Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

PROCEDURE CIVILE

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-22.080, (B)

Cassation

Acte de procédure – Notification – Notification par la voie électronique – Preuve – Avis électronique de réception

Le demandeur au pourvoi, qui se prévaut, à l'appui d'un moyen de cassation, d'un message adressé via le RPVA, doit en établir la réception par la juridiction, par la production d'un avis électronique attestant de cette réception, conformément aux exigences de l'article 748-3 du code de procédure civile.

Fin de non-recevoir – Appel du jugement statuant sur la compétence – Irrecevabilité – Défaut de motivation – Cas – Conclusions remises par voies électroniques dans un message distinct de la déclaration d'appel

Selon l'article 85 du code de procédure civile, relatif à l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration. Lorsque ces actes sont remis à la juridiction par la voie électronique, la déclaration d'appel et les conclusions qui lui sont jointes doivent être transmises par un même message électronique, de sorte que la jonction de conclusions à une déclaration d'appel ne résulte pas de l'envoi le même jour de ces deux actes.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 novembre 2020), la société Centrale photovoltaïque de Le Boulou (la société Le Boulou) a saisi un tribunal de commerce de demandes dirigées contre la société EDF Renouvelables France puis, après le dépôt d'un rapport d'expertise judiciaire ordonné par le tribunal, a assigné, en intervention forcée, la société Yingli Green Energy France (la société Yingli), représentée par son liquidateur amiable, la société de droit allemand Yingli Green Energy Europe GmbH, elle-même représentée par son liquidateur amiable, M. [D] [U].

2. Le 11 septembre 2019, la société Yingli a relevé appel du jugement du tribunal de commerce ayant déclaré recevable son intervention forcée et irrecevable l'exception l'incompétence qu'elle avait soulevée et ayant dit que le tribunal de commerce était compétent.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Yingli fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable, alors :

« 1°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; qu'il ressort des mentions du message adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli à la cour d'appel de Paris, le 11 septembre 2019 à 22 h 06, qu'étaient jointes à la déclaration d'appel visant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 17 mai 2019 statuant sur sa compétence, des conclusions d'appel relatives à l'incompétence du tribunal de commerce de Paris ; que la cour d'appel a d'ailleurs elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait remis ses conclusions le même jour ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'avait été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble l'article 85 du même code ;

2°/ que la déclaration d'appel dirigée contre un jugement statuant sur la compétence doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration ; que la cour d'appel a elle-même constaté que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli et que cette dernière avait, le même jour, remis ses conclusions relatives à la l'incompétence du juge commercial ; qu'en affirmant qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à la déclaration d'appel de la société Yingli, sans s'expliquer sur les conditions dans lesquels les conclusions de la société Yingli avaient pu être déposées le même jour que la déclaration d'appel sans y être jointes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 85 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le demandeur, par la première branche, se prévaut d'un message, adressé via le RPVA par le conseil de la société Yingli, dont il n'établit toutefois pas la réception par la cour d'appel, faute de produire un avis électronique attestant de cette réception conformément aux exigences de l'article 748-3 du code de procédure civile.

5. Selon l'article 85 du code de procédure civile, relatif à l'appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

6. L'article 6 de l'arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire par avocat devant les cours d'appel, alors applicable, dispose que lorsqu'un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données.

7. Par conséquent, le moyen qui, en sa seconde branche, postule qu'une jonction des conclusions à la déclaration d'appel résulte du constat de l'envoi le même jour de ces deux actes à la cour d'appel, manque en droit.

8. Le moyen ne peut, dès lors, pas être accueilli.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

9. La société Yingli fait le même grief à l'arrêt, alors « que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que l'appel avait été interjeté le 11 septembre 2019 par la société Yingli Green Energy France, avant même que le délai d'appel ait pu commencer à courir, et que la société Yingli Green Energy France avait, ce même 11 septembre 2019, déposé ses conclusions relatives à l'incompétence du juge commercial ; qu'en jugeant l'appel irrecevable quand ces conclusions, à supposer qu'elles n'aient pas été jointes à la déclaration d'appel, étaient de nature à régulariser l'absence de motivation de la déclaration d'appel dès lors qu'elles avaient été déposées devant la cour d'appel avant l'expiration du délai d'appel, la cour d'appel a violé les articles 85 et 126 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 85 et 126 du code de procédure civile :

10. Il résulte de la combinaison de ces textes que le défaut de motivation du recours, susceptible de donner lieu à la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel du jugement statuant sur la compétence, peut être régularisé, en matière de procédure avec représentation obligatoire par avocat, par le dépôt au greffe, avant l'expiration du délai d'appel, d'une nouvelle déclaration d'appel motivée ou de conclusions comportant la motivation du recours, adressées à la cour d'appel.

