Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

OUTRE-MER

Soc., 22 septembre 2021, n° 19-23.390, n° 19-23.398, n° 19-23.399, n° 19-23.400, (B)

Rejet

Polynésie française – Code du travail de Polynésie française – Champ d'application – Exclusion – Cas – Agents recrutés par contrat par les communes de Polynésie française réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public – Portée

Polynésie française – Lois et règlements – Ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 – Articles 1 et 73 – Agents relevant d'un statut de droit public – Portée

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-23.390, 19-23.398, 19-23.399 et 19-23.400 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à M. [Q] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués (Papeete, 8 août 2019), M. [H], agent de police municipale, Mme [X] veuve [P], en qualité d'ayant droit de [K] [P], ancien agent de police municipale, M. [Q], agent de police municipale, et M. [D], agent de sécurité, ont été engagés par la commune de [Localité 1], respectivement le 24 décembre 2001, le 1er avril 1979, le 4 mai 1986 et le 1er février 2004.

4. Le 5 février 2018, ils ont saisi le tribunal du travail de Papeete de demandes de reclassement en application de la convention collective des agents non fonctionnaires de l'administration et de condamnation de la commune de [Localité 1] au paiement de rappels de salaires pour respectivement des périodes de janvier 2013 au 31 décembre 2017, de janvier 2012 au 31 mars 2014, de janvier 2013 au 31 décembre 2017 et de janvier 2013 au 31 décembre 2017.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. M. [H], Mme [X], agissant en qualité d'ayant droit de [K] [P], MM. [Q] et [D] font grief aux arrêts de déclarer le tribunal du travail incompétent pour connaître de la requête en reclassement et en paiement consécutif de rappel de salaires des quatre agents demandeurs, alors « que selon les articles Lp 1411-1 et Lp 1411-3 du code du travail de Polynésie française, les différents individuels du travail entre salariés et employeurs sont soumis au tribunal du travail ; qu'aux termes de l'article Lp 1111-2 du même code : « Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public (...)" ; qu'il en résulte que les dispositions du code du travail local sont applicables à tous les agents non fonctionnaires des collectivités publiques, qu'ils soient employés dans les conditions du droit privé ou soumis à un régime de droit public, à la seule exception des agents « relevant d'un statut de droit public » ; que l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratif, en son article 73, répute titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public les agents occupant un emploi permanent à la date de son entrée en vigueur remplissant les conditions d'activité et d'ancienneté dans l'emploi, précise en son article 74 leur « vocation à être intégrés sur leur demande, dans les cadres d'emplois de fonctionnaires régis par le présent statut général » s'ils remplissent, en outre, les conditions de l'article 4 et, en son article 75, prévoit pour chaque agent une faculté d'option en vue de son intégration dans le cadre d'emploi correspondant à ses compétences, et qu' « à l'expiration du délai d'option, les agents qui n'ont pas été intégrés continuent à être employés dans les conditions prévues par le contrat de droit public dont ils bénéficient » ; qu'il résulte de ces dispositions que les agents non titulaires n'ayant pas intégré les cadres d'emploi de fonctionnaires, s'ils sont des agents de droit public, ne relèvent pas d'un statut de droit public au sens de l'article Lp 1111-2 du code du travail local, de sorte que ce code leur est applicable et que les litiges les opposant à leur employeur relèvent de la compétence du tribunal du travail ; que tel était le cas des demandeurs ; qu'en déclarant cependant le tribunal du travail incompétent pour connaître d'un litige portant sur une période pendant laquelle le requérant bénéficie d'un contrat de droit public », la cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790. »

Réponse de la Cour

6. Selon l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, ratifiée par l'article 20 de la loi n° 2007-224 du 21 février 2007, la présente ordonnance s'applique aux personnes qui ont été nommées dans un emploi permanent et titularisées dans un grade de la hiérarchie administrative des communes, des groupements de communes et des établissements publics à caractère administratif relevant des communes de la Polynésie française.

