de maîtrise » sur la liste syndicale CFE-CGC comportant deux candidats hommes.

2. Par requête enregistrée au greffe le 15 novembre 2019, Mme [S] a saisi le tribunal d'instance aux fins d'annuler cette liste pour non-respect de la représentation équilibrée des femmes et des hommes et d'attribuer le statut d'élu titulaire dans le collège concerné à M. [X], candidat présenté sur la liste du syndicat CGT, ce dernier s'associant à la demande le 12 décembre 2019.

3. La société a demandé à titre principal le rejet de cette demande et, très subsidiairement, que, en cas d'annulation, soit désignée comme titulaire l'élue suppléante de la liste présentée par le syndicat CFE-CGC pour ce même collège.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de dire n'y avoir lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire laissé vacant par suite de l'annulation de l'élection de M. [D] en qualité de membre titulaire du deuxième collège au sein du comité social et économique de l'établissement de [Localité 1] de la société, alors « que l'article L. 2314-37 du code du travail, qui organise le remplacement, par un délégué suppléant, du délégué titulaire qui cesse ses fonctions, et vise à éviter une vacance de siège, s'applique en cas d'annulation de l'élection d'un délégué titulaire du comité social et économique en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2314-32 du code du travail ; qu'en conséquence, le délégué titulaire, dont l'élection est annulée en raison de la méconnaissance des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes, est remplacé prioritairement par un délégué suppléant de la même catégorie, élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale ; qu'en affirmant cependant que les dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail ne s'appliquent pas en cas d'annulation de l'élection d'un élu titulaire, le tribunal a violé les articles L. 2314-32 et L. 2314-37 du code du travail, ensemble le principe de participation des travailleurs garanti par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 et le principe de la liberté syndicale protégé par l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 2314-32, alinéa 3, du code du travail, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter.

Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

Aux termes du dernier alinéa de cet article, le cas échéant, il est fait application des dispositions de l'article L. 2314-10 du code du travail.

6. Aux termes de l'article L. 2314-10, alinéa 1er, du même code, des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

7. Ces dispositions sont d'ordre public absolu.

8. Les dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail, autorisant le remplacement par un suppléant du titulaire d'un mandat momentanément empêché de l'exercer ou du titulaire d'un mandat qui vient à cesser ses fonctions pour l'un des événements limitativement énumérés à l'article L. 2314-33, alinéa 3, du même code ne s'appliquent pas à un salarié élu qui est privé de son mandat par l'annulation de son élection en application de l'article L. 2314-32 du code du travail sanctionnant le non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes imposées par l'article L. 2314-30 du même code.

9. Après avoir constaté l'irrégularité, au regard de la composition du 2e collège, de la liste de candidats présentée par le syndicat CFE-CGC et annulé en conséquence l'élection d'un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, le tribunal, qui a retenu que l'annulation de l'élection ne figure pas au nombre des causes de cessation des fonctions prévues par l'article L. 2314-33 et qu'aucun renvoi n'est envisagé par le législateur aux dispositions de l'article L. 2314-37 relatives au remplacement d'un délégué titulaire qui cesse ses fonctions, a, à bon droit, écarté l'application des dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail et dit qu'il n'y avait pas lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire ainsi laissé vacant.

10. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 2314-32 et L. 2314-37 du code du travail.

Soc., 8 septembre 2021, n° 20-13.694, (B)

Cassation sans renvoi

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectifs de l'entreprise – Entreprise de plus de trois cent salariés – Désignation du représentant syndical – Représentant distinct du délégué syndical – Désignation – Possibilité

Il résulte de la combinaison des articles L. 2143-3, L. 2143-6, L. 2143-22 et L. 2314-2 du code du travail que le législateur n'a prévu la possibilité de désigner un représentant syndical au comité social et économique distinct du délégué syndical que dans les entreprises de plus de trois cents salariés et que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés dans lesquelles la désignation d'un délégué syndical en application des dispositions de droit commun de l'article L. 2143-3 du code du travail est exclue, les dispositions de l'article L. 2143-22 ne sont pas applicables.

Délégué syndical – Désignation – Conditions – Effectif de l'entreprise – Entreprise employant moins de cinquante salariés – Membre élu – Nécessité – Portée

Comité social et économique – Représentant syndical au comité social et économique – Désignation – Membre de droit – Délégué syndical – Possibilité – Entreprise de moins de cinquante salariés – Exclusion – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire, 14 février 2020), M. [I], candidat non élu lors des élections professionnelles, a été désigné le 5 septembre 2019,en qualité de représentant syndical au comité social et économique mis en place au sein de la société Singapore Airlines Limited (la société) dont l'effectif est inférieur à cinquante salariés, par le syndicat UNSA Aérien SNMSAC qui n'a désigné aucun délégué syndical.

2. Par requête datée du 13 septembre 2019, reçue au greffe le 17 septembre 2019, la société a saisi le tribunal d'instance aux fins d'annuler cette désignation.