11. Pour déclarer l'appel irrecevable, l'arrêt retient que tandis, d'une part, que la déclaration d'appel de la société Yingli se limite à énoncer que « L'appelante entend voir réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Dit l'exception d'incompétence soulevée par la SAS Yingli green energy France irrecevable,

Et dit le tribunal de commerce de Paris compétent et condamné l'appelante aux dépens de l'incident », et d'autre part, qu'aucune conclusion sur la motivation n'a été jointe à cette déclaration, la société Le Boulou est bien fondée à conclure à l'irrecevabilité de l'appel pour avoir manqué à l'obligation de le motiver.

12. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 11 septembre 2019 pour la société Yingli, qui étaient visées dans l'arrêt, ne comportaient pas la motivation de l'appel formé par une déclaration du même jour, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Alain Bénabent ; SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Baraduc, Duhamel et Rameix -

Textes visés :

Article 85 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Sur la justification de la réception électronique par la juridiction d'un message adressé via RPVA, à rapprocher : 2e Civ., 7 septembre 2017, pourvoi n° 16-21.756, Bull. 2017, II, n° 169 (rejet). Sur le formalisme de l'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, à rapprocher : 2e Civ., 27 septembre 2018, pourvoi n° 17-20.679, Bull. 2018, II, n° 190 (rejet).

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-13.662, n° 20-13.664, n° 20-13.665, n° 20-13.667, n° 20-13.668, n° 20-13.669, n° 20-13.670, n° 20-13.671, n° 20-13.672, n° 20-13.673 et suivants, (B) (R)

Rejet

Acte de procédure – Nullité – Vice de forme – Applications diverses – Déclaration d'appel – Chefs du jugement critiqués – Défaut – Portée – Procédure sans représentation obligatoire

Jonction

1. Les pourvois n° 20-13.662, 20-13.664, 20-13.665, 20-13.667, 20-13.668, 20-13.669, 20-13.670, 20-13.671, 20-13.672, 20-13.673, 20-13.674, 20-13.675, 20-13.676, 20-13.678, 20-13.681, 20-13.682, 20-13.683, 20-13.684, 20-13.685, 20-13.686, 20-13.687, 20-13.688, 20-13.697, 20-13.698, 20-13.699, 20-13.701 ont été joints en raison de leur connexité par une ordonnance du 10 juin 2020.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 20 décembre 2019, RG n° 18/05217, 18/05245, 18/05212, 18/05273, 18/05219, 18/05214, 18/05218, 18/05252, 18/05270, 18/05261, 18/05210, 18/05241, 18/05209, 18/05211, 18/05377, 18/05247, 18/05266, 18/05208, 18/05257, 18/05478, 18/05263, 18/05205, 18/19722, 18/19724, 18/19820 et 18/19725), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2009 à 2011, l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF) a notifié aux sociétés Flo Reims, Flo Concess, Flo Evergreen, Flo Metz, Brasserie Flo, Hippo Est,L'Excelsior, La Coupole, Tabla Est, Tabla Sud, Taverne de Maître Kanter, TMK Est, TMK Nord-Ouest, BST, Boeuf à 6 pattes - Gif-sur-Yvette,Le Golf, Hippo Nord-Ouest, Hippo Paris, Hippo Sud,Le Vaudeville, Tabla Nord-Ouest, Terminus Nord, Bistro romain Est, Bistro romain Nord-Ouest, Bistro romain Paris et Flo gestion régional (les sociétés), le 29 octobre 2012, une lettre d'observations, suivie de mises en demeure.

3. Les sociétés ont saisi de recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

5. L'URSSAF fait grief aux arrêts de déclarer les appels recevables, de réformer en toutes leurs dispositions les jugements rendus les 1er février et 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, statuant à nouveau, d'annuler les redressements notifiés aux sociétés appelantes et mis en recouvrement par elle, de la débouter de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles et de la condamner au paiement des dépens de l'instance, alors « que sauf lorsqu'elle est régularisée par une autre déclaration d'appel dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués prive l'appel d'effet dévolutif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les déclarations d'appel formées par les sociétés appelantes le 22 mars 2018 indiquaient que ces appels tendaient « à l'annulation ou à tout le moins à la réformation de la décision déférée » sans expressément viser les chefs de jugement critiqués de sorte qu'à défaut de toute régularisation effectuée dans le délai imparti, la cour d'appel n'était saisie d'aucun moyen ; qu'en réformant en toutes leurs dispositions les jugements rendus par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône et en annulant les redressements mis en recouvrement par l'URSSAF à l'encontre des appelantes, sans constater que les déclarations d'appel du 22 mars 2018 avaient été régularisées dans le délai imparti, la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucun moyen, a excédé ses pouvoirs et violé l'article 562 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. Les sociétés contestent la recevabilité du moyen. Elles soutiennent que celui-ci est nouveau et mélangé de fait et de droit.