7. Aux termes de l'article 73 de la même ordonnance, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011, les agents qui occupent un emploi permanent des collectivités et des établissements mentionnés à l'article 1er sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public s'ils remplissent les conditions énoncées ci-après à la date de promulgation de la loi n° 2011-664 du 15 juin 2011 actualisant l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005 portant statut général des fonctionnaires des communes et des groupements de communes de la Polynésie française ainsi que de leurs établissements publics administratifs : a) Etre en fonction ou bénéficier d'un congé ; b) Avoir accompli des services continus d'une durée minimale d'un an dans un emploi permanent des collectivités ou des établissements mentionnés à l'article 1er au cours des trois années civiles précédentes ou être bénéficiaire d'un contrat d'une durée de plus de douze mois ou renouvelé par tacite reconduction pendant une durée totale supérieure à douze mois.

8. Selon l'article Lp 1111-2 du code du travail applicable en Polynésie Française, sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci ne s'applique pas aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant d'un statut de droit public.

9. Il en résulte que sous réserve qu'ils remplissent les conditions fixées par l'article 73 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005, les agents recrutés par contrat par les communes de Polynésie française et qui étaient encore en fonction le 7 janvier 2005 sont réputés titulaires d'un contrat à durée indéterminée de droit public et qu'ils doivent dès lors être regardés comme relevant, à compter de cette date, d'un statut de droit public.

Par suite, ils n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du code du travail applicable en Polynésie française.

10. La cour d'appel, qui a retenu que les dispositions des articles 1er et 73 de l'ordonnance précitée du 4 janvier 2005 étaient applicables aux situations de MM. [H], [Q] et [D] et de [K] [P], en a exactement déduit que leur situation était exclusive de l'application du code du travail et relevait de la compétence du juge administratif.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Thouvenin, Coudray et Grévy -

Textes visés :

Articles 1 et 73 de l'ordonnance n° 2005-10 du 4 janvier 2005.

2e Civ., 9 septembre 2021, n° 20-12.515, (B)

Rejet

Polynésie française – Procédure civile – Instance – Péremption – Etendue – Décision mixte – Indivisibilité des dispositions définitives et avant dire droit

Il résulte de l'article 217 du code de procédure civile de la Polynésie française que, lorsqu'une décision mixte a été rendue, l'ensemble des dispositions définitives et des dispositions avant dire droit qui statuent sur les conséquences ou l'exécution des premières, forme un tout indivisible, de sorte que l'instance toute entière échappe à la péremption.

Polynésie française – Procédure civile – Décision mixte – Indivisibilité des dispositions définitives et avant dire droit – Effets – Péremption

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 7 novembre 2019), les héritiers, issus de trois souches de descendance de deux propriétaires de terres situées en Polynésie française, ont été assignés en 1989 en partage de ces terres par [V] [GW], depuis décédée.

2. Par jugement mixte du 5 mai 1993, le tribunal de première instance de Papeete a déterminé les terres et les parties concernées par le partage et l'a ordonné.

Le tribunal a notamment débouté les héritiers issus de la souche [JF] [JE] (les consorts [CL]) de leur demande d'attribution préférentielle de la terre Tevairoa et a commis un expert pour constituer les lots.

3. Le même tribunal a dit, par jugement du 1er septembre 1999, que la terre Tevairoa, constituée en un lot par l'expert, était attribuée aux consorts [CL], et que les deux autres lots seraient attribués par tirage au sort, après lequel il serait statué sur les soultes.

4. L'un des ayants droit dans l'une des souches, M. [I] [BY], a interjeté appel du jugement du 1er septembre 1999.

5. Par arrêt avant-dire droit du 29 janvier 2004, la cour d'appel de Papeete a sursis à statuer et a ordonné une nouvelle expertise.

6. Statuant après expertise, par arrêt mixte du 11 août 2011, la cour d'appel de Papeete a confirmé le jugement du 5 mai 1993 en ses seules dispositions ordonnant le partage des terres et a infirmé le jugement du 1er septembre 1999 en ce qu'il a attribué la terre Tevairoa aux consorts [CL].

Statuant à nouveau de ce chef, la cour d'appel les a déboutés de cette demande.

La cour d'appel a ordonné une expertise concernant la terre Tevairoa en vue de la constituer en trois lots et de déterminer le montant de l'indemnité due pour son occupation.