Examen du moyen

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 2314-2, L. 2143-3, L. 2143-6 et L. 2143-22 et du code du travail :

4. Aux termes de l'article L. 2314-2 du code du travail, sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité social et économique fixées à l'article L. 2314-19.

5. Selon l'article L. 2143-22 du même code, dans les entreprises de moins de trois cents salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical est, de droit, représentant syndical au comité social et économique.

Le délégué syndical est, à ce titre, destinataire des informations fournies au comité social et économique.

6. Aux termes de l'article L. 2143-3 du même code, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement d'au moins cinquante salariés, qui constitue une section syndicale, désigne parmi les candidats aux élections professionnelles qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, dans les limites fixées à l'article L. 2143-12, un ou plusieurs délégués syndicaux pour la représenter auprès de l'employeur.

La désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois consécutifs.

7. Enfin, selon l'article L. 2143-6 du code du travail, dans les établissements qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats représentatifs dans l'établissement peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un membre de la délégation du personnel au comité social et économique comme délégué syndical. Sauf disposition conventionnelle, ce mandat n'ouvre pas droit à un crédit d'heures.

Le temps dont dispose le membre de la délégation du personnel au comité social et économique pour l'exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l'exercice de ses fonctions de délégué syndical.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que le législateur n'a prévu la possibilité de désigner un représentant syndical au comité social et économique distinct du délégué syndical que dans les entreprises de plus de trois cents salariés et que, dans les entreprises de moins de cinquante salariés dans lesquelles la désignation d'un délégué syndical en application des dispositions de droit commun de l'article L. 2143-3 du code du travail est exclue, les dispositions de l'article L. 2143-22 ne sont pas applicables.

La désignation dérogatoire, maintenue par le législateur, d'un membre de l'institution représentative du personnel prévue dans les entreprises de moins de cinquante salariés comme délégué syndical, sans crédit d'heures de délégation supplémentaire, en application des dispositions de l'article L. 2143-6 du même code, n'a pas pour conséquence de rendre applicable la possibilité de désigner un représentant syndical auprès du comité social et économique des entreprises de moins de cinquante salariés.

9. Pour rejeter la demande d'annulation de la désignation du salarié en qualité de représentant syndical au comité social et économique, le jugement retient que dès lors qu'un syndicat représentatif n'a pas désigné de délégué syndical, tout salarié éligible au comité social et économique peut être désigné en qualité de représentant syndical auprès de ce comité, qu'en l'espèce, le syndicat n'a désigné aucun élu comme délégué syndical et que la salariée élue UNSA aux élections du 19 juin 2019 ne peut siéger comme représentant syndical auprès du comité social et économique en vertu de la règle du non-cumul.

10. En statuant ainsi, alors que le comité social et économique avait été mis en place au sein d'une entreprise comptant moins de cinquante salariés, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

12.L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 14 février 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE la désignation de M. [I] en qualité de représentant syndical au comité social et économique de la société Singapore Airlines Limited faite le 5 septembre 2019 par le syndicat UNSA Aérien SNMSAC.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Ott - Avocat général : Mme Trassoudaine-Verger - Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Articles L. 2143-3, L. 2143-6, L. 2143-22 et L. 2314-2 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Sur la nécessité que le délégué syndical soit un membre élu, à rapprocher : Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-12.279, Bull. 2020, (Rejet).

Soc., 8 septembre 2021, n° 20-14.011, (B)

Cassation

Délégués du personnel – Attributions – Atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles – Dénonciation – Saisine du conseil de prud'hommes – Jugement rendu par la juridiction prud'homale – Action postérieure du salarié intéressé – Action au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail – Possibilité – Portée

Ni le principe de l'autorité de la chose jugée, ni celui de l'unicité de l'instance ne font obstacle à ce que, suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, dont l'objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une action au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Délégués du personnel – Attributions – Atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles – Domaine d'application – Portée

Désistement partiel

1. Il est donné acte à Mme [Y] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat Fédération CFTC-CMTE.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 octobre 2019) et les pièces de procédure, Mme [Y] a été engagée à compter du 1er février 1995 en qualité de vendeuse par les Etablissements Damon et Delente, filiale de la société Baccarat, à laquelle son contrat de travail a été transféré par convention du 8 février 2012 sur un poste de coordonnatrice « global retail ». Mme [Y] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 22 mars 2012.

3. Par jugement du 26 novembre 2013 devenu définitif, le conseil des prud'hommes de Paris, saisi par la Fédération CFTC-CMTE d'une action fondée sur l'article L. 2313-2 du code du travail, a rejeté la demande d'enquête du syndicat sur les faits de harcèlement moral dont la salariée aurait été victime.

4. Mme [Y] a saisi le 11 juin 2013 la juridiction prud'homale en vue de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, condamner la société Baccarat à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de ce contrat et ordonner une expertise afin de procéder à sa reconstitution de carrière et de rémunération.