7. Cependant, le moyen est de pur droit dès lors qu'à supposer exacte la règle de droit qu'il invoque, la cour d'appel, qui a constaté que la déclaration d'appel ne comportait pas l'indication des chefs de jugement expressément critiqués, n'aurait pu statuer sur l'appel sans constater la régularisation de cette déclaration d'appel avant la clôture des débats.

8. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

9. En application de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à l'accès au juge implique que les parties soient mises en mesure effective d'accomplir les charges procédurales leur incombant.

L'effectivité de ce droit impose, en particulier, d'avoir égard à l'obligation faite ou non aux parties de constituer un avocat pour les représenter.

10. Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel : « La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »

11. À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel.

12. Il se déduit de l'article 562, alinéa 1er, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, publié). De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, publié).

13. Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit.

La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier.

14. Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement.

15. Ayant relevé que les déclarations d'appel formées par les sociétés indiquaient que leur appel tendait à l'annulation ou, à tout le moins, à la réformation de la décision déférée, sans mentionner les chefs du jugement critiqués, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel a réformé les jugements déférés et statué à nouveau sur les affaires.

16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

17. L'URSSAF fait grief aux arrêts d'annuler les redressements, alors :

« 1°/ que l'avis que l'organisme de recouvrement doit envoyer avant d'effectuer un contrôle doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle ; qu'en retenant, pour juger que les sociétés appelantes devaient être personnellement destinataires des avis de contrôle, qu'elles étaient individuellement tenues au paiement de leurs propres cotisations et contributions, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser la qualité « d'employeur tenu aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions » des sociétés contrôlées et violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable au litige ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le protocole TGE filiales qui prévoyait la mise en place d'un dispositif de versement en lieu unique (VLU) mentionnait avoir été conclu entre la société Hippo gestion et cie « représentée par M. [S] [D], gérant, et dénommée entreprise contractante » agissant « en qualité de mandataire des sociétés citées en annexe qui sont les sociétés mandantes » et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) « agissant pour le compte des URSSAF et dont relèvent les établissements de l'entreprise contractante et des entreprises mandantes » ; que ce protocole prévoyait en page 3 « A compter du 1er janvier 2011, l'URSSAF de [Localité 1] est seule habilitée à engager une procédure de contrôle des entreprises mandantes. » et rappelait en termes généraux la procédure applicable en précisant « A réception de l'avis de contrôle, les entreprises contractantes confirment l'adresse de l'établissement où les pièces nécessaires au contrôle sont mises à la disposition de l'inspecteur » de sorte que la société Hippo gestion et cie, qui était la seule entreprise contractante désignée par le protocole, était bien mandatée pour réceptionner l'avis de contrôle et confirmer l'adresse des établissements susceptibles de détenir les pièces nécessaires à son déroulement ; qu'en affirmant, pour dire que les entreprises appelantes devaient être personnellement destinataires de l'avis de contrôle, que dans le protocole il n'était pas indiqué que ces sociétés avaient donné mandat à la société SNC Hippo gestion et cie pour le recevoir en leur lieu et place, la cour d'appel a dénaturé le protocole signé entre les parties le 7 janvier 2011, en violation du principe susvisé ;

3°/ que les juges doivent répondre aux moyens des parties ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions oralement soutenues à la barre, l'URSSAF expliquait qu'outre la précision du numéro de SIREN de la société concernée et l'identité d'adresse de siège social, l'ensemble des sociétés du groupe disposaient d'une gestion centralisée effectuée au même étage de la [Adresse 8] et insistait sur le fait que les documents comptables administratifs et financiers de toutes les sociétés du groupe lui avaient été remis par des interlocuteurs uniques, en l'occurrence la responsable paie administration du personnel et la directrice des ressources humaines du Groupe Flo, si bien que toutes les sociétés du groupe dont le numéro de SIREN figurait dans l'avis de contrôle avaient nécessairement été destinataires de cet avis ; qu'en retenant que la précision du numéro de SIREN et l'identité de siège social ne permettaient pas démontrer que les sociétés du groupe avaient été avisées des opérations de contrôles qui étaient projetées à leur encontre, sans répondre au moyen de l'URSSAF tiré de l'existence d'une gestion administrative financière et comptable commune pour toutes ces sociétés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

18. Selon l'article R. 243-59, alinéa 1, du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-941 du 8 juillet 2016, applicable au litige, l'avis que l'organisme de recouvrement doit envoyer, avant d'effectuer un contrôle en application de l'article L. 243-7 du même code, doit être adressé exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui font l'objet du contrôle.

