Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

PROPRIETE

3e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-15.713, (B)

Cassation

Construction sur le terrain d'autrui – Article 555 du code civil – Domaine d'application – Construction nouvelle – Exclusion – Cas

Des travaux exécutés sur une construction préexistante avec laquelle ils s'identifient ne relèvent pas des dispositions de l'article 555 du code civil, lesquelles ne concernent que des constructions nouvelles pouvant être l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol.

Viole le texte précité, par fausse application, l'arrêt qui retient que, compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux réalisés devaient être regardés comme l'édification d'une construction neuve, alors qu'il résultait de ses constatations que les murs du bâtiment en ruine rénové subsistaient.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), M. et Mme [G], prétendant que M. [H] leur avait vendu, en avril 1993, une ruine située sur un terrain lui appartenant, l'ont assigné en reconnaissance de leur qualité de propriétaire ou en indemnisation de leurs travaux de restauration.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

2. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de les condamner à enlever à leurs frais les constructions réalisées sur le bien de M. [H] et de rejeter leurs demandes en paiement de la somme de 85 000 euros au titre des améliorations réalisées sur ce bien, alors « que les dispositions de l'article 555 du code civil ne s'appliquent qu'aux constructions nouvelles mais pas quand les travaux sont réalisés sur des ouvrages existants et constituent des réparations ou de simples améliorations ; qu'en jugeant que les travaux réalisés par les époux [G] « (devaient) être regardés comme l'édification d'une construction neuve » en raison de l'importance de « la rénovation effectuée », bien qu'elle ait, elle-même constaté que les travaux avaient été réalisés sur un ouvrage préexistant, la cour d'appel a violé l'article 555 du code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code civil :

3. Selon ce texte, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.

4. Ces dispositions ne concernent que des constructions nouvelles pouvant être l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol.

5. Pour les dire applicables, l'arrêt retient que, compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux M. et Mme [G] doivent être regardés comme l'édification d'une construction neuve.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. et Mme [G] avaient pris possession d'un bâtiment en ruine dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés, ce dont il résultait que les murs subsistaient, de sorte que les travaux avaient été exécutés sur une construction préexistante avec laquelle ils s'étaient identifiés, la cour d'appel a, par fausse application, violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.

- Président : M. Chauvin - Rapporteur : M. Béghin - Avocat général : Mme Guilguet-Pauthe - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article 555 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 8 janvier 1997, pourvoi n° 95-10.339, Bull. 1997, III, n° 8 (2) (rejet), et l'arrêt cité.

3e Civ., 30 septembre 2021, n° 20-18.778, (B)

Rejet

Mitoyenneté – Mur – Acquisition – Date – Demande d'acquisition – Conditions – Remboursement

La cession de mitoyenneté s'opère par l'effet de la demande d'acquisition et à sa date, à la seule condition imposée au bénéficiaire de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir, sans formalisme pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière.

Mitoyenneté – Mur – Acquisition – Date – Demande d'acquisition – Conditions – Formalités de publicité foncière – Exclusion

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 février 2020), par acte des 23 et 25 février 1895, le comte et la comtesse [O] ont vendu au comte [W] un hôtel particulier situé [Adresse 2], qui a ensuite été acquis sur adjudication des 28 juin et 27 juillet 1920 par la marquise [K] et qui appartient désormais à M. [C] [K] pour la moitié en pleine propriété et pour l'autre en usufruit.

Le domaine comporte à l'arrière du bâtiment un jardin ceint de murs le séparant d'un immeuble en copropriété comportant trois corps de bâtiment et une cour en son milieu.

2. Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] (le syndicat) a déposé une déclaration préalable de travaux d'arasement du mur séparant la cour du jardin de la propriété voisine, suivie d'un arrêté de non-opposition vainement contesté devant la juridiction administrative.

