Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-10.581, (B)

Rejet

Mesures conservatoires – Saisie conservatoire – Mesure pratiquée sans titre exécutoire – Validité – Conditions – Introduction d'une procédure permettant l'obtention d'un titre exécutoire – Cas – Plainte avec constitution de partie civile (non)

Ne constitue pas une procédure ou une formalité nécessaire à l'obtention d'un titre exécutoire, au sens de l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, une constitution de partie civile contre une personne non dénommée, au cours d'une instruction ayant abouti à la mise en examen de plusieurs personnes, dont les débiteurs, dès lors qu'elle n'implique pas que les dommages-intérêts susceptibles d'être obtenus soient à la charge de ces derniers.

Mesures conservatoires – Mesure pratiquée sans titre exécutoire – Validité – Conditions – Introduction d'une procédure permettant l'obtention d'un titre exécutoire – Plainte avec constitution de partie civile

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 novembre 2019), par jugement du 8 février 2007, la Mutuelle de l'Allier et des régions françaises (la MARF), a été placée en liquidation judiciaire, M. [E] étant nommé en qualité de liquidateur judiciaire aux opérations d'assurance et M. [Y] en qualité de mandataire judiciaire pour procéder à l'inventaire des autres actifs et aux opérations de liquidation.

2. Des irrégularités ayant été révélées dans le cadre de la liquidation de la MARF, M. [E] et la société ALV conseil, dont il est le président, ont été mis en examen le 13 décembre 2016.

3. Le 17 mars 2017, M. [F], désigné en remplacement de M. [E] en qualité de liquidateur judiciaire, s'est constitué partie civile au nom de la MARF dans le cadre de cette information judiciaire.

4. Ayant été autorisés, par ordonnance du 20 avril 2018 d'un juge de l'exécution, à pratiquer une saisie conservatoire des comptes bancaires de la société ALV conseil, les liquidateurs de la MARF ont fait exécuter cette ordonnance les 24 avril et 11 mai 2018.

5. Les liquidateurs de la MARF ont, à nouveau, été autorisés à pratiquer une saisie conservatoire des comptes bancaires de M. [E] aux termes d'une ordonnance du 17 mai 2018, qu'ils ont fait exécuter le 22 mai 2018.

6. Par acte d'huissier de justice du 7 mai 2018, M. [E] et la société ALV conseil ont assigné MM. [Y] et [F], ès qualités, devant un juge de l'exécution en mainlevée de toutes les saisies conservatoires pratiquées sur leurs comptes bancaires.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, et le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et sur le second moyen, pris en sa première branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

8. MM. [Y] et [F], ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer caduques les saisies conservatoires pratiquées les 24 avril et 11 mai 2018 à l'encontre de la société ALV conseil et celles pratiquées le 22 mai 2018 à l'encontre de M. [E], alors « que l'obligation faite, à peine de caducité, au créancier d'introduire une procédure ou d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire est satisfaite par la constitution de partie civile du saisissant par voie d'intervention devant le juge d'instruction dans l'information suivie contre le saisi mis en examen du chef d'un délit commis au préjudice du saisissant ; qu'en retenant, pour prononcer la caducité des saisies conservatoires, que la constitution de partie civile de la MARF « ne mentionn[ait] pas le nom des personnes contre lesquelles elle [était] déposée [...], de sorte qu'il ne p[ouvait] être déduit des termes de ladite plainte qu'elle visait nécessairement M. [E] et la société ALV conseil » (arrêt, p. 5, § 4, et p. 6, § 3), quand elle relevait elle-même que M. [E] et la société ALV conseil avaient été mis en examen dans cette information judiciaire, préalablement à l'exécution des saisies conservatoires, du chef de banqueroute commise au préjudice de la MARF (arrêt, p. 5, § 3 et 4), en sorte que la constitution de partie civile tendait à obtenir un titre exécutoire à leur encontre pour les détournements de fonds qui avaient justifié les saisies conservatoires, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 511-4, R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, 2, 3 et 87 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. En premier lieu, l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution permet à toute personne dont la créance paraît fondée en son principe de solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

10. En second lieu, à peine de caducité de la mesure ainsi ordonnée, l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution impose au créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, d'introduire une procédure ou d'accomplir les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.

11. Ne constitue pas une procédure ou une formalité nécessaire à l'obtention d'un titre exécutoire, au sens de l'article R.511-7 précité, une constitution de partie civile contre une personne non dénommée, au cours d'une instruction ayant abouti à la mise en examen de plusieurs personnes, dont les débiteurs, dès lors qu'elle n'implique pas que les dommages-intérêts susceptibles d'être obtenus soient à la charge de ces derniers.