19. Les arrêts retiennent que l'avis de contrôle a été adressé le 7 mars 2012 à la société Hippo gestion et cie, que s'il ressort du protocole de versement en un lieu unique signé, le 7 janvier 2011, entre celle-ci et l'ACOSS qu'elle a agi en tant que mandataire de l'ensemble des sociétés visées en annexe du protocole, pour signer ce dernier, chacune des sociétés autorisées à verser leurs cotisations auprès de la seule URSSAF/CGSS de [Localité 1], a, cependant, conservé une entité juridique distincte et demeure tenue individuellement au paiement de ses propres cotisations et contributions, indépendamment de l'obligation incombant également à la société Hippo gestion et cie de verser les siennes en un lieu unique. Ils ajoutent qu'à aucun moment dans le protocole, il n'est indiqué que les sociétés concernées ont donné mandat à la société Hippo gestion et cie pour recevoir l'avis de contrôle en leur lieu et place et que la précision de leurs numéros SIREN dans l'avis et l'identité de l'adresse de leur siège social et de celui de la société Hippo gestion et cie ne démontrent pas qu'elles ont été effectivement avisées, en leur qualité d'employeur, des opérations de contrôle préalablement à celui-ci.

20. De ces constatations et énonciations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, dont elle a fait ressortir que l'avis de contrôle n'avait pas été adressé à la personne à laquelle incombait, en sa qualité d'employeur, le paiement des cotisations et contributions faisant l'objet du contrôle litigieux, la cour d'appel a, sans dénaturation, exactement déduit que la procédure de contrôle suivie par l'URSSAF était irrégulière.

21. Par conséquent, le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol ; SCP Spinosi -

Textes visés :

Article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; article 562 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, Bull. 2020, (cassation partielle sans renvoi) ; 2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, Bull. 2020, (rejet) ; 2e Civ., 25 mars 2021, pourvoi n° 18-23.299, Bull. 2020, (cassation sans renvoi).

2e Civ., 30 septembre 2021, n° 19-12.244, (B)

Rejet

Conclusions – Conclusions d'appel – Prétentions récapitulées sous forme de dispositif – Cour d'appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif – Portée

Moyen de défense – Définition – Exclusion – Nullité de la requête aux fins de constat

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 13 décembre 2018), s'estimant victime d'actes de concurrence déloyale par débauchage de son personnel et détournement fautif de sa clientèle qu'elle imputait à la société Vanlaer traitement des eaux (la société Vanlaer), la société Aloès traitement des eaux (la société Aloès) a obtenu du président d'un tribunal de commerce statuant sur requête, la désignation d'un huissier de justice aux fins de constatations et investigations, puis, se fondant, sur le procès-verbal du 23 mars 2015 établi par celui-ci, a assigné la société Vanlaer en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

2. La chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a délibéré sur ces moyens, sur l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats à l'audience publique du 13 avril 2021, où étaient présents M. Guerin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Bras, conseiller référendaire, Mme Darbois, conseiller et Mme Fornarelli greffier de chambre.

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

4. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a délibéré sur le premier moyen, sur l'avis de M. Aparisi, avocat général référendaire, après débats à l'audience publique du 7 juillet 2021 où étaient présents M. Pireyre, président de chambre, Mme Martinel, conseiller doyen, Mme Maunand, conseiller rapporteur et Mme Thomas, greffier de chambre.

Enoncé du moyen

5. La société Vanlaer fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Aloès traitement des eaux, de la condamner à payer à la société Aloès traitement des eaux les sommes de 150 000 euros au titre de son préjudice financier et de 50 000 euros au titre de son préjudice d'image et de débouter les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires alors « que le juge ne modifier les termes du litige tels qu'ils résultent des conclusions respectives des parties ; que l'exception de nullité est un moyen de défense qui vient au soutien d'une demande de rejet des prétentions adverses formulée au dispositif des conclusions ; qu'en affirmant, pour refuser de statuer sur l'exception de nullité du procès-verbal de constat du 23 mars 2015 soulevée par la société Vanlaer traitement des eaux, que cette demande n'était par reprise dans le dispositif de ses conclusions quand ce moyen de défense venait au soutien de la demande, énoncée au dispositif, d'infirmation du chef du jugement ayant dit qu'elle avait commis des actes de concurrence déloyale, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble, par fausse application, l'article 954 du même code. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 954 alinéas 1 et 3 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

7. Ayant relevé que la société Vanlaer ne faisait état que dans le corps de ses écritures de la nullité de la requête à fin de constat et du constat, laquelle ne constitue pas un moyen de défense en vue de voir débouter l'adversaire de ses demandes, dès lors qu'elle implique que cette nullité soit prononcée, et en conséquence, formalisée dans une prétention figurant au dispositif des conclusions de la partie qui l'invoque, la cour d'appel a, à bon droit, dit qu'elle n'était pas saisie de prétentions visant à faire juger que ces actes étaient nuls et que le constat devait être écarté des débats, ces prétentions n'étant pas reprises dans le dispositif de ses conclusions. Elle en a exactement déduit que le jugement devait être confirmé.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Maunand - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Didier et Pinet ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Article 954, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 5 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.611, Bull. 2013, II, n° 230 (rejet) ; 1re Civ., 24 octobre 2006, pourvoi n° 05-21.282, Bull. 2006, I, n° 434 (cassation).

