Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

FILIATION

1re Civ., 29 septembre 2021, n° 19-23.976, n° 19-23.978, (B)

Cassation

Dispositions générales – Modes d'établissement – Possession d'état – Constatation – Acte de notoriété – Motivation – Pouvoir discrétionnaire

Il résulte de l'article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, que la délivrance de l'acte de notoriété constatant une filiation établie par la possession d'état, qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge, n'a pas à être spécialement motivé.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 19-23.976 et n° 19-23.978 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Montpellier, 7 décembre 2017 et 8 novembre 2018), Mme [K] est née le [Date naissance 1] 1968 de [T] [K] sans filiation paternelle déclarée. Un acte de notoriété du 7 mai 2009, dressé par le juge des tutelles, a reconnu qu'elle bénéficiait de la possession d'état d'enfant à l'égard de [G] [Q], décédé le [Date décès 1] 2009.

3. Le 4 janvier 2012, Mme [K] a assigné l'épouse du défunt, [V] [Q], depuis décédée, et leurs enfants, [I], également depuis décédé et au droit duquel vient sa fille [X], ainsi que [E] et [H], afin d'obtenir sa part dans la succession de ce dernier.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi n° 19-23.976, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 7 décembre 2017 d'annuler l'acte de notoriété établi le 7 mai 2009 par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Lamentin, alors :

« 2°/ qu'aucune disposition n'impose que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété ; qu'en jugeant expressément le contraire, indiquant à tort que « ces articles (317 et 71 du code civil) imposent que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété afin de constater que la possession d'état présente toutes les qualités requises pour produire ses effets légaux », la cour d'appel, qui a ajouté des conditions de régularité formelle de l'acte de notoriété non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce ;

3°/ qu'aucune disposition n'impose que l'acte de notoriété mentionne la teneur exacte de la déclarations des trois témoins sur la foi desquelles il est établi ; qu'en se fondant sur la circonstance que l'acte de notoriété ne mentionnait pas la teneur des déclarations des témoins pour l'annuler, la cour d'appel, qui a ajouté des conditions non prévues par les textes, a violé les articles 71, 311-1 et 317 du code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

5. Mme [E] [Q] et M. [H] [Q] contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent qu'il est dirigé contre le dispositif et les motifs d'une décision qui ne correspond pas au pourvoi.

6. Cependant, l'irrégularité dénoncée résulte d'une erreur purement matérielle, depuis dûment rectifiée.

7. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 :

8. Selon ce texte, l'acte de notoriété constatant une filiation établie par la possession d'état, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est délivré par le juge, sur la foi des déclarations d'au moins trois témoins et, si ce dernier l'estime nécessaire, de tout autre document produit qui attestent une réunion suffisante de faits au sens de l'article 311-1 du code civil. Il n'est pas sujet à recours.

9. Il en résulte que cet acte, dont la délivrance relève du pouvoir discrétionnaire du juge, n'a pas à être spécialement motivé.

10. Pour déclarer nul l'acte de notoriété délivré le 7 mai 2009, l'arrêt retient que le juge s'est contenté de reprendre exactement les termes de l'article 311-1 du code civil sans mentionner la teneur de la déclaration des trois témoins, et donc sans faire état de faits concrets et précis révélant le lien de filiation entre Mme [K] et [G] [Q] contrairement aux dispositions des articles 317 et 71 du code civil.

11. En statuant ainsi, alors qu'aucune disposition n'impose que les faits constitutifs de la possession d'état soient relevés dans l'acte de notoriété ou qu'il mentionne la teneur des témoignages, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées.

Et sur le premier moyen du pourvoi n° 19-23.978

Enoncé du moyen

12. Mme [K] fait grief à l'arrêt du 8 novembre 2018 de dire que Mme [K] ne rapportait pas la preuve de la possession d'état d'enfant naturel à l'égard de [G] [Q] et de dire que son action en recherche de paternité était irrecevable, comme forclose, alors « que la cassation de l'arrêt mixte du 7 décembre 2017 à intervenir sur le pourvoi n° 19-23.978, entraînera la cassation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué, en application de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile :

13. Il résulte de ce texte que, sur les points qu'elle atteint, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

14. La cassation de l'arrêt du 7 décembre 2017 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt du 8 novembre 2018 qui en est la suite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 7 décembre 2017 et 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.

- Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Azar - Avocat(s) : SCP Melka-Prigent-Drusch ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 317 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.

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