Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

ELECTIONS PROFESSIONNELLES

Soc., 22 septembre 2021, n° 20-16.859, (B)

Rejet

Comité social et économique – Membres – Membre suppléant – Remplacement du titulaire – Cas – Remplacement du salarié dont l'élection est annulée – Modalités – Détermination – Portée

Les dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail, autorisant le remplacement par un suppléant du titulaire d'un mandat momentanément empêché de l'exercer ou du titulaire d'un mandat qui vient à cesser ses fonctions pour l'un des événements limitativement énumérés à l'article L. 2314-33, alinéa 3, du même code ne s'appliquent pas à un salarié élu qui est privé de son mandat par l'annulation de son élection en application de l'article L. 2314-32 du code du travail sanctionnant le non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes imposées par l'article L. 2314-30 du même code.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Défaut – Annulation de l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté – Effets – Cessation du mandat des salariés dont l'élection est annulée – Remplacement du salarié privé de son mandat – Modalités – Détermination – Portée

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 16 juin 2020), lors du premier tour de scrutin organisé le 13 novembre 2019 en vue de la mise en place du comité social et économique de l'établissement de[Localité 1] de la société Moy Park France (la société), M. [D] a été élu membre titulaire pour le 2e collège « agents de maîtrise » sur la liste syndicale CFE-CGC comportant deux candidats hommes.

2. Par requête enregistrée au greffe le 15 novembre 2019, Mme [S] a saisi le tribunal d'instance aux fins d'annuler cette liste pour non-respect de la représentation équilibrée des femmes et des hommes et d'attribuer le statut d'élu titulaire dans le collège concerné à M. [X], candidat présenté sur la liste du syndicat CGT, ce dernier s'associant à la demande le 12 décembre 2019.

3. La société a demandé à titre principal le rejet de cette demande et, très subsidiairement, que, en cas d'annulation, soit désignée comme titulaire l'élue suppléante de la liste présentée par le syndicat CFE-CGC pour ce même collège.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief au jugement de dire n'y avoir lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire laissé vacant par suite de l'annulation de l'élection de M. [D] en qualité de membre titulaire du deuxième collège au sein du comité social et économique de l'établissement de [Localité 1] de la société, alors « que l'article L. 2314-37 du code du travail, qui organise le remplacement, par un délégué suppléant, du délégué titulaire qui cesse ses fonctions, et vise à éviter une vacance de siège, s'applique en cas d'annulation de l'élection d'un délégué titulaire du comité social et économique en application des deux derniers alinéas de l'article L. 2314-32 du code du travail ; qu'en conséquence, le délégué titulaire, dont l'élection est annulée en raison de la méconnaissance des règles relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes, est remplacé prioritairement par un délégué suppléant de la même catégorie, élu sur une liste présentée par la même organisation syndicale ; qu'en affirmant cependant que les dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail ne s'appliquent pas en cas d'annulation de l'élection d'un élu titulaire, le tribunal a violé les articles L. 2314-32 et L. 2314-37 du code du travail, ensemble le principe de participation des travailleurs garanti par l'alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946 et le principe de la liberté syndicale protégé par l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution de 1946. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article L. 2314-32, alinéa 3, du code du travail, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter.

Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats.

Aux termes du dernier alinéa de cet article, le cas échéant, il est fait application des dispositions de l'article L. 2314-10 du code du travail.

6. Aux termes de l'article L. 2314-10, alinéa 1er, du même code, des élections partielles sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n'est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du comité social et économique.

7. Ces dispositions sont d'ordre public absolu.

8. Les dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail, autorisant le remplacement par un suppléant du titulaire d'un mandat momentanément empêché de l'exercer ou du titulaire d'un mandat qui vient à cesser ses fonctions pour l'un des événements limitativement énumérés à l'article L. 2314-33, alinéa 3, du même code ne s'appliquent pas à un salarié élu qui est privé de son mandat par l'annulation de son élection en application de l'article L. 2314-32 du code du travail sanctionnant le non-respect des règles de représentation équilibrée des femmes et des hommes imposées par l'article L. 2314-30 du même code.

9. Après avoir constaté l'irrégularité, au regard de la composition du 2e collège, de la liste de candidats présentée par le syndicat CFE-CGC et annulé en conséquence l'élection d'un élu surnuméraire du sexe surreprésenté, le tribunal, qui a retenu que l'annulation de l'élection ne figure pas au nombre des causes de cessation des fonctions prévues par l'article L. 2314-33 et qu'aucun renvoi n'est envisagé par le législateur aux dispositions de l'article L. 2314-37 relatives au remplacement d'un délégué titulaire qui cesse ses fonctions, a, à bon droit, écarté l'application des dispositions de l'article L. 2314-37 du code du travail et dit qu'il n'y avait pas lieu à désigner un remplaçant pour occuper le siège de membre titulaire ainsi laissé vacant.

10. Le moyen n'est dès lors pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Ott - Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer ; SCP Lyon-Caen et Thiriez -

Textes visés :

Articles L. 2314-32 et L. 2314-37 du code du travail.

Soc., 29 septembre 2021, n° 20-60.246, (B)

Cassation partielle sans renvoi

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Modalités – Calcul – Moment – Détermination – Portée

En vertu de l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.

L'article L. 2314-13 du code du travail précise en ses deux premiers alinéas que la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral. L'article L. 2314-31 énonce que, dès qu'un accord ou une décision de l'autorité administrative ou de l'employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l'employeur porte à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information, la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

Il résulte de ces textes que la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l'employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l'établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales.

C'est dès lors à bon droit qu'un tribunal a jugé que la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) procédant à la répartition des salariés dans les collèges électoraux n'avait pas à préciser la répartition des hommes et des femmes dans chaque collège.