12. L'arrêt retient que, le 17 mars 2017, M. [F], ès qualités, s'est constitué partie civile au nom de la MARF sans que cette plainte ne mentionne le nom des personnes contre lesquelles elle était déposée dans le cadre de l'information judiciaire ayant abouti, dès 2016, à la mise en examen de M. [E] et de la société ALV conseil et à celle de nombreuses autres personnes et qu'il ne pouvait pas être déduit des termes de ladite plainte qu'elle visait nécessairement M. [E] et la société ALV conseil.

13. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la plainte avec constitution de partie civile ne constituait pas l'engagement ou la poursuite d'une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire et que les saisies conservatoires, qui n'avaient pas été suivies, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, d'une procédure ou de formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire, étaient, par conséquent, caduques.

14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Marlange et de La Burgade -

Textes visés :

Article R. 511-7 du code de procédure civile d'exécution.

Rapprochement(s) :

En ce sens, à rapprocher : 2e Civ., 21 novembre 2002, pourvoi n° 01-02.705, Bull. 2002, II, n° 267 (rejet).

2e Civ., 30 septembre 2021, n° 20-14.060, (B)

Rejet

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Effets – Créance disponible entre les mains du tiers saisi – Attribution au profit du créancier saisissant – Déclaration du tiers saisi – Absence d'influence

Il résulte de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution que l'effet attributif immédiat de la saisie-attribution n'est pas subordonné à la déclaration du tiers saisi, telle que prévue par l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'obligation déclarative du tiers saisi naissant de la saisie, qui entraîne par elle-même effet attributif.

Mesures d'exécution forcée – Saisie-attribution – Tiers saisi – Obligation de renseignement – Etendue de ses obligations à l'égard du saisi – Effets – Effet attributif de la saisie – Absence d'influence

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 décembre 2019), sur le fondement d'un jugement, exécutoire par provision, d'un tribunal de commerce du 26 septembre 2018, la société Concept environnement a fait pratiquer, le 19 octobre 2018, une saisie-attribution sur le compte bancaire de la société Xerolab en règlement de sa créance de 62 104,50 euros, dénoncée le 25 octobre 2018.

2. Une précédente saisie-attribution, sur le fondement de ce même jugement, avait été diligentée, le 15 octobre 2018, par la société Xerox Financial Services, entre les mains de la société Xerolab, pour le recouvrement de la créance détenue par la société Concept environnement contre cette dernière, ce jugement ayant également condamné la société Concept environnement à payer à la société Xerox Financial Services certaines sommes.

3. Après avoir contesté la dernière saisie devant un juge de l'exécution, le 7 novembre 2018, la société Xerolab a assigné M. [Q], en qualité de liquidateur de la société Concept environnement, aux fins de lui déclarer commune et opposable la procédure.

4. Par jugement du 14 mai 2019, le juge de l'exécution a débouté la société Xerolab de sa demande de mainlevée de la seconde saisie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [Q], en qualité de liquidateur de la société Concept environnement, fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la mesure de saisie-attribution pratiquée le 19 octobre 2018 par la société Concept environnement sur la somme détenue par la société Xerolab entre les mains de la Société générale, alors « que par application combinée des articles L. 211-2, L. 211-3 et R. 211-3 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie dans la mesure de la déclaration du tiers saisi ; que la cour d'appel a constaté que le procès-verbal de saisie-attribution du 15 octobre 2018 ne comportait aucune mention de la créance saisie dès lors que le tiers saisi n'avait pas déclaré le montant de la créance détenue par la société Xerolab à l'égard de la société Concept environnement ; qu'en décidant néanmoins que la créance de 62 104,50 euros détenue par la société Concept environnement entre les mains de la société Xerolab n'était plus disponible lors de la saisie pratiquée le 19 octobre 2019 dès lors qu'elle aurait été attribuée dès le 15 octobre 2018 à la société Xerox Financial Services, aux motifs inopérants que cette créance était disponible à cette date et que le montant de la créance objet de la saisie était connu de toutes parties, la cour d'appel a violé les articles L. 211-2, L. 211-3 et R. 211-3 et suivants du code des procédures civiles d'exécution. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.

7. Il résulte de ce texte que l'effet attributif immédiat de la saisie-attribution n'est pas subordonné à la déclaration du tiers saisi, telle que prévue par l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'obligation déclarative du tiers saisi naissant de la saisie, qui entraîne par elle-même effet attributif.

8. C'est, dès lors, à bon droit qu'après avoir constaté que la société Xerolab n'avait pas déclaré le montant de sa créance lors de la saisie du 15 octobre 2018, la cour d'appel, qui a retenu que la créance de la société Xerolab à l'égard de la société Concept environnement était bien exigible et disponible au jour de la signification de ladite saisie, en a exactement déduit que la société Concept environnement ne pouvait prétendre que la première saisie dénoncée n'aurait pas emporté effet attributif en raison de l'absence de déclaration de société Xerolab, tiers saisi.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Dumas - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; Me Le Prado -

Textes visés :

Articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 19 février 2015, pourvoi n° 14-10.439, Bull. 2015, II, n° 43 (cassation partielle).

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