Numéro 9 - Septembre 2021

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Bulletin des arrêts des chambres civiles

Numéro 9 - Septembre 2021

CONVENTIONS INTERNATIONALES

1re Civ., 15 septembre 2021, n° 20-19.640, (B)

Cassation

Accords et conventions divers – Convention franco-tunisienne du 28 juin 1972 – Reconnaissance ou exequatur – Exclusion – Cas – Article 15 – Décision du juge français intervenu avant la décision du juge tunisien excluant sa compétence

Viole l'article 15 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie et l'article 1110 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019, la cour d'appel qui retient qu'un jugement de divorce prononcé en Tunisie doit être reconnu en France alors que cette décision est contraire à celle rendue précédemment par le juge conciliateur français qui a, par une décision passée en force de chose jugée, rejeté l'exception de litispendance au motif de l'incompétence indirecte du juge tunisien.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-22.158, Bull. 2017, I, n° 174) Mme [I] et M. [G], tous deux de nationalités française et tunisienne, se sont mariés en Tunisie le 4 août 1988.

2. Le 14 décembre 2010, M. [G] a saisi les juridictions tunisiennes d'une demande de divorce, lequel a été prononcé par un arrêt du 19 novembre 2012 devenu irrévocable.

3. Le 11 avril 2011, Mme [I] a saisi les juridictions françaises d'une requête en divorce.

Par une ordonnance de non-conciliation du 20 juin 2011, le juge aux affaires familiales a rejeté l'exception de litispendance soulevée par M. [G], qui n'en n'a pas relevé appel. Devant la cour d'appel statuant au fond, M. [G] a opposé à la demande en divorce de Mme [I] l'autorité de chose jugée attachée au jugement de divorce tunisien.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 15 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie et l'article 1110 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019 :

6. Selon le premier de ces textes, en matière civile ou commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l'autre Etat à la condition, notamment, que la décision ne soit pas contraire à une décision judiciaire rendue dans l'État requis et y ayant l'autorité de la chose jugée.

7. Il résulte du second qu'en matière de divorce, l'exception de litispendance ne peut être invoquée que devant le juge aux affaires familiales avant toute tentative de conciliation.

La décision rendue de ce chef est revêtue de l'autorité de chose jugée et l'appel est immédiatement recevable, même si l'ordonnance rendue ne met pas fin à l'instance.

8. Pour décider que le jugement de divorce prononcé en Tunisie n'était pas contraire à l'ordonnance de non-conciliation, passée en force de chose jugée faute d'avoir été frappée d'appel, qui avait auparavant rejeté l'exception de litispendance au motif de l'incompétence indirecte du juge tunisien conduisant à l'irrégularité du jugement à intervenir, l'arrêt retient que le juge aux affaires familiales n'a statué quant à la compétence et à la loi applicable que pour la conciliation prévue aux articles 252 à 257 du code civil, sans préjuger de la compétence du juge qui serait saisi au fond de l'instance en divorce.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

- Président : Mme Auroy (conseiller doyen faisant fonction de président) - Rapporteur : Mme Guihal - Avocat général : M. Sassoust - Avocat(s) : SCP Spinosi ; SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés -

Textes visés :

Article 15 de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l'exécution des décisions judiciaires du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie ; article 1110 du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1380 du 17 décembre 2019.

Rapprochement(s) :

1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-22.158, Bull. 2017, I, n° 174 (cassation), et les arrêts cités.

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