7. L'expert a déposé son rapport en février 2018.

8. Certaines parties ont soulevé la péremption de l'instance.

Sur le moyen

Enoncé du moyen

9. Mme [CL] et vingt et une autres personnes font grief à l'arrêt de dire que la cour ne relève aucune péremption d'instance, de dire qu'il n'y a pas lieu de répondre aux prétentions et moyens portant sur l'évaluation des terres et l'attribution préférentielle de la terre Tevairoa, tous ces points ayant été tranchés dans l'arrêt du 11 août 2011, de dire que le rapport de l'expert, déposé au greffe de la cour le 1er février 2018, est conforme à la mission qui lui a été donnée par arrêt du 11 août 2011, d'homologuer le rapport de M. [NN] du 1er février 2018, de dire que le rapport serait annexé à l'arrêt et fera corps avec lui, de dire que le coût des améliorations apportées par les consorts [CL] et l'indemnité d'occupation qu'ils pourraient devoir pour avoir fait un usage exclusif de la terre se compenseront et d'ordonner le tirage au sort des lots tels que constitués par l'expert sur les terres Tevairoa et Vaitoetoe à Faa'a et les terres [BT] et Ofaipapa à [Localité 1] entre les souches [JF] [JE], [FT] [JE] et [TB] [JE], alors :

« 1°/ qu'il incombe aux parties, qui conduisent l'instance pendant les opérations d'expertise, d'accomplir de leur propre initiative les diligences susceptibles d'interrompre le délai de péremption ; qu'en jugeant, pour écarter la péremption invoquée par les consorts [CL], « qu'aucun défaut de diligences ne [pouvait] être retenu à l'égard de l'appelant et des autres parties, aucune diligence n'étant attendue des parties alors que tous restaient dans l'attente des diligences de l'expert » (arrêt page 17, al. 2), quand les parties demeuraient tenues, pendant les opérations d'expertise, de faire toutes diligences pour ne pas laisser périmer l'instance, la cour d'appel a méconnu les articles 217, 218 et 219-1 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

2°/ que sont seules interruptives de péremption les actes effectués par les parties au litige, de nature à faire progresser l'instance ou à lui donner une impulsion processuelle, intervenus dans le délai légal ; qu'en estimant, pour écarter la péremption invoquée par les consorts [CL], qu'après qu'a été ordonnée l'expertise confiée à M. [NN], « la provision à valoir sur la rémunération de l'expert a[avit] été consignée au greffe de la cour d'appel » et que « le dossier a[vait] été régulièrement rappelé aux audiences de mise en état de la cour » et que « de nombreux rappels à l'expert [avaient] été adressés à la demande des parties comme de la cour » et que « M. [NN] a[vait] rendu son rapport définitif le 9 février 2018 » (arrêt page 17, al. 1er), sans relever l'existence de diligences émanant des parties, susceptibles de faire progresser l'instance, effectuées dans le délai de péremption de trois ans, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 217, 218 et 219-1 du code de procédure civile de la Polynésie française. »

Réponse de la Cour

10. Il résulte de l'article 217 du code de procédure civile de la Polynésie française que lorsqu'une décision mixte a été rendue, l'ensemble des dispositions définitives et des dispositions avant dire droit qui statuent sur les conséquences ou l'exécution des premières, forme un tout indivisible, de sorte que l'instance toute entière échappe à la péremption.

11. L'arrêt du 11 août 2011 a tranché définitivement les modalités du partage des terres et le rejet de l'attribution préférentielle de la terre de Tevairoa aux consorts [CL], l'expertise ordonnée ayant pour objet de constituer la terre Tevairoa en trois lots et de déterminer le montant de l'indemnité due pour son occupation.

12. Cet arrêt présente un caractère mixte, ses dispositions définitives et ses dispositions avant dire droit, qui ne concernent que les conséquences des premières, formant un tout indivisible. Il s'ensuit que l'ensemble de l'instance échappe à la péremption dont l'effet serait de remettre en cause l'autorité de la chose jugée.

13. Par ces motifs de pur droit suggérés par la défense, substitués à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : Mme Kermina - Avocat général : M. Aparisi - Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret ; SCP Buk Lament-Robillot ; SAS Cabinet Colin - Stoclet ; Me Balat -

Textes visés :

Article 217 du code de procédure civile de la Polynésie française.

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