5. Par lettre du 5 mars 2015, la société Baccarat lui a notifié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

6. Par arrêt du 13 février 2018, la cour d'appel a jugé irrecevable l'appel de Mme [Y] formé à l'encontre du jugement du 26 novembre 2013 statuant sur l'action fondée sur l'article L. 2313-2 du code du travail, au motif qu'elle n'était pas partie à cette instance.

7. Par l'arrêt attaqué du 2 octobre 2019, la cour d'appel a confirmé le jugement du 7 novembre 2014 ayant déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [Y] au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

8. Mme [Y] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors :

« 2°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard des parties qui ont été présentes ou représentées au litige et qui, dans la nouvelle instance, procèdent en la même qualité ; que l'action de substitution est une action personnelle au syndicat et non une action par représentation des salariés ; qu'en déclarant irrecevables les demandes présentées dans le cadre de l'action personnellement engagée par Mme [Y] aux motifs propres et adoptés que « l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure », puisque le salarié ne peut être considéré comme tiers à l'instance engagée par le syndicat, et qu'une identité de parties doit donc être retenue entre les deux instances, quand le salarié n'est pas représenté par le syndicat dans le cadre d'une action de substitution, de sorte qu'il n'existe aucune identité de parties entre l'instance engagée par le syndicat et l'instance engagée par le salarié à titre personnel, la cour d'appel a violé l'article L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable en l'espèce, et l'article 1355 du code civil ;

4°/ que le principe d'unicité d'instance n'est applicable qu'en cas d'identité de parties ; qu'en fondant sa décision sur le principe d'unicité de l'instance, qui ferait obstacle à ce que la salariée introduise une action à titre personnel à la suite de l'action de substitution engagée par le syndicat, tout en constatant que Mme [Y] n'était pas partie à l'instance engagée par le syndicat Fédération CFTC-CMTE lequel, par ailleurs, n'agissait pas par représentation de la salariée, de sorte que le principe de l'unicité de l'instance ne pouvait être opposé à Mme [Y], la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, R. 1452-6 du même code, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 et l'article 1351, devenu 1355 du code civil :

9. Aux termes du premier de ces textes, si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

10. Selon le deuxième de ces textes, toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance. Cette règle n'est pas applicable lorsque le fondement des prétentions est né ou révélé postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.

11. Selon le dernier, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

12. Ni le principe de l'autorité de la chose jugée, ni celui de l'unicité de l'instance ne font obstacle à ce que, suite à un jugement rendu par la juridiction prud'homale sur le fondement de l'article L. 2313-2 du code du travail, dont l'objet est de faire ordonner les mesures propres à faire cesser une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles, le salarié intéressé engage ultérieurement une action au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

13. Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée, l'arrêt énonce que l'action en substitution permet à une organisation syndicale d'intervenir en lieu et place d'un salarié, que celui-ci ne peut intenter une action à son tour mais seulement intervenir à l'instance, qu'une fois le jugement devenu définitif et en vertu du principe de l'unicité d'instance, le salarié n'est plus recevable à introduire une action sur la base du même contrat de travail, et que l'achèvement d'une procédure engagée par le syndicat en faveur du salarié lui fait perdre la faculté d'engager une action ultérieure.

14. L'arrêt relève ensuite que la fédération s'est substituée à la salariée afin de solliciter toute mesure d'enquête concernant des faits de harcèlement dans l'entreprise en évoquant le climat délétère dont celle-ci aurait été victime ainsi que le traitement discriminatoire et la violation du principe d'égalité de traitement concernant son évolution salariale et professionnelle.

15. L'arrêt retient également que la saisine du conseil des prud'hommes par la salariée est fondée sur les mêmes motifs et a le même objet que l'action engagée par la fédération, et que le jugement du conseil de prud'hommes du 26 novembre 2013, rendu en matière de référé, est une décision au fond ayant autorité de la chose jugée, qui est devenue définitive en l'absence d'appel de la fédération et en raison de l'irrecevabilité de l'appel de la salariée.

16. Il ajoute enfin, après avoir rappelé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail, que le fondement des prétentions de la salariée est né ou a été révélé avant la décision du 26 novembre 2013.

17. En statuant ainsi, alors que les demandes étaient recevables, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Prache - Avocat général : Mme Grivel - Avocat(s) : Me Bertrand ; SCP Rocheteau et Uzan-Sarano -

Textes visés :

Article L. 2313-2 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ; article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 ; article 1351, devenu l'article 1355, du code civil.

Rapprochement(s) :

Sur le droit d'alerte du délégué du personnel, à rapprocher : Soc., 10 décembre 1997, pourvoi n° 95-42.661, Bull. 1997, V, n° 434 (cassation sans renvoi) ; Soc., 26 mai 1999, pourvoi n° 97-40.966, Bull. 1999, V, n° 238 (rejet), et l'arrêt cité ; Soc., 17 juin 2009, pourvoi n° 08-40.274, Bull. 2009, V, n° 153 (rejet) ; Soc., 14 octobre 2020, pourvoi n° 19-11.508, Bull. 2020, (rejet).

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