Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

INTERETS

1re Civ., 22 septembre 2021, n° 19-25.316, (B)

Cassation partielle

Intérêts conventionnels – Taux – Taux effectif global – Communication du taux et de la durée de la période – Défaut – Erreur supérieure à la décimale – Sanction – Déchéance du droit aux intérêts du prêteur dans la proportion fixée par le juge

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 septembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 11 janvier 2017, pourvoi n° 15-24.914), la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord-de-France (la banque) a consenti à M. et Mme [H] (les emprunteurs) deux offres de prêts immobiliers, formalisés par actes authentiques les 17 et 23 octobre 2008.

2. Arguant notamment d'un défaut de communication du taux de période du taux effectif global (TEG) de chacun des contrats, les emprunteurs ont sollicité la nullité des stipulations d'intérêts.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016 :

4. Il ressort de ces textes, d'abord, que le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, ensuite, qu'il est, pour les opérations de crédit immobilier, un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires, enfin, que le taux de période ainsi que la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur.

5. S'agissant de l'offre de crédit immobilier, en application des textes susvisés et des articles L. 312-8, 3°, et L. 312-33 du code de la consommation, le défaut de mention du TEG ou son caractère erroné est sanctionné par la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts. Cette sanction, qui s'applique au défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période, ne saurait cependant être prononcée lorsque l'écart entre le taux effectif global mentionné et le taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l'annexe à l'article R.313-1 susvisé (1re Civ., 5 février 2020, pourvoi n° 19-11.939, publié).

6. S'agissant de l'écrit qui constate le contrat de crédit immobilier, il a été jugé, en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinéa 1er, susvisé, que l'inexactitude de la mention du TEG, comme l'omission de la mention de ce taux, qui privent l'emprunteur d'une information sur son coût, emportent l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165), lorsque l'écart entre le taux mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel est supérieur à la décimale prescrite par l'annexe à l'article R.313-1 susvisé (1re Civ., 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-24.607, Bull. 2017, I, n° 21 ; Com., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-11.147, Bull. 2017, IV, n° 75).

7. Cependant, pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

8. Pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, le régime des sanctions a été uniformisé et il a été jugé qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, publié).

9. Il avait également été jugé que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période dans le contrat de prêt ou un document relatif à celui-ci était sanctionné par la nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 1er juin 2016, pourvoi n° 15-15.813 ; 1re Civ., 7 mars 2019, pourvoi n° 18-11.617 ; 1re Civ., 27 mars 2019, pourvoi n° 18-11.448).

10. Pour les motifs exposés au point 8 et dans la suite de l'arrêt précité du 10 juin 2020, il convient de poursuivre l'uniformisation des sanctions et de juger que le défaut de communication du taux et/ou de la durée de la période est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que l'écart entre le TEG mentionné et le taux réel soit supérieur à la décimale prescrite par l'annexe à l'article R.313-1 susvisé.

11. L'arrêt prononce la nullité des stipulations d'intérêts mentionnées dans les contrats de prêts immobiliers et substitue le taux d'intérêt légal aux taux conventionnels, après avoir constaté que les taux de période des TEG des prêts incluant la période d'anticipation n'ont été ni mentionnés ni communiqués aux emprunteurs.

12. En statuant ainsi, alors que n'était nullement allégué un écart entre le TEG mentionné et le TEG réel supérieur ou égal à la décimale et qu'est seule encourue la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande indemnitaire pour appel abusif formée par la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Nord-de-France, l'arrêt rendu le 19 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens.

- Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Kloda - Avocat général : M. Lavigne - Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre ; SCP Piwnica et Molinié -

Textes visés :

Articles L. 313-1, L. 313-2, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et R. 313-1, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, du code de la consommation.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 10 juin 2020, pourvoi n° 18-24.287, Bull. 2020, (rejet).

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