Soc., 15 septembre 2021, n° 19-24.011, (B)

Cassation partielle

Demande – Demande reconventionnelle – Effet interruptif de prescription – Extension de l'effet interruptif – Exclusion – Cas – Demande reconventionnelle tendant au prononcé de la nullité du contrat

L'effet interruptif attaché à une demande relative à l'exécution du contrat de travail ou à sa rupture ne s'étend pas à la demande reconventionnelle tendant à voir prononcer la nullité du même contrat.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 10 juillet 2019) et les productions, Mme [G] a été engagée le 1er février 2012 en qualité d'agent d'accueil à temps partiel par la société Ferme équestre de Lagesse.

2. Le 30 décembre 2011, Mme [G] est devenue gérante de la société.

3. Le 6 février 2014, Mme [G] a démissionné par une lettre ainsi rédigée : « Je soussigné [T] [G] donne par la présente ma démission des fonctions de gérante de votre société.

La date d'effet est de trois mois à compter de ce jour à savoir le 6 mai 2014. A compter du 6 mai 2014, toute relation et mandat entre la SARL et moi-même seront terminées. »

4. Le 29 janvier 2016, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

5. L'employeur a demandé, le 3 août 2018, devant la cour d'appel que soit prononcée la nullité du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident, dont l'examen est préalable

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable la demande de nullité du contrat de travail, alors « que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les demandes procèdent du même contrat de travail, qu'un acte interruptif de prescription est intervenu le 29 janvier 2016, par la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée, et que l'employeur a demandé par conclusions du 3 août 2018 la nullité du contrat de travail ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que la demande de la Sarl Ferme équestre de Lagesse en nullité du contrat de travail n'était pas prescrite, et en énonçant que la saisine du conseil de prud'hommes par la salariée n'avait pu interrompre le délai de prescription d'une demande de l'employeur, la cour d'appel a violé les articles 2224 du code civil et R. 1452-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

7. Si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent l'exécution du même contrat de travail.

8. L'effet interruptif attaché à une demande relative à l'exécution du contrat de travail ou à sa rupture ne s'étend cependant pas à la demande reconventionnelle tendant à voir prononcer la nullité du même contrat.

9. Par ce motif de pur droit, suggéré en défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues à l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Mais sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors « que l'objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; qu'en retenant, pour rejeter les prétentions de Mme [T] [G] tendant à voir juger que sa prise d'acte devrait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, que Mme [G] n'avait pu prendre acte de la rupture de son contrat de travail qui avait été précédemment rompu par l'employeur, quand les parties s'accordaient sur le fait que c'est la salariée qui avait pris l'initiative de la rupture du contrat de travail, par une démission antérieure, selon l'employeur, par une prise d'acte selon la salariée, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code de procédure civile :

11. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

12. Pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient que de fait, toute relation a cessé postérieurement au 6 mai 2014 puisque le bulletin de salaire du mois de mai 2014 mentionne une démission au 6 mai 2014, un salaire du 1er au 6 mai 2014, outre une indemnité compensatrice de préavis, qu'autrement dit, l'employeur a rompu le contrat de travail, considérant à tort, la démission des fonctions de gérant comme une démission des fonctions de salarié et que la salariée ne pouvait, en janvier 2016, prendre acte de la rupture d'un contrat de travail déjà rompu par l'employeur, rupture dont le bien fondé et la régularité ne sont pas dans les débats.

13. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions d'appel, les parties s'accordaient sur le fait que le contrat avait été rompu à l'initiative de la salariée, la discussion portant uniquement sur l'imputabilité de cette rupture, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le moyen unique du pourvoi principal emporte la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt relatifs à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [G] de toutes ses demandes y compris de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel et en ce qu'il la condamne aux dépens et au paiement d'une somme au titre des frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.

- Président : M. Cathala - Rapporteur : Mme Pecqueur - Avocat général : M. Desplan - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Boutet et Hourdeaux -

Textes visés :

Article 2224 du code civil ; article R. 1452-1 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Pour d'autres exemples de demandes reconventionnelles procédant d'un même contrat et tendant au même objet, sans tendre à la nullité du contrat, à rapprocher : Soc., 14 décembre 2004, pourvoi n° 03-46.836, Bull. 2004, V, n° 332 (3) (rejet) ; Soc., 21 décembre 2006, pourvoi n° 04-47.426, Bull. 2006, V, n° 411 (1) (cassation partielle partiellement sans renvoi).

