Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION

2e Civ., 16 septembre 2021, n° 20-14.383, (B)

Cassation partielle

Préjudice – Préjudice économique – Préjudice économique subi par une épouse et ses enfants du fait du décès de son mari – Montant – Diminution – Exclusion – Cas – Revenus tirés de la pension de réversion versée du chef du premier conjoint

Viole les articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime la cour d'appel qui déduit du préjudice économique de la veuve d'une victime d'infraction, la pension de réversion versée du chef d'un premier conjoint, alors qu'elle constatait que cette pension, suspendue pendant le temps de son second mariage, ne constituait pas un revenu de ce foyer et n'était pas la conséquence directe et nécessaire du décès du dernier époux.

Préjudice – Préjudice économique – Préjudice économique subi par une épouse et ses enfants du fait du décès de son mari – Fixation – Critères – Détermination

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 janvier 2020), [I] [C] est décédé, dans la nuit du 16 au 17 août 2007, à la suite de l'abordage de son navire de pêche par un cargo.

2. Une cour d'appel a déclaré le capitaine et le second capitaine du cargo coupables des délits d'homicide involontaire, de fuite et d'omission de porter secours, les a jugés entièrement responsables des conséquences dommageables de l'homicide involontaire commis sur la personne de [I] [C] et du délit connexe d'omission de porter secours commis à l'égard de ce dernier et les a condamnées à payer à Mme [K], veuve [C], notamment, une certaine somme en réparation de son préjudice moral.

3. Mme [C] a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [C] fait grief à l'arrêt de lui allouer une somme de 102 642,90 euros au titre de son préjudice économique, alors « que l'indemnisation de la victime d'un préjudice doit être intégrale, sans lui procurer ni perte ni profit ; que s'agissant de l'indemnisation du préjudice économique, la pension de réversion versée du chef d'un premier conjoint, suspendue pendant le temps du mariage avec la victime directe et à nouveau versée après le décès de cette dernière, ne doit pas être prise en compte pour le calcul du préjudice économique de son conjoint survivant ; qu'en l'espèce, en déduisant du revenu du foyer après le décès de [I] [C], la pension de réversion versée du chef du premier conjoint de Mme [C], qui avait été suspendue pendant le temps du mariage avec [I] [C] et lui a été à nouveau versée après le décès de [I] [C], cependant que ce revenu n'est pas une conséquence nécessaire du fait dommageable et qu'il ne peut donc pas diminuer le montant du préjudice économique du conjoint survivant, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale et le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

5. Il résulte du premier texte et du principe susvisés qu'en cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant pour élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe, en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et des revenus que continue à percevoir le conjoint, le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant. Pour déterminer le montant de ces derniers, seuls doivent être pris en considération les revenus perçus par le conjoint survivant antérieurement au décès et maintenus après celui-ci, ainsi que tout nouveau revenu qui est la conséquence directe et nécessaire du décès.

6. Il résulte du second des textes susvisés que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.

7. Il découle de l'ensemble de ces dispositions que la circonstance qu'après le décès du dernier conjoint ou concubin, le survivant perçoive, du chef d'un précédent conjoint ou concubin, une pension de réversion, dont le versement, suspendu à la suite du remariage, a repris après le décès, n'est pas de nature à diminuer le montant de la réparation du préjudice économique subi.

8. Pour allouer à Mme [C] la somme qu'il retient au titre de son préjudice économique, l'arrêt constate que le solde du revenu annuel du foyer, pour l'année 2006, doit être ramené à une certaine somme, compte tenu de la part d'autoconsommation de [I] [C], qu'il fixe à 40 %.

9. L'arrêt ajoute que, sur ce montant, il convient de déduire les revenus existant avant le décès et subsistant après celui-ci, de même que les revenus consécutifs au décès, à savoir la pension de réversion versée du chef de [I] [C] et la pension de réversion versée du chef du premier conjoint de Mme [C], qui avait été suspendue pendant le temps du mariage, et lui a été à nouveau versée, après le décès de [I] [C].

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la pension de réversion versée du chef du premier conjoint, suspendue pendant le temps du mariage de M. et Mme [C], ne constituait pas un revenu de leur foyer et qu'elle n'était pas la conséquence directe et nécessaire du décès de M. [C], la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a infirmé la décision déférée sur le préjudice économique de Mme [C], statué à nouveau du chef infirmé et, y ajoutant, alloué à celle-ci une somme de 102 642,90 euros au titre de son préjudice économique, l'arrêt rendu le 15 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée.

- Président : M. Pireyre - Rapporteur : M. Ittah - Avocat général : M. Grignon Dumoulin - Avocat(s) : SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ; SCP Delvolvé et Trichet -

Textes visés :

Articles 706-3 et 706-9 du code de procédure pénale.

Rapprochement(s) :

2e Civ., 12 février 2009, pourvoi n° 08-12.706, Bull. 2009, II, n° 41 (rejet).

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