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Protocole d'accord préélectoral – Contenu – Fixation de la proportion d'hommes et de femmes composant chaque collège électoral – Modalités – Calcul – Moment – Détermination – Portée

Comité social et économique – Opérations électorales – Modalités d'organisation et de déroulement – Listes de candidatures – Alternance des candidats – Représentation équilibrée des femmes et des hommes – Modalités – Détermination – Pouvoir du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (non)

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand, 29 mai 2020), les sociétés coopérative agricole Limagrain, Selia et Tardif Limagrain ont constitué l'unité économique et sociale Limagrain Coop (l'UES) par accord du 19 décembre 2018.

2. Le 18 septembre 2019, l'UES a saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (direccte) pour que soit procédé à la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux pour l'élection au comité social et économique (CSE).

3. Le 15 novembre 2019, le direccte a procédé à la répartition des effectifs et des sièges entre les collèges électoraux.

4. Le 29 novembre 2019, le syndicat CGT agro-production Limagrain (le syndicat) a saisi le tribunal judiciaire d'une demande d'annulation de la décision administrative.

Examen des moyens

Sur le premier moyen pris en ses quatre premières branches, ainsi que le deuxième moyen, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

6. Le syndicat fait grief au jugement de rejeter sa demande d'annulation de la décision du direccte, alors « que lorsque la direccte est saisie d'une demande de répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel en application des articles L. 2314-13 et R. 2314-3 du code du travail, il lui appartient également de fixer la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral par catégorie en application des articles L. 2314-13 et L. 2314-31 du code du travail ; qu'en ayant omis cette répartition par sexe, la décision administrative aurait été nécessairement incomplète et le tribunal ne pouvait déclarer la décision « régulière » et rejeter le recours du syndicat CGT agro-production Limagrain. »

Réponse de la Cour

7. En vertu de l'article L. 2314-30 du code du travail, pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale.

Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes.

8. L'article L. 2314-13 du code du travail précise en ses deux premiers alinéas que la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

L'article L. 2314-31 énonce que, dès qu'un accord ou une décision de l'autorité administrative ou de l'employeur sur la répartition du personnel est intervenu, l'employeur porte à la connaissance des salariés, par tout moyen permettant de donner une date certaine à cette information, la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral.

9. Il résulte de ces textes que la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral doit figurer dans le protocole préélectoral en fonction des effectifs connus lors de la négociation du protocole. A défaut, elle est fixée par l'employeur en fonction de la composition du corps électoral existant au moment de l'établissement de la liste électorale, sous le contrôle des organisations syndicales.

10. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a jugé que la décision du direccte procédant à la répartition des salariés dans les collèges électoraux n'avait pas à préciser la répartition des hommes et des femmes dans chaque collège.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

12. Le syndicat fait grief au jugement de le condamner à verser une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la cassation sur le fondement du troisième moyen emporte par voie de conséquence la cassation de ce chef de dispositif. »

Réponse de la Cour

13. Le chef de dispositif critiqué par le quatrième moyen ne se trouvant pas en lien de dépendance nécessaire avec le chef de dispositif critiqué par le troisième moyen, une cassation sur le troisième moyen n'entraînerait pas la cassation du chef de dispositif condamnant le syndicat à payer aux sociétés une certaine somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

14. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Le syndicat fait grief au jugement de le condamner à verser aux sociétés composant l'UES une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, alors « que le tribunal a motivé sa décision par l'« absence d'élément précis » fourni par le syndicat CGT agro-production Limagrain, lequel a pourtant, selon le pourvoi, développé un argumentaire précis sur les irrégularités relevées à l'encontre de la décision administrative (absence de contrôle des qualifications réelles, absence de contrôle du temps de travail effectif, absence de répartition des sièges par sexe notamment), l'ensemble étant fondé sur des jurisprudences de la cour de cassation ; que le tribunal n'aurait pu retenir, aux dires du pourvoi, une absence d'éléments précis alors que son rôle est d'examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision de la direccte (Cour de cassation, civile, chambre sociale, 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655) ; que le sa condamnation par le fait que le syndicat CGT agro-production Limagrain n'aurait présenté aucun chiffrage remettant en cause celui de l'employeur confirmé par la Direccte ; que le tribunal doit examiner l'ensemble des contestations, qu'elles portent sur la légalité externe ou sur la légalité interne de la décision de la Direccte (cour de cassation, civile, chambre sociale, 19 décembre 2018, pourvoi n° 18-23.655) et qu'aucune obligation ne pèse sur le syndicat de rapporter des éléments de chiffrage au soutient de sa critique de la décision administrative s'il s'avère que celle-ci est irrégulière en la forme ou sur le fond ; que le syndicat CGT agro-production Limagrain ne pouvait être condamné pour procédure abusive alors que sa critique était fondée en son principe. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil :

16. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.

17. Pour condamner le syndicat à payer une certaine somme aux sociétés composant l'UES à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, le tribunal judiciaire a retenu que ce nouveau recours en justice introduit par le syndicat n'était fondé sur aucun élément précis puisqu'il ne proposait au soutien de sa contestation, aucun chiffrage différent de celui retenu par la direccte et qu'il constituait un abus de procédure de nature à ralentir le processus de mise en place du CSE.

18. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le syndicat CGT agro-production Limagrain à payer à la société coopérative agricole Limagrain, à la société Selia et à la société Tardif Limagrain la somme de 700 euros chacune à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, le jugement rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.

- Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : M. Joly - Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol -

Textes visés :

Articles L. 2314-6, L. 2314-13, L. 2314-29, L. 2314-30 et L. 2314-31 du code du travail.

Rapprochement(s) :

Dans le même sens que : Soc., 12 mai 2021, pourvoi n° 20-60.118, Bull. 2021, (rejet).

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