2e Civ., 30 septembre 2021, n° 19-26.018, (B)

Cassation partielle

Ordonnance sur requête – Mesure d'instruction in futurum – Conditions – Absence de saisine du juge du fond – Moment – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué et les productions (Reims, 15 octobre 2019), invoquant des faits de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses, la société Fitleaness, M. [W], la société Leanzza et la SCP [G] [H], aux droits de laquelle vient la société [I] [H], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Fitleaness, ont saisi, le 16 novembre 2018, le président d'un tribunal de commerce d'une requête aux fins d'ordonner diverses mesures d'instruction, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, dans les locaux de la société Sport Reims qui exploite le club « Gygagym. »

2. La requête ayant été accueillie le 20 novembre 2018, les sociétés Fitnessea développement et Fitnessea Group (les sociétés Fitnessea) ont saisi un juge des référés en rétractation de cette ordonnance en invoquant l'existence d'un procès au fond engagé à leur encontre, le 18 mai 2017, par la société Fitleaness.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Fitleaness, M. [W], la société Leanzza et la société [I] [H], ès qualités, font grief à l'arrêt d'infirmer l'ordonnance déférée, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle les avait déclarées recevables en leurs demandes et, statuant à nouveau et y ajoutant, de déclarer irrecevable la requête déposée le 16 novembre 2018, de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 20 novembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Reims, de prononcer l'annulation du procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 26 novembre 2018, de leur faire interdiction de produire ledit procès-verbal de constat dans toute instance les opposant à la société Fitnessea Group et la société Fitnessea développement, de les débouter de leur demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et de les condamner à leur payer à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, alors « que le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; que la société Fitleaness, M. [W], l'EURL Leanzza, et la SCP [I] [H] avaient déposé leurs dernières conclusions d'appel le 12 août 2019 ; qu'en statuant au visa de conclusions déposées par ces derniers le 14 juin 2019, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile, s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

5. Il résulte des productions que les prétentions et moyens de la société Fitleaness, de M. [W], de la société Leanzza, et de la société [I] [H], ès qualités, mentionnés dans l'arrêt, correspondent à ceux développés dans les dernières conclusions du 12 août 2019.

6. Le moyen tiré d'une violation de l'article 954, alinéa 4, du code de procédure civile est, dès lors, inopérant.

Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

7. La société Fitleaness, M. [W], la société Leanzza et la société [I] [H], ès qualités, font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ qu'en toute hypothèse, l'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si l'instance au fond ouverte porte sur le même litige ; qu'en retenant, pour dire que la mesure d'instruction visant la société Sports Reims n'aurait pas été sollicitée dans l'éventualité d'un litige distinct de celui opposant les requérants aux sociétés Fitnessea devant le tribunal de commerce de Lyon, et rétracter l'ordonnance sur requête, que la nature différente des litiges invoquée par les requérants, le litige fondant la requête portant « sur une question de pratique trompeuse et de publicité mensongère », tandis que l'instance au fond introduite contre les sociétés Fitnessea portait sur un droit de franchise, et notamment la phase précontractuelle d'information, n'aurait pas été « pertinente » dans la mesure où la société Fitleaness faisait grief à la société Sports Reims d'avoir diffusé dans sa zone de chalandise des publicités indiquant que son club Gygagym était devenu un club L'Appart fitness, « ces seuls éléments étant déjà susceptibles de se rattacher à un litige ayant trait à un droit de franchise », la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropre à caractériser une identité d'objet entre les deux litiges, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145 du code de procédure civile ;

3°/ que l'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si, à la date de la requête, le même litige fait l'objet de l'instance au fond ouverte, peu important qu'il soit fait état ultérieurement, dans cette instance, des éléments que la mesure d'instruction a permis de recueillir ; qu'en retenant, pour dire que la mesure d'instruction visant la société Sports Reims n'aurait pas été sollicitée dans l'éventualité d'un litige distinct de celui opposant les requérants aux sociétés Fitnessea devant le tribunal de commerce de Lyon, et rétracter l'ordonnance sur requête, que le constat d'huissier de justice dressé en exécution de cette ordonnance avait été produit dans cette instance et que la société Fitleaness avait alors fait valoir qu'il démontrait que les sociétés Fitnessea s'étaient rendues coupables de pratiques commerciales trompeuses et violaient la zone d'exclusivité prévue par le contrat de franchise, pour en déduire que ces manquements à leurs obligations contractuelles la renforçait dans sa demande de résiliation du contrat, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance impropre à caractériser l'existence d'une instance en cours portant sur le même litige, à la date de la requête, a violé l'article 145 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 145 du code de procédure civile :

8. L'existence d'une instance en cours ne constitue un obstacle à une mesure d'instruction in futurum que si l'instance au fond est ouverte sur le même litige à la date de la requête.