3. Après suspension des travaux ordonnée en référé, M. [K] a assigné le syndicat en revendication de la mitoyenneté du mur litigieux et en interdiction des travaux d'arasement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Le syndicat fait grief à l'arrêt d'accueillir les demandes, alors :

« 1°/ que l'acquisition de la mitoyenneté d'un mur, acte de cession d'un droit réel, n'est opposable aux propriétaires ultérieurs des fonds concernés que si l'acte d'acquisition de cette mitoyenneté a fait l'objet d'une publication ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la mitoyenneté du mur d'origine séparant les deux propriétés avait été acquise par M. le comte [O], propriétaire de l'immeuble situé [Adresse 2] ; qu'en déclarant cette mitoyenneté opposable aux propriétaires de l'immeuble situé [Adresse 3], sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'acte d'acquisition de cette mitoyenneté avait bien été publié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 661 du code civil, ensemble les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et les articles 1er et 3 de la loi sur la transcription en matière hypothécaire du 23 mars 1855 ;

2°/ que l'acquisition de la mitoyenneté de l'exhaussement d'un mur mitoyen, acte de cession d'un droit réel, n'est opposable aux propriétaires ultérieurs des fonds concernés que si l'acte d'acquisition de cette mitoyenneté a fait l'objet d'une publication ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'un exhaussement avait été réalisé sur le mur mitoyen par M. [I], alors propriétaire du [Adresse 3] et que la mitoyenneté de cet exhaussement avait ultérieurement été acquise par le comte [O] ; qu'en se bornant à estimer que le compte de propriété alors conclu entre les propriétaires initiaux des parcelles en cause, qui n'était pas créateur de droits, n'avait pas à être publié, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'acte d'acquisition de la mitoyenneté de cet exhaussement avait bien été publié, faute de quoi il était inopposable aux propriétaires ultérieurs du [Adresse 3], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 661 du code civil, ensemble les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et les articles 1er et 3 de la loi sur la transcription en matière hypothécaire du 23 mars 1855 ;

3°/ que les modes de preuve de la mitoyenneté sont sans incidence sur son régime, lequel découle exclusivement du mode d'établissement de cette mitoyenneté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mitoyenneté du mur litigieux avait fait l'objet d'une acquisition par le comte [O] ; qu'en déclarant ce mitoyenneté opposable aux acquéreurs successifs en se fondant sur la circonstance, purement probatoire, que ce mur « [bénéficiait] de la présomption de mitoyenneté prévue par [l'article 653 du code civil] » et que « le mur séparant la courette du jardin "[était] munie d'un chaperon à double pente », ce qui constitue une marque de mitoyenneté », la cour d'appel a statué par des motifs impropres et violé les articles 653 et 654 du code civil, ensemble les articles 28 et 30 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et les articles 1er et 3 de la loi sur la transcription en matière hypothécaire du 23 mars 1855 ;

4°/ que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'en jugeant d'une part que la mitoyenneté de l'exhaussement du mur séparant les propriétés en cause résultait de son acquisition par le comte [O], tel qu'attesté par le compte de copropriété du 2 mars 1881 et, d'autre part, que la mitoyenneté de cet exhaussement découlait de la prescription de l'article 653 du code civil et de la circonstance que ce mur présentait « un chaperon à double pente, ce qui constitue une marque de mitoyenneté », la cour d'appel s'est contredite et a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a souverainement retenu qu'avant cession de la mitoyenneté de l'exhaussement, le mur d'origine séparant la cour et le jardin était mitoyen, comme mentionné dans le compte de copropriété dressé le 2 mars 1881 et l'acte des 23 et 25 février 1895, par le jeu de la présomption de l'article 653 du code civil.

6. Elle a constaté que le comte [O] avait, à sa demande, acquis la mitoyenneté de l'exhaussement de ce mur moyennant le paiement d'une somme due en règlement du compte de copropriété et dont il s'était acquitté.

7. La cession de mitoyenneté s'opérant par l'effet de la demande d'acquisition et à sa date, à la seule condition imposée au bénéficiaire de payer le prix de la mitoyenneté à acquérir, sans formalisme pouvant donner lieu aux formalités de publicité foncière, la cour d'appel n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante.

8. Par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Maunand (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Jessel - Avocat général : M. Burgaud - Avocat(s) : SCP Delvolvé et Trichet ; SCP Foussard et Froger -

Textes visés :

Articles 653 et 661 du code civil.

Rapprochement(s) :

3e Civ., 18 janvier 1972, pourvoi n° 70-12.531, Bull. 1972, III, n° 41 (rejet), et l'arrêt cité ; 3e Civ., 25 avril 1972, pourvoi n° 71-10.119, Bull. 1972, III, n° 258 (cassation), et l'arrêt cité.

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