9. Pour déclarer la requête irrecevable et rétracter l'ordonnance sur requête du 20 novembre 2018, l'arrêt retient, d'abord, que c'est de manière inopérante que les intimés entendent se prévaloir de la nature prétendument différente des litiges, l'instance au fond devant le tribunal de commerce de Lyon concernant selon eux un droit de franchise, et notamment la phase précontractuelle d'information, tandis que le litige, objet de l'ordonnance sur requête, porterait sur une question de pratique trompeuse et de publicité mensongère.

10. Il énonce, ensuite, que la distinction entre ces deux litiges que les intimés entendent opérer n'est pas pertinente, dans la mesure où il résulte de leurs propres écritures que la société Fitleaness faisait grief à la société Sports Reims d'avoir diffusé dans sa zone de chalandises des publicités indiquant que son club « Gigagym » était devenu un club « L'Appart fitness », ces seuls éléments étant déjà susceptibles de se rattacher à un litige ayant trait à un droit de franchise.

11. L'arrêt retient, enfin, que le constat d'huissier de justice, dressé le 26 novembre 2018 à la suite de l'ordonnance accueillant la requête, a été produit, dans le cadre de l'instance au fond, par la société Fitleaness, qui s'en est prévalue dans ses conclusions déposées le 27 novembre 2018 et qu'en particulier, la société Fitleaness y a fait valoir que ce constat démontrerait que les sociétés Fitnessea se seraient rendues coupables de pratiques commerciales trompeuses, violeraient la zone d'exclusivité prévue par le contrat de franchise, pour en déduire que ce manquement flagrant à ses obligations contractuelles ne faisait que renforcer la société Fitleaness dans sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société Fitnessea.

12. L'arrêt en déduit que la mesure d'instruction obtenue sur requête n'a pas été sollicitée dans l'éventualité d'un litige distinct de celui déjà engagé entre les parties devant la juridiction commerciale lyonnaise et qu'à l'inverse, il y a lieu de considérer que cette mesure d'instruction participe de ce litige préexistant.

13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des circonstances étrangères à la caractérisation de l'existence d'une instance en cours portant sur le même litige, n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'elle déclare recevables les demandes des sociétés Fitnessea Group et Fitnessea développement, l'arrêt rendu le 15 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Jollec - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller -

Textes visés :

Article 145 du code de procédure civile.

Rapprochement(s) :

Com., 16 avril 1991, pourvoi n° 89-14.237, Bull. Civ. 1991, IV, n° 144 (rejet), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 5 juin 2014, pourvoi n° 13-19.967, Bull. 2014, II, n° 128 (cassation), et l'arrêt cité ; 2e Civ., 19 février 2015, pourvoi n° 14-12.280, Bull. 2015, II, n° 39 (rejet).

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 19-14.020, (B)

Cassation

Procédure de la mise en état – Ordonnance de clôture – Révocation de l'ordonnance – Partie l'ayant acceptée – Contestation – Irrecevabilité – Cas – Dépôt de conclusions au fond sans opposition à la demande de révocation

Si, en application de l'article 784, devenu 803, du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, la partie qui a accepté la révocation demandée par son adversaire est irrecevable à critiquer la décision accueillant cette demande.

Est réputée avoir accepté une telle demande de révocation, la partie qui, alors que son adversaire a pris, postérieurement à l'ordonnance de clôture, des conclusions sur le fond, sollicitant la révocation de l'ordonnance de clôture, a elle-même conclu sur le fond, sans s'opposer à la demande de révocation de la partie adverse ni invoquer l'irrecevabilité de ses conclusions postérieures à cette ordonnance.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 8 janvier 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 17 janvier 2018, pourvoi n° 16-12.872), la société coopérative agricole Uniré (la coopérative) exerce une activité de collecte et de vinification de raisins, ainsi qu'une activité de collecte et de commercialisation de pommes de terre.

2. M. [C], adhérent à la coopérative depuis le 7 mai 1983, a décidé de poursuivre son activité sous une forme sociale à compter du 1er avril 1996, créant à cette fin l'EARL L'Albatros (l'EARL), laquelle a, le 25 février 2011, notifié à la coopérative son retrait de l'activité maraîchère.

3. Après avoir informé son sociétaire que son retrait ne pourrait être effectif avant le 1er août 2014 et l'avoir mis en demeure de s'expliquer sur l'absence de fourniture de sa récolte de pommes de terre au titre de l'année 2011, la coopérative a, le 21 septembre 2011, prononcé son exclusion et requis sa participation aux frais fixes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La coopérative fait grief à l'arrêt de révoquer l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2018 et de prononcer la clôture à la date du 8 novembre 2018, alors :

« 1° / que les juges doivent assortir leur décision de motifs propres à la justifier ; qu'en révoquant l'ordonnance de clôture du 11 octobre 2018 sans qu'aucune raison n'en soit donnée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'ordonnance de clôture de la mise en état ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; qu'en s'abstenant d'indiquer pour quelle raison l'ordonnance de clôture devait être révoquée, la cour d'appel a violé l'article 784 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Si, en application de l'article 784, devenu 803, du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue, la partie qui a accepté la révocation demandée par son adversaire est irrecevable à critiquer la décision accueillant cette demande.

6. Devant la cour d'appel, après l'ordonnance de clôture, M. [C] et l'EARL ont à nouveau conclu sur le fond, en sollicitant à cette occasion la révocation de l'ordonnance de clôture.

En prenant alors elle-même de nouvelles conclusions sur le fond, sans s'opposer à la demande de révocation de la partie adverse ni invoquer l'irrecevabilité de ses conclusions postérieures à cette ordonnance, la coopérative doit être réputée avoir accepté cette demande de révocation.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas recevable.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

8. La coopérative fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 6 août 2018 par M. [C] et l'EARL, ainsi que leurs conclusions postérieures, alors « que les parties auxquelles est signifiée la déclaration de saisine de la cour de renvoi notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur est faite des conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine ; qu'à défaut, elles sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ; qu'en opposant en l'espèce que l'irrecevabilité des conclusions tardives de M. [C] et l'EARL ne pouvait être constatée que par le président de la chambre appelée à statuer sur renvoi après cassation, quand cette compétence du président de chambre, ou du conseiller délégataire du premier président, ne concerne que la caducité de la déclaration de saisine ou la recevabilité des conclusions prises par les intervenants volontaires ou forcés à l'instance, la cour d'appel a violé l'article 1037-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, les parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation, qui ne respectent pas les délais qui leur sont impartis pour conclure, sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé. Il en résulte qu'en ce cas, les conclusions que ces parties prennent, hors délai, devant la cour d'appel de renvoi sont irrecevables.

10. Par ailleurs, ce texte confère au président de la chambre ou au magistrat désigné par le premier président, le pouvoir de statuer sur la caducité de la déclaration de saisine sur renvoi de cassation, en cas de dépassement du délai dans lequel doit être notifiée cette déclaration aux parties adverses, et sur l'irrecevabilité des conclusions tardives de l'intervenant, volontaire ou forcé.

En revanche, la disposition de ce texte prévoyant que l'affaire est fixée à bref délai, dans les conditions de l'article 905 du code de procédure civile, ne concerne que l'application de cet article, à l'exclusion de celles des dispositions des articles 905-1 et 905-2 conférant à ce magistrat des attributions destinées à sanctionner le respect par les parties des diligences prescrites par ces deux derniers textes. Or la liste des attributions conférées à ce magistrat, qui font exception à la compétence de principe de la formation collégiale de la cour d'appel, est, pour ce motif, limitative.

11. Par conséquent, seule la cour d'appel, à l'exclusion du président de la chambre ou du magistrat désigné par le premier président, peut prononcer l'irrecevabilité des conclusions des parties à l'instance ayant donné lieu à la cassation.

12. Pour rejeter la demande de la coopérative tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions notifiées le 6 août 2018 par M. [C] et l'EARL, ainsi que leurs conclusions postérieures, l'arrêt retient que la formation de jugement de la cour d'appel ne peut se substituer au président de la chambre pour constater que les parties auxquelles a été signifiée la déclaration de saisine de la cour de renvoi sont réputées s'en tenir aux prétentions et moyens qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

14. La coopérative fait le même grief à l'arrêt, alors « que les parties auxquelles est signifiée la déclaration de saisine de la cour de renvoi notifient leurs conclusions dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur est faite des conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine ; qu'à défaut, elles sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé ; qu'en statuant en l'espèce au vu de conclusions déposées le 26 octobre 2018 par M. [C] et l'EARL, tout en constatant que ceux-ci avaient notifié leurs premières conclusions sur renvoi après cassation le 6 août 2018, soit plus de deux mois après les conclusions notifiées par la coopérative le 16 mai 2018, la cour d'appel a violé l'article 1037-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1037-1 du code de procédure civile :

15. Il résulte de ce texte que dans un délai de deux mois à compter de la notification qui leur est faite des conclusions de l'auteur de la déclaration de saisine, les parties adverses remettent et notifient leurs conclusions et qu'à défaut de respecter ces délais elles sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.

16. En statuant comme il a été dit au paragraphe 12, alors qu'elle constatait que M. [C] et l'EARL avaient notifié leurs conclusions postérieurement au délai de deux mois qui leur était imparti, courant à compter de la notification par la coopérative de ses conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquence de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 624 du code de procédure civile.

18. La cassation prononcée entraîne, par voie de conséquence, celle des dispositions de l'arrêt disant irrecevables la demande de dommages-intérêts formée contre la coopérative et confirmant le jugement en toutes ses dispositions, sauf celle relative à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, qui se trouvent avec elle dans un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. de Leiris - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Gadiou et Chevallier -

Textes visés :

Article 784, devenu 803, du code de procédure civile ; article 1037-1 du code de procédure civile.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.